Cour de cassation, Première chambre civile, 16 février 1988, 86-10.082

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
1988-02-16
Cour d'appel de Paris
1985-10-15

Texte intégral

Sur le pourvoi formé par la société DM INVESTISSEMENT, société anonyme, dont le siège social est ... (16ème), en cassation d'un arrêt rendu le 15 octobre 1985 par la cour d'appel de Paris (5ème chambre A), au profit de Monsieur Pierre Z..., demeurant ... à Sainte Aulde (Seine-et-Marne), La Ferté-sous-Jouarre, défendeur à la cassation La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du 12 janvier 1988, où étaient présents : M. Ponsard, président ; M. Fabre, rapporteur ; MM. Y..., X... Bernard, Barat, Viennois, Zennaro, Kuhnmunch, Fouret, Thierry, conseillers ; M. Charruault, conseiller référendaire ; M. Charbonnier, avocat général ; Mademoiselle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Fabre, les observations de la SCP Nicolas, Masse-Dessen et Georges, avocat de la société anonyme DM Investissement, de Me Jacques Pradon, avocat de M. Z..., les conclusions de M. Charbonnier, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi,

Sur le premier moyen

, pris en ses quatre branches : Attendu que, selon les juges du fond, M. Z..., désirant faire un placement, a acheté trois diamants à la société DM Investissement ; qu'il a ensuite assigné celle-ci en résolution de la vente ; que l'arrêt attaqué a accueilli sa prétention en retenant que les diamants livrés n'étaient pas conformes à la commande ;

Attendu que la société

DM Investissement reproche à la cour d'appel d'avoir ainsi statué aux motifs que, devant elle, M. Z... demandait la nullité de la convention pour erreur sur les qualités substantielles de la chose vendue, mais que, "interrogé à l'audience sur la nature et le fondement de son action, (il) a fait plaider qu'il laisse ce problème de qualification juridique à l'appréciation de la Cour" ; que le pourvoi prétend d'abord que, le juge ne pouvant modifier d'office ni l'objet ni la cause de la demande, et étant tenu de statuer dans les limites fixées par les conclusions des parties, la cour d'appel a violé, par refus d'application, l'article 4 du nouveau Code de procédure civile et, par fausse application, l'article 12, alinéas 2 et 3, du même Code ; qu'il est également soutenu que, s'agissant d'une procédure avec ministère d'avoué obligatoire, les conclusions ne pouvaient être modifiées oralement à la barre qu'en méconnaissance de l'article 909 du même Code ; que, de troisième part, selon le moyen, en s'interrogeant d'office sur la conformité de la chose livrée, la cour d'appel aurait violé l'article 16 du même Code ; qu'enfin, elle se serait contredite en constatant, à la fois, que l'acheteur poursuivait la nullité de la vente pour erreur sur les qualités substantielles et qu'il soutenait que les trois pierres livrées n'étaient pas conformes à sa commande ;

Mais attendu

qu'ayant relevé que M. Z... avait saisi le tribunal de grande instance d'une demande en "résolution de la vente" tout en invoquant "l'erreur prétendument commise sur les qualités substantielles des diamants", la cour d'appel, usant de son pouvoir de qualification de la demande en considération de l'objet de celle-ci tel qu'il lui avait été précisé à l'audience, a justement retenu qu'il ne s'agissait pas de l'action en annulation de la vente pour erreur sur les qualités de la chose vendue, lors de la conclusion du contrat, mais de l'action en résolution pour défaut de conformité des diamants livrés par rapport à la commande passée par M. Z... ; qu'ayant posé cette qualification nouvelle dans le respect du principe de contradiction puisqu'elle a invité, à l'audience, les parties à s'expliquer à ce sujet, la juridiction du second degré, qui ne s'est nullement contredite, a ainsi légalement justifié le chef de sa décision ; Qu'en aucune de ses quatre branches le moyen n'est fondé

Sur le deuxième moyen

, pris en ses deux branches : Attendu que le pourvoi fait encore valoir que le contrat ne peut naître que de l'acceptation de l'offre prise en son entier, de sorte que la cour d'appel aurait violé par fausse application les articles 1101 et 1583 du Code civil en décidant que la vente s'était formée lorsque la société DM Investissement avait accepté l'offre d'achat faite par M. Z... dans sa commande, tout en constatant qu'elle avait alors elle-même proposé à l'offrant initial des pierres différentes par leur poids de celles qui avaient été décrites dans cette offre ; qu'il est soutenu également que les juges du second degré ont privé leur décision de base légale pour s'être abstenus de rechercher si la différence importante ainsi constatée ne faisait pas de la prétendue acceptation de DM Investissement une offre nouvelle soumise à l'acceptation de l'offrant initial ;

Mais attendu

qu'il résulte des énonciations de l'arrêt attaqué que, si, après réception de la lettre du 1er avril 1980 par laquelle la société DM Investissement avait précisé les caractéristiques des pierres qu'elle offrait de livrer, le comportement de M. Z..., qui avait payé dès le 15 avril le prix des pierres, avait manifesté un accord commun sur des modifications à la convention initiale quant au poids total des pierres, qui était sensiblement inférieur à celui de la commande du 22 février 1980, l'expertise judiciaire a fait apparaître un défaut de conformité pour 2 pierres sur trois quant à la pureté et à la qualité de la taille, au regard desquelles l'acquéreur n'avait en rien modifié ses exigences ; qu'en l'état de ces constatations, la cour d'appel a souverainement estimé qu'il y avait eu de la part de la société venderesse une inexécution partielle de son obligation de délivrance, inexécution qu'elle a, par une appréciation souveraine, jugée suffisante pour justifier la résolution de la vente des diamants ; Qu'elle a ainsi, sans encourir les griefs du moyen, légalement justifié sa décision

Et sur le troisième moyen

: Attendu qu'il est enfin prétendu que, l'acceptation sans réserve de la marchandise livrée faisant obstacle à l'action en résolution pour non conformité et le vendeur ayant fait valoir que l'acquéreur avait attendu plus de neuf mois pour former sa demande, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1184 et 1604 du Code civil "en ne s'interrogeant pas sur la recevabilité d'une action résolutoire soi-disant exercée pour de prétendues non-conformités dont elle constate elle-même qu'elles étaient manifestes" ;

Mais attendu

que, les juges du second degré ayant pris soin de relever que le caractère incontestable du défaut de conformité tenait essentiellement à ce que la qualité des pierres n'était pas de nature à compenser leur insuffisance de poids, ce dont un non-professionnel comme M. Z... ne pouvait se rendre compte à réception, le moyen n'est pas mieux fondé que les précédents ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi