Vu la procédure suivante
:
Procédure contentieuse antérieure :
La société Tinnarella a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 19 juin 2020 par lequel le maire de Grosseto-Prugna s'est opposé à sa déclaration préalable en vue de la division à fin de construire des parcelles alors cadastrées section A nos 3854 et 3855 et situées au lieu-dit Tinarella, à Porticcio, sur le territoire communal, ensemble la décision implicite portant rejet de son recours gracieux, et de mettre à la charge de la commune de Grosseto-Prugna la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2100062 du
29 septembre 2022, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 novembre 2022 et 29 septembre 2023, la société Tinnarella, représentée par Me Nesa, demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Bastia du 29 septembre 2022 ;
2°) d'annuler cet arrêté du maire de Grosseto-Prugna du 19 juin 2020 ainsi que cette décision implicite portant rejet de son recours gracieux ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Grosseto-Prugna une somme qui ne saurait être inférieure à 3 500 euros en application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable en la forme ;
- le tribunal administratif de Bastia a inexactement apprécié la situation géographique du terrain en cause et a entaché son jugement d'une erreur de droit ;
- à défaut de délégation de signature dûment signée et publiée dans les formes prévues par l'article
L. 2122-29 du code général des collectivités territoriales, l'arrêté contesté du maire de Grosseto-Prugna du 19 juin 2020 est entaché du vice d'incompétence ; le tribunal administratif de Bastia ne pouvait pas écarter ce moyen comme inopérant au motif que ce maire se trouvait en situation de compétence liée en raison de l'avis conforme défavorable du préfet, dès lors que cet avis, qui est entaché d'une inexacte appréciation matérielle des faits et, par suite, d'une erreur de droit tant dans l'application des dispositions de l'article
L. 121-8 du code de l'urbanisme que de celles de l'article L. 121-13 du même code, est irrégulier ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les dispositions de l'article
L. 121-8 du code de l'urbanisme étaient opposables aux déclarations préalables ;
- c'est également par une inexacte appréciation matérielle des faits que le tribunal administratif de Bastia a pu retenir que l'avis conforme défavorable du préfet était exempt de critique quant à l'application de cet article
L. 121-8 du code de l'urbanisme ; il en va de même dans l'appréciation des dispositions de l'article
L. 121-13 du code de l'urbanisme ; en effet, l'avis émis par le préfet est entaché d'une erreur de droit et révèle une inexacte appréciation matérielle des faits.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 14 avril et 31 octobre 2023, le second n'ayant pas été communiqué, la commune de Grossetto-Prugna, représentée par Me Chassany, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de la société Tinnarella au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- à titre principal, son maire était en situation de compétence liée et la société Tinnarella n'ayant pas excipé de l'illégalité de l'avis émis par le préfet le 5 mai 2020, ses moyens sont inopérants ;
- à titre subsidiaire, et en tout état de cause, les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 septembre 2023, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le maire de Grossetto-Prugna étant en situation de compétence liée et l'avis du préfet de la Corse-du-Sud étant exempt de tout vice, c'est à bon droit que le tribunal administratif de Bastia a écarté comme inopérant le moyen tiré du vice d'incompétence ; en tout état de cause, ce moyen n'est pas fondé ;
- la société Tinnarella ne peut soutenir que la déclaration préalable en litige respecterait les dispositions du deuxième alinéa de l'article
L. 121-8 du code de l'urbanisme telles que précisées par le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) et qui sont opposables à une déclaration préalable de division parcellaire en vue de construire ;
- le terrain d'assiette du projet en litige fait partie des espaces proches du rivage mentionnés par les dispositions de l'article
L. 121-13 telles que précisées par le PADDUC.
Par une ordonnance du 29 septembre 2023, la clôture de l'instruction, initialement fixée au 11 octobre 2023, a été reportée au 3 novembre 2023, à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- la loi n° 2018-1021 du 23 novembre 2018 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Lombart,
- les conclusions de Mme Balaresque, rapporteure publique,
- et les observations de Me Schrive, substituant Me Chassany, représentant la commune de Grosseto-Prugna.
Considérant ce qui suit
:
1. Le 9 mars 2020, la société Tinnarella a déposé un dossier de demande de déclaration préalable, auprès des services de la commune de Grossetto-Prugna, qu'elle a complété les 15 et 25 mai 2020, en vue de la division à fin de construire des parcelles cadastrées, initialement section A nos 3854 et 3855, et nouvellement section AD nos 37 et 38, situées au lieu-dit Tinnarella, à Porticcio, sur le territoire communal. Après que le préfet de la Corse-du-Sud a émis, le 5 mai 2020, un avis défavorable, le maire de Grosseto-Prugna s'est, par un arrêté du 19 juin 2020, opposé à cette déclaration préalable. La société Tinnarella relève appel du jugement du 29 septembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté et de la décision implicite portant rejet de son recours gracieux.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. D'une part, aux termes de l'article
L. 174-1 du code de l'urbanisme : " Les plans d'occupation des sols qui n'ont pas été mis en forme de plan local d'urbanisme, en application du titre V du présent livre, au plus tard le 31 décembre 2015 sont caducs à compter de cette date, sous réserve des dispositions des articles L. 174-2 à L. 174-5. (...) ". Selon l'article
L. 174-3 du même code : " Lorsqu'une procédure de révision du plan d'occupation des sols a été engagée avant le 31 décembre 2015, cette procédure peut être menée à terme en application des articles L. 123-1 et suivants, dans leur rédaction issue de la loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 pour l'accès au logement et un urbanisme rénové, sous réserve d'être achevée au plus tard le 26 mars 2017 (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article
L. 422-5 du code de l'urbanisme : " Lorsque le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale est compétent, il recueille l'avis conforme du préfet si le projet est situé : / a) Sur une partie du territoire communal non couverte par une carte communale, un plan local d'urbanisme ou un document d'urbanisme en tenant lieu (...) ". Si, lorsque la délivrance d'une autorisation administrative est subordonnée à l'accord préalable d'une autre autorité, le refus d'un tel accord, qui s'impose à l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, ne constitue pas une décision susceptible de recours, des moyens tirés de sa régularité et de son bien-fondé peuvent, quel que soit le sens de la décision prise par l'autorité compétente pour statuer sur la demande d'autorisation, être invoqués devant le juge saisi de cette décision.
4. Il est constant que la commune de Grosseto-Prugna n'a pas achevé la procédure de révision de son plan d'occupation des sols (POS) sous la forme d'un plan local d'urbanisme (PLU) avant le 26 mars 2017. Ainsi, en application des dispositions du code de l'urbanisme citées aux deux points précédents du présent arrêt, ce POS est devenu caduc à compter de cette date et le maire de Grosseto-Prugna était donc tenu de recueillir l'avis conforme du préfet de la Corse-du-Sud sur l'autorisation demandée.
5. Au cas particulier, le préfet de la Corse-du-Sud saisi, conformément à ce qui vient d'être dit, par le maire de Grosseto-Prugna, pour se prononcer sur le projet porté par la société Tinnarella, a émis un avis défavorable le 5 mai 2020 en se fondant sur le motif tiré de ce que le terrain, objet de la demande, si tant est qu'il puisse être considéré comme faisant partie d'un secteur déjà urbanisé au sens de l'article
L. 121-8 du code de l'urbanisme, est situé au sein d'un espace proche du rivage délimité par le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC). La société Tinnarella soutient que ce motif, ainsi énoncé dans cet avis et non censuré en première instance, est illégal. Ce faisant, et alors même qu'elle ne le fait pas davantage expressément que devant le tribunal administratif de Bastia, la société Tinnarella doit être regardée comme excipant de l'illégalité de cet avis.
6. Les lotissements, qui constituent des opérations d'aménagement ayant pour but l'implantation de constructions, doivent dès lors respecter les règles tendant à la maîtrise de l'occupation des sols édictées par le code de l'urbanisme ou les documents locaux d'urbanisme, même s'ils n'ont pour objet ou pour effet, à un stade où il n'existe pas encore de projet concret de construction, que de permettre le détachement d'un lot d'une unité foncière. Il appartient à l'autorité compétente, dans tous les cas, de s'opposer à une déclaration préalable portant sur un lotissement situé dans un secteur que ces règles rendent inconstructible en vertu notamment des dispositions applicables aux communes du littoral.
7. En premier lieu, aux termes de l'article
L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi susvisée du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique : " L'extension de l'urbanisation se réalise en continuité avec les agglomérations et villages existants. / Dans les secteurs déjà urbanisés autres que les agglomérations et villages identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, des constructions et installations peuvent être autorisées, en dehors de la bande littorale de cent mètres, des espaces proches du rivage et des rives des plans d'eau mentionnés à l'article
L. 121-13, à des fins exclusives d'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et d'implantation de services publics, lorsque ces constructions et installations n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre bâti existant ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti. Ces secteurs déjà urbanisés se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. / L'autorisation d'urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites. Elle est refusée lorsque ces constructions et installations sont de nature à porter atteinte à l'environnement ou aux paysages ". Le III de l'article 42 de cette loi du 23 novembre 2018 prévoit que : " Jusqu'au 31 décembre 2021, des constructions et installations qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti, peuvent être autorisées avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat, après avis de la commission départementale de la nature des paysages et des sites, dans les secteurs mentionnés au deuxième alinéa de l'article
L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction résultant de la présente loi, mais non identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme en l'absence de modification ou de révision de ces documents initiée postérieurement à la publication de la présente loi ". Le V du même article précise que les mots " en continuité avec les agglomérations et villages existants " - qui remplacent les mots : " soit en continuité avec les agglomérations et villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement " s'appliquent " sans préjudice des autorisations d'urbanisme délivrées avant la publication de la présente loi ". Cette modification de l'article
L. 121-8 du code de l'urbanisme ne s'applique pas " aux demandes d'autorisation d'urbanisme déposées avant le 31 décembre 2021 ni aux révisions, mises en compatibilité ou modifications de documents d'urbanisme approuvées avant cette date ". La loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique ayant été publiée au Journal officiel de la République française du 24 novembre 2018 et, la société Tinnarella ayant déposé son dossier de demande de déclaration préalable, auprès des services de la commune de
Grossetto-Prugna, le 9 mars 2020, les dispositions du V sont applicables en l'espèce.
8. D'une part, il résulte des dispositions du premier alinéa de l'article
L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable en l'espèce, que l'extension de l'urbanisation doit se réaliser, dans les communes littorales, soit en continuité avec les agglomérations et les villages existants, soit en hameaux nouveaux intégrés à l'environnement. Constituent des agglomérations ou des villages où l'extension de l'urbanisation est possible, au sens et pour l'application de ces dispositions, les secteurs déjà urbanisés caractérisés par un nombre et une densité significatifs de constructions.
9. D'autre part, le deuxième alinéa de l'article
L. 121-8 du code de l'urbanisme, dans sa rédaction issue de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique, ouvre la possibilité, dans les autres secteurs urbanisés qui sont identifiés par le schéma de cohérence territoriale et délimités par le plan local d'urbanisme, à seule fin de permettre l'amélioration de l'offre de logement ou d'hébergement et l'implantation de services publics, de densifier l'urbanisation, à l'exclusion de toute extension du périmètre bâti et sous réserve que ce dernier ne soit pas significativement modifié. En revanche, aucune construction ne peut être autorisée, même en continuité avec d'autres, dans les espaces d'urbanisation diffuse éloignés de ces agglomérations et villages. Il ressort des dispositions de ce deuxième alinéa de l'article
L. 121-8 du code de l'urbanisme que les secteurs déjà urbanisés qu'elles mentionnent se distinguent des espaces d'urbanisation diffuse par, entre autres, la densité de l'urbanisation, sa continuité, sa structuration par des voies de circulation et des réseaux d'accès aux services publics de distribution d'eau potable, d'électricité, d'assainissement et de collecte de déchets, ou la présence d'équipements ou de lieux collectifs. Par ailleurs, le III de l'article 42 de la loi du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique autorise, par anticipation, jusqu'au 31 décembre 2021 et sous réserve de l'accord de l'Etat, les constructions qui n'ont pas pour effet d'étendre le périmètre du bâti existant, ni de modifier de manière significative les caractéristiques de ce bâti dans les secteurs déjà urbanisés non encore identifiés par le schéma de cohérence territoriale ou non délimités par le plan local d'urbanisme.
10. Enfin, le respect du principe de continuité posé par l'article
L. 121-8 du code de l'urbanisme s'apprécie en resituant le terrain d'assiette du projet dans l'ensemble de son environnement, sans s'en tenir aux constructions situées sur les seules parcelles limitrophes de ce terrain (
Conseil d'Etat, 22 avril 2022, n° 450229, B).
11. Par ailleurs, le plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC), qui précise les modalités d'application de ces dispositions en application du I de l'article
L. 4424-11 du code général des collectivités territoriales, prévoit que, dans le contexte géographique, urbain et socioéconomique de la Corse, une agglomération est identifiée selon des critères tenant au caractère permanent du lieu de vie qu'il constitue, à l'importance et à la densité significative de l'espace considéré et à la fonction structurante qu'il joue à l'échelle de la
micro-région ou de l'armature urbaine insulaire, et que, par ailleurs un village est identifié selon des critères tenant à la trame et la morphologie urbaine, aux indices de vie sociale dans l'espace considéré et au caractère stratégique de celui-ci pour l'organisation et le développement de la commune, ces critères s'appliquant de façon cumulative. Le PADDUC prévoit par ailleurs la possibilité de permettre le renforcement et la structuration, sans extension de l'urbanisation, des espaces urbanisés qui ne constituent ni une agglomération ni un village, sous réserve qu'ils soient identifiés et délimités dans les documents d'urbanisme locaux. Enfin, il prescrit que l'extension de l'urbanisation sous forme de hameau nouveau intégré à l'environnement est exceptionnelle, précisément motivée dans le plan local d'urbanisme et répond soit à un impératif social ou économique soit à un impératif environnemental, technique ou légal. Ces prescriptions apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral.
12. Il ressort des pièces du dossier, et en particulier des documents cartographiques et photographiques qui y sont joints, que, d'une superficie totale de 5 485 m2, les parcelles cadastrées section AD nos 37 et 38 sont restées à l'état naturel et sont vierges de toute construction. Elles se situent sur une colline, dans le secteur de Tinnarella, à proximité de la mer. Alors même que les deux parcelles en cause feraient encore partie d'un lotissement, ce secteur, qui, bien qu'équipé en réseaux publics, ne comporte aucun lieu public, se caractérise par un habitat diffus entrecoupé d'espaces boisés et dont la forme ne présente pas de fonction structurante à l'échelle de la micro-région ou de l'armature urbaine insulaire et qui ne saurait être assimilé à une agglomération ou un village au sens du premier alinéa des dispositions précitées de l'article
L. 121-8 du code de l'urbanisme telles que précisées par le PADDUC.
13. Par ailleurs, ainsi que l'a relevé le préfet de la Corse-du-Sud dans son avis du 5 mai 2020, le territoire de la commune de Grosseto-Prugna n'est pas couvert par un PLU.
Il ressort, en outre, des pièces du dossier que le côté Sud-Ouest de la parcelle cadastrée section AD n° 38 est située à moins de 200 mètres de la mer dont elle n'est séparée que par quelques habitations situées en contrebas et avec laquelle, contrairement à ce que soutient l'appelante, elle est en situation de co-visibilité. Le terrain d'assiette composé de cette parcelle et de celles limitrophe cadastrée section AD n° 37 s'insérant ainsi dans un espace proche du rivage, la société Tinnarella, à supposer qu'elle puisse être regardée comme se prévalant des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article
L. 121-8 du code de l'urbanisme, ne peut utilement le faire comme au demeurant, elle ne pourrait davantage pas se prévaloir des dispositions du III de l'article 42 de la loi susvisée du 23 novembre 2018 portant évolution du logement, de l'aménagement et du numérique.
14. Dans ces circonstances, le moyen tiré de ce que le préfet de la Corse-du-Sud ne pouvait légalement se fonder sur les dispositions de l'article
L. 121-8 du code de l'urbanisme pour émettre un avis défavorable sur le projet porté par la société Tinnarella doit être écarté.
15. En second lieu, aux termes de l'article
L. 121-13 du code de l'urbanisme : " L'extension limitée de l'urbanisation des espaces proches du rivage ou des rives des plans d'eau intérieurs désignés au 1° de l'article
L. 321-2 du code de l'environnement est justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme, selon des critères liés à la configuration des lieux ou à l'accueil d'activités économiques exigeant la proximité immédiate de l'eau. / Toutefois, ces critères ne sont pas applicables lorsque l'urbanisation est conforme aux dispositions d'un schéma de cohérence territoriale ou d'un schéma d'aménagement régional ou compatible avec celles d'un schéma de mise en valeur de la mer. / En l'absence de ces documents, l'urbanisation peut être réalisée avec l'accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites appréciant l'impact de l'urbanisation sur la nature. Le plan local d'urbanisme respecte les dispositions de cet accord. / Dans les communes riveraines des plans d'eau d'une superficie supérieure à 1 000 hectares et incluses dans le champ d'application de la loi n° 85-30 du 9 janvier 1985, les autorisations prévues aux articles L. 122-20 et L. 122-21 valent accord de l'autorité administrative compétente de l'Etat au titre du troisième alinéa du présent article. "
16. Il résulte de ces dispositions ainsi que de celles de l'article
L. 121-13 du même code qu'une opération conduisant à étendre l'urbanisation d'un espace proche du rivage ne peut être légalement autorisée que si elle est, d'une part, de caractère limité et, d'autre part, justifiée et motivée dans le plan local d'urbanisme selon les critères qu'elles énumèrent. Cependant, lorsqu'un schéma de cohérence territoriale comporte des dispositions suffisamment précises et compatibles avec ces dispositions législatives qui précisent les conditions de l'extension de l'urbanisation dans l'espace proche du rivage dans lequel l'opération est envisagée, le caractère limité de l'urbanisation qui résulte de cette opération s'apprécie en tenant compte de ces dispositions du schéma concerné. Doivent être regardées comme une extension de l'urbanisation au sens de ces dispositions l'ouverture à la construction de zones non urbanisées ainsi que la densification significative de zones déjà urbanisées (
Conseil d'Etat, 21 avril 2023, nos 456788, 456808, B).
17. S'agissant des règles applicables aux espaces proches du rivage, le PADDUC, après avoir souligné que tout projet d'extension limitée de l'urbanisation doit être prévu, justifié et motivé dans un document d'urbanisme local, énonce les critères et indices déterminants permettant d'apprécier le caractère limité de l'extension ainsi que les modalités de mise en œuvre du principe d'extension limitée de l'urbanisation dans les espaces proches du rivage.
Ces prescriptions apportent des précisions et sont compatibles avec les dispositions du code de l'urbanisme particulières au littoral.
18. Ainsi qu'il a été dit plus haut, les parcelles cadastrées section AD nos 37 et 38 ne se situent pas en continuité d'une agglomération ou d'un village au sens des dispositions précitées du premier alinéa de l'article
L. 121-8 du code de l'urbanisme telles que précisées par le PADDUC. Il ressort également des pièces du dossier que ces parcelles s'implantent dans un espace proche du rivage. Par suite, le projet en litige ne pouvait légalement être autorisé au regard des dispositions de l'article
L. 121-13 du code de l'urbanisme telles que précisées par le PADDUC.
19. Il s'ensuit que le moyen, invoqué par la voie de l'exception, tiré de l'illégalité de l'avis conforme défavorable émis le 5 mai 2020 par le préfet de la Corse-du-Sud, doit être écarté. Au vu de cet avis, le maire de Grosseto-Prugna était donc tenu de s'opposer à la déclaration préalable en vue de la division à fin de construire des parcelles anciennement cadastrées section A nos 3854 et 3855.
20. Compte tenu de la situation de compétence liée dans laquelle se trouvait ainsi le maire de Grosseto-Prugna, les autres moyens invoqués par la société Tinnarella, dont, ainsi que l'ont jugé à bon droit les premiers juges, celui tiré du vice d'incompétence, ne peuvent, en tout état de cause, qu'être écartés comme inopérants.
21. Il résulte de tout ce qui précède que la société Tinnarella n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
22. Aux termes de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "
23. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Grosseto-Prugna, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une quelconque somme au titre des frais exposés par la société Tinnarella et non compris dans les dépens.
24. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, et sur le fondement de ces mêmes dispositions, il y a lieu de mettre à la charge de la société appelante une somme de 2 000 euros à verser à la commune intimée.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Tinnarella est rejetée.
Article 2 : La société Tinnarella versera à la commune de Grosseto-Prugna une somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Tinnarella, au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, et à la commune de Grosseto-Prugna.
Copie en sera adressée au préfet de la Corse-du-Sud.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2024, où siégeaient :
- M. Marcovici, président,
- M. Revert, président assesseur,
- M. Lombart, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2024.
2
No 22MA02902