AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le pourvoi formé par la Société d'habitations à loyer modéré de Lille et environs "SLE", dont le siège est à Lille (Nord), ..., représentée par ses représentants légaux en exercice, demeurant en cette qualité audit siège,
en cassation d'un arrêt rendu le 28 mars 1988 par la cour d'appel de Douai (1re chambre civile), au profit :
1°/ de M. FP A..., demeurant à Lille (Nord), ...,
2°/ de la compagnie française européenne "CFAE", dont le siège est à Paris, 7-9-11, rue de la Bourse, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège,
3°/ de M. A. B..., demeurant à Hellemmes (Nord), 1, place Hentgès,
4°/ de la société anonyme M. Y..., dont le siège est à Valenciennes (Nord), rue Ernest Macarez, prise en la personne de ses dirigeants légaux y domiciliés,
5°/ de la compagnie d'assurances UAP, dont le siège est à Paris (9e), place Vendôme, prise en la personne de ses représentants légaux,
6°/ de la société anonyme SIBAM, dont le siège est à Sainte-Olle les Cambrai (Nord), ..., prise en la personne de son PDG, domicilié audit siège,
7°/ de M. D..., syndic à la liquidation des biens de la société SIBAM, demeurant à Cambrai (Nord), ...,
8°/ de M. E..., syndic, demeurant à Arras (Pas-de-Calais), 5-7, rue J. Le Caron, ès qualités de syndic à la liquidation des biens de la société SONIB, dont le siège est à Saint-Omer (Nord), ...,
9°/ de la société à responsabilité limitée Becinor bureau d'études techniques, dont le siège est à Lille (Nord), ... et actuellement à Lille (Nord), ..., prise en la personne de son gérant, domicilié audit siège,
10°/ de M. Z..., syndic, pris en sa qualité de syndic à la liquidation des biens de la société Bet Becinor, ledit syndic demeurant à Lille (Nord), ... Belge,
11°/ de la compagnie d'assurances l'Abeille, prise en la personne de son gérant M. X..., demeurant à Cambrai (Nord), résidence du Parc, rue des Pochonnets,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 26 mai 1992, où étaient présents : M. Senselme, président, Mlle Fossereau, conseiller rapporteur, MM. Paulot, Vaissette, Valdès, Peyre, Darbon, Chemin, Boscheron, conseillers, MM. Chollet, Chapron, Pronier, conseillers référendaires, M. Tatu, avocat général, Mlle Jacomy, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mlle le conseiller Fossereau, les observations de Me Ricard, avocat de la Société d'habitations à loyer modéré de Lille et environs, de la SCP Peignot et Garreau, avocat de M. A... et de la compagnie française européenne "CFAE", de Me Boulloche, avocat de M. B..., de la SCP Boré et Xavier,
avocat de la société M. Y..., de la compagnie d'assurances UAP, de M. E..., ès qualités, et de la compagnie d'assurances l'Abeille, les conclusions de M. Tatu, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le premier moyen
:
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 28 mars 1988), que la Société d'habitations à loyer modéré de Lille et environs (société d'HLM) a fait construire, en 1969, un ensemble de logements, sous la maîtrise d'oeuvre de MM. B... et A..., architectes, et avec le concours de la société Becinor, bureau d'études, assurée par la compagnie française européenne (CFAE), par la société Y..., entrepreneur de gros oeuvre, et les sociétés Sibam et Sonib, entrepreneurs de menuiserie ; que se plaignant d'infiltrations, après la réception intervenue en 1973, la société maître de l'ouvrage a fait assigner, en 1979, les locateurs d'ouvrage et les assureurs en réparation :
Attendu que la société d'HLM fait grief à
l'arrêt de dire le délai de forclusion décennale interrompu par l'assignation pour 76 logements seulement, alors, selon le moyen, 1°/ qu'une assignation au fond est interruptive de la prescription de la garantie décennale pour l'ensemble des désordres invoqués ; que les assignations de la société d'HLM des 24-25 et 28 septembre 1979 visaient l'ensemble des 1496 logements et les désordres apparus dans ces 1496 logements ; que dès lors, en déclarant que ces assignations n'étaient interruptives de prescription que pour les 76 logements visités par l'expert C..., la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles
4 et
5 du nouveau Code de procédure civile ; 2°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; qu'il résultait des conclusions adverses de M. A... qu'il n'était pas contesté que la société d'HLM était fondée à réclamer indemnisation pour au moins 991 des 1496 logements visés à l'acte introductif d'instance, la prescription étant acquise, selon lui, pour les 505 autres logements ; que dès lors, en
décidant d'office que les assignations de la société d'HLM n'étaient interruptives de prescription que pour 76 logements, la cour d'appel a modifié les termes du litige, en violation des articles
4 et
5 du nouveau Code de procédure civile ; 3°/ qu'en statuant ainsi, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a encore méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article
16 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu
que la cour d'appel, qui n'a ni modifié l'objet du litige ni violé le principe de la contradiction, a légalement justifié sa décision de ce chef en retenant souverainement, par une interprétation nécessaire, exclusive de dénaturation, des termes imprécis de l'assignation et des conclusions, que ces écritures ne visaient que les infiltrations affectant 76 logements, dont la société d'HLM avait dressé une liste en cours d'expertise ;
Sur le second moyen
, pris en sa première branche, ci après annexée :
Attendu que le premier moyen étant rejeté, la demande de cassation par voie de conséquence est devenue sans portée ;
Sur le second moyen
, pris en ses trois dernières branches :
Attendu que la société
d'HLM reproche à l'arrêt de fixer à
313 628,02 francs le coût des réparations de l'étanchéité, alors, selon le moyen, 1°/ que les conclusions de première instance de la société d'HLM faisaient expressément référence à la lettre de l'expert du 30 mai 1983 et énonçaient que le coût du travail à entreprendre sur les 1496 logements serait estimé, valeur avril 1983, à la somme TTC de 1 542 035,42 francs, cette somme étant déterminée par référence à un prix du mètre linéaire s'élevant à 68,50 francs hors taxes ; que dès lors, en disant que la majoration du prix du mètre linéaire n'a pas été demandée par la SLE en première instance, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société d'HLM SLE et a violé les articles
4 et
5 du nouveau Code de procédure civile ; 2°/ que l'objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties ; que l'évaluation à 68,50 francs du prix du mètre linéaire des joints nécessaires à l'étanchéité des logements n'était pas contestée par les conclusions adverses, qui se bornaient à contester dans son principe la demande par la société d'HLM SLE de la réparation de son préjudice ; qu'en fixant, dès lors, la réparation de ce préjudice sur la base d'un prix de 28 francs du mètre linéaire des joints, la cour d'appel a méconnu les termes du litige, en violation des articles
4 et
5 du nouveau Code de procédure civile ; 3°/ qu'en statuant ainsi, sans inviter les parties à présenter leurs observations, la cour d'appel a encore méconnu le principe de la contradiction, en violation de l'article
16 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu
que la cour d'appel, qui, sans modifier l'objet du litige ni violer le principe de la contradiction, a souverainement retenu que le rapprochement du devis de l'entreprise SNAP et de sa facture de réparation, sur laquelle l'expert s'était fondé, ne faisait pas apparaître que le traitement à effectuer différait de celui qui avait été réalisé, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision de ce chef ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la Société d'habitations à loyer modéré de Lille et environs, envers les défendeurs, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du vingt quatre juin mil neuf cent quatre vingt douze.