CIV. 3
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 23 janvier 2020
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10036 F
Pourvoi n° F 18-21.858
Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme T....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 29 janvier 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 23 JANVIER 2020
1°/ M. NV... X..., domicilié [...] ,
2°/ M. WQ... X...,
3°/ Mme E... X...,
4°/ M. R... X...,
tous trois domiciliés [...] ,
5°/ Mme H... X..., épouse F..., domiciliée [...] ,
6°/ M. D... X...,
7°/ Mme I... X...,
tous deux domiciliés [...] ,
ont formé le pourvoi n° F 18-21.858 contre l'arrêt rendu le 29 mai 2018 par la cour d'appel de Fort-de-France (chambre civile), dans le litige les opposant :
1°/ à Mme S... T..., domiciliée [...] ,
2°/ à Mme G... U..., domiciliée [...] ,
3°/ à M. M... Q... L...,
4°/ à M. W... L...,
tous deux domiciliés [...] ,
tous trois en qualité d'ayants droit de C... L..., décédé,
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Béghin, conseiller référendaire, les observations écrites de la SCP Rousseau et Tapie, avocat des consorts X..., de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat des consorts U... L..., de la SCP Thouin-Palat et Boucard, avocat de Mme T..., et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 décembre 2019 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Béghin, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,
la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Les moyens de cassation annexés, qui sont invoqués à l'encontre de la décision attaquée, ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l'article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n'y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne les consorts X... aux dépens ;
En application
700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par les consorts X... et les condamne à payer aux consorts U... L... la somme de 3 000 euros et à la SCP Thouin-Palat et Boucard la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-trois janvier deux mille vingt.
MOYENS ANNEXES
à la présente décision
Moyens produits par la SCP Rousseau et Tapie, avocat aux Conseils, pour les consorts X....
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir constaté l'interruption de l'instance d'appel à l'égard de B... O..., décédé le [...], et d'avoir ordonné la radiation de l'affaire le concernant ;
Aux motifs que le décès de B... O... ayant été régulièrement notifié, l'instance s'est interrompue à son égard en application de l'article
370 du code de procédure civile ; qu'à défaut de reprise d'instance, il convient d'ordonner la radiation de l'affaire le concernant ;
Alors 1°) que le juge ne peut fonder sa décision sur une pièce qui n'a pas été régulièrement produite et communiquée aux parties ; qu'en retenant en l'espèce que le décès de B... O... avait été régulièrement notifié, sans que cette notification ait été versée aux débats, la cour d'appel a méconnu les articles
15,
16 et
132 du code de procédure civile.
Alors 2°) que le juge doit respecter le principe de la contradiction ; qu'en relevant d'office le moyen tiré de l'interruption de l'instance, sans inviter au préalable les parties à présenter leurs observations sur ce moyen, la cour d'appel a méconnu l'article
16 du code de procédure civile ;
Alors 3°) que la radiation d'une affaire du rôle suppose l'absence d'accomplissement de diligences par la partie à laquelle elles ont été enjointes, dans un délai déterminé par le juge ; qu'en s'abstenant de constater si un délai avait été imparti aux consorts X... pour accomplir les diligences de nature à reprendre l'instance, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles
370 et
376 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Il est reproché à l'arrêt attaqué d'avoir débouté les consorts X... de leurs demandes tendant à voir constater que c'est de façon abusive que M. C... L... avait décidé de fermer la servitude qui grevait la parcelle [...] qui lui appartenait et qu'il a vendue, donné l'autorisation aux consorts O... T... de passer sur leur terrain, que c'est également de façon abusive que les consorts O... T... passaient sur leur terrain, qu'ils y avaient installé leur boîte-aux lettres, et tendant à voir dire qu'il s'agissait d'une voie de fait et ordonner l'enlèvement de la boîte aux lettres de consorts O... T..., et tendant à leur faire interdiction de passer sur son terrain et à les voir condamner à leur payer la somme de euros à titre de dommages et intérêts ;
Aux motifs que les consorts X... revendiquent la propriété du chemin qu'emprunte aujourd'hui Mme S... T... seule, avec auparavant B... O..., pour rejoindre son terrain ; que cette dernière estime bénéficier d'une servitude l'autorisant à y passer, à quoi les consorts X... opposent que cette servitude est due par la parcelle [...] ayant appartenu à C... L... ; qu'en vertu des articles
637 et
639 du code civil, une servitude est une charge imposée sur un héritage pour l'usage et l'utilité d'un héritage appartenant à un autre propriétaire ; qu'elle dérive ou de la situation naturelle des lieux, ou des obligations imposées par la loi, ou des conventions entre les propriétaires ; qu'héritiers de C... X..., les consorts X... sont propriétaires de la parcelle aujourd'hui cadastrée [...] , que leur auteur avait achetée le 12 mai 1969 à M. ZK... EI... ; que l'acte de propriété ne fait mention d'aucune servitude de passage grevant la parcelle ; qu'ZS... C... L... a acquis la parcelle alors cadastrée section [...] , devenue [...] et aujourd'hui divisée au moins entre les parcelles [...] et [...], suivant acte des 30 novembre et 19 décembre 1983, qui ne vise pas davantage la moindre servitude ; que le titre de propriété des consorts T... O... n'est pas produit, de sorte qu'il ne peut être vérifié si une servitude conventionnelle y est inscrite ; qu'il ressort néanmoins des plans versés aux débats et des explications des parties qu'ils sont devenus propriétaires de l'actuelle parcelle [...] , après division de la parcelle [...] devenue [...] et rattachement de la parcelle [...] ; que le plan cadastral montre sans équivoque que cette parcelle est enclavée si bien qu'elle doit effectivement bénéficier d'une servitude de passage permettant à ses propriétaires d'y accéder depuis la route dite du [...], en application de l'article
682 du code civil ; qu'une telle servitude apparaît sur le plan de bornage du 26 janvier 2006 consécutif à la division par les époux K... de leur parcelle [...] , à laquelle il convient semble-t-il d'ajouter la [...], en [...] et [...] ; que ce plan a été approuvé par M. C... L..., alors propriétaire de l'ancienne parcelle [...] , limitrophe et non encore divisée ; que cette servitude traverse effectivement d'est en ouest la parcelle [...] depuis la parcelle [...] ; qu'à la limite entre les propriétés L... ([...]) et X... ([...]), elle est figurée comme rejoignant la route, du sud au nord, sur la parcelle [...] ; que ce plan ne propose pas un tracé fiable de la servitude qu'il n'avait pas pour objet principal de délimiter et n'est pas opposable aux consorts X... qui n'ont pas été appelés à participer aux opérations de bornage de propriétés non contiguës à la leur ; que, toutefois, il ressort de l'ensemble des éléments produits que le passage par la propriété [...] des consorts X... est à la fois le plus adapté, le plus commode et le moins gênant ; qu'en effet, le procès-verbal de constat dressé le 19 juin 2008 par le clerc de Maître OA... A..., huissier de justice à Fort-de-France, à la requête de M. NV... X..., fait clairement apparaître, sur cette parcelle, un chemin carrossable et aménagé qui est affecté au passage des véhicules depuis la route du [...] et qui est relié par une intersection à celui qui mène à la parcelle [...] de Mme S... T... à travers le terrain [...] des consorts L... ; que ce chemin est par ailleurs tracé en limite de la parcelle, en quasi-parallèle avec la ligne la séparant de la parcelle voisine [...] ; que manifestement ancien, il est déjà affecté à la desserte de plusieurs emplacements par les différents indivisaires de la parcelle [...] ; qu'il n'y a donc pas d'inconvénient particulier à ce qu'il soit aussi emprunté par la propriétaire du fonds enclavé ; que rien ne permet à l'inverse de considérer qu'il existait antérieurement un passage équivalent sur le terrain de C... L... devenu l'actuelle parcelle [...] ; que l'habitude qui a pu exister de couper par cette parcelle est évoquée par MM. Y... et NH... en des termes extrêmement imprécis tant sur les modalités de la pratique en vigueur que sur l'exact itinéraire suivi ; qu'elle est au surplus impropre à créer une servitude, qui ne naît pas de la simple tolérance d'un propriétaire et ne s'acquiert pas par prescription lorsqu'elle est discontinue (articles
690 et
2261 du code civil) ; que Mme S... T... est dès lors bien fondée à revendiquer une servitude de passage sur la parcelle [...] des consorts X... au profit du fonds dont elle est propriétaire, si bien que ceux -ci se plaignent à tort d'une voie de fait à son encontre, à raison de l'usage qu'elle fait du chemin existant, et à l'encontre de C... L..., qui a préconisé l'usage de ce chemin voisin et clôturé sa propre parcelle ; qu'il n'est pas établi que la boîte-aux-lettres de Mme S... T... est implantée sur la propriété des consorts X..., car le constat du 19 juin 2008 la situe avant le portail fermant l'entrée du chemin ; qu'elle est au demeurant un accessoire du passage et n'aggrave en rien la servitude ; que le stationnement du véhicule de Mme S... T... en bordure du chemin, attesté par le constat d'huissier et les photographies versées aux débats, n'est quant à lui pas conforme à l'objet de la servitude, et que son enlèvement, ainsi que celui de tout autre objet qui y serait déposé, sera donc ordonné ; qu'il n'est caractérisé aucun préjudice réel qui aurait pu être effectivement causé par ces faits ponctuels aux consorts X... ; qu'en conséquence, il convient de débouter les consorts X... de toutes leurs prétentions, à l'exception de celle tendant à l'enlèvement des objets déposés sur leur chemin, et de faire droit à celle de Mme S... T... tendant à la reconnaissance d'une servitude au bénéfice du fonds dont elle est propriétaire ;
Alors 1°) que si l'enclave résulte de la division d'un fonds par suite d'une vente, d'un échange, d'un partage ou de tout autre contrat, le passage ne peut être demandé que sur les terrains qui ont fait l'objet de ces actes ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que l'enclavement de la parcelle [...] appartenant aux consorts T... O... résultait de la division du fond [...], totalement étrangère à la parcelle [...] appartenant aux consorts X... ; qu'il en résultait que la reconnaissance d'un droit de passage sur la parcelle [...] était subordonnée à la constatation de l'insuffisance du passage sur les fonds divisés pour que les propriétaires de la parcelle [...] puissent accéder à la voie publique ; qu'en retenant néanmoins que l'habitude qui avait pu exister de passer par les parcelles provenant de la division était impropre à créer une servitude qui ne pouvait naître de la simple tolérance d'un propriétaire ni s'acquérir pas prescription, pour en déduire que Mme S... T... était bien fondée à revendiquer une servitude de passage sur la parcelle [...] des consorts X... au profit du fonds dont elle est propriétaires, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article
682 du code civil par fausse application, et de l'article 684 code civil par refus d'application ;
Alors 2°) qu'en tout état de cause, le juge a l'obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ; qu'en l'espèce, le procès-verbal de constat dressé le 19 juin 2008 par Me A... ne mentionnait l'existence d'un passage sur aucune parcelle précisément déterminée, mais se bornait à constater la présence de deux boîtes-aux-lettres et d'un véhicule sur un chemin situé sur la parcelle cadastrée [...] appartenant aux consorts X... et se poursuivant « vers le sud pour traverser en direction de l'Est la clôture séparant la propriété de celle cadastrée [...] appartenant actuellement à Mme TT... » et qui se poursuit « jusqu'à la propriété qu'occupent M. O... et Mme T... au fond et beaucoup plus au sud » ; qu'en se fondant sur ce procès-verbal de constat pour retenir qu'il établissait l'existence d'un chemin carrossable et aménagé affecté au passage des véhicules depuis le route du [...] et qui est relié par une intersection à celui qui mène à la parcelle [...] de Mme S... T... à travers le terrain [...] des consorts L..., chemin par ailleurs tracé en limite de la parcelle, en quasiparallèle avec la ligne la séparant de la parcelle voisine [...] , déjà affecté à la desserte de plusieurs emplacements par les différents indivisaires de la parcelle [...] et qui était à la fois le plus adapté, le plus commode et le moins gênant pour accéder depuis la voie publique à la parcelle [...], la cour d'appel a dénaturé ce document et ainsi méconnu le principe susvisé ;
Alors 3°) qu'en toute hypothèse, tout jugement doit être motivé, à peine de nullité ; qu'en retenant qu'il ressortait de l'ensemble des éléments produits que le passage par la propriété [...] des consorts X... était à la fois le plus adapté, le plus commode et le moins gênant, sans analyser les documents, fût-ce de façon sommaire, sur lesquelles elle s'est fondée, la cour d'appel a méconnu l'article
455 du code de procédure civile.