Cour d'appel de Dijon, Chambre 1, 12 juillet 2022, 21/00188

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Dijon
  • Numéro de pourvoi :
    21/00188
  • Dispositif : Confirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Décision précédente :Tribunal de commerce de Dijon, 25 janvier 2021
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/62ce63559a20ce9fcf126887
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Dijon
2022-07-12
Cour d'appel de Dijon
2022-01-11
Tribunal de commerce de Dijon
2021-01-25

Texte intégral

MW/IC S.C.A. LA CAVE DES HAUTES COTES C/ S.A.S. VIGNOBLE DES MOUCHOTTES S.E.L.A.R.L. MJ & ASSOCIES S.E.L.A.R.L. AJRS expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le COUR D'APPEL DE DIJON 1ère chambre civile

ARRÊT

DU 12 JUILLET 2022 N° RG 21/00188 - N° Portalis DBVF-V-B7F-FUDH MINUTE N° Décision déférée à la Cour : ordonnance rendue le 11 janvier 2022 par le conseiller de la mise en état de la cour d'appel de Dijon APPELANTE : demanderesse à la requête en déféré S.C.A. LA CAVE DES HAUTES COTES représentée par le Président de son conseil d'administration domicilié en cette qualité au siège : [Adresse 7] [Localité 4] assistée de Me Chantal CHABANON-CLAUZEL, membre de la SELARL CHABANON CLAUZEL, avocat au barreau de NIMES, plaidant, et représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126, postulant INTIMÉES : S.A.S. VIGNOBLE DES MOUCHOTTES agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés au siège : [Adresse 2] [Localité 5] S.E.L.A.R.L. AJRS, Administrateur judiciaire, es qualités de commissaire à l'exécution du plan de Sauvegarde de la SAS VIGNOBLE DES MOUCHOTTES [Adresse 1] [Localité 3] représentées par Me Florent SOULARD, membre de la SCP SOULARD- RAIMBAULT, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 127 S.E.L.A.R.L. MJ & ASSOCIES représentée par Maître [O] [Y] en sa qualité de mandataire judiciaire de la procédure de sauvegarde de la SAS VIGNOBLES DES MOUCHOTTES, domiciliée au siège : [Adresse 6] [Localité 3] non représentée COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 mai 2022 en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Michel WACHTER, Conseiller, chargé du rapport et Sophie BAILLY, Conseiller. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries lors du délibéré, la cour étant alors composée de : Michel PETIT, Président de chambre, Président, Michel WACHTER, Conseiller, Sophie BAILLY, Conseiller, qui en ont délibéré. MINISTÈRE PUBLIC : L'affaire a été communiqué au Ministère Public représentée par Philippe CHASSAIGNE, avocat général, qui a fait connaître son avis par écrit. GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 12 Juillet 2022, ARRÊT : réputé contradictoire, PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, SIGNÉ : par Michel PETIT, Président de chambre, et par Sylvie RANGEARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. ****** La SAS Vignobles des Mouchottes a bénéficié d'une procédure de sauvegarde, dans le cadre de laquelle la SCA la Cave des Hautes Côtes a déclaré une créance d'un montant de 371 467,84 euros au titre des sanctions statutaires résultant du manquement de la société Vignoble des Mouchottes à son engagement d'apport, jusqu'au 31 décembre 2021, des produits issus d'une surface de 4,343 ha. La société Vignobles des Mouchottes a contesté cette créance en totalité. Par ordonnance du 25 janvier 2021, le juge commissaire du tribunal de commerce de Dijon a : Vu l'article L 624-2 du code de commerce, Avant dire droit au fonds, tous droits et moyens des parties demeurant expressément réservés, - constaté que la cour d'appel de Dijon est actuellement saisie d'un appel sur la décision du tribunal de grande instance de Dijon du 7 octobre 2019 statuant sur le droit de retrait prévu à l'article 8 des statuts de la société coopérative ; - constaté l'existence d'une procédure en cours et sursis à statuer jusqu'à ce qu'une décision définitive passée en force de chose jugée soit rendue sur l'interprétation de l'article 8 des statuts de la SCA Cave des Hautes Côtes,, et sur la résiliation judiciaire du contrat conclu avec la SAS Vignobles des Mouchottes ; - invité la partie la plus diligente à saisir le juge commissaire dès que la décision sera passée en force de chose jugée ; - réservé les dépens et les demandes d'indemnités fondées sur l'article 700 du code de procédure civile. Le juge commissaire, après avoir rappelé les termes de l'article L 624-2 du code de commerce, a retenu que le débat juridique sur la validité et l'application de l'article 8 des statuts était pendante devant la cour d'appel de Dijon, que cette décision aurait une incidence certaine sur le litige dont il était saisi, et que ledit débat lui échappait clairement. La SCA la Cave des Hautes-Côtes a interjeté appel de cette décision le 15 février 2021. Le 18 février 2021, elle a saisi la première présidente de la cour d'appel, statuant en référé, afin d'être autorisée à faire appel immédiat de la décision du juge commissaire. Par une ordonnance en date du 4 mai 2021, la première présidente de la cour d'appel a rejeté cette demande en retenant que le juge commissaire n'avait pas vidé sa saisine, et qu'il était en droit de considérer que les décisions à venir auraient une incidence certaine sur l'instance dont il était saisi, et donc de surseoir à statuer. La SCA la Cave des Hautes Côtes a poursuivi sur son appel et a notifié des conclusions d'appel le 16 mai 2021. Par conclusions d'incident du 11 août 2021, la société Vignobles des Mouchottes ainsi que la SELARL AJRS, es qualités de commissaire à l'exécution du plan de sauvegarde de la société Vignobles des Mouchottes, a saisi le conseiller de la mise en état d'une demande tendant à voir déclarer l'appel irrecevable, au motif que l'appel immédiat formé par la société la Cave des Hautes Côtes n'était pas recevable, s'agissant d'un recours ne tendant pas à l'annulation de l'ordonnance déférée, et alors, en tout état de cause, que le premier juge n'avait commis aucun excès de pouvoir en ordonnant un sursis à statuer. La SCA la Cave des Hautes Côtes a soutenu la recevabilité de son appel. Elle a exposé avoir formalisé un appel nullité, lequel était recevable au regard de la commission par le juge commissaire d'un excès de pouvoir, qui, en présence d'une instance en cours devant le juge du fond, et en application de l'article L 624-2 visé par l'ordonnance elle-même, était tenu de constater qu'il n'avait pas le pouvoir de statuer. Par ordonnance d'incident du 11 janvier 2022, le conseiller de la mise en état a déclaré l'appel irrecevable, condamné la SCA la Cave des Hautes Côtes aux dépens de l'incident, et débouté les parties des demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Pour statuer ainsi, le conseiller de la mise en état a retenu : - qu'il ressortait de l'examen de la déclaration d'appel déposée par la SCA La Cave des Hautes Côtes qu'elle indiquait former un 'appel et/ou réformation des chefs de l'ordonnance', et que ses conclusions, si elles tendaient dans un premier temps à obtenir l'annulation de l'ordonnance au motif que le premier juge avait outrepassé ses pouvoirs, visaient subsidiairement à obtenir son infirmation, ce qui ne relevait pas de l'appel nullité ; - que, par ailleurs, si, dans ses conclusions déposées au fond devant la cour, l'appelante reprochait au juge commissaire d'avoir commis un excès de pouvoir en prononçant un sursis à statuer alors qu'il constatait l'existence de deux instances en cours devant la cour d'appel de Dijon, ce qui excluait son pouvoir pour statuer sur la créance déclarée par application des articles L 624-2 et L 622-22 du code de commerce, il était établi qu'elle avait saisi la première présidente de la cour par assignation du 18 février 2021, soit postérieurement à sa déclaration d'appel, aux fins d'être autorisée à faire appel immédiat de l'ordonnance litigieuse en invoquant des motifs graves et légitimes, démarche inutile si elle entendait ne former qu'un appel nullité ; - que, d'autre part, dans le cadre de cette instance, elle reprochait au magistrat de première instance d'avoir retenu l'existence de ces deux procédures alors qu'aucune d'elles n'avait pour objet que la cour statue sur le principe et le quantum de la créance de pénalités, commettant ainsi une erreur de droit ; qu'au demeurant, il ressortait de la lecture de l'ordonnance dont appel tant en ses motifs qu'en son dispositif que si le juge-commissaire faisait état d'instances en cours, il n'avait pas entendu soumettre sa décision aux dispositions de l'article L 622-22 du code de commerce, mais avait simplement estimé qu'il était utile de surseoir à statuer dans l'attente de décisions susceptibles selon lui d'avoir une incidence sur l'instance dont il était saisi ; - qu'il résultait de l'ensemble de ces éléments que, non seulement la SCA La Cave de Hautes Côtes n'avait pas entendu saisir la cour de manière claire d'un appel nullité, mais qu'au surplus le prétendu excès de pouvoir dont elle arguait ne résultait que d'une interprétation erronée des motifs de l'ordonnance déférée. Par requête en date du 25 janvier 2022, la SCA la Cave des Hautes Côtes a déféré cette ordonnance à la cour, et demande à celle-ci : - de réformer l'ordonnance rendue par le conseiller de la mise en état le 11 janvier 2022 ; Statuant à nouveau, - de juger l'appel recevable ; - de condamner la SAS Vignobles des Mouchottes à payer à la SCA la Cave des Hautes Côtes une somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de l'incident. Par conclusions notifiées le 25 avril 2022, la SAS Vignobles des Mouchottes demande à la cour : - de rejeter le déféré formé par la SCA la Cave des Hautes Côtes ; - de confirmer l'ordonnance rendue le 11 janvier 2022 par le conseiller de la mise en état ; - de déclarer irrecevable l'appel interjeté par la SCA la Cave des Hautes Côtes le 15 février 2021 à l'encontre de l'ordonnance rendue le 25 janvier 2021 par le juge commissaire du tribunal de commerce de Dijon ; - de condamner la SCA la Cave des Hautes Côtes à payer à la SAS Vignobles des Mouchottes une somme de 3 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile ; - de la condamner aux entiers dépens. En application de l'article 455 du code de procédure civile, il convient de se référer pour l'exposé des moyens des parties à leurs conclusions récapitulatives visées ci-dessus.

Sur ce, la cour,

Pour contester l'ordonnance déférée, la SCA la Cave des Hautes Côtes fait d'abord valoir que, contrairement à ce qu'a retenu le conseiller de la mise en état, elle avait bien formé un appel tendant à la nullité de l'ordonnance du juge commissaire. Il ressort du libellé de la déclaration d'appel que celui-ci avait pour objet : 'annulation et/ou réformation des chefs de l'ordonnance', étant rappelé que l'appel-nullité n'est pas une voie de recours autonome imposant un formalisme spécifique. Les conclusions d'appel déposées par la SCA la Cave des Hautes Côtes tendent à titre principal à l'annulation de l'ordonnance pour excès de pouvoir, subsidiairement à son infirmation. Il est admis en jurisprudence que, bien qu'elle puisse faire l'objet d'un appel sur autorisation du premier président, une décision de sursis à statuer peut être critiquée par la voie de l'appel-nullité (Civ 1ère 28 novembre 2018, n°17-17 536). Si, certes, pour préserver la recevabilité de la prétention subsidiaire tendant à l'infirmation, l'appelante a vainement saisi la première présidente aux fins d'être autorisée à relever appel immédiat, cette saisine ne saurait avoir pour effet de priver l'appelante du bénéfice de l'appel-nullité qu'elle avait formé à titre principal. Toutefois, la commission par le premier juge d'un excès de pouvoir constitue une condition de recevabilité de l'appel-nullité. La SCA la Cave des Hautes Côtes fait valoir que le juge commissaire avait commis un excès de pouvoir en sursoyant à statuer après avoir constaté qu'une instance était en cours devant la cour d'appel de Dijon, alors que, par application de l'article L 624-2 du code de commerce, il était dans un tel cas privé du pouvoir de statuer. L'article L 624-2 du code de commerce dispose : 'Au vu des propositions du mandataire judiciaire, le juge-commissaire, si la demande d'admission est recevable, décide de l'admission ou du rejet des créances ou constate soit qu'une instance est en cours, soit que la contestation ne relève pas de sa compétence. En l'absence de contestation sérieuse, le juge-commissaire a également compétence, dans les limites de la compétence matérielle de la juridiction qui l'a désigné, pour statuer sur tout moyen opposé à la demande d'admission.' L'instance en cours au sens de ce texte s'entend de celle ayant pour objet de fixer la créance dont le juge commissaire a lui-même été saisi d'une demande de fixation. Tel n'est pas le cas en l'espèce, ainsi qu'en convient la SCA la Cave des Hautes Côtes elle-même, puisque l'instance soumise à la cour d'appel n'avait pas pour objet de statuer sur le sort de la créance soumise au juge commissaire, mais sur le respect par la société Cave des Mouchottes de ses obligations envers la coopérative, ce qui, comme l'a pertinemment observé le juge commissaire, était de nature à influer sur l'appréciation qu'il pouvait être amené à porter sur le bien-fondé de la créance contestée devant lui. Ce faisant, c'est par erreur que le premier juge a fait référence à l'article L 624-2 du code de commerce, alors que le sursis à statuer de droit commun qu'il a ordonné n'était en réalité pas fondé sur l'existence d'une instance en cours au sens de ce texte, mais était commandé par le souci d'une bonne administration de la justice. En cela, le juge commissaire n'a pas commis d'excès de pouvoir, de sorte que l'appel-nullité formé contre sa décision n'est pas recevable. L'ordonnance déférée sera donc confirmée en toutes ses dispositions. La SCA la Cave des Hautes Côtes sera condamnée aux dépens de l'instance en déféré. Il n'est pas inéquitable de laisser aux parties la charge des frais de défense irrépétibles qu'elles ont engagés dans le cadre de la présente instance.

Par ces motifs

Statuant en audience publique et par arrêt réputé contradictoire, Confirme l'ordonnance d'incident rendue le 11 janvier 2022 par le conseiller de la mise en état ; Rejette les demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne la SCA la Cave des Hautes Côtes aux dépens de l'instance en déféré. Le Greffier,Le Président,