CIV.3
IK
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 28 janvier 2016
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10050 F
Pourvoi n° G 14-25.823
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :
Vu le pourvoi formé par M. [E] [C], domicilié [Adresse 2],
contre l'arrêt rendu le 25 juin 2014 par la cour d'appel de Paris (pôle 5, chambre 3), dans le litige l'opposant à la société [2], société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesse à la cassation ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l'audience publique du 15 décembre 2015, où étaient présents : M. Chauvin, président, Mme Provost-Lopin, conseiller rapporteur, Mme Fossaert, conseiller, Mme Berdeaux, greffier de chambre ;
Vu les observations écrites de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de M. [C], de la SCP Potier de La Varde et Buk-Lament, avocat de la société [2] ;
Sur le rapport de Mme Provost-Lopin, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Vu l'article
1014 du code de procédure civile ;
Attendu que le moyen de cassation annexé
, qui est invoqué à l'encontre de la décision attaquée, n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Qu'il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée
;
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. [C] aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [C] ; le condamne à payer à la société [2] la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-huit janvier deux mille seize.
MOYEN ANNEXE
à la présente décision
Moyen produit par la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat aux Conseils, pour M. [C]
IL EST FAIT GRIEF à l'arrêt attaqué d'avoir jugé que M. [E] [C] était redevable envers la société [2] d'une indemnité d'occupation dès le 2 avril 2008, et d'avoir fixé à 26.927 euros son préjudice d'exploitation au titre d'une perte totale de jouissance du local commercial entre le 18 janvier 2007 et le 8 janvier 2008, puis, entre le 9 janvier 2008 et le 17 mars 2010, au titre seulement de l'indisponibilité de la réserve endommagée ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « les premiers juges ont rappelé exactement que c'est dans un diagnostic technique du 8 janvier 2008 que la société [1] relève que "le plafond de la première partie de l'arrière-boutique ne présente pas de dangers pour les biens et les personnes" et que "le solivage bois existant dans la partie réserve peut servir de structure au faux plafond", qu'il a fallu attendre presque un an pour que ces travaux de sécurisation soient réalisés et que ce n'est qu'à la date du 8 janvier 2008 qu'il a pu être démontré que le plafond de la première partie de l'arrière-boutique, constituant l'atelier avec table à repasser, fer à vapeur, chaudière énergie électrique et machine à coudre, ne présentait pas de danger ; que les premiers juges ont retenu à juste titre que contrairement à ce qu'a estimé l'expert, l'arrière-boutique, essentielle à l'activité, n'était pas utilisable avant le 8 janvier 2008 ; que jusqu'à cette date, M. [C], qui ne pouvait exercer son activité dans la seule boutique, ne disposait pas de locaux conformes à leur destination ; que le manquement du bailleur à son obligation de délivrance conduit au rejet de la demande en paiement des loyers pour la période du 7 mars 2007 au 8 janvier 2008 ; que M. [C] étant mis en mesure de reprendre son activité après cette date, quand bien même elle était rendue moins commode du fait des travaux de réparation à réaliser dans la réserve attenante, le jugement sera confirmé en ce qu'il l'a condamné au paiement de la somme de 1.794,76 € au titre des loyers et charges dus après le 8 janvier 2008 jusqu'à l'expiration du bail ; que les intérêts au taux légal courront sur cette somme de 1.794,76 € à compter, non pas du commandement de payer antérieur à la créance, mais de la demande en paiement et en l'absence de toute autre justification sur la date de celle-ci, du 29 février 2012, date des dernières conclusions régularisées à cette fin en première instance par la société [2] ; que la capitalisation des intérêts s'opérera dans les conditions de l'article
1154 du code civil ; que pour les mêmes motifs que ci-dessus, M. [C] est mal fondé à prétendre se voir dispenser du paiement de l'indemnité d'occupation qu'il doit au titre de son maintien dans les lieux pour la période du 2 avril 2008 au 17 mars 2010 ; que reprenant ses demandes et moyen de première instance, M. [C] demande à se voir indemniser de sa perte d'exploitation sur la période du 18 janvier 2007 au 17 mars 2010, date de réception des travaux de réfection "de son local" à raison de 63,97 € par jour soit au total 76.681,92 € (1152 x 63,96 €) ainsi que de la perte partielle de sa clientèle lors de la reprise de son activité de pressing ; mais que c'est à juste titre et par des motifs pertinents que la cour approuve que les premiers juges ont retenu que la perte d'exploitation imputable au bailleur n'avait été totale que du 18 janvier 2007 au 8 janvier 2008 puis partielle, du fait des travaux restant à réaliser, après l'enlèvement des gravats, dans la seule réserve attenante à l'arrière-boutique, du 9 janvier 2008 au 17 mars 2010, date d'achèvement desdits travaux ; que M. [C] ne démontre pas que la privation de la réserve dans laquelle ne se trouvait entreposé aucun autre matériel que le compresseur, rendait impossible toute reprise de son activité ; qu'il sera relevé à ce stade que le rapport du sapiteur que l'expert judiciaire s'est adjoint permet d'établir que si le compresseur a été endommagé par le sinistre avec quelques articles en dépôt, M. [C] a été indemnisé par son assurance à hauteur de 14.704 € ; que le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a alloué à M. [C] la somme de 26.927 € au total en réparation de son préjudice au titre de sa perte totale (355 jours x 63,97 € = 22.709 €) puis partielle (4.218 €) 'exploitation » (arrêt, p. 5 et 6) ;
ET AUX MOTIFS ÉVENTUELLEMENT ADOPTÉS QUE « les lieux loués dont la description est reprise dans le rapport de l'expert comportent une boutique, une arrière-boutique et deux réserves ; que l'arrière-boutique et les deux réserves du rez-dechaussée sont couvertes par une charpente bois et une couverture en zinc ; que l'expert précise que dans le local réserve attenant à l'arrière-boutique, il n'existe plus le plafond en plâtre constitué de lattes de bois et plâtre projeté en sous face des solivages bois, structure du plancher, de même qu'il n'existe plus les hourdis plâtre entre les solivages bois ; que l'ensemble du plancher est visible à l'oeil nu, constitué de poutres en bois dont certaines sont visuellement vermoulues ; que dans son compte rendu faisant suite à la réunion du 3 décembre 2007 et après avoir rappelé les termes du courrier de la mairie de [Localité 1] du 31 janvier 2007, l'expert judiciaire a demandé au bailleur de : - s'assurer de la bonne tenue de la structure, un charpentier devant tester les poutres bois une à une et remettre ses conclusions sur l'état actuel des bois avec changement de poutraison et avec traitement éventuel des poutres, -- s'assurer que le reste des plafonds plâtre est sain et stable dans les parties sous toiture zinc, arrière-boutique et réserve séparée, -- procéder de toute urgence à la vérification prévue dans le courrier de la mairie de [Localité 1], par un professionnel du bâtiment ; que dans son rapport faisant suite à cette réunion du 3 décembre 2007, l'expert a "confirmé que le bailleur n'avait pas procédé aux travaux de sécurisation nécessaires (de nature à nuire à la solidité de l'immeuble) afin que M. [C] reprenne ses activités" ; qu'il ajoute qu'à cette date, le bailleur n'a pas procédé aux travaux de sécurisation nécessaires ; que c'est dans un diagnostic technique du 8 janvier 2008 (annexe 8 du rapport d'expertise) que la société [1] relève que "le plafond de la première partie de l'arrière-boutique ne présente pas de danger pour les biens et les personnes" et que le "sauvage bois existant dans la partie réserve peut servir de structure au faux plafond" ; qu'il a donc fallu attendre presque un an pour que ces travaux de sécurisation soient réalisés ; que c'est donc à cette date qu'a été démontré que le plafond de la première partie de l'arrière 'boutique ("atelier de travail avec une table à repasser, un fer à vapeur, une chaudière énergie électrique formant de la vapeur pour le fer, une machine à coudre") ne présentait pas de danger ; que le retard apporté par la société [2] pour faire réaliser ce diagnostic, malgré les demandes de la mairie de [Localité 1] et de l'expert est constitutif d'une faute ; que même s'il s'avère, après diagnostic, que le plafond de l'arrière-boutique ne présentait pas de danger, il n'en demeure pas moins que jusqu'à cette date, se posait un problème de sécurisation, non seulement pour la réserve, mais également pour l'arrière-boutique ; qu'ainsi, l'arrière-boutique n'était pas utilisable comme l'estime l'expert ; qu'il ne peut donc être soutenu que M. [C] aurait dû reprendre son activité le 7 mars 2007 en ayant à sa disposition la boutique et l'arrière boutique (hormis la réserve), alors qu'il ne pouvait disposer, en réalité, que de la boutique ; que M. [C] est donc bien fondé à revendiquer un préjudice pour perte d'exploitation pour la période du 18 janvier 2007 au 8 janvier 2008 pour la totalité des locaux, laquelle sera chiffrée au vu du rapport de M. [Y] à la somme de 22.709 €, calculée sur la base d'une perte journalière de 63,97 € pendant 355 jours ; que M. [C] soutient encore que les travaux de remise en état n'ont été réceptionnés que le 17 mars 2010, de sorte qu'il a également subi une perte d'exploitation pour cette période ; qu'il convient d'abord de relever que M. [C] ne démontre pas un comportement fautif dans la programmation des travaux de remise en état ; qu'en outre, si l'expert reconnaît que l'indisponibilité de la réserve est une gêne pour l'activité de M. [C] en ce qui concerne le stockage des vêtements, il souligne également que la boutique et l'arrière-boutique n'ont pas été endommagées par le sinistre ; que M. [C] fait valoir que l'exploitation du fonds de commerce n'est pas viable sans la mise à disposition de la réserve, local de stockage et de mise en place d'un compresseur alimentant la machine de pressing à sec, le détacheur et les circuits de distribution d'air compressé ; qu'il ajoute que l'utilisation de la réserve constitue un élément essentiel du fonds de commerce et qu'elle ne peut être dissociée de l'exploitation générale de l'activité de pressing à sec ; que toutefois, l'expert note que : - tout le matériel technique servant à l'exploitation du pressing est situé en dehors de la réserve à l'exception du compresseur, - -le matériel technique servant à l'exploitation du pressing n'a pas été endommagé par le sinistre du 18 janvier 2007, - le compresseur, seul matériel situé dans la réserve, n'a pas fait l'objet "d'endommagement" ; que l'expert indique encore que M. [C] ne s'est jamais expliqué sur le fait que cette réserve était indispensable à l'activité du pressing ; que l'attestation de M. [N] produite par M. [C] (pièce n° 25) est insuffisante pour constituer une telle preuve ; que seule la perte d'exploitation due à l'indisponibilité de la réserve peut donc être indemnisée, pour la période du 9 janvier 2008 au 17 mars 2010, suivant la méthode retenue par l'expert soit : - du 9 janvier 2008 au 31 décembre 2008 : 1.887 €, - du 1er janvier au 31 décembre 2009 : 1.930 €, - du 1er janvier au 17 mars 2010 : 401 € ; que la société [2] est donc redevable envers M. [C], d'une somme de 26 927 € au titre du préjudice d'exploitation » (jugement, p. 13 à 15) ;
ALORS QUE, premièrement, les juges du fond ont l'obligation de relever des éléments de fait propres à justifier leur décision ; qu'en l'espèce, Monsieur [C] soulignait que l'existence d'un compresseur, rendu inutilisable à la suite de l'effondrement du toit de la réserve, était nécessaire au fonctionnement des machines de nettoyage à sec, et que le seul local susceptible de l'abriter était la réserve endommagée où se trouvait l'installation électrique ainsi que le système d'aération nécessaires à son fonctionnement (conclusions, p. 8 et 11) ; qu'il fournissait au soutien de ce moyen plusieurs rapports attestant tant de la destruction du compresseur que des conditions particulières requises pour son installation (pièces d'appel no 25, 38 et 50) ; qu'en se bornant à répondre que Monsieur [C] ne démontrait pas que la privation de la réserve rendait impossible la reprise de son activité, sans s'expliquer sur aucun des éléments de preuve qui étaient produits devant eux ni relever aucun élément de fait de nature à fonder leur décision, les juges du fond ont statué par voie de simple affirmation, privant leur décision de base légale au regard des articles
1147 et
1719 du Code civil ;
ALORS QUE, deuxièmement, Monsieur [C] soulignait encore que, outre le compresseur, la réserve endommagée abritait également l'espace nécessaire à la remise des vêtements déposés par les clients (conclusions, p. 8 et 11) ; qu'en affirmant qu'aucun autre matériel que le compresseur n'était entreposé dans la réserve, sans s'expliquer sur l'usage qui en était fait pour remiser les vêtements des clients et sur les conséquences que la perte de cet usage pouvait avoir pour l'exercice de l'activité dans la boutique, les juges du fond ont encore privé leur décision de base légale au regard des articles
1147 et
1719 du Code civil ;
ET ALORS QUE, troisièmement, et en tout cas, le preneur a droit à réparation du préjudice tenant pour lui dans les difficultés d'exploitation résultant des manquements du bailleur si même cette exploitation n'est pas rendue absolument impossible ; qu'il importe peu à cet égard que, pour prévenir ces difficultés, le preneur ait décidé de cesser totalement son activité, dès lors que cette décision a été déterminée par la perspective des inconvénients qui auraient résulté avec certitude des manquements du bailleur ; qu'en l'espèce, Monsieur [C] faisait valoir que la jouissance du local endommagé était nécessaire au bon exercice de son activité commerciale et que sa privation avait justifié de ne pas reprendre l'activité avant le 17 mars 2010, date de sa remise en état (conclusions, p. 8 et 11) ; qu'en se bornant à opposer, pour refuser toute indemnisation de ce chef et limiter les dommages-intérêts à la seule privation de jouissance de la réserve, qu'il n'était pas démontré que cette privation rendait impossible toute reprise de son activité (arrêt, p. 6, § 4), sans s'interroger sur le point de savoir si elle ne la rendait pas à tout le moins plus difficile, et ce alors même qu'ils observaient que la reprise d'activité était rendue moins commode du fait des travaux à réaliser dans la réserve (p. 6, in limine), les juges du fond ont de toute façon privé leur décision de base légale au regard des articles
1147 et
1719 du Code civil.