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Cour d'appel d'Angers, 12 mars 2024, 23/00418

Mots clés
Droit des affaires • Banque - Effets de commerce • Demande en paiement par le porteur, d'une lettre de change, d'un billet à ordre • banque • contrat • société • solde • nullité • renvoi

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel d'Angers
12 mars 2024
Cour de cassation
25 janvier 2023
Cour de cassation de Paris
25 janvier 2023
Cour d'appel de Rennes
9 mars 2021
Tribunal de commerce de Saint-Malo
19 décembre 2017
Tribunal de commerce de Saint-Malo
20 mai 2014

Synthèse

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Résumé

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Partie demanderesse
Personne physique anonymisée

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Texte intégral

COUR D'APPEL D'[Localité 9] CHAMBRE A - COMMERCIALE JC/ILAF

ARRET

N°: AFFAIRE N° RG 23/00418 - N° Portalis DBVP-V-B7H-FEF2 jugement du 19 Décembre 2017 TC de SAINT MALO RG N° 17/765 arrêt du 09 Mars 2021 COUR D'APPEL DE RENNES RG N° 18/628 arrêt du 25 Janvier 2023 COUR DE CASSATION DE PARIS N° Z21-16.275 ARRET DU 12 MARS 2024 APPELANTE ET DEFENDERESSE AU RENVOI : S.A. BANQUE CIC OUEST prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 4] [Localité 7] Représentée par Me Agnès EMERIAU de la SELAS ORATIO AVOCATS, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 2307519 substitué par Me'TESSIER et par Me Marie-Cécile PERRIGAULT-LEVESQUE, avocat plaidant au barreau de RENNES INTIME ET DEMANDEUR AU RENVOI : Monsieur [R] [N] né le [Date naissance 5] 1966 à [Localité 10] [Adresse 8] [Localité 6] Représenté par Me Jean BROUIN de la SCP AVOCATS DEFENSE ET CONSEIL, avocat postulant au barreau D'ANGERS et par Me Xavier-Pierre NADREAU, avocat plaidant au barreau de SAINT-MALO COMPOSITION DE LA COUR L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 09 Janvier 2024 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre et devant M. CHAPPERT, conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport. Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de : Mme CORBEL, présidente de chambre M. CHAPPERT, conseiller Mme GANDAIS, conseillère Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS ARRET : contradictoire Prononcé publiquement le 12 mars 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ; Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. ~~~~ FAITS ET PROCÉDURE La société à responsabilité limitée (SARL) [N] [F], a exercé une activité d'achat, vente et entretien de cycles et cyclomoteurs. M. [R] [N] est devenu co-gérant de cette société, courant 2005. La SARL [N] [F] disposait d'un compte bancaire (n° [XXXXXXXXXX01]) dans les livres de la société anonyme (SA) Banque CIC Ouest. Par acte sous seing privé du 24 décembre 2009, la SA Banque CIC Ouest a consenti à la SARL [N] [F] un prêt de 50 000 euros, d'une durée de 5 ans, afin de financer le stock et le parc informatique. Le 29 janvier 2014, la SA Banque CIC Ouest a consenti à la SARL [N] [F], d'une part, un crédit de trésorerie de 25 000 euros et, d'autre part, un crédit de campagne de 75 000 euros pour financer le stock. Le 13 février 2014, la SARL [N] [F] a signé deux contrats de constitution de gages sans dépossession sur son stock de vélos ARK A, en garantie des crédits de 75 000 euros et de 25 000 euros accordés le 29 janvier 2014. Elle a également souscrit trois billets à ordre au bénéfice de la SA Banque CIC Ouest : - un premier billet à ordre, le 31 octobre 2013, à échéance au 30 novembre 2013 pour un montant de 50 000 euros, - un deuxième billet à ordre, le 30 avril 2014, à échéance au 31 mai 2014, pour un montant de 25 000 euros, - un troisième billet à ordre, le 30 avril 2014, à échéance au 31 mai 2014, pour un montant de 75 000 euros. M. [N] a avalisé chacun des trois billets à ordre. **** Par un jugement du 20 mai 2014, le tribunal de commerce de Saint-Malo a prononcé la liquidation judiciaire de la SARL [N] [F], en fixant la date de la cessation des paiements au 12 mai 2014 et en désignant M. [L] [W] en qualité de liquidateur judiciaire. Le 18 juin 2014, la SA Banque CIC Ouest a déclaré ses créances entre les mains de M. [W], ès qualités, dont : - une créance de 20 000 euros, à titre chirographaire, au titre du billet à ordre émis le 31 octobre 2013. - une créance de 100 000 euros à titre privilégié, au titre des deux billets à ordre émis le 30 avril 2014, Par une lettre du 7 juillet 2016, la SA Banque CIC Ouest a vainement mis en demeure M. [N] de régler, en sa qualité d'avaliste, la somme de 100 000 euros. Le 17 novembre 2016, le conseil de la SA Banque CIC Ouest a transmis au conseil de M. [N] la copie des billets à ordre en précisant se prévaloir également du premier billet à ordre de 50 000 euros omis au stade de la première mise en demeure. Le 13 mars 2017, M. [N], par l'intermédiaire de son conseil, s'est opposé au paiement des trois billets à ordre. Le 19 décembre 2016, M. [W], ès qualités, a adressé à la SA Banque CIC'Ouest un chèque d'un montant de 21 222,09 euros au titre du gage sur le stock de vélos ORK A. Le 8 mars 2017, M. [N], toujours par l'intermédiaire de son conseil, a rejeté les demandes de la SA Banque CIC Ouest au titre des billets à ordre. **** Par un acte d'huissier du 16 mars 2017, la SA Banque CIC Ouest a fait assigner M. [N], en sa qualité d'avaliste, devant le tribunal de commerce de Saint-Malo, pour obtenir sa condamnation au paiement des trois billets à ordre. Par un jugement du 19 décembre 2017, le tribunal de commerce de Saint-Malo a : - déclaré irrecevable la demande de la SA Banque CIC Ouest pour le paiement du billet à ordre à échéance du 30 novembre 2013 de 20 000 euros, - condamné M. [N] à payer à la SA Banque CIC Ouest la somme totale de 78 777,91 euros au titre des deux billets du 30 avril 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2017, - ordonné à la SA Banque CIC Ouest d'avoir à justifier le calcul des intérêts décomptés, - ordonné l'exécution provisoire du jugement à compter de la production du décompte des intérêts, - condamné M. [R] [N] aux entiers dépens de l'instance, Pour condamner M. [N] au paiement des billets à ordre avalisés le 30 avril 2014, le tribunal a écarté toute mauvaise foi de la SA Banque CIC Ouest. **** Par un arrêt du 9 mars 2021, la cour d'appel de Rennes a infirmé le jugement déféré et, statuant à nouveau, a : * déclaré l'action de la SA Banque CIC Ouest recevable pour le billet à ordre en date du 31 octobre 2013, * condamné M. [N], en sa qualité d'avaliste de ce billet à ordre, à payer à la SA Banque CIC Ouest la somme de 20 000 euros avec intérêts légaux à compter de l'assignation, * prononcé la nullité des avals apposés par M. [N] sur les billets à ordre de 75 000 euros et 25 000 euros souscrits le 30 avril 2014 * débouté la SA Banque CIC Ouest de ses prétentions contre M. [N] au titre de ces deux billets à ordre, * débouté les parties du solde de leurs prétentions, * condamné la SA Banque CIC Ouest aux dépens de première instance et d'appel, * rejeté les demandes sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Pour prononcer la nullité des deux billets à ordre du 30 avril 2014, la cour d'appel a retenu la mauvaise foi de la banque et sa volonté d'échapper par le biais de ces garanties aux conséquences d'une procédure collective inéluctable. Elle a en effet considéré, à partir de l'analyse des mouvements des relevés du compte bancaire, que ces billets à ordre s'étaient en réalité substitués aux crédits de trésorerie accordés le 28 janvier 2014, sans mise à disposition de somme supplémentaire à la SARL [N] [F] mais avec pour seule conséquence l'obtention des deux avals de M. [N]. Elle a également relevé que la banque avait refusé tout paiement au débit de la SARL [N] [F] après le 30 avril 2014, caractérisant ainsi sa connaissance de la situation irrémédiablement compromise de la société. **** Par un arrêt du 25 janvier 2023, la chambre commerciale de la Cour de cassation a cassé et annulé l'arrêt d'appel mais seulement en ce que, infirmant le jugement, il a prononcé la nullité des avals apposés par M. [N] sur les billets à ordre de 75 000 et 25 000 euros souscrits le 30 avril 2014 par la SARL'[F] [N] et rejeté les prétentions de la SA Banque CIC Ouest contre M.'[N] au titre de ces deux billets à ordre. La Cour de cassation a jugé qu'en se prononçant sur la nullité des avals apposés par M. [N] sur les deux billets à ordre du 30 avril 2014 et en rejetant en conséquence la demande en paiement de la banque, alors que M. [N] demandait seulement le rejet de la demande en paiement de la banque au titre des deux billets à ordre sans en solliciter la nullité, la cour d'appel avait violé les articles 4 et 5 du code de procédure civile. **** M. [N] a saisi la cour d'appel d'Angers par une déclaration du 14 mars 2023, intimant la SA Banque CIC Ouest. M. [N] et la SA Banque CIC Ouest ont conclu. Une ordonnance du 18 décembre 2023 a clôturé l'instruction de l'affaire.

MOYENS

ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par la voie électronique le 30'novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, M. [N] demande à la cour : - de le recevoir en son appel et l'y déclarant bien fondé, - d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamné à payer la somme de 78 777,91 euros au titre des deux billets à ordre avalisés le 30 avril 2014 avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2017, à titre principal, - de juger que la SA Banque CIC Ouest est porteur de mauvaise foi des deux billets à ordre de 75 000 et 25 000 euros émis le 30 avril 2014, en conséquence, - de déchoir la SA Banque CIC Ouest du droit de se prévaloir des deux billets à ordre avalisés le 30 avril 2014, - de débouter le CIC Ouest de sa demande en paiement de la somme de 78'777,91 euros au titre des deux billets à ordre avalisés le 30 avril 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2017, à titre subsidiaire, - de prononcer la nullité des avals qu'il a apposés sur les billets à ordre de 75'000 euros et 25 000 euros souscrits le 30 avril 2014 par la SARL [F] [N], - de débouter la SA Banque CIC Ouest de ses prétentions à son encontre au titre de ces deux billets à ordre, à titre plus subsidiaire, - de juger que la SA Banque CIC Ouest s'est rendue fautive d'un soutien abusif de crédit envers la SARL [N] [F], constitutif d'un fait illicite générateur d'un préjudice indemnisable pour M. [N] en sa qualité d'avaliste, - de condamner la SA Banque CIC Ouest à verser à M. [N] la somme de 78'777,91 euros en réparation de son préjudice matériel, - d'ordonner la compensation entre les créances réciproques des parties, en toute hypothèse, - de débouter la SA Banque CIC Ouest de toutes ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires, - de condamner la SA Banque CIC Ouest à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par la voie électronique le 6'juillet 2023, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé des moyens, la SA Banque CIC Ouest demande à la cour : - de confirmer le jugement rendu le 19 décembre 2017 par le tribunal de commerce de Saint-Malo en ce qu'il a condamné M. [N] à lui payer la somme de 78 777,91 euros, au titre des deux billets à ordre avalisés le 30 avril 2014, avec intérêts au taux légal à compter du 16 mars 2017 et jusqu'à parfait paiement, - de débouter M. [N] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions contraires, - de condamner M. [N] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - de condamner M. [N] aux entiers dépens.

MOTIFS DE LA DECISION

- sur l'étendue de la cassation : Les dispositions de l'arrêt de la cour d'appel de Rennes relatives au billet à ordre souscrit le 31 octobre 2013, qu'elles concernent la recevabilité de l'action de la SA'Banque CIC Ouest ou la condamnation de M. [N] au paiement en sa qualité d'avaliste, ne sont pas touchées par la cassation, laquelle ne concerne que les dispositions de ce même arrêt relatives aux deux autres billets à ordre souscrits le 30 avril 2014. - sur la mauvaise foi de la SA Banque CIC Ouest : Le tribunal de commerce a condamné M. [N] au paiement après avoir écarté la mauvaise foi de la SA Banque CIC Ouest aux motifs que le découvert autorisé avait atteint son maximum (31 janvier 2014) avant la mise en place des deux billets à ordre pour aboutir à un solde créditeur au 30 avril 2014 (470,04 euros), que l'évolution du solde du compte ne permettait pas à elle seule de caractériser la situation irrémédiablement compromise de la société, que la banque n'avait pas augmenté ses concours sur la période du 28 janvier 2014 au 30 avril 2014 et qu'elle n'avait pas non plus dénoncé ses concours sur la période du 28 janvier 2014 au 20 mai 2014 (date du jugement d'ouverture). Il a également retenu que M. [N] ne rapportait pas la preuve du caractère ponctuel de l'aval donné sur les deux derniers billets à ordre souscrits le 30 avril 2014, qui avaient au contraire été renouvelés à trois reprises, ni celle d'une pression exercée par la banque pour obtenir une garantie supplémentaire aux crédits consentis. M. [N] entend au contraire démontrer que la SA Banque CIC Ouest est porteur de mauvaise foi des deux billets à ordre émis le 30 avril 2014. A partir de l'analyse des mouvements sur le compte de la SARL [N] [F], il soutient que les deux billets à ordre souscrits le 30 avril 2014 se sont en réalité substitués aux deux crédits de trésorerie consentis le 29 janvier 2014, sans mise à disposition d'une somme supplémentaire mais dans le but d'obtenir l'aval de M. [N] et échapper ainsi aux conséquences de l'ouverture imminente de la procédure collective, qui interviendra finalement moins d'un mois après la souscription des billets à ordre litigieux. Il affirme que la SA Banque CIC Ouest était pleinement consciente, non seulement lors de la souscription des billets à ordre (30 avril 2014) mais dès la conclusion du crédit de trésorerie (29 janvier 2014), de la situation irrémédiablement compromise de la SARL [N] [F] au regard de l'aggravation du solde débiteur depuis plusieurs mois, des nombreux impayés et incidents enregistrés et de son refus d'honorer tout paiement entre le 15 avril 2014 et 30 avril 2014. Il en tire la conséquence que la SA Banque CIC Ouest doit être déchue du droit de se prévaloir des billets à ordre et être déboutée de sa demande de paiement à l'encontre du donneur d'aval. La SA Banque CIC Ouest conteste toute mauvaise foi en expliquant qu'elle a en réalité consenti à la SARL [N] [F], le 29 janvier 2014, un crédit de trésorerie utilisable par escompte de billets financiers. Les billets à ordre du 30 avril 2014, avalisés par M. [N], ne constituent donc pas un nouveau concours mais s'inscrivent dans une chaîne de billets. Elle ajoute que la simple connaissance des difficultés rencontrées par la société ne suffit pas à la constituer de mauvaise foi, ce d'autant que ces difficultés étaient également connues de M. [N], dirigeant et donneur d'aval. Sur ce, M. [N] se fonde sur l'article L. 511-12 du code de commerce, qui prévoit que les personnes actionnées en vertu de la lettre de change ne peuvent pas opposer au porteur les exceptions fondées sur le rapport personnel avec le tireur ou avec les porteurs antérieurs, à moins que le porteur en acquérant la lettre n'ait agi sciemment au détriment du débiteur. Cette disposition est rendue applicable au billet à ordre par le renvoi effectué par l'article L. 512-3 du même code et les parties ne discutent pas son application au litige, renvoyant d'ailleurs à cet égard à de nombreux arrêts de cours d'appel et à une décision de la Cour de cassation. C'est ainsi que M. [N], en tant qu'avaliste actionné en exécution des billets à ordre, entend s'opposer au paiement établissant la mauvaise foi de la SA Banque CIC Ouest, porteur des billets à ordre. Une première question tient, en l'espèce, à la date à laquelle la mauvaise foi alléguée doit être appréciée. Il est de principe que la mauvaise foi du porteur doit être appréciée à la date à laquelle il a acquis le titre cambiaire. Les deux billets à ordre litigieux, dont seule la copie du recto est fournie, ont été souscrits par la SARL [N] [F] au bénéfice de la SA Banque CIC Ouest le 30 avril 2014, pour des montants de 25 000 euros et de 75 000 euros, avec une date d'échéance au 31 mai 2014 et avec l'aval donné par M. [N]. M. [N] soutient que ces deux billets à ordre se sont en réalité substitués au contrat de trésorerie que la SA Banque CIC Ouest a consenti à la SARL [N] [F] le 29 janvier 2014, sans mise à disposition d'une somme supplémentaire et avec pour seule conséquence d'obtenir une garantie grâce à l'aval de M. [N]. Ce faisant, il soutient que la mauvaise foi de la SA Banque CIC Ouest doit être appréciée à la date de la souscription des deux billets à ordre litigieux, soit le 30'avril 2014. La SA Banque CIC Ouest produit, pour la première fois devant la cour d'appel de renvoi, la copie du contrat de prêt du 29 janvier 2014, qui offre un éclairage nouveau sur la nature des relations entre les parties. Ce contrat organise en effet deux crédits - de 75 000 euros et de 25 000 euros - '(...) utilisable[s] techniquement par escompte de billets financiers à libre utilisation d'une usance minimale de 10 jours et maximale de 31 jours représentatifs du montant du concours. (...) Les opérations d'escompte et de domiciliation des billets représentatifs du concours ont lieu en compte courant ouvert au nom de l'emprunteur dans les livres de la banque. Ces opérations, initiées sur le compte courant pour des raisons tenant purement à la gestion, ne sauraient en aucun cas emporter novation quant aux garanties constituées, ces dernières demeurant dans leurs pleins et entiers effets. L'emprunteur aura la libre faculté de procéder à des utilisations ou réutilisations totales ou partielles du crédit qui lui est accordé, en fonction de ses besoins de trésorerie qu'il déterminera avant la souscription de tout nouveau billet. (...) La banque s'oblige à prendre à l'escompte tout billet ainsi souscrit, dans la limite toutefois d'un plafond d'autorisation qui évoluera dans le temps à la baisse ou la hausse selon les dispositions convenues selon le tableau intitulé 'montant des autorisations' figurant en annexe' (articles 4.1.1 et 5.1). Ce même contrat prévoit, d'une part, deux gages sans dépossession du stock de vélos Ork A (articles 6.1 et 6.2), ceux-là précisément qui ont été constitués le 13'février 2014 ; et, d'autre part, l'aval donné par M. [N] avec la précision que 'l'aval sera recueilli directement sur chacun des billets escomptés, par la mention 'bon pour aval' et signature de l'avaliste et cachet si ce dernier est une personne morale' (article 6.3). Ce contrat confirme que, comme l'affirme la SA Banque CIC Ouest, la banque a consenti à la SARL [N] [F] un contrat de crédit par escompte de billets financiers à échéance de 31 jours au plus. C'est ainsi qu'une première échéance d'un montant de 75 000 euros a été portée au débit du compte n° [XXXXXXXXXX01] le 28 février 2014 et qu'une première échéance de 25 000 euros a été portée au débit de ce même compte le 3 mars 2014. M. [N] invoque des tentatives de remboursement du crédit de 75 000 euros avant le terme de six mois. Toutefois, ce terme de six mois ne ressort pas des dispositions du contrat de crédit et les prétendues tentatives de remboursement correspondent en réalité aux échéances des billets à ordre escomptés par la banque. L'analyse des mouvements du compte n° [XXXXXXXXXX01] conforte d'ailleurs les explications de la SA Banque CIC Ouest, d'après lesquelles les deux billets à ordre du 30 avril 2014 s'inscrivent dans une chaîne de billets à ordre, par renouvellement de précédents billets à ordre de mêmes montants souscrits en exécution du contrat de crédit. Il apparaît en effet que les sommes de 75 000 euros et de 25 000 euros ont été, à plusieurs reprises, portées au débit du compte (à l'échéance du billet à ordre) puis au crédit (comme impayées) pour être transférées au débit de comptes distincts initulés 'comptes impayés' (n°'[XXXXXXXXXX02] et n° [XXXXXXXXXX03]) afin d'éviter les effets d'un paiement par contre-passation, pendant que, concomitamment, de nouveaux escomptes de mêmes montants ont été portés au crédit avec une échéance au débit en fin de mois. Ce déroulement des opérations amène la cour à considérer que la souscription des deux billets à ordre avalisés du 30 avril 2014 ne correspond pas à de nouveaux concours consentis par la SA Banque CIC Ouest à cette date avec une nouvelle garantie souscrite par M. [N], comme le prétend ce dernier, mais au contraire à une énième prorogation d'échéance des billets à ordre originels avec émission d'effets de renouvellement et réitération des mêmes garanties. Ce mécanisme explique précisément que la SA Banque CIC Ouest n'a déclaré à la procédure collective qu'une seule fois des créances de 75 000 euros et de 25 000 euros, à titre privilégié à raison des gages sur stock constitués dès le 13 février 2014, tout en se référant par ailleurs aux derniers billets à ordre souscrits le 30 avril 2014. Il en résulte que la bonne foi de la SA Banque CIC Ouest doit être appréciée, non pas à la date du 30 avril 2014, mais à la date de l'escompte du premier billet à ordre souscrit en exécution du contrat de crédit du 29 janvier 2014. M. [N] n'en disconvient d'ailleurs lui-même plus véritablement, qui a adapté ses dernières conclusions à la production du contrat de crédit pour faire valoir que la situation financière de la SARL [N] [F] était en tout état de cause déjà largement obérée au 29 janvier 2014. La seconde question concerne la démonstration par M. [N] de la mauvaise foi de la SA Banque CIC Ouest. La mauvaise foi s'entend strictement et suppose la démonstration, d'une part, de la connaissance précise de l'exception par le porteur et, d'autre part, la conscience par ce dernier du préjudice qu'il cause au débiteur en lui faisant perdre le bénéfice de cette exception. C'est ainsi qu'en l'espèce, M. [N] reproche à la SA Banque CIC Ouest d'avoir obtenu la souscription des billets à ordre en connaissance de la situation irrémédiablement compromise de la SARL [N] [F] et de l'impossibilité pour cette dernière de les payer à leur échéance. La connaissance par le porteur des difficultés financières, et même de la situation obérée, du débiteur ne suffit pas à le constituer de mauvaise foi. Il en va toutefois autrement lorsque des circonstances particulières laissent à croire que la situation est irrémédiablement compromise. Les extraits de compte produits par M. [N] ne permettent certes pas de connaître avec précision l'état du solde bancaire à la date de l'escompte des premiers billets à ordre, laquelle ne se confond pas avec la date de la signature du contrat de crédit. En effet, les extraits de compte sont fournis pour la période du 1er novembre 2013 au 30 avril 2014 mais il manque notamment le relevé détaillé des opérations bancaires sur la période du 31 janvier 2013 au 17 février 2014, au cours de laquelle les premiers escomptes sont intervenus puisque des premières présentations au paiement sont inscrites au débit le 28 février 2014 (75 000 euros) et le 3 mars 2014 (25 000 euros). Il ressort toutefois des pièces ainsi produites que les billets à ordre ont été souscrits pour une somme totale de 100 000 euros à une période où le solde bancaire était fortement débiteur de - 30'991,18 euros (au 31 janvier 2014) pour ne le rendre créditeur que d'une somme de 6 821,62 euros (au 17 février 2017), laissant ainsi raisonnablement penser que le solde débiteur s'est encore significativement dégradé entre le 1er février 2014 et le 17 février 2014. Surtout, les extraits de compte démontrent que la SARL [N] [F] connaissait d'importantes difficultés dès avant le 29 janvier 2014, se traduisant par des rejets de prélèvements pour provision insuffisante, des facturations de frais d'incident, de commissions d'intervention et d'intérêts (qui ne se cantonnent pas aux frais et commissions inhérents aux opérations d'escompte) mais également par des rejets de lettres de change relevés qui démontraient déjà son incapacité à assurer le paiement des effets de commerce à leur échéance. C'est dans ce contexte que la SA Banque CIC Ouest, qui avait nécessairement connaissance des difficultés de la SARL [N] [F], de leur nature et de leur aggravation en tant qu'établissement teneur du compte, a obtenu la souscription des billets à ordre litigieux à hauteur de sommes de 75 000 euros et de 25 000 euros que la société n'a jamais été en capacité de régler à leur échéance. Cette opération a permis de combler le découvert et de maintenir, de façon cependant très artificielle, un solde créditeur ou faiblement débiteur avant les échéances des billets à ordre renouvelés dans les circonstances précédemment décrites alors que, dans le même temps, la banque a rejeté la quasi-totalité des prélèvements (y compris pour les cotisations auprès du Régime social des indépendants et au titre de la taxe sur la valeur ajoutée auprès de l'administration fiscale), des chèques et des effets de commerce à compter du 20 février 2014. Elle a également permis d'obtenir l'aval de M. [N] moins de quatre mois avant l'ouverture de la liquidation judiciaire de la SARL [N] [F] (20 mai 2014), devenue inéluctable au regard de la dégradation de situation financière au cours des mois qui qui ont précédé le jugement d'ouverture. Ces éléments démontrent suffisamment que la SA Banque CIC Ouest avait, dès la souscription des billets à ordre, connaissance de la situation déjà irrémédiablement compromise de la SARL [N] [F] mais également qu'elle avait conscience du préjudice causé au débiteur cambiaire dès lors qu'elle ne pouvait pas ignorer l'impossibilité manifeste d'un paiement des effets à leur échéance. La mauvaise foi de la SA Banque CIC Ouest est ainsi caractérisée et il est indifférent que M. [N], dirigeant de la SARL [N] [F], ait lui-même pu avoir connaissance des difficultés de la société. Le jugement sera donc infirmé et la SA Banque CIC Ouest sera déboutée de ses demandes de condamnation au paiement, sans toutefois qu'il y ait lieu au préalable de déchoir la banque de son droit de se prévaloir des billets à ordre dès lors qu'aucune disposition ne prévoit une telle sanction. Les moyens développés par M. [N] à titre subsidiaire, fondés sur la nullité pour dol ou la responsabilité pour soutien abusif, deviennent sans objet. - sur les demandes accessoires : La SA Banque CIC Ouest, partie perdante, sera condamnée aux dépens de la présente procédure d'appel sur renvoi après cassation, elle sera déboutée de sa demande formée au titre des frais irrépétibles et elle sera à l'inverse condamnée, sur ce même fondement, à verser à M. [N] une somme de 2 500 euros.

PAR CES MOTIFS

, La cour, statuant contradictoirement et dans les limites du renvoi après cassation, Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [N] à verser à la SA Banque CIC Ouest la somme totale de 78'777,91 euros au titre des billets à ordre avalisé le 30 avril 2014, avec les intérêts au taux légal à compter du 16'mars 2017 et en ce qu'il a ordonné à la SA Banque CIC Ouest d'avoir justifié le calcul des intérêts décomptés ; statuant à nouveau, Déboute la SA Banque CIC Ouest de sa demande de condamnation au paiement de M. [N], en sa qualité de donneur d'aval des billets à ordre souscrits le 30 avril 2014 ; Déboute la SA Banque CIC Ouest de sa demande formée au titre des frais irrépétibles ; Condamne la SA Banque CIC Ouest à verser à M. [N] une somme de 2'500 euros au titre des frais irrépétibles ; Condamne la SA Banque CIC Ouest aux dépens de la procédure d'appel sur renvoi après cassation ; LA GREFFIERE LA PRESIDENTE S. TAILLEBOIS C. CORBEL

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