Cour de cassation, Chambre sociale, 10 février 2010, 08-44.585

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2010-02-10
Tribunal supérieur d'appel de Saint-Pierre-et-Miquelon
2008-07-09

Texte intégral

Attendu, selon le jugement attaqué

, que M. X..., engagé en qualité de technico-commercial par la société Derrible Industrium par contrat à durée déterminée à compter du 19 février 2004 puis par contrat à durée indéterminée à compter du 19 août 2004, a été licencié pour faute grave le 18 mars 2005 ; qu'il a saisi la juridiction prud'homale de diverses demandes d'indemnités au titre de la rupture ;

Sur le premier moyen

:

Attendu que l'employeur fait grief a

u jugement de dire le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse et de le condamner au paiement de diverses sommes à ce titre, alors, selon le moyen : 1°/ que la faute grave est celle qui, par son importance rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée même limitée du préavis ; que la décision du juge répressif, qui s'est borné à constater l'absence d'intention frauduleuse, ne prive pas le juge prud'homal du pouvoir d'apprécier les faits qui lui sont soumis ; qu'en se bornant à affirmer, pour décider que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave, que M. X... avait été relaxé du chef de vol de quatre chambres à air et d'articles de Noël, motif pris de ce que le juge correctionnel avait décidé qu'il n'existait aucune intention frauduleuse, sans rechercher si le comportement reproché à M. X... était de nature à caractériser une faute grave, le tribunal supérieur d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 122-6, L. 122-9 anciens du code du travail, 1351 du code civil et du principe de l'autorité au civil de la chose jugée au pénal ; 2°/ que le vol commis au préjudice de son employeur par le salarié constitue une faute grave, quelle que soit la valeur des objets dérobés ;

qu'en décidant

néanmoins que le vol de quatre chambres à air par M. X... ne constituait pas une faute grave, motif pris que la valeur de ces objets était faible, le tribunal supérieur d'appel a violé les articles L. 112-6 et L. 122-9 anciens du code du travail ; Mais attendu qu'ayant relevé que le salarié avait été relaxé pour les vols, objet des poursuites engagées par son employeur, que les autres griefs formulés par la lettre de licenciement n'étaient pas établis et que la valeur des marchandises prétendument volées ne mettait pas en cause la bonne marche de la société Derrible Industrium, le tribunal supérieur d'appel, qui a ainsi examiné la matérialité des faits pour lesquels le salarié avait été relaxé faute d'élément intentionnel, a pu décider que la faute grave n'était pas constituée ; qu'exerçant le pouvoir qu'il tient de l'article L. 1235-1, il a estimé que les faits ne constituaient pas une cause réelle et sérieuse de licenciement ; que le moyen doit être écarté ;

Mais sur le second moyen

:

Vu

les articles 1382 du code civil et L. 1234-9 du code du travail ;

Attendu que pour condamner

l'employeur au paiement de dommages-intérêts pour préjudice moral, le jugement retient que les procédures engagées pour licencier le salarié lui ont porté préjudice dans le cadre géographique et économique de l'archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon ainsi qu'en témoignent ses nombreuses recherches d'emploi ; Qu'en se statuant ainsi, sans constater l'existence d'un préjudice distinct de celui résultant de la perte de son emploi la cour d'appel a violé les textes susvisés ;

Vu

l'article 627 du code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

: CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a alloué au salarié des dommages-intérêts pour préjudice moral, le jugement rendu le 9 juillet 2008, entre les parties, par le tribunal supérieur d'appel de Saint-Pierre-et-Miquelon ; Dit n'y avoir lieu à renvoi ; Déboute M. X... de sa demande en paiement de dommages-intérêts, au titre d'un préjudice moral ; Condamne M. X... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille dix

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Richard, avocat aux Conseils, pour la société Derrible Industrium PREMIER MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir décidé que le licenciement de Monsieur X... était dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'avoir en conséquence condamné la Société DERRIBLE INDUSTRIUM à lui payer les sommes de 4.500 euros en réparation de son préjudice pour licenciement abusif, 1.500 euros en réparation de son préjudice moral, 1.554,62 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis et 155,62 euros au titre des congés payés afférents; AUX MOTIFS QUE par courrier en date du 18 mars 2005, la Société DERRIBLE INDUSTRIUM a notifié à Monsieur X... son licenciement pour avoir prélevé, le 26 février 2005, quatre chambres à air sans autorisation, et en août 2004, pour avoir pris l'initiative d'aider un collègue à emporter du câble électrique, pour avoir, en décembre 2004, déposé divers articles de Noël dans des sacs à proximité de la sortie de service, sans passage à la caisse et sans facturation, et pour avoir commandé des accessoires automobiles dont le montant n'a pu être facturé sur son « compte-employé », ce compte ayant été fermé pour cause de retard de paiement, les accessoires ayant été emportés le 4 mars 2005 sans les payer et sans les facturer ; que l'employeur tient ces agissements comme constitutifs d'une faute grave et estime que les faits du 26 février et du mars 2005 mettent en cause la bonne marche de la société ; que pour lui, la faute justifie le licenciement sans indemnité de préavis et sans indemnité de licenciement ; que le Tribunal constate que ces trois faits n'ont pas reçu de qualification pénale ; que les plaintes de l'employeur des 2 et 4 mars 2005 à l'encontre de son salarié ayant été classées sans suite le 29 mars 2005, la société a fait citer Monsieur X... devant le tribunal correctionnel qui le relaxait le 11 avril 2006 du chef de vol de pièces mécaniques, le vol de chambres à air ayant donné lieu à une relaxe en appel le 21 juin 2006 ; que le tribunal constatera que par application du principe de l'autorité de la chose jugée, les vols des quatre chambres à air et des accessoires automobiles ne sont pas constitués et que ni le vol de câble électrique, ni l'intention frauduleuse portant sur des articles de Noël ne sont établis ; qu'en conséquence il considèrera que les faits reprochés à Monsieur X... ne sont pas constitutifs d'une faute grave, en tout cas susceptibles de fonder un licenciement pour faute ; que le Tribunal considèrera que le prétendu vol de quatre chambres à air d'un montant unitaire évalué à 7 euros ne saurait mettre en cause la bonne marche de la société de l'importance de DERRIBLE INDUSTRIUM, pas plus que le retard du salarié à payer le solde de son « compte-employé», soit 76 euros ; que la lettre de licenciement, qui fixe les limites du litige, invoquant la faute grave résultant de motifs inexacts, le salarié ayant été relaxé pour deux chefs, les deux autres n'étant pas établis, le Tribunal jugera que le licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse ; 1°) ALORS QUE la faute grave est celle qui, par son importance rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise pendant la durée même limitée du préavis; que la décision du juge répressif, qui s'est borné à constater l'absence d'intention frauduleuse, ne prive pas le juge prud'homal du pouvoir d'apprécier les faits qui lui sont soumis ; qu'en se bornant à affirmer, pour décider que le licenciement ne reposait pas sur une faute grave, que Monsieur X... avait été relaxé du chef de vol de quatre chambres à air et d'articles de Noël, motif pris de ce que le juge correctionnel avait décidé qu'il n'existait aucune intention frauduleuse, sans rechercher si le comportement reproché à Monsieur X... était de nature à caractériser une faute grave, le Tribunal supérieur d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L 122-6, L 122-9 anciens du Code du travail, 1351 du Code civil et du principe de l'autorité au civil de la chose jugée au pénal; 2°) ALORS QUE le vol commis au préjudice de son employeur par le salarié constitue une faute grave, quelle que soit la valeur des objets dérobés; qu'en décidant néanmoins que le vol de quatre chambres à air par Monsieur X... ne constituait pas une faute grave, motif pris que la valeur de ces objets était faible, le Tribunal supérieur d'appel a violé les articles L 112-6 et L 122-9 anciens du Code du travail. SECOND MOYEN DE CASSATION IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la Société DERRIBLE INDUSTRIUM à payer à Monsieur X... la somme de 1.500 euros en réparation de son préjudice moral ; AUX MOTIFS QUE la Société DERRIBLE INDUSTRIUM a cru devoir engager des procédures judiciaires en vue de licencier Monsieur X..., procédures qui se sont révélées inopérantes quant à cet objet ; que le salarié a subi ces procédures qui, dans le cadre géographique et économique de l'archipel de Saint-Pierre et Miquelon, ont pu lui porter préjudice ; que ses nombreuses recherches d'emplois en témoignent; 1°) ALORS QUE le seul fait que le demandeur n'ait pas été en mesure de rapporter la preuve des circonstances de fait qu'il invoque au soutien de ses demandes ne caractérise pas une faute dans l'exercice du droit d'agir en justice ; qu'en se bornant à affirmer que la Société DERRIBLE INDUSTRIUM avait engagé des procédures judiciaires en vue de licencier Monsieur X..., mais n'avait pas obtenu satisfaction, sans caractériser l'existence d'une faute ayant fait dégénérer en abus le droit de la Société DERRIBLE INDUSTRIUM d'agir en justice, le Tribunal supérieur d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1382 du Code civil ; 2°) ALORS QUE le conseil de prud'hommes juge les différents qui peuvent s'élever à l'occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du Code du travail entre employeurs et salariés ; qu'il ne peut connaître des litiges dont la connaissance est attribuée à une autre juridiction par la loi ; que lorsque la partie civile a elle-même mis en mouvement l'action publique, le tribunal correctionnel statue par le même jugement sur la demande en dommages-intérêts formée par la personne relaxée contre la partie civile pour abus de constitution de partie civile ; qu'en se déclarant néanmoins compétent pour statuer sur le préjudice moral subi par Monsieur X... à l'occasion des procédures engagées par la Société DERRIBLE INDUSTRIUM, c'est-à-dire des procédures pénales, bien que le juge répressif ait été seul compétent pour statuer sur la demande de dommages-intérêts de Monsieur X... contre la Société DERRIBLE INDUSTRIUM pour abus de constitution de partie civile, le Tribunal supérieur d'appel a violé les articles L 511-1 ancien du Code du travail et 472 du Code de procédure pénale.