Tribunal de grande instance de Paris, 2 juillet 2015, 2014/04472

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2014/04472
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Classification pour les marques : CL32
  • Numéros d'enregistrement : 677879
  • Parties : ARAB BEVERAGES EST (ABE, Émirats Arabes Unis) / CAPRI SUN AG (Suisse)

Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2021-10-13
Cour d'appel de Paris
2017-11-24
Cour d'appel de Paris
2017-11-24
Tribunal de grande instance de Paris
2015-07-02
Tribunal de grande instance de Paris
2015-07-02

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 2 juillet 2015 3ème chambre 1ère section N° RG • 14/04472 DEMANDERESSE Société ARAB BEVERAGES EST - ABE Plot No. TP 010409-Techno Park-Jabel Ali P.O. Box 29665, DUBAI EMIRATS ARABES UNIS représentée par Maître Guillaume MARCHAIS de la SDE MARCHAIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0280 DÉFENDERESSE Société CAPRI SUN AG Neugasse 22, 6300 ZUG 57340 SUISSE représentée par Me Helga PERNEZ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D0355 COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Christine C, Vice-Présidente Camille L, Vice-Présidente Julien RICHAUD, Juge assistés de Léoncia BELLON, Greffier, DÉBATS A l'audience du 01 Juin 2015 tenue publiquement devant Camille L et Julien RICHAUD, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoirement en premier ressort EXPOSE DU LITIGE La société de droit émirien ARAB BEVERAGES EST se présente comme une société spécialisée dans la fabrication de boissons à base de jus de fruits commercialisant ses produits sous diverses marques telles COOL SUN et SUN BLAST et les exportant sur le territoire français, certains de ses distributeurs se situant à la REUNION, à CAYENNE, en MARTINIQUE et en GUADELOUPE. La société de droit suisse CAPRI SUN AG se présente comme une société exerçant son activité dans le domaine des boissons sans alcool telles les jus de fruits et les boissons de fruits. En vertu d'un contrat de cession du 3 novembre 2003 conclu avec la société de droit allemand DEUTSCHE SISI-WERKE qui a conservé la propriété de la marque allemande de base n° 39508178 du 5 septembre 1996, la société de droit suisse CAPRI SUN AG est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur la marque internationale tridimensionnelle n° 677 879 visant la FRANCE enregistrée le 26 juin 1997 en classe 32 pour désigner des boissons sans alcool, boissons de fruits, jus de fruits et nectars de fruits. La société de droit suisse CAPRI SUN AG précise que la boisson CAPRI SUN contenue dans cet emballage est commercialisée en FRANCE depuis 1999 et est distribuée depuis 2007 par la société COCA COLA ENTREPRISE. Dénonçant la commercialisation sous les marques COOL SUN ou SUN BLAST par des distributeurs installés dans les collectivités et départements d'outre-mer de jus de fruits et boissons de fruits fabriqués par la société de droit émirien ARAB BEVERAGES EST dans des emballages reprenant les caractéristiques de sa marque internationale tridimensionnelle n° 677 879 , la société de droit suisse CAPRI SUN AG a fait procéder à des saisies-contrefaçon et assigné en contrefaçon: la société PREMIUM DISTRIBUTION, dont le siège est en GUYANE, par exploit d'huissier du 18 novembre 2013 devant le tribunal de grande instance de FORT-DE-FRANCE, la société HELIOS WEST INDIES, dont le siège est à SAINT-MARTIN, par exploit d'huissier du 25 novembre 2013 devant le tribunal de grande instance de FORT-DE- FRANCE, la société CASH NOUVEAUTÉ, dont le siège est à la REUNION, par exploit d'huissier du 27 décembre 2013 devant le tribunal de grande instance de PARIS, la société DISTRI FOOD, dont le siège est à la REUNION, et Monsieur N G ABASSE ABDOUL par exploit d'huissier du 29 janvier 2014 devant le tribunal de grande instance de PARIS. C'est dans ces circonstances que la société de droit émirien ARAB BEVERAGES EST a, par exploit d'huissier du 21 mars 2014, assigné la société de droit suisse CAPRI SUN AG devant le tribunal de grande instance de PARIS en nullité de la partie française de la marque internationale tridimensionnelle n° 677 879 à titre principal et en déchéance de cette marque à titre subsidiaire. Par ordonnances des 26 juin et 9 octobre 2014, le juge de la mise en état a sursis à statuer dans les instances 14/01457 et 14/00216 pendantes à l'encontre de la société DISTRI FOOD et Monsieur N G ABASSE ABDOUL d'une part et de la société CASH NOUVEAUTE d'autre part devant le tribunal de grande instance de PARIS. Dans ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 27 mars 2015 auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de ses moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société de droit émirien ARAB BEVERAGES EST demande au tribunal, sous le bénéfice de l'exécution provisoire et au visa des dispositions des articles L.711-1, L.711-2, L.713-2, L.713-3, L.714-5, L. 714-6, L.716-1, R.712-23, R.717-4 et R.717-5 du code de la propriété intellectuelle, 699 et 700 du code de procédure civile, de la directive 2008/95/CEE du 22 octobre 2008, du décret n°95-385 du 10 avril 1995 et du décret n°2004-199 du 25 février 2004, de : DECLARER la société ARAB BEVERAGES ESTABLISHMENT recevable en ses demandes ; DECLARER la société CAPRI SUN AG mal fondée en sa demande reconventionnelle en contrefaçon ; DECLARER la société CAPRI SUN AG irrecevable et mal fondée en sa demande additionnelle en violation d'obligations contractuelles ; CONSTATER l'absence d'exploitation sérieuse de la partie française de la marque internationale n° 677 879 enregistrée le 26 juin 1997 pour l'intégralité des produits visés ; CONSTATER la dégénérescence de la partie française de la marque internationale n° 677 879 enregistrée le 26 juin 1997 pour l'intégralité des produits visés

; en conséquence

de quoi, PRONONCER la nullité de l'enregistrement de la partie française de la marque internationale n° 677 879 enregistrée le 26 juin 1997 pour l'intégralité des produits visés ; subsidiairement : PRONONCER la déchéance des droits de la société CAPRI SUN sur la partie française de la marque internationale enregistrée sous le n° 677 879 pour l'intégralité des classes désignées et ce, à compter du 11 janvier 2003 ou à tout le moins à la date de l'introduction de la présente instance ; en cas de besoin, PRONONCER la déchéance des droits de la société CAPRI SUN sur la partie française de la marque internationale enregistrée sous le n° 677 879 pour l'intégralité des classes désignées à compter de son enregistrement ou à tout le moins à la date de l'introduction de la présente instance ; REQUÉRIR le greffier afin d'inscrire le jugement à intervenir au Registre International des marques de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle, à défaut autoriser la société ARAB BEVERAGES ESTABLISHMENT à procéder ou à faire procéder à cette inscription ; DEBOUTER la société CAPRI SUN AG de l'intégralité de ses demandes * CONDAMNER et ORDONNER la société CAPRI SUN AG à payer à la société ARAB BEVERAGES ESTABLISHMENT la somme de 40.000 euros à titre d'indemnité des frais irrépétibles par application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés par la SELARL MARCHAIS Associés dans les conditions de l'article 699 du même code. En réplique, dans ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 18 mai 2015 auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de ses moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société de droit suisse CAPRI SUN AG demande au tribunal, sous le bénéfice de l'exécution provisoire et au visa des dispositions du livre VII du code de la propriété intellectuelle, de l'article 70 du code de procédure civile ainsi que des articles 241 et suivants du code civil allemand de : DIRE ET JUGER que le contrat de licence du 21 février 1983 ayant existé entre la société CAPRI SUN AG et la société ARAB BEVERAGES EST interdit à cette société de solliciter la nullité et/ou la déchéance pour non usage de la marque internationale tridimensionnelle 677 879, DEBOUTER la société ARAB BEVERAGES EST de toutes ses demandes, fins et conclusions * DIRE ET JUGER qu'en utilisant l'emballage litigieux pour des boissons sans alcool, la société ARAB BEVERAGES EST a commis des actes de contrefaçon par reproduction, à tout le moins par imitation de la marque internationale tridimensionnelle 677 879 au sens des dispositions des articles L. 716-1, L. 713-2 et L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle * d'INTERDIRE à la société ARAB BEVERAGES EST de reproduire, imiter, utiliser, apposer ou modifier la marque tridimensionnelle 677 879, dont la société CAPRI SUN AG est propriétaire, en violation de ses droits pour des produits identiques ou similaires protégés par la marque internationale tridimensionnelle 677 879, ainsi que d'importer sous tout régime douanier, de réexporter, de détenir sans motif légitime, d'offrir à la vente ou de vendre des marchandises portant atteinte aux droits de marque précités, et ce sous astreinte de 1.500 euros par infraction constatée dès la signification du jugement à intervenir ; DIRE ET JUGER que les astreintes prononcées seront liquidées, s'il y a lieu, par le tribunal ayant statué sur la présente demande ; CONDAMNER la société ARAB BEVERAGES EST à payer à la CAPRI SUN AG une indemnité de 50.000 euros, en réparation de son préjudice moral; ORDONNER la confiscation de tout produit contrefaisant ainsi que tous tarifs, prospectus etc. montrant ces produits pour être remis à la demanderesse aux fins de destruction sous le contrôle de tel huissier qu'il plaira au Tribunal de désigner et ce aux frais de la société défenderesse ; ORDONNER la publication du jugement à intervenir dans cinq journaux ou revues au choix de la société CAPRI SUN AG et aux frais avancés par la société ARAB BEVERAGES EST sans que le coût de chaque insertion ne puisse dépasser 10.000 euros H.T.; CONDAMNER la société ARAB BEVERAGES EST à payer à la société CAPRI SUN AG une somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNER la société ARAB BEVERAGES EST aux entiers dépens que Maître Helga PERNEZ pourra recouvrer conformément à l'article 699 du code de procédure civile. L'ordonnance de clôture était rendue le 26 mai 2015. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le présent jugement, rendu en premier ressort, sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile. MOTIFS DU JUGEMENT 1°) Sur la recevabilité de l'action Au soutien de sa fin de non-recevoir, la société de droit suisse CAPRI SUN AG expose que la société de droit suisse Rudolf Wild GmbH a conclu le 21 février 1983 un contrat de licence soumis au droit allemand avec la société Al Accad G.C.Trading Ltd. pour la boisson CAPRI SONNE dans son emballage caractéristique et qu'aux termes de ce contrat, par la suite transmis à la société CAPRI SUN AG d'une part et la société de droit émirien ARAB BEVERAGES EST (ABE) d'autre part, le licencié obtenait l'exclusivité de produire et de commercialiser la boisson CAPRI SONNE à partir de machines et produits de base livrés par le donneur de licence en ce qui concerne le territoire de l'Arabie Saoudite, du Yémen, de l'Oman, des Emirats Arabes Réunis, du Bahreïn, du Qatar et du Koweït. Elle ajoute qu'en application de l'article 7.2 du contrat, « WILD est le titulaire unique et exclusif de la marque CAPRI SONNE, ainsi que d'autres marques, [... que] le Licencié déclare expressément ne jamais agir à l'encontre de la marque précitée, même après la terminaison de ce contrat [et qu'] en particulier il ne déposera ni n'introduira à aucun moment des noms ou signes pouvant être confondus avec les marques et signes enregistrés par WILD ». Elle en déduit que, les engagements de la demanderesse concernant les marques et autres signes des sociétés du groupe WILD, et notamment de la société CAPRI SUN AG, ne se limitant ni aux territoires indiqués pour le droit d'exploitation ni à la marque CAPRI SONNE, la société ABE est empêchée à en solliciter la nullité ou la déchéance, la cessation des autres relations contractuelles entre les parties avec effet au 17 février 2009 étant expressément indifférente. En réplique, la société de droit émirien ARAB BEVERAGES EST expose que le contrat de licence invoqué ne lui est pas opposable et que la société CAPRI SUN n'a pas qualité pour s'en prévaloir puisqu'il a été conclu entre les sociétés Rudolph W GmbH et la société G.C. Trading Ltd prise en la personne de M. A, car l'avenant du 30 mars 1988 dont se prévaut la société CAPRI SUN a profité aux sociétés Rudolf W GmbH & Co. International KG et Arab Beverages Corporation et car rien ne démontre l'existence d'un transfert des droits et obligations de la société Rudolf Wild GmbH & Co. International KG au profit de la société Capri Sun AG. Elle ajoute que le contrat de licence porte exclusivement sur la marque verbale CAPRI-SONNE et non sur la marque internationale tridimensionnelle n°677 879 qui n'est pas visée et que, à supposer celle-ci concernée, aucun « engagement futur » au sens de l'article 7.2 alinéa 2 du contrat n'est prouvé. Elle précise enfin que les territoires concernés par l'accord sont limités à l'Arabie Saoudite, le Yémen, Oman, les Émirats Arabes Unis, Bahreïn, le Qatar et le Koweït. Conformément à l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non- recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. Et, en application des articles 31 et 32 du même code, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé, toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir étant irrecevable. La société de droit suisse CAPRI SUN AG produit aux débats en pièce 21 un contrat rédigé en anglais ainsi que sa traduction par un expert inscrit auprès de la cour d'appel de PAU. Celui-ci, intitulé « exclusive appointment » et figurant en en-tête 3 emballages décorées sous l'inscription « Capri-Sonne », a été conclu le 21 février 1983 entre les sociétés Rudolph W GmbH et la société G.C. Trading Ltd prise en la personne de M. A qui sont toutes deux des tiers au litige. La pièce 26 est un avenant conclu le 30 mars 1988 entre ces cocontractants et les sociétés Rudolf W GmbH & Co. International KG et Arab Beverages Corporation au profit desquelles sont transférés les droits et obligations respectifs des premiers concernant « la nomination exclusive Capri-Sonne » : à supposer que le transfert ultérieur des droits et obligations de la société Rudolf Wild GmbH & Co. International KG à la société de droit suisse CAPRI SUN AG évoqué par le courrier du 9 octobre 2002 fût effectif, aucune pièce ne démontre l'identité de personnalité morale ou un transfert quelconque de patrimoine entre la société Arab Beverages Corporation et la société de droit émirien ARAB BEVERAGES EST, le document non daté et non signé portant résiliation au 17 février 2009 de la convention du 21 février 1983 adressé à cette dernière n'ayant aucune pertinence probatoire. Par ailleurs, la seule marque désignée dans le contrat du 21 février 1983 est la marque verbale « Capri-Sonne » ainsi que le stipule expressément l'article 1 « concept » qui distingue d'ailleurs clairement la marque des « poches caractéristiques » pour lesquelles n'est mentionné aucun droit privatif. La marque tridimensionnelle litigieuse n'est jamais visée. Dès lors, tiers aux engagements contractuels qui lui sont opposés par la société de droit suisse CAPRI SUN AG et qui portent sur une marque étrangère au débat, la société de droit émirien ARAB BEVERAGES EST n'est pas obligée par ces derniers en application de l'article 1165 du code civil et son droit d'agir n'est affecté par aucune renonciation. Ses demandes sont en conséquence recevables. 2°) Sur la nullité de la partie française de l'enregistrement de la marque internationale tridimensionnelle n° 677 879 Au soutien de ses prétentions, la société de droit émirien ARAB BEVERAGES EST expose que la marque internationale n° 677 879 ne remplit pas les conditions posées par le code de la propriété intellectuelle pour pouvoir constituer une marque valable en raison de son défaut de représentation claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et objective au regard de la mauvaise qualité du dépôt, de son défaut de distinctivité, de ce qu'elle désigne usuellement dans le secteur concerné les produits couverts et de ce qu'elle est constituée exclusivement par la forme imposée par la fonction du produit pour les produits qu'elle désigne. Elle ajoute que, dans la mesure où les consommateurs n'ont pas pour habitude de présumer l'origine des produits en se fondant sur la forme de leur emballage, il existe en réalité dans le cas de marques tridimensionnelles un renversement de la charge de la preuve pesant désormais sur le titulaire de la marque à qui il appartient de prouver que les consommateurs avaient pour habitude, en juin 1997, de présumer l'origine des produits en se fondant sur la forme de leur emballage. En réplique, la société de droit suisse CAPRI SUN AG expose que le signe de la marque internationale tridimensionnelle 677 879 est de toute évidence constitué par une photographie en noir et blanc d'un conditionnement souple en position verticale, la surface irrégulière et les reflets suggérant que le conditionnement consiste en un matériau métallique fin avec des bords bien dessinés en haut et sur les côtés du conditionnement, mais irrégulièrement arrondis en bas. Elle en déduit que la marque litigieuse est claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et objective. Elle ajoute que la charge de la preuve du défaut de distinctivité incombe à la société ABE qui ne démontre pas que le conditionnement protégé par la marque internationale tridimensionnelle 677 879 serait communément utilisée dans le secteur des liquides alimentaires à la date du dépôt et qui n'explique pas en quoi sa forme est exclusivement due à l'obtention d'un résultat technique. En application de l'article 4 de l'Arrangement de Madrid du 14 avril 1891 concernant l'enregistrement international des marques, à partir de son enregistrement au Bureau international, la protection de la marque dans chacun des pays contractants intéressés sera la même que si cette marque y avait été directement déposée. Conformément à l'article L 714-3 du code de la propriété intellectuelle, est déclaré nul par décision de justice l'enregistrement d'une marque qui n'est pas conforme aux dispositions des articles L 711-1 et à L 711-4, la décision d'annulation ayant un effet absolu et étant, une fois devenue définitive, transmise à l'INPI pour inscription sur ses registres par le greffe ou l'une des parties en application de l'article R 714-3 du même code. En application de l'article L 711-1 du code de la propriété intellectuelle, la marque de fabrique, de commerce ou de service est un signe susceptible de représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une personne physique ou morale. Et, en vertu de l'article L 711-2 du code de la propriété intellectuelle, le caractère distinctif d'un signe de nature à constituer une marque s'apprécie à l'égard des produits ou services désignés. Ainsi que l'a précisé la cour de justice de l'union européenne alors cour de justice des communautés européennes dans un arrêt Von Colson et Kamann c. Land Nordhein- Westfalen du 10 avril 1984, le juge judiciaire, juge communautaire de droit commun, est tenu d'interpréter dans toute la mesure du possible les dispositions internes conformément au texte des directives communautaires transposées ou non pour atteindre le résultat qu'elles visent. En application du droit interne interprété à la lumière de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres, les signes susceptibles de représentation graphique ne peuvent constituer des marques qu'à condition qu'ils soient intrinsèquement aptes à identifier le produit pour lequel est demandé l'enregistrement comme provenant d'une entreprise déterminée et propres à distinguer les produits ou services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises ainsi que l'a précisé la CJUE alors CJCE dans un arrêt du 18 juin 2002 Koninklijke Philips Electronics NV c. Remington Consumer Products Ltd. Le public pertinent doit immédiatement et certainement percevoir le signe comme identifiant l'origine commerciale du produit. Aussi, pour remplir sa fonction essentielle d'identification, une marque doit être distinctive, caractère indépendant de l'originalité ou de la nouveauté qui suppose que les éléments entrant dans sa composition soient arbitraires par rapport aux produits ou services qu'elle désigne et soient d'emblée perçus par le consommateur comme pouvant identifier l'origine du produit en le rattachant à une entreprise spécifique. La société de droit allemand DEUTSCHE SISI-WERKE, aux droits de laquelle vient la société de droit suisse CAPRI SUN AG en vertu d'un contrat de cession du 3 novembre 2003, a déposé la marque internationale tridimensionnelle n° 677 879 visant la FRANCE enregistrée le 26 juin 1997 en classe 32 pour désigner des boissons sans alcool, boissons de fruits, jus de fruits et nectars de fruits. Le public pertinent est le particulier français d'attention moyenne acheteur de boissons non alcoolisées. Ces produits étant destinés au grand public et se différenciant essentiellement dans un secteur très concurrentiel, aujourd'hui comme au jour du dépôt, par leurs conditions de production ainsi que par leurs qualités gustatives et diététiques, le consommateur sera moins attentif à leur origine commerciale qu'aux informations sur leurs caractéristiques intrinsèques. La marque délivrée bénéficiant d'une présomption de validité, la charge de la preuve du défaut de distinctivité du signe ou de son inaptitude à être immédiatement perçu comme une marque par le public pertinent, qui doit être apprécié au jour du dépôt du 26 juin 1997, incombe à la société de droit émirien ARAB BEVERAGES EST, demanderesse à l'action en nullité. Aucune disposition légale ne prévoit que la nature du signe opère un renversement de la charge de la preuve et les jurisprudences citées par la demanderesse concernant les recours contre les décisions de la chambre de recours de l'OHMI, chargée d'effectuer d'office un contrôle a priori sur l'existence des conditions de validité de la marque, ne sont pas transposables à l'appréciation faite par le tribunal, saisi a posteriori d'une action en nullité de l'enregistrement d'une marque. Mais, pour bénéficier de cette présomption de validité, le signe déposé objet de la protection doit être identifiable pour le tribunal et le public pertinent, l'appréciation de cette condition préalable reposant sur l'examen du seul enregistrement de la marque indépendamment des autres pièces produites par les parties. A cet égard, la CJCE a précisé dans ses arrêts Dyson c. Registrar of Trade Marks du 25 janvier 2007 et S Mark c. Memex du 27 novembre 2003 que la représentation graphique qui peut être réalisée au moyen de figures, lignes ou caractères doit être claire, précise, complète par elle-même, facilement accessible, intelligible, durable et objective. Or, la marque tridimensionnelle n° 677 879 fait l'objet d'une représentation graphique en noir et blanc dont rien n'indique qu'il s'agisse d'une photographie et dont la mauvaise qualité n'autorise qu'une description sommaire, le tribunal ne pouvant se référer à aucun autre document que l'extrait communiqué contradictoirement en version papier ou s'appuyer sur l'emballage tel qu'il a été commercialisé : elle est constituée par un rectangle noir comprenant une tache blanche en son sommet, un trait blanc remontant sur sa partie gauche sur les 9/10ème de sa hauteur depuis sa base et trois traces blanches regroupées sur sa partie droite. En indiquant dans ses écritures (1er § page 7) que « la surface irrégulière et les reflets suggèrent que le conditionnement consiste en un matériau métallique fin avec des bords bien dessinés en haut et sur les côtés du conditionnement, mais irrégulièrement arrondis en bas », la société de droit suisse CAPRI SUN AG admet d'une part que la forme ne peut être précisément définie, la description qu'elle livre ne permettant aucune représentation mentale déterminée, et que le signe ne peut être compris que par le biais d'une interprétation purement subjective permettant de déduire d'une alternance aléatoire de formes et de couleurs la qualité du matériau photographié et son asymétrie qui ne sont en réalité observables que sur les exemplaires commercialisés. Aucune description littérale n'accompagnant cette représentation graphique, la seule précision de son appartenance à la catégorie 19.3 de la classification de Vienne, consacrée aux petits récipients, ne permet pas au tribunal et au public pertinent d'identifier le signe qu'il a sous les yeux et d'en définir précisément et sans équivoque la forme. Dès lors, le signe déposé n’est pas représenté clairement, objectivement et de façon intelligible. Il est insusceptible de constituer une marque non seulement car la protection d'une forme aussi indéterminée offrirait à son propriétaire un monopole aussi large qu'incertain et servirait un détournement du droit des marques mais car, insusceptible d'être compris, défini et identifié par le public pertinent, il est par nature inapte à être d'emblée perçu par lui, sous la forme choisie pour le dépôt, comme pouvant identifier l'origine des produits couverts en les rattachant à une entreprise spécifique. Aussi, l'indétermination de sa représentation graphique le prive de distinctivité intrinsèque, et ce d'autant plus que, ainsi que l'a précisé la CJCE dans son arrêt Develey Holding & Co. Beteiligungs c. OHMI du 25 octobre 2007, la distinctivité d'une marque tridimensionnelle constituée par l'apparence du produit lui-même est moins évidente pour le consommateur qui n'a pas pour habitude de présumer l'origine des produits en se fondant sur leur forme ou celle de leur emballage en l'absence de tout élément graphique ou textuel. En conséquence, sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres moyens des parties et leurs autres pièces, dont le sondage OPINION WAY qui manque effectivement de pertinence puisque les questions posées ne mettent pas en relation le signe avec les produits visés au dépôt, l'enregistrement de la partie française de la marque internationale tridimensionnelle n° 677 879 est nul. Privée de droit sur sa marque internationale tridimensionnelle n°677 879, la société de droit suisse CAPRI SUN AG n'a ni qualité ni intérêt à agir en contrefaçon. Ses demandes reconventionnelles au titre de la contrefaçon sont en conséquence irrecevables en application des articles L 716-5 du code de la propriété intellectuelle et 31, 32 et 122 du code de procédure civile. 3°) Sur les demandes accessoires Succombant au litige, la société de droit suisse CAPRI SUN AG, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à payer à la société de droit émirien ARAB BEVERAGES EST la somme de 10 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du même code. Non nécessaire, l'exécution provisoire ne sera pas ordonnée conformément à l'article 515 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et mis à la disposition par le greffe le jour du délibéré, Rejette la fin de non-recevoir opposée par la société de droit suisse CAPRI SUN AG ; Prononce la nullité de la partie française de l'enregistrement de la marque internationale tridimensionnelle n° 677 879 enregistrée le 26 juin 1997 en classe 32 pour désigner des boissons sans alcool, boissons de fruits, jus de fruits et nectars de fruits pour l'intégralité des produits visés au dépôt ; Ordonne la communication de la présente décision, une fois celle-ci devenue définitive, à l'INPI et à l'OMPI, par la partie la plus diligente, pour inscription sur leurs registres ; Déclare irrecevables les demandes de la société de droit suisse CAPRI SUN AG au titre de la contrefaçon; Rejette la demande de la société de droit suisse CAPRI SUN AG au titre des frais irrépétibles ; Condamne la société de droit suisse CAPRI SUN AG à payer à la société de droit émirien ARAB BEVERAGES EST la somme de DIX MILLE EUROS (10 000 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne la société de droit suisse CAPRI SUN AG aux entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés directement par la SELARL MARCHAIS Associés conformément à l'article 699 du code de procédure civile ; Dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire de la présente décision.