Vu la procédure suivante
:
Par une requête enregistrée le 21 novembre 2023, l'association Observatoire international des prisons-section française (OIP-SF), représentée par Me Quinquis, l'association pour la défense des droits des détenus (A3D), représentée par Me Chapelle et l'ordre des avocats du barreau E, représenté par Me Ghanassia, demandent au juge des référés :
1°) d'ordonner, sur le fondement des dispositions de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative, toutes mesures qu'il estimera utiles afin de faire cesser les atteintes graves et manifestement illégales portées aux libertés fondamentales des personnes détenues au centre pénitentiaire E Varces, et plus précisément, d'enjoindre au ministre de la justice, au ministre de la santé ou à toute autre autorité qu'il estimera utile, de mettre notamment en œuvre les mesures suivantes, sous astreinte :
- cesser immédiatement d'utiliser la cour de promenade actuelle du quartier disciplinaire et prendre toute mesure de nature à permettre aux personnes punies d'accéder à une cour respectueuse de la dignité humaine ;
- dans l'hypothèse où l'organisation d'un tel accès à une cour de promenade respectueuse de la dignité humaine ne serait pas immédiatement possible, suspendre temporairement tout placement au quartier disciplinaire, dans l'attente que des mesures soient prises pour garantir cet accès ;
- prendre toutes mesures utiles afin de garantir l'effectivité du droit des personnes punies à l'accès à un téléphone dans les conditions prévues par l'article
R. 235-10 du code pénitentiaire ;
- dans l'attente d'une solution pérenne, procéder, dans les cellules où cela n'aura pas déjà été fait, à l'élimination de la moisissure présente dans les cellules et, de manière générale, de remédier aux conditions d'insalubrité de ces cellules ;
- procéder à la réparation ou au remplacement des fenêtres défectueuses en cellule ;
- équiper les cellules qui le nécessitent de rangements, afin que les personnes détenues puissent stocker leurs affaires personnelles ;
- prendre toute mesure nécessaire au nettoyage des déchets sur les toits-terrasses ;
- prendre toutes mesures de nature à améliorer le cloisonnement des annexes sanitaires dans les cellules qui le nécessitent ;
- équiper les cours de promenades d'abris, bancs et installations légères d'exercice ;
- prendre toute mesure permettant la réouverture des deux cours de promenade fermées, notamment en réparant le mur de séparation
- réaliser un nettoyage approfondi en commençant à très bref délai par les douches qui le nécessitent et procéder aux petits travaux d'entretien courants et indispensables, parmi lesquels la remise en fonctionnement des bouches d'aération ;
- prendre toute mesure pour assurer l'intimité des personnes détenues dans les douches ;
- procéder au nettoyage des locaux et de la cour de promenade de l'unité sanitaire ;
- prendre des mesures, même transitoires, s'agissant des parloirs afin que les conditions minimales d'intimité puissent être offertes au détenu qui reçoit sa famille ;
- prendre toutes les mesures nécessaires au nettoyage régulier des parloirs et des lieux de circulation ;
- mettre en œuvre toute mesure pour que le sous-effectif du personnel n'affecte pas le droit aux visites des personnes détenues et de leurs proches ;
- prendre toute mesure tendant à strictement garantir la confidentialité des échanges entre les personnes détenues et leurs conseils au parloir des avocats ;
- mettre fin à la pratique des fouilles systématiques dans les quartiers spécifiques, et notamment au quartier mineur et ne faire un usage de ces fouilles que dans le strict respect des conditions et des principes de nécessité, proportionnalité et subsidiarité posés par l'article
L. 225-1 du code pénitentiaire ;
- assurer par tout moyen la traçabilité des fouilles intégrales pratiquées sur les personnes détenues ;
- proscrire toute fouille intégrale dans des locaux inappropriés tels que les douches ou le parloir des avocats ;
- équiper les cabines de fouilles conformément à la circulaire du 14 avril 2011 relative aux moyens de contrôle des personnes détenues (NOR : JUSK1140022C) ;
- faire immédiatement cesser les comportements contraires à la déontologie observés au sein du centre pénitentiaire ;
- diligenter une enquête des services compétents sur le comportement des surveillants, et notamment leurs manquements constatés lors de l'intervention des ERIS du 3 juillet 2023, et en tirer toutes les conséquences ;
- rappeler par une note de service aux agents leurs obligations déontologiques ainsi que les règles applicables à l'usage de la force en détention ;
- faire en sorte que tout acte de violence, menaces ou humiliation émanant du personnel et signalé à la direction fasse l'objet d'une enquête, d'un suivi et d'une réponse appropriée de la part de cette autorité et, lorsque les faits commis entrent dans les prévisions de l'article
40 du code de procédure pénale, adresser un signalement au procureur de la République ;
- procéder immédiatement, selon les modalités techniques les plus appropriées, et dans toute la mesure compatible avec la protection de la santé des personnes détenues ainsi qu'avec la nécessité de garantir la continuité du service public pénitentiaire, à l'ensemble des réparations qui s'imposent pour faire cesser tout danger pour la sécurité des personnes détenues et mettre en œuvre toutes les préconisations de la sous-commission de sécurité ;
- procéder à l'installation d'un système d'interphonie dans toutes les cellules du quartier maison d'arrêt dans les meilleurs délais et, prioritairement, dans les quartiers les plus exposés à un risque incendie ;
- faire réaliser dans les meilleurs délais une vérification de la sécurité incendie de l'établissement, en prenant en compte la situation structurelle de surpopulation ;
- procéder à une remise en état de la cuisine et à l'élimination de la moisissure ;
- garantir, par tout moyen, le respect des normes sanitaires dans la cuisine ;
- interdire la pratique consistant à entreposer le chariot destiné à la distribution des repas au SMPR dans le local de déshydratation des déchets ;
- prendre toute mesure pour que le sous-effectif n'affecte pas l'accès des personnes détenues aux activités ;
- procéder à la réouverture de la bibliothèque ;
- dans l'attente de la création de cellules adaptées aux personnes à mobilité réduite, procéder à une réorganisation des cellules accueillant des personnes à mobilité réduite afin qu'elles soient hébergées dans des conditions tenant compte de leur mobilité réduite ;
- faire procéder, dans les plus brefs délais, à une opération d'envergure susceptible de permettre la dératisation de l'ensemble des locaux du centre pénitentiaire ;
2°) d'enjoindre au ministre de la justice et à toute autre autorité qu'il estimera utile, dans un délai qu'il reviendra au juge de déterminer, d'indiquer au tribunal les mesures prises afin d'exécuter les mesures ordonnées.
Ils soutiennent que :
- les conditions de détention dégradantes auxquelles sont soumises les personnes incarcérées portent une atteinte grave et manifestement illégale au droit à la vie, au droit de ne pas être soumis à des conditions de détention inhumaines ou dégradantes, au droit au respect de la vie privée, au droit de communiquer librement avec son conseil et aux droits de la défense ;
- la condition d'urgence est remplie par la nécessité de mettre un terme à une situation contraire aux stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, d'autant plus qu'un grand nombre de personnes sont potentiellement victimes de cette méconnaissance des exigences conventionnelles, cette situation étant permanente.
Par une intervention enregistrée le 22 novembre 2023, la Fédération nationale des unions de jeunes avocats et C des jeunes avocats E, représentées par Me Bordon, demandent que le tribunal fasse droit aux conclusions de la requête n°2307447.
Par une intervention enregistrée le 23 novembre 2023, F des avocats de France, représenté par Me Segard, demande que le tribunal fasse droit aux conclusions de la requête n°2307447.
Par une intervention enregistrée le 23 novembre 2023, l'Institut des droits de l'homme du barreau E, représenté par Me Rouvier, demande que le tribunal fasse droit aux conclusions de la requête n°2307447.
Par une intervention enregistrée le 24 novembre 2023, le Conseil national des barreaux, représenté par Me Wilfried Samba Sambeligue, demande que le tribunal fasse droit aux conclusions de la requête n°2307447.
Par une intervention enregistrée le 28 novembre 2023, la Confédération nationale des avocats, représentée par Me Armand Samba Sambeligue, demande que le tribunal fasse droit aux conclusions de la requête n°2307447.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 novembre 2023, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution, et notamment son Préambule ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code pénitentiaire ;
- le code de procédure pénale ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. Pfauwadel, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique tenue le 28 novembre 2023 en présence de M. Muller, greffier :
- le rapport de M. Pfauwadel, juge des référés :
- les observations de Me Quinquis, avocat de l'Observatoire international des prisons - section française (OIP-SF) ;
- les observations de Me Segard, substituant Me Chapelle, avocat de l'association A3D ;
- les observations de Me Ghanassia, avocate de l'ordre des avocats E et celles de Me Balestas, bâtonnier de l'ordre des avocats E ;
- les observations de Me Bordon, avocat de la Fédération nationale des unions de jeunes avocats et C des jeunes avocats E ;
- les observations de Mme Segard, avocat du Syndicat des avocats de France ;
- les observations de Me Rouvier, avocat de l'Institut des droits de l'homme du barreau E ;
- les observations de Me Wilfried Samba-Sambeligue, avocat du Conseil national des barreaux et substituant Me Armand Samba-Sambeligue, avocat de la Confédération nationale des avocats ;
- les observations de M. B, chef d'établissement du centre pénitentiaire E, de Mme A, responsable administratif et financier du centre pénitentiaire E et de M. D, chef du département des affaires immobilières de la direction inter-régionale des services pénitentiaires de Lyon, représentant le garde des sceaux, ministre de la justice.
La clôture de l'instruction a été différée au 30 novembre 2023 à 14 h afin que le garde des sceaux, ministre de la justice produise les pièces dont il a été fait état durant l'audience.
Le garde des sceaux, ministre de la justice a produit des pièces le 30 novembre 2023 à 11 h 00.
Une note en délibéré, présentée par le garde des sceaux, ministre de la justice, a été enregistrée le 5 décembre 2023 à 16 h 22.
Une note en délibéré présentée pour l'Observatoire international des prisons a été enregistrée le 7 décembre 2023 à 11 h 31.
Considérant ce qui suit
:
1. Le centre pénitentiaire de Grenoble-Varces, mis en service en 1972, comporte un quartier maison d'arrêt pour hommes, un quartier maison d'arrêt pour mineurs et un quartier de semi-liberté. A la suite de la visite de l'établissement par une équipe de six contrôleurs du 3 au 12 juillet 2023, la contrôleure général des lieux de privation de liberté (CGLPL) a publié des recommandations en urgence du 22 août 2023 après avoir relevé que le taux d'occupation du quartier maison d'arrêt des hommes de 173 % et les nombreux dysfonctionnements structurels entraînaient des atteintes graves à la dignité et aux droits fondamentaux des personnes détenues. L'observatoire international des prisons-section française (OIP-SF), l'association pour la défense des droits des détenus (A3D) et l'ordre des avocats du barreau E demandent au juge des référés, sur le fondement de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative, d'ordonner des mesures pour faire cesser des atteintes graves et manifestement illégales qu'ils estiment portées aux libertés fondamentales des personnes détenues dans ce centre.
Sur les interventions :
2. La Fédération nationale des unions de jeunes avocats, C des jeunes avocats E, F des avocats de France, l'Institut des droits de l'homme du barreau E, le Conseil national des barreaux et la Confédération nationale des avocats justifient d'un intérêt suffisant à ce que soient prononcées les mesures demandées par l'Observatoire international des prisons-section française (OIP-SF), l'association pour la défense des droits des détenus et l'ordre des avocats du barreau E. Ainsi, leurs interventions à l'appui de la requête n° 2307447 sont recevables.
Sur le cadre juridique du litige :
3. Aux termes du premier alinéa de l'article
L. 2 du code pénitentiaire : " Le service public pénitentiaire s'acquitte de ses missions dans le respect des droits et libertés garantis par la Constitution et les conventions internationales ratifiées par la France, notamment la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ". L'article
L. 6 du même code dispose que : " L'administration pénitentiaire garantit à toute personne détenue le respect de sa dignité et de ses droits. L'exercice de ceux-ci ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles résultant des contraintes inhérentes à la détention, du maintien de la sécurité et du bon ordre des établissements, de la prévention de la commission de nouvelles infractions et de la protection de l'intérêt des victimes. Ces restrictions tiennent compte de l'âge, de l'état de santé, du handicap, de l'identité de genre et de la personnalité de chaque personne détenue ". Enfin, aux termes de l'article
L. 7 de ce code : " L'administration pénitentiaire doit assurer à chaque personne détenue une protection effective de son intégrité physique en tous lieux collectifs et individuels ".
4. Eu égard à la vulnérabilité des détenus et à leur situation d'entière dépendance vis-à-vis de l'administration, il appartient à celle-ci, et notamment aux directeurs des établissements pénitentiaires, en leur qualité de chefs de service, de prendre les mesures propres à protéger leur vie ainsi qu'à leur éviter tout traitement inhumain ou dégradant afin de garantir le respect effectif des exigences découlant des principes rappelés notamment par les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le droit au respect de la vie ainsi que le droit de ne pas être soumis à des traitements inhumains ou dégradants constituent des libertés fondamentales au sens des dispositions de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative. Lorsque la carence de l'autorité publique crée un danger caractérisé et imminent pour la vie des personnes ou les expose à être soumises, de manière caractérisée, à un traitement inhumain ou dégradant, portant ainsi une atteinte grave et manifestement illégale à ces libertés fondamentales, et que la situation permet de prendre utilement des mesures de sauvegarde dans un délai de quarante-huit heures, le juge des référés peut, au titre de la procédure particulière prévue par l'article
L. 521-2, prescrire toutes les mesures de nature à faire cesser la situation résultant de cette carence.
Sur les pouvoirs que le juge des référés tient de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative :
5. Aux termes de l'article
L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire. Il n'est pas saisi du principal et se prononce dans les meilleurs délais ". Aux termes de l'article
L. 521-2 du même code : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". Aux termes de l'article
L. 521-4 du même code : " Saisi par toute personne intéressée, le juge des référés peut, à tout moment, au vu d'un élément nouveau, modifier les mesures qu'il avait ordonnées ou y mettre fin ".
6. Il résulte de la combinaison des dispositions des articles
L.511-1,
L.521-2 et
L.521-4 du code de justice administrative qu'il appartient au juge des référés, lorsqu'il est saisi sur le fondement de l'article
L. 521-2 précité et qu'il constate une atteinte grave et manifestement illégale portée par une personne morale de droit public à une liberté fondamentale, de prendre les mesures qui sont de nature à faire disparaître les effets de cette atteinte. Ces mesures doivent en principe présenter un caractère provisoire, sauf lorsqu'aucune mesure de cette nature n'est susceptible de sauvegarder l'exercice effectif de la liberté fondamentale à laquelle il est porté atteinte. Le juge des référés peut, sur le fondement de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative, ordonner à l'autorité compétente de prendre, à titre provisoire, une mesure d'organisation des services placés sous son autorité lorsqu'une telle mesure est nécessaire à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. Toutefois, le juge des référés ne peut, au titre de la procédure particulière prévue par l'article
L. 521-2 précité, qu'ordonner les mesures d'urgence qui lui apparaissent de nature à sauvegarder, dans un délai de quarante-huit heures, la liberté fondamentale à laquelle il est porté une atteinte grave et manifestement illégale. Eu égard à son office, il peut également, le cas échéant, décider de déterminer dans une décision ultérieure prise à brève échéance les mesures complémentaires qui s'imposent et qui peuvent également être très rapidement mises en œuvre. Dans tous les cas, l'intervention du juge des référés dans les conditions d'urgence particulière prévues par l'article
L. 521-2 précité est subordonnée au constat que la situation litigieuse permette de prendre utilement et à très bref délai les mesures de sauvegarde nécessaires. Compte tenu du cadre temporel dans lequel se prononce le juge des référés saisi sur le fondement de l'article
L. 521-2, les mesures qu'il peut ordonner doivent s'apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente et des mesures qu'elle a déjà prises.
Sur les demandes d'injonction des requérants :
En ce qui concerne les demandes relatives à des mesures structurelles :
7. Pour faire cesser les atteintes invoquées aux droits découlant des articles 2, 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, les requérants demandent qu'il soit enjoint à l'administration :
En ce qui concerne le quartier disciplinaire :
8. Il résulte des photographies versées au dossier et des recommandations de la CGLPL que la cour de promenade du quartier disciplinaire est constituée d'un espace couvert n'excédant pas 25 m², dont les ouvertures, d'une hauteur de seulement 25 cm, sont en partie haute de deux pans de murs et n'offrent ainsi aucune vue. Les requérants soutiennent que la configuration d'une telle cour de promenade participe à la violation de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et demandent qu'il soit enjoint de cesser immédiatement son utilisation et de prendre toute mesure de nature à permettre aux personnes placées dans ce quartier d'accéder à une autre cour de promenade ou, subsidiairement, de suspendre temporairement tout placement au quartier disciplinaire. Si cette cour n'est pas conforme aux dispositions de l'article
R. 321-5 du code pénitentiaire selon lesquelles " chaque personne détenue doit pouvoir effectuer une promenade d'au moins une heure à l'air libre par jour", les photographies produites par les requérants montrent néanmoins un espace non dégradé et propre attenant à des cellules au confort minimal mais non dégradées. L'administration indique que sont à l'étude l'adaptation de la cour actuelle ou la réhabilitation d'anciennes cours de promenades au 5ème étage et plusieurs devis ont été sollicités, notamment pour le retrait de la toiture actuelle au 5ème étage et la pose d'un barreaudage conforme. Elle soutient également que les solutions relatives à l'utilisation des cours de promenade existantes par les personnes placées au quartier disciplinaire ont été écartées en raison de la distance entre celles-ci et le quartier disciplinaire et le blocage des mouvements de l'ensemble de la détention qui pourrait en résulter 14 fois par jour lorsque le quartier disciplinaire est entièrement plein. Eu égard à l'ensemble de ces circonstances et alors que les mesures que peut prononcer le juge des référés sur le fondement de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative doivent s'apprécier en tenant compte des moyens dont dispose l'autorité administrative compétente, les demandes d'injonctions des requérants doivent être rejetées.
9. Les requérants demandent qu'il soit enjoint à l'administration de prendre toutes mesures utiles afin de garantir l'effectivité du droit des personnes punies à l'accès à un téléphone dans les conditions prévues par l'article
R. 235-10 du code pénitentiaire. Ils produisent une photographie faisant apparaître que le téléphone installé dans la cour du quartier disciplinaire est détérioré. Toutefois, l'administration justifie qu'elle a adressé à la société Télio, le 23 novembre 2023, une demande d'intervention urgente pour la réparation de ce téléphone. Dès lors, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande d'injonction.
En ce qui concerne les conditions matérielles de détention dans les cellules :
10. La CGLPL mentionne dans ses recommandations en urgence du 22 août 2023 que les cellules sont inadaptées, vétustes et dégradés, que les bâtiments ne sont ni isolés ni ventilés, ce qui entraîne l'apparition de moisissures sur les murs, déjà sales et détériorés, que la peinture écaillée se détache par plaques. L'OIP-SF, l'association A3D et l'ordre des avocats E demandent qu'il soit enjoint à l'administration de procéder à l'élimination de la moisissure présente dans certaines cellules, de remédier aux conditions d'insalubrité de ces cellules. Toutefois, l'isolation du bâtiment et l'installation d'un système de ventilation, qui seules peuvent mettre fin à la formation de moisissures, constituent des mesures d'ordre structurel insusceptibles d'être mises en œuvre et de porter effet à très bref délai, ne sont pas au nombre des mesures d'urgence que la situation permet de prendre utilement dans le cadre des pouvoirs que le juge des référés tient de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative. Il en est de même des travaux de rénovation complète que l'état d'insalubrité de cellules peut nécessiter. Les demandes d'injonction sur ces points doivent dès lors être rejetées.
11. La CGLPL mentionne dans ses recommandations en urgence que nombre de cellules ont des fenêtres qui ne ferment pas, dont les vitres sont cassées ou ont disparu, contraignant les détenus à occulter les ouvertures pour se protéger de la chaleur ou du froid. Elle relève également que le mobilier, en mauvais état, est inadapté au nombre d'occupants et que faute de rangements suffisants, les détenus stockent leurs vêtements sous les lits. Le rapport mentionne par ailleurs que dans certaines cellules, les fils électriques apparents et les prises descellées présentent des risques d'incendie et d'électrocution. L'administration reconnaît que des fenêtres sont recouvertes de papier ou de carton en raison de vitres brisées mais soutient que l'établissement procède au changement des fenêtres défectueuses ou cassées sur demande des personnes détenues, dans un délai variable suivant la difficulté de la réparation. Toutefois, elle n'apporte aucune précision sur ces délais et ne justifie pas disposer d'un stock de fenêtres et de vitres en polycarbonate suffisant pour permettre d'effectuer rapidement les réparations. Par ailleurs, elle n'allègue pas que les prises électriques des cellules seraient conformes aux normes. Enfin, si l'administration fait valoir que l'impossibilité de rangement dans les meubles en raison de leur dégradation peut être signalée à l'administration par le système numérique ou constatée lors des états des lieux réalisés à chaque changement d'occupant d'une cellule, le constat de rangement de vêtements sur le sol montre que l'établissement n'est pas toujours en mesure de réparer ou remplacer ce mobilier, dont l'acquisition d'un stock suffisant pour faire face aux détériorations ne peut être regardé comme constituant une mesure d'ordre structurel insusceptible d'être mise en œuvre et de porter effet à très bref délai. L'ensemble de ces manquements dans des cellules suroccupées et dégradées constitue une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés fondamentales garanties par les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auxquelles il doit être remédié en urgence. Par suite, il y a lieu d'enjoindre à l'administration pénitentiaire de procéder aux vérifications des prises électriques des cellules et aux réparations qui s'imposent, au remplacement des vitres cassées et des fenêtres défectueuses, et d'équiper les cellules du mobilier de rangement correspondant au nombre de ses occupants.
12. Aux termes de l'article
R. 321-3 du code pénitentiaire : " () Lorsqu'une cellule est occupée par plus d'une personne, un aménagement approprié de l'espace sanitaire est réalisé en vue d'assurer la protection de l'intimité des personnes détenues ". La CGLPL mentionne dans ses recommandations que l'espace WC de la cellule n'est séparé du reste de la pièce que par une porte battante incomplète et que les détenus confectionnent des rideaux de fortune. Le compte-rendu rédigé par une journaliste accompagnant la députée Elisa Martin lors de sa visite de l'établissement le 6 octobre 2023 mentionne que dans la seconde cellule visitée, un simple drap sépare les sanitaires du reste de la cellule et que selon la direction, les 2/3 des cellules seraient actuellement dotées de cloisons solides battantes. L'administration fait valoir que les sanitaires sont séparés du reste de la cellule par une cloison partielle de 1,60 m de hauteur et une porte battante de 1,42 m de hauteur qui est remplacée en cas de dégradation. Si l'absence de cloisonnement total peut être justifiée par la nécessité de pouvoir surveiller la totalité de la cellule, l'absence de porte fermant ce cloisonnement dans une cellule collective porte une atteinte grave et manifestement illégale à la dignité humaine et au droit au respect de la vie privée et familiale des personnes détenues. Il résulte des constats effectués par les contrôleurs de la CGLPL et lors de la visite de la députée Elisa Martin que cette intimité des personnes détenues n'est pas assurée, alors même que le chef d'établissement a indiqué que le centre pénitentiaire disposait d'un stock de portes. Dans ces conditions et alors que l'urgence est caractérisée, il y a lieu d'enjoindre à l'administration de procéder au remplacement des portes assurant le cloisonnement de l'espace toilettes des cellules.
En ce qui concerne les cours de promenade :
13. Les requérants demandent d'enjoindre à l'administration de prendre toute mesure permettant la réouverture des deux cours de promenade fermées, en réparant le mur de séparation, d'équiper les cours de promenades d'abris, de bancs et d'installations légères d'exercice. Eu égard à leur objet, ces injonctions qui portent sur des mesures d'ordre structurel insusceptibles d'être mises en œuvre, et dès lors de porter effet, à très bref délai, ne sont pas au nombre des mesures d'urgence que la situation permet de prendre utilement dans le cadre des pouvoirs que le juge des référés tient de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative. Au demeurant, l'administration justifie que les travaux de rénovation définitifs du mur de séparation sont prévus au printemps 2024. Les demandes d'injonction doivent être rejetées.
En ce qui concerne les douches :
14. Les requérants demandent qu'il soit enjoint à l'administration de réaliser un nettoyage approfondi des douches qui le nécessitent, de procéder à la remise en fonctionnement des bouches d'aération et de prendre toute mesure pour assurer l'intimité des personnes détenues dans les douches. Si les photographies des douches collectives versées au dossier font apparaître la nécessité de leur rénovation complète, mesure d'ordre structurel qui n'est pas au nombre des mesures d'urgence pouvant être ordonnées sur le fondement de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative, elles ne montrent pas un état de saleté et l'administration justifie de l'acquisition d'un nettoyeur haute-pression et de ce que le nettoyage quotidien des douches fait partie des tâches des auxiliaires d'étage. Si les cabines de douche ne disposent pas de portes, elles comportent néanmoins chacune un dégagement permettant de préserver une certaine intimité, compatible avec l'exigence d'assurer une protection effective de l'intégrité physique des personnes détenues en tous lieux collectifs et individuels incombant au personnel de surveillance en vertu de l'article
L.7 du code pénitentiaire.
En ce qui concerne le nettoyage des locaux et de la cour de l'unité sanitaire :
15. Les recommandations de la CGLPL qualifient d'insalubres les locaux de l'unité sanitaire de niveau 1 après avoir relevé des moisissures au plafond des salles de soins et de consultation, une salle d'attente exiguë et sale ; elles mentionnent également que les toilettes de l'unité sanitaire de niveau 2 et du préau de la cour de promenade sont dans un état de saleté extrême. Les requérants demandent qu'il soit enjoint de procéder au nettoyage des locaux et de la cour de promenade de l'unité sanitaire de l'établissement. Il ressort des photographies produites par l'administration que la salle d'attente de l'unité sanitaire est désormais dans un état de propreté correct, que le couloir, la salle de consultation, la cour de promenade et son préau du service médico-psychologique régional (SMPR) sont dans un bon état de propreté. L'administration fait par ailleurs valoir que les cellules du SMPR ont toutes été repeintes récemment à l'exception d'une seule qui le sera prochainement et elle produit une photographie des douches de ce quartier montrant leur bon état. Il n'y a dès lors pas lieu à prononcer l'injonction demandée par les requérants.
En ce qui concerne les parloirs :
16. Les associations requérantes et l'ordre des avocats E demandent qu'il soit enjoint à l'administration de prendre des mesures permettant d'assurer des conditions d'intimité aux personnes détenues recevant leurs familles, de prendre les mesures nécessaires au nettoyage régulier des parloirs et des lieux de circulation et de mettre en œuvre toute mesure pour que le sous-effectif du personnel n'affecte pas le droit aux visites des personnes détenues et de leurs proches. Il résulte des photographies versées au dossier que les parloirs sont constitués de dix box séparés par des cloisons, meublés d'une table et de chaises et fermés par des portes barreaudées parfois recouvertes de plexiglass permettant une surveillance visuelle par un surveillant qui effectue des rondes. L'absence d'intimité complète des visites des familles est justifiée par les contraintes sécuritaires qui pèsent sur l'administration. L'établissement dispose également d'un parloir plus grand à l'usage des familles. Les photographies produites montrent que les boxes sont dans un état de propreté correct et un auxiliaire est spécialement affecté au nettoyage quotidien de cet espace. Par ailleurs, il ne relève pas de l'office du juge des référés d'ordonner des mesures d'ordre structurel telles qu'enjoindre à l'administration de recruter du personnel supplémentaire à affecter à certaines tâches, et il ne résulte pas de l'instruction que la durée et la fréquence des parloirs porterait atteinte au droit des personnes détenues à être visitées par leurs proches. Par suite, il n'y a pas lieu de prononcer les injonctions demandées.
17. Les requérants font état d'une maintenance insuffisante des parloirs avocats dont certains ne disposent pas de poignées de porte et ils font valoir que la séparation en plexiglass vissée au mur ne permet pas, en raison de l'exiguïté de la cabine, d'ouvrir leur dossier au dessus de la table pour pouvoir en discuter avec leur client. Ils demandent d'enjoindre de prendre toute mesure tendant à strictement garantir la confidentialité des échanges entre les personnes détenues et leurs conseils. Le chef d'établissement s'étant engagé au cours de l'audience à faire retirer les séparations en plexiglass installées pendant la crise sanitaire et à faire assurer la fermeture des portes de ces parloirs, il n'y a pas lieu de prononcer l'injonction demandée.
En ce qui concerne les fouilles :
18. Les associations requérantes et l'ordre des avocats E demandent qu'il soit enjoint à l'administration de mettre fin à la pratique des fouilles systématiques dans les quartiers spécifiques, notamment le quartier mineur, et ne faire un usage de ces fouilles que dans le strict respect de l'article
L. 225-1 du code pénitentiaire. Les requérants demandent également qu'il soit enjoint d'assurer la traçabilité des fouilles intégrales, de proscrire toute fouille intégrale dans des locaux inappropriés tels que les douches ou le parloir des avocats et d'équiper les cabines de fouilles conformément à la circulaire du 14 avril 2011 relative aux moyens de contrôle des personnes détenues. L'administration soutient que les fouilles sont exercées dans l'établissement conformément aux dispositions du code pénitentiaire et que chaque fouille intégrale fait l'objet d'un enregistrement dans le logiciel GENESIS comportant notamment la date à laquelle elle a été pratiquée, ses motifs, l'identité de la personne détenue et celle de l'auteur de la décision, et elle justifie de la diffusion de notes de service rappelant les obligations réglementaires, la dernière datant du 24 novembre 2023. L'administration produit des photographies de cabines dédiées aux fouilles qui montrent que celles-ci disposent désormais de patères et de sièges permettant d'accrocher ou de déposer les vêtements. Dès lors, il n'y a pas lieu de prononcer les injonctions demandées par les requérants.
En ce qui concerne le respect de la déontologie des agents :
19. L'équipe médicale du SMPR a adressé à la direction de l'établissement une lettre ouverte en date du 21 juin 2023 relatant des comportements et propos des agents pénitentiaires contraires à leurs obligations déontologiques. D'autre part, la CGLPL mentionne dans ses recommandations que selon des informations concordantes parvenues aux contrôleurs après l'incendie du 3 juillet 2023, lors de la remontée des détenus en cellules, des violences physiques et des insultes racistes auraient été commises par des membres des équipes régionales d'intervention et de sécurité (ERIS) sur plusieurs détenus ayant déjà regagné leur cellule. Les requérants demandent qu'il soit enjoint à l'administration de faire cesser les comportements contraires à la déontologie observés au sein du centre pénitentiaire, de rappeler par une note de service aux agents leurs obligations déontologiques ainsi que les règles applicables à l'usage de la force en détention de diligenter une enquête sur le comportement des surveillants, notamment les manquements constatés lors de l'intervention des ERIS du 3 juillet 2023 et de faire en sorte que tout acte de violence, menaces ou humiliation émanant du personnel fasse l'objet d'une enquête, d'une réponse appropriée de la part de cette autorité et, le cas échéant, d'un signalement au procureur de la République. L'administration fait valoir qu'un des agents concernés par la lettre du 21 juin 2023 avait pu être identifié et elle justifie de la réprimande dont il a fait l'objet le 21 juillet 2023, comportant un rappel déontologique sur des propos tenus à l'égard des personnes détenues présentant un profil vulnérable. Elle indique également qu'à la suite de la lettre de l'équipe médicale du SMPR, il a été lu au personnel surveillant, à chaque appel quotidien pendant trois semaines à partir du 1er septembre 2023, un texte mentionnant que des comportements inadéquats et non professionnels avaient été relevés, notamment à l'égard de personnes placées dans des secteurs spécifiques, rappelant les agents à leurs obligations d'exemplarité et de neutralité, et enjoignant aux agents de s'abstenir de tenir des propos déplacés à l'égard des personnes détenues ou de les stigmatiser. Pour ce qui est de l'usage de la force, l'administration produit les notes de service en date des 4 février 2016 et 23 novembre 2023 prévoyant, en cas d'intervention nécessitant l'usage de la force ou de moyens de contrainte, une obligation pour la personne ayant supervisé cette intervention de transmettre au chef de détention un formulaire permettant d'en assurer la traçabilité et d'en vérifier sa justification. Elle fait valoir qu'un COPIL de lutte contre les violences a eu lieu le 20 juin 2023, qu'il a vocation à se réunir a minima deux fois par an afin de décliner au sein de l'établissement le plan national de lutte contre les violences et que ce COPIL a abouti à l'installation d'un collège de déontologie local commun des établissements et SPIP de l'Isère, lequel a pour objet principal d'évaluer et de trouver des solutions liées à tout problème déontologique concernant le personnel ou les intervenants. L'administration soutient par ailleurs qu'une réunion s'est tenue au sein de la base ERIS le lendemain de l'intervention des ERIS le 3 juillet 2023, en présence de représentants de la direction interrégionale des services pénitentiaires de Lyon et que le rapport de la direction interrégionale en date du 12 juillet 2023 a notamment abouti à l'usage systématique de la caméra-piéton pour les agents ERIS. Elle ajoute que les plaintes concernant cette intervention et les certificats médicaux de deux personnes détenues ont été réceptionnées le 6 septembre, que des personnes détenues qui étaient présentes ont été entendues par l'adjointe au chef d'établissement le 7 septembre 2023, qu'il leur a été demandé si elles souhaitaient porter plainte et que la procédure judiciaire initiée par les autorités judiciaires, qui interrompt le délai de trois ans dans lequel peut être engagée procédure disciplinaire, permettra de faire la lumière sur ces dénonciations. Dans ces conditions, il n'y a pas lieu de prononcer les injonctions demandées par les requérants.
En ce qui concerne la sécurité et la prévention des risques d'incendie :
20. Les requérants demandent qu'il soit enjoint de procéder à l'ensemble des réparations qui s'imposent pour faire cesser tout danger pour la sécurité des personnes détenues et mettre en œuvre toutes les préconisations de la sous-commission de sécurité, de procéder à l'installation d'un système d'interphonie dans toutes les cellules du quartier maison d'arrêt, prioritairement dans les quartiers les plus exposés à un risque incendie et de faire réaliser dans les meilleurs délais une vérification de la sécurité incendie de l'établissement prenant en compte la situation structurelle de surpopulation. Le rapport de la sous-commission départementale de la sécurité incendie faisant suite à sa visite quadriennale du 17 octobre 2023 n'ayant pas encore été déposé, la demande d'injonction de mise en œuvre des préconisations de la sous-commission est prématurée en ce qui concerne cette visite. Dans son rapport précédent, du 15 janvier 2020, qui a pris en compte l'effectif de 360 personnes détenues présentes le jour de sa visite, la sous-commission n'a pas relevé de non-conformité et a émis un avis favorable à la poursuite de l'exploitation de l'établissement assorti de prescriptions. L'administration justifie de la mise en conformité aux normes des trappes désenfumage et du système de sécurité incendie. Par ailleurs, les injonctions relatives à l'installation d'un système d'interphonie portent sur des mesures d'ordre structurel et ne sont pas au nombre des mesures d'urgence que la situation permet de prendre utilement dans le cadre des pouvoirs que le juge des référés tient de l'article
L. 521-2 du code de justice administrative. Au demeurant, il existe un système d'appel d'urgence par interphonie au quartier mineur, au quartier arrivants et au quartier du service médico-psychologique régional (SMPR) et les personnes détenues peuvent se signaler auprès des surveillants la nuit par l'intermédiaire de l'auxiliaire d'étage doté d'un téléphone sans fil. Dans ces conditions, les demandes d'injonction doivent être rejetées.
En ce qui concerne la cuisine du centre pénitentiaire :
21. A la suite de l'inspection effectuée du 3 au 12 juillet 2023, la CGLPL a indiqué que la cuisine ne permet pas de garantir la sécurité sanitaire des aliments, que les murs et plafonds sont sales et abîmés et que des plats sont préparés en-dessous de murs souillés de moisissures. Les associations requérantes et l'ordre des avocats E demandent qu'il soit enjoint de procéder à une remise en état de la cuisine et à l'élimination de la moisissure. L'administration fait valoir que des travaux de remise en état des murs et du plafond ont été réalisés au cours de l'été 2023 et en justifie par la production de photographies. Les requérants demandent également qu'il soit enjoint d'interdire que le chariot destiné à la distribution des repas au SMPR soit entreposé dans le local de déshydratation des déchets. Il résulte néanmoins des pièces produites et des explications apportées à l'audience que le déshydrateur n'est utilisé que pour traiter de la nourriture qui n'a pas été distribuée et que l'entreposage dans le même local du chariot utilisé pour transporter la nourriture dans des sacs isothermes vers le SMPR ne peut être regardé comme présentant un risque pour la sécurité alimentaire. Il ne résulte ainsi pas de l'instruction que l'administration pénitentiaire porterait une atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale. Les demandes d'injonction concernant la cuisine doivent dès lors être rejetées.
En ce qui concerne la bibliothèque et l'accès aux activités :
22. Les requérants demandent qu'il soit enjoint à l'administration de procéder à la réouverture de la bibliothèque et de prendre toute mesure pour que le sous-effectif n'affecte pas l'accès des personnes détenues aux activités. Toutefois, l'administration fait valoir que depuis le 18 septembre 2023, la bibliothèque est restée ouverte sans discontinuité. Par ailleurs, elle justifie de l'organisation d'activité socio-culturelles, d'enseignement et sportives. Alors qu'il ne relève pas de l'office du juge des référés d'ordonner des mesures d'ordre structurel telles qu'enjoindre le recrutement de personnels supplémentaires à affecter à certaines tâches, il ne résulte pas de l'instruction que dans la mesure des moyens en personnel dont elle dispose, l'administration n'affecterait pas suffisamment d'agents à ces activités. La demande d'injonction doit dès lors être rejetée.
En ce qui concerne la réorganisation des cellules pouvant accueillir des personnes à mobilité réduite :
23. Il résulte des photographies produites à l'instance que l'établissement, qui ne comprend pas de cellules aux normes PMR, dispose néanmoins d'une cellule aménagée pour les personnes en situation de handicap dont la superficie permet de se déplacer en fauteuil roulant et qui comporte une douche et des toilettes accessibles en fauteuil munies de barres d'appui, la douche étant également équipée d'un banc mural. L'administration fait valoir que cette cellule est actuellement inoccupée, la direction interrégionale des services pénitentiaires de Lyon veillant à ce que les personnes atteintes d'un handicap moteur soient transférées le plus rapidement possible dans un établissement disposant de cellules aux normes PMR tel que celui de Valence. Dès lors, il n'y a pas lieu d'enjoindre à l'administration de procéder à une réorganisation des cellules accueillant des personnes à mobilité réduite dans l'attente de la création de cellules adaptées aux personnes à mobilité réduite, laquelle est prévue en 2025.
En ce qui concerne les mesures à prendre concernant les rats :
24. Les requérants demandent qu'il soit enjoint à l'administration de faire procéder à une opération d'envergure susceptible de permettre la dératisation de l'ensemble des locaux du centre pénitentiaire et de prendre toute mesure nécessaire au nettoyage des toits-terrasses sur lesquels sont jetés des déchets dont se nourrissent les rats. L'administration justifie qu'elle a passé le 19 janvier 2023 deux contrats ayant pour objet de dératiser l'établissement pendant une durée de trois ans avec des interventions chaque mois, l'un pour l'ensemble des zones accessibles, l'autre pour les zones inaccessibles. Elle fait par ailleurs valoir l'affectation d'auxiliaires et de personnels au nettoyage bimensuel des toitures terrasses et la mise à disposition de chaque personne détenue de sacs poubelle permettant de collecter les déchets deux fois par jour. Les demandes d'injonction doivent dès lors être rejetées.
25. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a seulement lieu d'enjoindre au garde des sceaux, ministre de la justice de procéder aux vérifications des prises électriques des cellules et aux réparations qui s'imposent, au remplacement des vitres cassées et des fenêtres défectueuses, et d'équiper les cellules du mobilier de rangement correspondant au nombre de ses occupants et de procéder au remplacement des portes assurant le cloisonnement de l'espace toilettes des cellules, sans qu'il soit besoin d'assortir ces injonctions d'une astreinte.
O R D O N N E :
Article 1er : Les interventions de la fédération nationale des unions de jeunes avocats, de C des jeunes avocats E, du syndicat des avocats de France, de l'institut des droits de l'homme du barreau E, du conseil national des barreaux et de la confédération nationale des avocats sont admises.
Article 2 : Il est enjoint au garde des sceaux, ministre de la justice :
- de procéder aux vérifications des prises électriques des cellules et aux réparations qui s'imposent, au remplacement des vitres cassées et des fenêtres défectueuses, et d'équiper les cellules du mobilier de rangement correspondant au nombre de ses occupants.
- de procéder au remplacement des portes assurant le cloisonnement de l'espace toilettes des cellules.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à l'Observatoire international des prisons-section française, à l'association A3D, à l'ordre des avocats E, à la fédération nationale des unions de jeunes avocats, à C des jeunes avocats E, au syndicat des avocats de France, à l'institut des droits de l'homme du barreau E, au conseil national des barreaux, à la confédération nationale des avocats et au garde des sceaux, ministre de la justice.
Fait à Grenoble, le 15 décembre 2023.
Le juge des référés,
T. Pfauwadel
La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.