Cour d'appel de Paris, 8 février 2013, 2012/02134

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2012/02134
  • Domaine de propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
  • Numéros d'enregistrement : 054366 ; 000621867-0001
  • Parties : C (Jean-Pierre) ; SOUKOTYSSU SARL / ZENZA (Pays-Bas)
  • Décision précédente :Tribunal de commerce de Bobigny, 13 décembre 2011
  • Président : Monsieur Dominique COUJARD
  • Avocat(s) : Maître Julie R
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2013-02-08
Tribunal de commerce de Bobigny
2011-12-13

Texte intégral

COUR D'APPEL DE PARISARRET DU 08 FEVRIER 2013 Pôle 5 - Chambre 2(n° 032, 6 pages)Numéro d'inscription au répertoire général : 12/02134. Décision déférée à la Cour : Jugement du 13 Décembre 2011 - Tribunal de Commerce de BOBIGNY 2ème Chambre - RG n° 2008/00308. APPELANTS :- Monsieur J CHARRIER - SARL SOUKOTYSSUprise en la personne de son représentant légal,ayant son siège social [...]75018 PARIS,représentés par Maître Dominique BOUTIERE de la SCP GOGUEL MONESTIER-VALLETTE VIALLARD & Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : P0111. INTIMÉE :Société de droit néerlandais ZENZAprise en la personne de son représentant légal,ayant son siège JRONWEG 77 E GD 1432 AALSMEER (PAYS BAS),représentée par la SELARL INGOLD & THOMAS en la personne de Maître Frédéric I, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055,assistée de Maître Julie R, avocat au barreau de PARIS, toque : R241. COMPOSITION DE LA COUR :En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 décembre 2012, en audience publique, devant Monsieur Dominique COUJARD, Président de chambre, magistrat chargé du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Monsieur Eugène LACHACINSKI, président,Monsieur Dominique COUJARD, président de chambre,Madame Sylvie NEROT, conseillère. Greffier lors des débats : Monsieur T L NGUYEN.

ARRET

: Contradictoire,- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.- signé par Madame Sylvie NEROT, en l'empêchement du Président, et par Monsieur NGUYEN, greffier présent lors du prononcé. Monsieur J Charrier, qui se présente comme un créateur dont les modèles sont exploités par la société Soukotyssu, se prévaut de la création d'un modèle de lampe sous forme d'une ampoule en métal ajouré façon dentelle, à la fois original et nouveau, qui a fait l'objet d'un dépôt par ses soins à l'Institut national de la propriété industrielle le 09 septembre 2005, n° 05 4366, et d'un dépôt communautaire auprès de l'Office de l'Harmonisation dans le Marché Intérieur le 14 novembre 2006, n° 000621867. Informé, en 2006, que la société de droit néerlandais Zenza commercialisait un modèle de lampe constituant, selon lui, la copie servile de son propre modèle, Monsieur Charrier l'a d'abord fait constater par huissier en mettant en demeure cette société de cesser ses agissements puis, s'étant aperçu que la société Zenza exposait le modèle de lampe litigieux au Salon Maisons et Objets, il a fait procéder, après y avoir été autorisé, à une saisie-contrefaçon, le 29 janvier 2008, avant de l'assigner, conjointement avec la société Soukotyssu, devant la juridiction commerciale en contrefaçon de droits d'auteur et de dessins et modèles ainsi qu'en concurrence déloyale, selon acte du 12 février 2008. Par jugement contradictoire rendu le 13 décembre 2011, le tribunal de commerce de Bobigny a, avec exécution provisoire et en substance : - débouté la société Zenza de sa demande de nullité de l'assignation et 'validé' la saisie-contrefaçon pratiquée, - constaté que Monsieur C 'bénéficie de la protection du code de la propriété intellectuelle sur le modèle de lampe ampoule déposé à l'INPI le 09 septembre 2005", que la contrefaçon n'est pas établie, qu'il ne subit pas de préjudice et doit être débouté de sa demande indemnitaire, - débouté la société Soukotyssu de sa demande au titre de la concurrence déloyale et du parasitisme économique ainsi que de ses demandes subséquentes, - condamné in solidum Monsieur C et la société Soukotyssu à verser à la société Zenza la somme de 2.000 euros pour procédure abusive (en la déboutant du surplus de sa demande), celle de3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens. Par dernières conclusions signifiées le 06 décembre 2012, Monsieur J Charrier et la société à responsabilité Soukotyssu demandent à la cour de débouter l'intimée de ses exceptions de nullité, d'infirmer le jugement, de valider la saisie-contrefaçon pratiquée et : - au visa des articles L 122-4, L 335-2 et suivants ainsi que de l'article L 521-2 du code de la propriété intellectuelle, de dire que le modèle de lampe ampoule, 'propriété' de Monsieur C, bénéficie de la protection des Livres I, III et V de ce code, que la société Zenza s'est rendue coupable de contrefaçon de ce modèle de lampe et de la condamner, en conséquence, à lui verser la somme indemnitaire de 30.000 euros, - au visa de l'article 1382 du code civil, de dire que l'intimée s'est également rendue coupable d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme au préjudice de la société Soukotyssu et de la condamner à lui verser les sommes de 50.000 euros et encore de 50.000 euros réparant chacun de ces préjudices, - de prononcer les mesures d'interdiction (sous astreinte dont la cour se réservera la liquidation) et de publication d'usage, - de condamner la société Zenza à leur verser la somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens. Par dernières conclusions signifiées le 11 décembre 2012, la société de droit néerlandais Zenza demande, pour l'essentiel, à la cour, au visa des articles 906, 908, 909 et 202 du code de procédure civile, de l'avis de la Cour de cassation n° 120000 5 du 25 juin 2012, des articles L 521-4 et L 332-1 du code de la propriété intellectuelle : - principalement, de déclarer irrecevables les pièces des appelants communiquées le 26 juin 2012, soit dans des délais qui ne sont pas conformes aux prescriptions visées, - subsidiairement, de prononcer la nullité du procès-verbal des 2 et 4 décembre 2009 et d'écarter des débats les pièces n° 5 à 7, 13 à 18, 23 à 25, 27 et 28, - de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les appelants de leurs prétentions et de les condamner 'solidairement' à lui verser la somme indemnitaire de 10.000 euros pour procédure abusive, celle de 10.000 euros au titre de ses frais non répétibles et à supporter les dépens.

SUR CE,

Sur la communication simultanée des pièces : Considérant que la société Zenza intimée entend d'abord préciser que sa demande tendant à voir rejeter les pièces de ses adversaires s'inscrit dans un contexte marqué par le comportement procédural de requérants oublieux des principes du contradictoire et de loyauté, ceci depuis le début de la procédure ; Qu'elle évoque notamment, pour l'illustrer, l'absence de caractérisation du modèle revendiqué dans l'assignation dans laquelle étaient visés plusieurs modèles, le fait que l'affaire a fait l'objet de 19 renvois durant trois ans devant la juridiction consulaire, la notification tardive de conclusions en cause d'appel, la communication tout aussi tardive de pièces, non seulement celles qui lui ont été adressées le 26 juin 2012 et dont elle demande le rejet, mais aussi les pièces 27 et 28 qui lui ont été communiquées le 06 décembre 2012, jour initialement fixé pour clôturer l'instruction de la présente procédure d'appel [et qui concernent un accusé de réception de 2006 (jamais communiqué) et la traduction libre de pièces datant de 2009] ou encore la circonstance qu'une pièce n° 14 dont les appelants prétendent qu'elle a été perdue est, malgré cela, par eux invoquée au motif que l'intimée 'l'aurait eue' ; Qu'elle entend également préciser que ce comportement est source de difficultés particulières pour elle, personne morale ayant son siège aux Pays-Bas, et qui doit avoir recours à quatre conseils depuis quatre ans, à savoir : un conseil local, un conseil spécialisé dans la propriété intellectuelle, un mandataire au tribunal de commerce et un conseil spécialisé dans la procédure devant la cour d'appel; Qu'en ce qui concerne sa demande de rejet des pièces qui lui ont été communiquées le 26 juin 2012, à la suite d'un incident sur la caducité de l'appel qu'elle avait introduit, elle met en avant le fait qu'en dépit de l'exigence posée par l'article 906 du code de procédure civile, les pièces des appelants ne lui ont été communiquées que 45 jours après la notification de leurs conclusions d'appel, ne lui laissant que quelques jours pour conclure en réplique ; qu'elle ajoute attendre de la cour qu'elle suive l'avis rendu par la Cour de cassation le 25 juin 2012 motivé par le souci d'assurer la célérité et la qualité de la justice devant la cour d'appel ; Considérant qu'en réplique les appelants évoquent, quant à eux, les 'cataclysmes qui ont jalonné la vie sociale' de la société Soukotyssu en précisant qu'il s'agit du décès de l'épouse de Monsieur C qui assurait l'administration et la gestion de leur micro-entreprise ; Qu'ils affirment que l'avis rendu par la Cour de cassation 'n'a pas pour effet de sanctionner par l'irrecevabilité d'une procédure d'appel dans laquelle il résulte que les parties ont eu connaissance des pièces et ont pu utilement conclure dans les délais' ; qu'en outre, il appartient, selon eux, à la société Zenza qui détient manifestement la pièce n° 14 et ne leur a pas restituée de justifier d'un grief alors que ses écritures de première instance montrent qu'elle la connaît ; qu'à leur sens, enfin, le modèle revendiqué était parfaitement caractérisé et identifiable dans leur assignation ; Considérant, ceci exposé, qu'il convient de rappeler que l'article 132 du code de procédure civile (dont le dernier alinéa a été abrogé par le décret du 09 décembre 2009 applicable à compter du 1er janvier 2011) impose désormais à la partie qui fait état d'une pièce, même en cause d'appel, une communication spontanée de cette pièce à toute autre partie à l'instance ; Que l'article 906, en sa rédaction issue de ce même décret, dispose, quant à lui, que 'les conclusions sont notifiées et les pièces communiquées simultanément par l'avocat de chacune des parties à celui de l'autre partie' ; Qu'en l'espèce, appel a été interjeté le 03 février 2012 par Monsieur C et la société Soukotyssu et ils ont notifié leurs conclusions d'appel le 03 mai 2012, respectant, ce faisant, le délai de trois mois imparti à l'appelant, à peine de caducité de sa déclaration d'appel, par l'article 908 du même code ; Que selon son article 909, la société Zenza intimée disposait d'un délai de deux mois à compter de cette notification pour répliquer et former, le cas échéant, appel incident, soit jusqu'au 03 juillet 2012, et qu'elle a respecté le délai qui lui était imparti à peine d'irrecevabilité relevée d'office ; Que les appelants ne contestent pas qu'ils n'ont pas satisfait aux exigences de l'article 906 du code de procédure civile et ne démontrent ni tentent de démontrer qu'ils aient procédé à cette communication avant le 26 juin 2012 ; Qu'ils font seulement état d'un 'cataclysme jalonnant la vie sociale de la personne morale', sans d'ailleurs justifier ni dater les faits invoqués, lesquels ne sauraient constituer, à les supposer établis, un motif justifiant à eux seuls le fait qu'ils ont laissé s'écouler un délai de 45 jours pour communiquer des pièces qui auraient dû être communiquées 'simultanément' à la notification de leurs conclusions d'appel par leur avocat, lequel les représentait déjà en première instance ; Que le fait que l'intimée ait conclu en temps utile ne la prive pas de la faculté d'invoquer un manquement patent aux principes du contradictoire et de la nécessaire loyauté devant présider aux rapports entre les parties puisque la société Zenza ne pouvait que répliquer dans le délai de deux mois imparti, sous la sanction de l'irrecevabilité des écritures, par l'article 908 du code de procédure civile, étant relevé que ce texte ne prévoit pas une prorogation de délai qui aurait pour point de départ la communication effective des pièces de l'appelant ; Que le contexte factuel que décrit l'intimée et dont les appelants ne contestent pas l'exactitude conduit à considérer que cette négligence revêt un caractère fautif qui n'a pu que préjudicier à la qualité d'une réplique ; que celle-ci n'a, en effet, pu être élaborée qu'en l'espace de sept jours par une personne morale ayant son siège aux Pays-Bas et contrainte d'avoir recours à quatre conseils pour assurer sa défense ; Que seront, par conséquent, écartées des débats les pièces n° 1 à 26 invoquées au soutien des prétentions formulées dans les conclusions d'appel de Monsieur C et de la société Soukotyssu qui n'ont pas été communiquées simultanément à la notification desdites conclusions ; Sur les prétentions des parties : Considérant qu'en conséquence de ce qui précède, les appelants ne peuvent se prévaloir que des pièces n° 27 et 28 ayant fait l'objet d'une communi cation le 06 décembre 2012 ; Que ces deux pièces, dont le contenu est explicité ci-avant, ne permettent pas aux appelants de se prévaloir de la titularité des droits d'auteur sur le modèle de lampe ampoule qu'ils déclarent avoir déposé, pas plus que de la validité du procès-verbal de saisie-contrefaçon ou de l'existence des agissements contrefaisants et des faits de concurrence déloyale qu'ils invoquent ; Que ne le peuvent davantage les pièces de l'intimée qui étaient destinées, pour l'essentiel, à démontrer que les appelants ne peuvent bénéficier de la protection instaurée par les Livres I, III et V du code de procédure civile ; Qu'il y a lieu, par conséquent, de débouter les appelants de leurs demandes et de confirmer le jugement entrepris ; Sur les demandes complémentaires : Considérant que si les dispositions du code de la propriété intellectuelle permettent à un créateur ou à une personne morale exploitant ses œuvres sous son nom et sans équivoque de revendiquer la protection qu'elle instaure en attrayant en justice des contrefacteurs et si celles du code civil permettent de faire sanctionner des pratiques contrevenant aux usages honnêtes et loyaux du commerce, elles ne les dispensent pas de se conformer aux principes directeurs du procès tels que posés par le titre I du code de procédure civile ; Qu'eu égard aux éléments invoqués par l'intimée et repris ci-avant, il y a lieu de considérer que les appelants ont usé des voies de droit de manière fautive, tant en première instance qu'en cause d'appel ; qu'ils ont, de plus, persisté dans leur mépris des règles de procédure civile puisqu'interjetant appel d'un jugement assorti de l'exécution provisoire, ils ne sont pas acquittés des condamnations mises à leur charge, conformément aux dispositions de l'article 526 du code de procédure civile, et ont contraint leur adversaire à recourir à des mesures d'exécution forcée (pièce 12) ; Que l'intimée est fondée à prétendre que l'incertitude entretenue quant au modèle revendiqué, son mépris du contradictoire et la longueur déraisonnable des délais de procédure résultant du comportement procédural de son concurrent lui ont causé un préjudice ; Que les appelants seront donc condamné in solidum à lui verser une somme complémentaire de 4.000 euros à titre de dommages-intérêts ; Que l'équité conduit, en outre, la cour à condamner les appelants à verser à la société Zenza une somme complémentaire de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Que, déboutés de ce dernier chef de prétentions, les appelants qui succombent supporteront les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

, Ecarte des débats les pièces n° 1 à 26 communiquées par Monsieur J Charrier et la société Soukotyssu par application des dispositions de l'article 906 du code de procédure civile ; Confirme en toutes ses dispositions le jugement entrepris et, y ajoutant ; Déboute Monsieur J Charrier et la société Soukotyssu du surplus de leurs prétentions ; Condamne in solidum Monsieur J Charrier et la société Soukotyssu à verser à la société de droit néerlandais Zenza : - la somme complémentaire de 4.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, - la somme complémentaire de 5.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.