Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Paris, 13ème chambre 13 avril 1999
Cour de cassation 20 septembre 2000

Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 septembre 2000, 99-83412

Mots clés société · préjudice · jean · canal · pierre · fabrication · programmes · marie · vente · réparation · satellite · circuits · matériel · imprimés · proposé

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 99-83412
Dispositif : Rejet
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 13ème chambre, 13 avril 1999
Président : Président : M. COTTE
Rapporteur : Mme de la Lance conseiller
Avocat général : M. Lucas

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris, 13ème chambre 13 avril 1999
Cour de cassation 20 septembre 2000

Texte

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le vingt septembre deux mille, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de Mme le conseiller référendaire de la LANCE, les observations de Me COPPER-ROYER, de la société civile professionnelle WAQUET, FARGE et HAZAN, et de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général LUCAS ;

Statuant sur les pourvois formés par :

- X... Jean-Marie,

- A... Jean-Pierre,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 13ème chambre, en date du 13 avril 1999 qui a condamné le premier, pour fabrication, offre à la vente ou vente de moyen de captation frauduleuse de programmes télédiffusés, à 9 mois d'emprisonnement avec sursis, a condamné le second, pour fabrication et détention en vue de son utilisation de moyen de captation frauduleuse de programmes télédiffusés, à 6 mois d'emprisonnement avec sursis, a ordonné la confiscation des matériels saisis, a ordonné la publication de la décision et a prononcé sur les intérêts civils ;

Joignant les pourvois en raison de la connexité ;

Vu les mémoires personnel, ampliatifs et en défense produits ;

Sur le moyen unique de cassation, proposé par Jean-Pierre A... dans son mémoire personnel, pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

Sur le premier moyen

de cassation, proposé pour Jean-Pierre A..., pris de la violation des articles 79-1 et suivants de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Pierre A... coupable de fabrication de moyen de captation faruduleuse de programmes télédiffusés réservés à un public d'abonnés et l'a condamné de ce chef ;

"aux motifs que "Jean-Pierre A..., en sa qualité de professionnel, ne pouvait avoir le moindre doute sur la destination réelle des circuits imprimés commandés par son intermédiaire à la société TFCE ;

"qu'il a d'ailleurs reçu, en octobre 1996, d'Alain Y..., pour son usage personnel, les composants nécessaires à la fabrication d'un décodeur pirate" (arrêt p. 12 6 et 7) ;

"et aux motifs adoptés des premiers juges que "Jean-Pierre A... reconnaît avoir reçu d'Alain Y..., en octobre 1996, les composants nécessaires à la fabrication d'un décodeur et avoir lui-même monté cet appareil destiné à son propre usage ; qu'il conteste en revanche sa responsabilité du chef de la fabrication de tels appareils en soutenant qu'il ne connaissait pas avec certitude la destination des circuits imprimés commandés par Alain Y... à la société TFCE ; qu'il sollicite sa relaxe de ce chef ;

"... que, lors de son audition par la police et lors de sa première comparution devant le juge d'instruction (D170, D476), Jean-Pierre A... avait indiqué qu'une société TV Express de Cannes lui ayant commandé la création de 200 circuits imprimés identiques à ceux précédemment réalisés par TFCE pour Alain Y..., un technicien de TFCE lui avait aussitôt fait remarquer cette ressemblance ; que le client de Cannes avait indiqué téléphoniquement qu'il s'agissait de cartes destinées à monter des faux décodeurs Canal Plus, ce qu'Alain Y... lui avait confirmé ; que, par la suite, il avait proposé à Alain Y..., pour lui rendre service, de faire sous-traiter les circuits imprimés par la société SFCI ; qu'il avait ultérieurement accepté en octobre 1996 de fabriquer 450 circuits imprimés pour Alain Y..., qu'il lui avait livrés personnellement à son domicile ; que c'est, à cette occasion, qu'Alain Y... lui avait remis en remerciement les composants pour créer un décodeur ; qu'il avait précisé (D171) que ces fabrications, d'un montant d'environ 10 000 francs, n'avaient pas été facturées, Alain Y... devant régler lorsque sa société serait remise à flot ;

"... qu'Alain Y... avait, pour sa part, indiqué que les 300 premiers circuits fournis par TFCE avaient été réglés en espèces à Jean-Pierre A... et qu'il devait en être de même des suivants ;

que Jean-Pierre A... les lui livrait à domicile car il ne voulait pas le voir à l'usine TFCE pour éviter que le personnel ne se doute de quoi que ce soit ; qu'il avait donné des composants à Jean-Pierre A... en dédommagement de ses services (D173) ;

"... que ces éléments établissent la mauvaise foi de Jean-Pierre A... ; que celui-ci ne peut se retrancher derrière sa qualité de préposé de la société TFCE, dès lors qu'il a, en connaissance de cause, apporté son concours à une des phases de la fabrication des décodeurs litigieux" (jugement p. 8 1, 2, 3 et 4) ;

"alors que, dans ses conclusions d'appel, Jean-Pierre A... faisait valoir qu'en sa qualité de préposé de la société TFCE, société qui avait fabriqué les circuits imprimés, les avait vendus et facturés, il "ne pouvait voir sa responsabilité pénale recherchée qu'en qualité de complice ou, à la limite, de coauteur de cette société" et que, pour qu'il "soit poursuivi en qualité de complice ou de coauteur, encore fallait-il que l'auteur principal soit "également poursuivi", ce qui n'avait pas été le cas ; qu'au surplus, la responsabilité pénale du chef d'entreprise ou de la personne morale était exonératoire de la responsabilité du préposé dans deux hypothèses applicables à l'espèce ; quand "la faute du salarié est mal caractérisée ou même infime" ou quand "le préposé, ne retirant personnellement aucun profit de l'infraction commise, n'a fait que se conformer aux ordres reçus" ; que la cour d'appel n'a pas répondu à ces moyens de nature à modifier la solution du litige ; qu'elle a donc violé les textes susvisés" ;

Sur le deuxième moyen

de cassation, proposé pour Jean-Pierre A..., pris de la violation des articles 79-1 et suivants de la loi n° 86-1067 du 30 septembre 1986, 121-3 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Pierre A... coupable de fabrication de moyen de captation frauduleuse de programmes télédiffusés réservés à un public d'abonnés et l'a condamné de ce chef ;

"aux motifs adoptés des premiers juges que Jean-Pierre A... "a, en connaissance de cause, apporté son concours à une des phases de la fabrication des décodeurs litigieux" (jugement p. 8 4) ;

"et aux motifs propres que "Jean-Pierre A..., en sa qualité de professionnel, ne pouvait avoir le moindre doute sur la destination réelle des circuits imprimés commandés par son intermédiaire à la société" (arrêt p. 12 6) ;

"alors que le délit prévu à l'article 79-1 de la loi du 30 septembre 1986 suppose que le prévenu a fabriqué ou vendu un matériel conçu pour capter des programmes télédiffusés, réservés à un public déterminé ; qu'il résulte des constatations des juges du fond que la société TFCE, dont Jean-Pierre A... était le salarié, n'a vendu à Alain Y..., directeur de la société Alcionic, que des circuits imprimés ; qu'il s'agit de matériels non programmés et non conçus pour capter des programmes télédiffusés codis ; qu'en estimant, néanmoins, que les agissements de Jean-Pierre A... entraient dans le cadre de l'article 79-1 de la loi du 30 septembre 1986, la cour d'appel a violé ce texte" ;

Sur le premier moyen

de cassation, proposé pour Jean-Marie X..., pris de la violation des articles 79-1 de la loi n° 86-1067, 121-3 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Jean-Marie X... coupable de fabrication et de vente de moyen de captation frauduleuse de programmes télédiffusés réservés à un public d'abonnés, et l'a condamné de ce chef ;

"aux motifs adoptés que Jean-Marie X... a accepté, à la demande d'Alain Y..., de procéder, pour le prix de 150 francs l'unité, au montage de composants sur des plaques destinées à la fabrication de décodeurs, et en a fourni environ 200 à Alain Y... ; qu'il a précisé que ce dernier se chargeait lui-même de la programmation des décodeurs (jugement p. 7, dernier ) ;

"et aux motifs propres qu'il est établi que Jean-Marie X... a fourni à Alain Y... 200 décodeurs pirates des émissions de Canal Plus et de Canal Satellite, appareils qui ont été ultérieurement revendus par Alain Y... ; qu'ainsi, Jean-Marie X... a participé à une opération de fabrication et de vente en France d'équipements ou de dispositifs permettant de capter frauduleusement des programmes télédiffusés ; qu'en sa qualité de professionnel, Jean-Marie X... ne pouvait ignorer le caractère illicite de ses agissements ;

"alors, d'une part, que le délit prévu à l'article 79-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifié suppose que le prévenu a fabriqué ou vendu un matériel conçu pour capter des programmes télédiffusés, réservés à un public déterminé ; qu'il résulte du jugement, dont l'arrêt attaqué a adopté les motifs, que Jean-Marie X... s'est borné à monter des composants sur des plaques destinées à la fabrication de décodeurs, c'est-à-dire qu'il a fabriqué et vendu des matériels non programmés, et donc non encore conçus pour capter des programmes télédiffusés codés ; qu'en estimant néanmoins que les agissements de Jean-Marie X... entraient dans le cadre de l'article 79-1 de la loi du 30 septembre 1986 modifié, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

"alors, d'autre part, que Jean-Marie X... faisait valoir qu'il avait fabriqué les décodeurs non programmés à Monaco et qu'il les avait fournis à Alain Y... qui devait les compléter et les vendre en Andorre, ce qui n'avait rien de frauduleux ; qu'en affirmant que Jean-Marie X... avait en connaissance de cause, participé à une opération de fabrication et de vente en France d'équipements permettant de capter frauduleusement des programmes télédiffusés, sans préciser de quelle circonstance de fait elle déduisait cette connaissance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"alors, enfin, et en tout état de cause, que l'intention frauduleuse de Jean-Marie X... ne pouvait être déduite de sa seule qualité de professionnel ; que, dès lors, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de Cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériel qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré les prévenus coupables ;

D'où il suit que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstance de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Sur le troisième moyen

de cassation, proposé pour Jean-Pierre A..., pris de la violation des articles 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale, 1382 du Code civil, défaut de motifs et manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a reçu la société Canal Plus en sa constitution de partie civile et a condamné Jean-Pierre A... à lui payer la somme de 700 000 francs "toutes causes de préjudice confondues" ;

"aux motifs adoptés des premiers juges que la constitution de partie civile de la société Canal Plus est recevable ;

"que le tribunal fera droit pour partie aux demandes formulées... dans les termes du dispositif" (jugement p. 10 5) ;

"et aux motifs propres que "le vaste trafic de décodeurs pirates auquel ont participé... et Jean-Pierre A... a, sans conteste, causé un préjudice important (à la société) Canal Plus... qui diffus(e) des programmes de télévision cryptés... ;

"... que la Cour, qui dispose des éléments nécessaires et suffisants pour apprécier le préjudice certain subi pour chaque partie civile et résultant directement des faits visés à la prévention, confirma l'estimation équitable qu'en ont faite les premiers juges" (arrêt p. 13 2 et 3) ;

"alors, d'une part, qu'en affirmant l'existence d'un préjudice matériel et moral de la société Canal Plus, sans préciser en quoi il consiste, la cour d'appel a privé sa décision de motifs ;

"alors, d'autre part, qu'en fixant à 700 000 francs les sommes que Jean-Pierre A... devra payer à la société Canal Plus en réparation de son préjudice, "toutes causes de préjudice confondues", sans préciser les éléments ayant servi au calcul de ces sommes, la cour d'appel a encore privé sa décision de motifs" ;

Sur le second moyen

de cassation, proposé pour Jean-Marie X..., pris de la violation des articles 2, 3 et 593 du Code de procédure pénale, 1382 du Code civil, défaut de motifs, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a reçu les sociétés Canal Plus et Canal Satellite en leur constitution de partie civile, et condamné Jean-Marie X... à payer à la société Canal Plus la somme de 300 000 francs et à la société Canal Satellite celle de 100 000 francs, "toutes causes de préjudice confondues" ;

"aux motifs adoptés que les sociétés Canal Plus et Canal Satellite demandent la réparation de leur préjudice matériel et moral ; que le tribunal fera droit pour partie aux demandes formulées dans les termes du dispositif ;

"et aux motifs propres que le vaste trafic de décodeurs pirates auquel ont participé les prévenus a causé un préjudice important aux sociétés Canal Plus et Canal Satellite, qui diffusent des programmes de télévision cryptés ; que la Cour, qui dispose des éléments nécessaires et suffisants pour apprécier le préjudice certain subi par chaque partie civile et résultant directement des faits visés à la prévention, confirmera l'estimation équitable qu'en ont fait les premiers juges ;

"alors, d'une part, qu'en affirmant l'existence d'un préjudice matériel et moral des sociétés Canal Plus et Canal Satellite, sans préciser en quoi il consiste, la cour d'appel a privé sa décision de motifs ;

"alors, d'autre part, qu'en fixant à 300 000 francs et à 100 000 francs les sommes que Jean-Marie X... devra payer respectivement aux sociétés Canal Plus et Canal Satellite en réparation de leur préjudice, "toutes causes de préjudice confondues", sans préciser les éléments ayant servi au calcul de ces sommes, la cour d'appel a privé sa décision de motifs" ;

Les moyens étant réunis ;

Attendu que, pour recevoir les sociétés Canal Plus et Canal Satellite en leur constitution de partie civile, condamner Jean-Pierre A... à payer à Canal Plus la somme de 700 000 francs et condamner Jean-Marie X... à payer à Canal Plus la somme de 300 000 francs et à Canal Satellite celle de 100 000 francs, les juges du second degré se prononcent par les motifs propres et adoptés repris aux moyens ;

Qu'en cet état, les juges du fond, qui n'étaient pas tenus de préciser les bases de leur calcul, n'ont fait qu'user de leur pouvoir souverain d'apprécier, dans les limites des conclusions des parties, le montant des indemnités propres à réparer les divers préjudices résultant directement des infractions dont ils ont déclaré les prévenus coupables ;

D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;


REJETTE

les pourvois ;

Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Cotte président, Mme de la Lance conseiller rapporteur, M. Schumacher conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Lucas ;

Greffier de chambre : Mme Daudé ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;