Vu, 1° sous le n° 322494, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 18 novembre 2008 et 6 avril 2010, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Mourad B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du consul général de France à Alger (Algérie) lui refusant la délivrance d'un visa de long séjour au titre du regroupement familial ;
2°) d'enjoindre au ministre chargé de l'immigration de délivrer le visa demandé dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au profit de Me François Bertrand, avocat de M. Mourad B, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761 1 du code de justice administrative ;
Vu, 2° sous le n° 322529, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 19 novembre 2008 et 7 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Rebaa A, demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision implicite par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du consul général de France à Alger lui refusant la délivrance d'un visa de long séjour au titre du regroupement familial ;
2°) d'enjoindre au ministre chargé de l'immigration et au consul général de France à Alger de délivrer le visa demandé dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, subsidiairement, de réexaminer la demande de visa dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au profit de la SCP Rocheteau et Associés, avocats de Mme A, sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;
....................................................................................
Vu, 3° sous le n° 327329, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 avril 2009 et 6 avril 2010 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour M. Mourad B, demeurant ... ; M. B demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 février 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du consul général de France à Alger lui refusant la délivrance d'un visa de long séjour au titre du regroupement familial ;
2°) d'enjoindre au ministre chargé de l'immigration de délivrer le visa demandé dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la décision à intervenir ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au profit de Me François Bertrand, avocat de M. Mourad B, en application des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761 1 du code de justice administrative ;
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Vu, 4° sous le n° 327330, la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés les 23 avril 2009 et 7 avril 2010, au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, présentés pour Mme Rebaa A demeurant ... ; Mme A demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 19 février 2009 par laquelle la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France a rejeté son recours contre la décision du consul général de France à Alger (Algérie) lui refusant la délivrance d'un visa de long séjour au titre du regroupement familial ;
2°) d'enjoindre au ministre chargé de l'immigration de délivrer le visa demandé dans un délai de vingt jours à compter de la notification de la décision à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros au profit de la SCP Rocheteau et Associés, avocats de Mme A, sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991 ;
....................................................................................
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu le code
de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Vu le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de Mme Sophie-Caroline de Margerie, Conseiller d'Etat,
- les observations de Me Bertrand, avocat de M. B et de la SCP Rocheteau-Uzan-Sarano, avocat de Mme A,
- les conclusions de M. Damien Botteghi, Rapporteur public,
La parole ayant à nouveau été donnée à Me Bertrand, avocat de M. B et de la SCP Rocheteau-Uzan-Sarano, avocat de Mme A ;
Considérant que
les requêtes de M. Mourad B et de Mme Rebaa A sont dirigées contre les mêmes décisions de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France leur refusant la délivrance d'un visa de long séjour pour rejoindre M. Abdelkader D, respectivement leur père et époux ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions attaquées :
Considérant que, si M. Mourad B et Mme Rebaa A ont présenté des conclusions dirigées contre la décision implicite de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France, née du silence gardé par celle-ci plus de deux mois après leur recours contre la décision du consul général de France à Alger leur refusant la délivrance d'un visa de long séjour au titre du regroupement familial, la décision explicite de la commission, intervenue le 19 février 2009, s'est, depuis cette date, substituée à toutes les autres ; que dès lors, les conclusions des requêtes doivent être regardées comme dirigées contre cette dernière décision ;
Considérant que, le 21 janvier 2011, postérieurement aux requêtes, le ministre chargé de l'immigration a donné instruction aux autorités françaises à Alger de délivrer les visas de long séjour sollicités ; que, toutefois, l'administration ayant été informée entre temps du décès de M. Abdelkader D le 11 juillet 2010, cette instruction n'a pas été exécutée ; que cette dernière circonstance ne rendant pas sans objet les requêtes, il y a lieu pour le juge de statuer sur les conclusions à fin d'annulation dont il est saisi ;
Considérant que l'autorité consulaire n'est en droit de rejeter une demande de visa dont elle est saisie aux fins de regroupement familial que pour des motifs d'ordre public, au nombre desquels figure l'absence de caractère probant des actes d'état civil produits ; qu'il revient à l'administration, si elle allègue ces motifs, d'établir la fraude de nature à justifier légalement le refus de visa ;
Considérant que, pour rejeter le recours de M. Mourad B et Mme Rebaa A contre la décision du consul général de France à Alger leur refusant la délivrance d'un visa d'entrée et de long séjour, alors que le préfet du Puy-de-Dôme les avait admis au bénéfice du regroupement familial le 29 mars 2006 à la suite de la demande présentée par M. Abdelkader D, la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France s'est fondée d'une part, sur le doute pesant sur l'authenticité des actes de mariage produits par les époux et la carence de vie commune révélée par la durée de trente-six ans séparant l'entrée en France de M. Abdelkader D de la demande de regroupement qu'il a formée, d'autre part sur l'absence d'information quant à la situation familiale du demandeur du regroupement et à ses liens avec son fils, M. Mourad B ; que, toutefois, l'administration n'a pas contesté les éléments d'explication fournis à ce sujet par les requérants devant le juge et a, au demeurant, donné instruction, ainsi qu'il a été dit, aux services consulaires de délivrer les visas demandés ; qu'ainsi, les requérants sont fondés à soutenir que le refus qui leur a été opposé par la commission de recours est entaché d'erreur d'appréciation et à en demander, pour ce motif, l'annulation ;
Sur les conclusions tendant à ce qu'il soit enjoint, sous astreinte, au ministre de délivrer un visa de long séjour à M. Mourad B et à Mme A :
Considérant qu'aux termes de l'article
L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service privé prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ; qu'aux termes de l'article
L. 911-2 du même code : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service privé prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ; qu'aux termes de l'article
L. 911-3 du même code : Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles
L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet ;
Considérant qu'eu égard aux motifs de la présente décision, l'exécution de celle-ci impliquerait normalement la délivrance d'un visa de long séjour à M. Mourad B et à Mme A ; que, toutefois, il appartient au juge administratif, lorsqu'il est saisi, sur le fondement de ces dispositions, de conclusions tendant à ce que soit prescrite une mesure d'exécution, de statuer sur ces conclusions en tenant compte de la situation de droit et de fait existant à la date de sa décision ; que le décès de M. Abdelkader D constitue une circonstance nouvelle, postérieure à la date de la décision de la commission, qui fait obstacle à ce qu'il soit enjoint à l'administration, tant de délivrer aux requérants les visas qu'ils avaient demandés pour rejoindre ce dernier que, ainsi qu'ils le demandent à titre subsidiaire, de réexaminer leur demande tendant à obtenir un tel visa ; que, par suite, leurs conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées ;
Sur l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les requérants ont obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle ; que, par suite, leurs avocats peuvent se prévaloir des dispositions des articles
L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ; qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Bertrand, avocat de M. B et la SCP Rocheteau-Uzan-Sarano, avocat de Mme A, renoncent à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros chacun ;
D E C I D E :
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Article 1er : La décision de la commission de recours contre les décisions de refus de visa d'entrée en France refusant d'accorder les visas demandés par M. Mourad B et Mme A est annulée.
Article 2 : L'Etat versera à Me Bertrand et à la SCP Rocheteau-Uzan-Sarano une somme de 1 500 euros chacun, en application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'ils renoncent à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Article 3 : Le surplus des conclusions des requêtes est rejeté.
Article 4 : La présente décision sera notifiée à M. Mourad B, à Mme Rebaa A et au ministre de l'intérieur, de l'outre-mer, des collectivités territoriales et de l'immigration.