CJUE, Ordonnance de la Cour (septième chambre), Sharif University of Technology contre Conseil de l'Union européenne, 4 avril 2017, C-385/16 P
Mots clés
règlement · point · gouvernement · pourvoi · technologie · nucléaire · entités · production · critère · preuve · université · résolution · restrictives · militaire · domaine
Synthèse
Juridiction : CJUE
Numéro affaire : C-385/16 P
Date de dépôt : 11 juillet 2016
Titre : Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Mesures restrictives prises à l’encontre de la République islamique d’Iran – Liste des personnes et des entités auxquelles s’applique le gel de fonds et de ressources économiques – Critère tiré de l’appui matériel, logistique ou financier au gouvernement iranien – Coopération en matière de recherche et de développement technologique dans le domaine militaire ou dans des domaines liés
Parties : Sharif University of Technology contre Conseil de l'Union européenne
Rapporteur : Rosas
Avocat général : Wathelet
Identifiant européen : ECLI:EU:C:2017:258
Texte
ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)
4 avril 2017 (*)
« Pourvoi – Article 181 du règlement de procédure de la Cour – Mesures restrictives prises à l’encontre de la République islamique d’Iran – Liste des personnes et des entités auxquelles s’applique le gel de fonds et de ressources économiques – Critère tiré de l’appui matériel, logistique ou financier au gouvernement iranien – Coopération en matière de recherche et de développement technologique dans le domaine militaire ou dans des domaines liés »
Dans l’affaire C-385/16 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 11 juillet 2016,
Sharif University of Technology, établie à Téhéran (Iran), représentée par M. M. Happold, barrister,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant :
Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. V. Piessevaux et M. Bishop, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (septième chambre),
composée de Mme A. Prechal, président de chambre, M. A. Rosas (rapporteur) et Mme C. Toader, juges,
avocat général : M. M. Wathelet,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 Par son pourvoi, la Sharif University of Technology (université de technologie de Sharif), établie à Téhéran (Iran), demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 28 avril 2016, Sharif University of Technology/Conseil (T-52/15, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2016:254), par lequel celui-ci a rejeté ses recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision 2014/776/PESC du Conseil, du 7 novembre 2014, modifiant la décision 2010/413/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2014, L 325, p. 19), en ce qu’elle a inscrit le nom de la requérante sur la liste figurant à l’annexe II de la décision 2010/413/PESC du Conseil, du 26 juillet 2010, concernant des mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant la position commune 2007/140/PESC (JO 2010, L 195, p. 39), ainsi que du règlement d’exécution (UE) no 1202/2014 du Conseil, du 7 novembre 2014, mettant en œuvre le règlement (UE) no 267/2012 concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran (JO 2014, L 325, p. 3), en ce qu’il a inscrit le nom de la requérante sur la liste figurant à l’annexe IX du règlement (UE) no 267/2012 du Conseil, du 23 mars 2012, concernant l’adoption de mesures restrictives à l’encontre de l’Iran et abrogeant le règlement (UE) no 961/2010 (JO 2012, L 88, p. 1) (ci-après, ensemble, les « actes litigieux »), et, d’autre part, une demande de dommages et intérêts.
Les antécédents du litige
2 Préoccupé par les nombreux rapports du directeur général de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) et les résolutions du Conseil des gouverneurs de cette agence relatifs au programme nucléaire de la République islamique d’Iran, qui laissaient supposer que cet État ne respectait pas le traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, ouvert à la signature le 1er juillet 1968 à Londres, à Moscou et à Washington (Recueil des traités des Nations unies, vol. 729, p. 161) et dont il était Partie contractante, le Conseil de sécurité des Nations unies (ci-après le « Conseil de sécurité ») a, le 23 décembre 2006, adopté la résolution 1737 (2006). Le point 12 de cette résolution, lu en combinaison avec l’annexe de celle-ci, énumère une série de personnes et d’entités qui seraient impliquées dans la prolifération nucléaire en Iran et dont les fonds ainsi que les ressources économiques devraient être gelés.
3 D’autres résolutions ont été adoptées ultérieurement, telles les résolutions 1747 (2007) et 1803 (2008), afin d’élargir la portée des mesures restrictives instituées par le Conseil de sécurité. Le 9 juin 2010, ce Conseil a adopté la résolution 1929 (2010) instaurant des mesures restrictives supplémentaires à l’encontre de la République islamique d’Iran.
4 Le 17 juin 2010, le Conseil européen a souligné qu’il était de plus en plus préoccupé par le programme nucléaire iranien et s’est félicité de l’adoption de la résolution 1929 (2010) par le Conseil de sécurité. Le Conseil européen a invité le Conseil de l’Union européenne à adopter des mesures mettant en œuvre celles prévues par cette résolution ainsi que des mesures d’accompagnement, en vue de contribuer à répondre, par la voie des négociations, à l’ensemble des préoccupations que continuait de susciter le développement, par la République islamique d’Iran, de technologies sensibles à l’appui de ses programmes nucléaire et balistique. Ces mesures devaient porter sur le secteur du commerce, le secteur financier, le secteur des transports iraniens et les grands secteurs de l’industrie gazière et pétrolière ainsi que sur des désignations supplémentaires, en particulier le Corps des gardiens de la révolution islamique (ci-après l’« IRGC »).
5 Le 26 juillet 2010, le Conseil a adopté la décision 2010/413, dont l’annexe II énumère les personnes et les entités – autres que celles désignées par le Conseil de sécurité ou par le comité des sanctions créé par la résolution 1737 (2006), mentionnées à l’annexe I de cette décision – dont les avoirs sont gelés.
6 Le 23 janvier 2012, le Conseil a adopté la décision 2012/35/PESC modifiant la décision 2010/413 (JO 2012, L 19, p. 22). Aux termes du considérant 13 de la décision 2012/35, les restrictions à l’admission et le gel des fonds et des ressources économiques devraient être appliqués à l’égard d’autres personnes et d’entités qui fournissent un appui au gouvernement iranien lui permettant de poursuivre des activités nucléaires posant un risque de prolifération ou la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, en particulier les personnes et les entités apportant un soutien financier, logistique ou matériel au gouvernement iranien.
7 L’article 1er, point 7, sous a), ii), de la décision 2012/35 a ajouté la disposition suivante à l’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413, qui prévoit que feront l’objet de mesures restrictives :
« c) les autres personnes et entités non mentionnées à l’annexe I qui fournissent un appui au gouvernement iranien et les personnes et entités qui leur sont associées, telles qu’énumérées à l’annexe II. »
8 En conséquence, dans le cadre du traité FUE, le Conseil a adopté le règlement no 267/2012. Afin de mettre en œuvre l’article 1er, point 7, sous a), ii), de la décision 2012/35, l’article 23, paragraphe 2, de ce règlement prévoit le gel des fonds des personnes, des entités et des organismes énumérés à l’annexe IX de ce règlement, qui ont été reconnus :
« [...]
d) comme étant d’autres personnes, entités ou organismes qui fournissent un appui au gouvernement iranien, notamment un soutien matériel, logistique ou financier, ou qui lui sont associés ;
[...] »
9 Le 15 octobre 2012, le Conseil a adopté la décision 2012/635/PESC modifiant la décision 2010/413 (JO 2012, L 282, p. 58). Aux termes du considérant 6 de la décision 2012/635, il est opportun de revoir l’interdiction de vendre, de fournir ou de transférer à la République islamique d’Iran d’autres biens et technologies à double usage énumérés à l’annexe I du règlement (CE) no 428/2009 du Conseil, du 5 mai 2009, instituant un régime communautaire de contrôle des exportations, des transferts, du courtage et du transit d’articles à double usage (JO 2009, L 134, p. 1), en vue d’inclure ces articles qui pourraient présenter un intérêt pour les industries contrôlées directement ou indirectement par l’IRGC ou pourraient présenter un intérêt pour le programme nucléaire, militaire et de missiles balistiques de l’Iran, tout en prenant en compte la nécessité d’éviter les effets non intentionnels sur la population civile iranienne. En outre, le considérant 9 de la décision 2012/635 énonce qu’il y a lieu d’interdire la vente, la fourniture ou le transfert à la République islamique d’Iran d’équipements et de technologies essentiels dans le domaine naval destinés à la construction, l’entretien ou la remise en état de navires.
10 L’article 1er, point 8, sous a), de la décision 2012/635 a modifié l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, qui prévoit ainsi que feront l’objet de mesures restrictives :
« c) d’autres personnes et entités non mentionnées à l’annexe I qui fournissent un appui au gouvernement iranien et aux entités qui sont leur propriété ou qui sont sous leur contrôle ou les personnes et entités qui leur sont associées, telles qu’énumérées à l’annexe II. »
11 Le 21 décembre 2012, le Conseil a adopté le règlement (UE) no 1263/2012 modifiant le règlement no 267/2012 (JO 2012, L 356, p. 34). L’article 1er, point 11, du règlement no 1263/2012 a modifié l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement no 267/2012, qui prévoit ainsi le gel des fonds des personnes, entités et organismes énumérés à l’annexe IX de ce dernier, qui ont été reconnus :
« d) comme étant d’autres personnes, entités ou organismes qui fournissent un appui, notamment matériel, logistique ou financier, au gouvernement iranien et comme des entités qu’ils ou elles détiennent ou des personnes et entités qui leur sont associées. »
12 Le nom de la requérante a été inscrit pour la première fois sur les listes figurant au tableau I de l’annexe II de la décision 2010/413 par la décision 2012/829/PESC, du 21 décembre 2012, modifiant la décision 2010/413 (JO 2012, L 356, p. 71), et sur les listes figurant au tableau I de l’annexe IX du règlement no 267/2012 par le règlement d’exécution (UE) no 1264/2012, du 21 décembre 2012, mettant en œuvre le règlement no 267/2012 (JO 2012, L 356, p. 55).
13 Par l’arrêt du 3 juillet 2014, Sharif University of Technology/Conseil (T-181/13, non publié, EU:T:2014:607), le Tribunal a annulé la décision 2012/829 et le règlement no 1264/2012 en ce qu’ils concernaient la requérante, au motif que le Conseil n’avait pas rapporté la preuve du bien-fondé des éléments retenus à l’encontre de celle-ci aux fins de justifier son inscription sur les listes en cause.
14 Par une lettre du 4 septembre 2014, le Conseil a informé la requérante de son intention de réinscrire son nom sur ces listes sur le fondement de nouveaux motifs et l’a invitée à présenter ses observations à cet égard dans un délai expirant le 15 septembre 2014. Dans cette lettre, le Conseil a également exposé qu’il estimait que la requérante fournissait un appui au gouvernement iranien, au moyen d’accords de coopération conclus avec des organisations gouvernementales iraniennes désignées par les Nations unies et l’Union européenne. Le Conseil a joint à cette lettre les documents, contenus dans son dossier, sur lesquels se fonderait cette réinscription.
15 Par une lettre du 15 septembre 2014, la requérante a demandé au Conseil de réexaminer sa décision.
16 Le 7 novembre 2014, le Conseil a adopté la décision 2014/776, par laquelle le nom de la requérante a été réinscrit dans le tableau I de l’annexe II de la décision 2010/413, contenant la liste des « [p]ersonnes et entités concourant au programme nucléaire ou de missiles balistiques et [des] personnes et entités appuyant le gouvernement de l’Iran ».
17 En conséquence, le même jour, le Conseil a adopté le règlement d’exécution no 1202/2014, par lequel le nom de la requérante a été réinscrit dans le tableau I de l’annexe IX du règlement no 267/2012, contenant la liste des « [p]ersonnes et entités concourant au programme nucléaire ou de missiles balistiques et [des] personnes et entités appuyant le gouvernement de l’Iran ».
18 Dans les actes litigieux, le Conseil a motivé l’inscription du nom de la requérante sur les listes en cause de la manière suivante :
« [L’université de technologie de Sharif] [...] a passé un certain nombre d’accords de coopération avec des entités du gouvernement iranien qui sont désignées par les Nations unies et/ou l’UE et qui opèrent dans le domaine militaire ou dans des domaines liés, en particulier la production et l’achat de missiles balistiques. On peut citer : un accord avec l’Organisation des industries aérospatiales (AIO), désignée par l’UE, notamment pour la production de satellites ; la coopération avec le ministère iranien de la défense et [l’IRGC] concernant des concours pour bateaux ‘intelligents’ ; un accord plus large avec les forces aériennes de l’IRGC couvrant le développement et le renforcement de leurs relations ainsi que la coopération stratégique et organisationnelle. [L’université de technologie de Sharif] est partie à un accord entre six universités en vue de soutenir le gouvernement iranien par la recherche liée à la défense ; et [l’université de technologie de Sharif] dispense des cours universitaires, élaborés notamment par le ministère des sciences, dans le domaine de la conception de drones. L’ensemble de ces éléments témoigne d’un niveau important d’engagement auprès du gouvernement de l’Iran dans le domaine militaire ou dans des domaines liés, qui constitue un soutien au gouvernement de l’Iran. »
19 L’AIO est inscrite sur les listes en cause aux motifs suivants :
« L’AIO supervise la production de missiles en Iran, y compris les groupes industriels Shahid Hemmat, Shahid Bagheri et Fajr, tous visés dans la résolution 1737 (2006) du [Conseil de sécurité]. Le président de l’AIO et deux autres hauts responsables sont également visés dans la résolution 1737 (2006) du [Conseil de sécurité]. »
20 L’inscription de l’IRGC sur ces listes est motivée en ces termes :
« Responsable du programme nucléaire iranien. Assure le contrôle opérationnel du programme de missiles balistiques de l’Iran. A tenté d’effectuer des acquisitions visant à soutenir le programme de missiles balistiques et le programme nucléaire de l’Iran. »
21 Par une lettre datée du 10 novembre 2014, le Conseil a informé la requérante de sa décision de réinscrire son nom sur lesdites listes.
22 Par une lettre du 2 février 2015, la requérante a demandé au Conseil de lui communiquer l’ensemble des éléments, des informations et des preuves sur la base desquels il avait décidé de réinscrire son nom sur les listes en cause ainsi que l’identité de l’État membre ayant proposé cette réinscription.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
23 Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 4 février 2015, l’université de technologie de Sharif a introduit un recours tendant, d’une part, à l’annulation des actes litigieux et, d’autre part, à la condamnation du Conseil à lui verser une indemnité en réparation du dommage causé à sa réputation en raison de la réinscription de son nom sur les listes figurant en annexe de ces actes.
24 L’université de technologie de Sharif ayant réclamé l’accès au dossier interne du Conseil, celui-ci a, le 4 septembre 2015, déposé au greffe du Tribunal un dossier contenant la proposition et la proposition révisée de réinscription, ainsi qu’une note du secrétariat général au comité des représentants permanents et au Conseil. Il a cependant refusé de communiquer l’identité de l’État membre à l’origine de la proposition de réinscrire le nom de l’université de technologie de Sharif sur les listes en cause.
25 Lors de l’audience de plaidoiries en date du 3 décembre 2015, le Conseil a précisé, en réponse à une question du Tribunal, que le dossier ne comportait pas d’autres documents que ceux qui étaient annexés à la lettre envoyée à l’université de technologie de Sharif le 4 septembre 2014 et ceux qui avaient été déposés au greffe du Tribunal le 4 septembre 2015.
26 Au soutien de son recours en annulation, l’université de technologie de Sharif invoquait quatre moyens tirés, premièrement, d’une violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, deuxièmement, d’une erreur de droit et d’erreurs manifestes d’appréciation, troisièmement, de la violation du droit de propriété et du principe de proportionnalité, et quatrièmement, d’un détournement de pouvoir commis par le Conseil.
27 Le Tribunal a rejeté chacun de ces moyens et a, de ce fait, rejeté le recours en annulation. Estimant que, en l’espèce, la condition relative à l’illégalité de l’inscription du nom de l’université de technologie de Sharif sur les listes des actes litigieux n’était pas remplie, le Tribunal a constaté que les conditions de l’engagement de la responsabilité de l’Union n’étaient, dès lors, pas réunies. En conséquence, il a également rejeté le recours indemnitaire formé par la requérante.
Les conclusions des parties
28 L’université de technologie de Sharif demande à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– de faire droit aux conclusions qu’elle a présentées lors de la procédure devant le Tribunal, et
– de condamner le Conseil aux dépens des deux instances.
29 Le Conseil demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi comme étant dénué de fondement, et
– de condamner l’université de technologie de Sharif aux dépens.
Sur le pourvoi
30 En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi, totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.
31 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.
32 L’université de technologie de Sharif présente deux moyens au soutien de son pourvoi.
Sur le premier moyen
Argumentation des parties
33 Par son premier moyen, l’université de technologie de Sharif soutient que le Tribunal a, à tort, omis de répondre à son moyen tiré du non-respect par le Conseil des formes substantielles des actes litigieux et/ou d’erreur manifeste d’appréciation de celui-ci lorsqu’il a décidé de la réinscrire sur les listes des entités faisant l’objet de mesures restrictives, en ce qu’il n’avait pas suivi le processus décisionnel qu’il était tenu de respecter.
34 Elle expose que, lors de sa plaidoirie devant le Tribunal, elle a fait valoir qu’il ressortait du dossier du Conseil, dont elle a obtenu tardivement communication de certains documents, que celui-ci avait manqué à son obligation d’apprécier de façon collégiale la proposition présentée par un État membre de la réinscrire sur les listes en cause ainsi que les éléments de preuve qui étayaient cette proposition et qui avaient été rapportés par cet État membre. Elle a ainsi fait valoir que le Conseil s’était borné à entériner la position dudit État membre. Elle fait référence aux arrêts du 18 février 2016, Conseil/Bank Mellat (C-176/13 P, EU:C:2016:96), et du 21 avril 2016, Conseil/Bank Saderat Iran (C-200/13 P, EU:C:2016:284). Aux points, respectivement, 89 et 82 de ces arrêts, la Cour a jugé qu’il n’apparaît pas que la vérification de la pertinence et du bien-fondé des éléments visant les entités concernées, qui ont été soumis au Conseil avant l’adoption des actes par lesquels elles ont été réinscrites sur les listes des entités faisant l’objet de mesures restrictives, puisse constituer une forme substantielle de l’adoption de ces actes dont le non-respect pourrait entraîner l’illégalité de ceux-ci. Toutefois, l’université de technologie de Sharif soutient que le moyen qu’elle a invoqué devant le Tribunal est différent de celui qui était soulevé dans lesdits arrêts, en ce qu’elle ferait uniquement valoir que le Conseil aurait dû examiner les éléments de preuve présentés par l’État membre à l’origine de la proposition de la réinscrire sur les listes en cause, afin de déterminer s’ils confortaient les motifs d’inscription proposés. La requérante déduit des points 102 et 103 de l’arrêt attaqué, dans lesquel le Tribunal a constaté que l’un des motifs d’inscription de son nom sur les listes des actes litigieux n’était pas étayé, que le Conseil n’avait pas, en réalité, examiné, de manière collégiale, chacun des motifs d’inscription et les éléments de preuve fournis à son appui.
35 Selon la requérante, c’est à tort que le Tribunal a omis de répondre au moyen qu’elle a soulevé lors de l’audience.
36 Le Conseil, qui expose que le pourvoi ne permet pas de déterminer avec certitude si le moyen soulevé porte sur le défaut de réponse du Tribunal ou sur la violation de l’obligation de motivation des arrêts, soutient que le Tribunal n’a pas violé son obligation de motivation lorsqu’il a répondu au moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation et que, en tout état de cause, le moyen tiré de la violation des formes substantielles n’est pas fondé.
Appréciation de la Cour
37 L’université de technologie de Sharif reproche au Tribunal de ne pas avoir répondu à l’un de ses moyens prétendument présenté lors de l’audience de plaidoiries.
38 Dans le cadre du pourvoi, le contrôle de la Cour a pour objet, notamment, de vérifier si le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués par le requérant (arrêt du 2 avril 2009, France Télécom/Commission, C-202/07 P, EU:C:2009:214, point 41 et jurisprudence citée). Toutefois, ces arguments doivent revêtir un caractère suffisamment clair et précis (arrêts du 9 septembre 2008, FIAMM e.a./Conseil et Commission, C-120/06 P et C-121/06 P, EU:C:2008:476, point 91, ainsi que du 2 avril 2009, France Télécom/Commission, C-202/07 P, EU:C:2009:214, point 30) et être recevables (arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C-341/06 P et C-342/06 P, EU:C:2008:375, point 69).
39 Il y a lieu de constater que le moyen que la requérante soutient avoir plaidé et qu’elle décrit en faisant référence aux arrêts du 18 février 2016, Conseil/Bank Mellat (C-176/13 P, EU:C:2016:96, points 88 et 89), ainsi que du 21 avril 2016, Conseil/Bank Saderat Iran (C-200/13 P, EU:C:2016:284, points 81 et 82), est tiré de la violation des formes substantielles des actes litigieux, lors de leur procédure d’adoption par le Conseil, et non de l’erreur manifeste d’appréciation que ce dernier aurait commise en la réinscrivant sur les listes des entités faisant l’objet de mesures restrictives. Or, un tel moyen n’a été soulevé ni dans la requête introductive d’instance ni dans le mémoire en réplique.
40 En conséquence, le moyen prétendument soulevé par le requérante devant le Tribunal présentait un caractère nouveau. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal du 4 mars 2015 (JO 2015, L 105, p. 1), applicable à la date de l’audience de plaidoiries, « [l]a production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés pendant la procédure ».
41 Il s’ensuit que le Tribunal n’aurait été tenu de répondre à un tel moyen, prétendument soutenu lors de l’audience, que si celui-ci était fondé sur des éléments de droit ou de fait qui s’étaient révélés pendant la procédure, ainsi que le prévoit l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.
42 Or, si des documents ont été produits par le Conseil le 4 septembre 2015, c’est-à-dire en cours d’instance, le Tribunal a constaté, au point 34 de l’arrêt attaqué, que ces documents ne contenaient aucune information pertinente supplémentaire par rapport aux données communiquées à la requérante par lettre du 4 septembre 2014. Il s’ensuit que le moyen tiré de la violation des formes substantielles, dans la mesure où il n’a pas été soulevé dans la requête introductive d’instance ni n’est fondé sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés en cours d’instance, aurait, en tout état de cause, dû être rejeté pour irrecevabilité.
43 Il résulte de l’ensemble de ces éléments qu’il y a lieu de rejeter le premier moyen du pourvoi comme étant manifestement non fondé.
Sur le second moyen
Argumentation des parties
44 Par son second moyen, l’université de technologie de Sharif soutient que le Tribunal a interprété de façon erronée le critère de la fourniture d’un appui au gouvernement iranien, au sens de l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2012/635, et de l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement no 267/2012, tel que modifié par le règlement no 1263/2012 (ci-après le « critère litigieux »), invoqué par le Conseil pour justifier la réinscription de la requérante sur les listes des entités faisant l’objet de mesures restrictives. En raison de cette erreur de droit, la requérante estime que le Tribunal a jugé, à tort, que les éléments de preuve rapportés par le Conseil confortaient le bien-fondé de cette réinscription.
45 Elle fait valoir que le Tribunal a commis trois erreurs de droit dans l’interprétation du critère litigieux, et plus particulièrement de la notion d’« appui » apporté au gouvernement iranien, employée dans celui-ci. La première erreur résulterait de ce qu’il a jugé que la présomption selon laquelle l’appui à ce gouvernement est constitué dès lors qu’une personne ou une entité facilite les activités de prolifération nucléaire en Iran « s’appliquait à toutes les formes de conduite ». La deuxième erreur serait tirée du fait que le Tribunal a jugé que l’appui audit gouvernement couvre également le domaine de la recherche et du développement sur les biens énumérés dans la liste commune des équipements militaires de l’Union. Enfin, la troisième erreur découlerait du fait qu’il a jugé que la coopération avec des entités déjà inscrites sur les listes en raison de leur implication dans les programmes iraniens de missiles balistiques et nucléaires permettait de présumer que cette coopération portait sur la recherche et le développement de biens énumérés dans la liste commune des équipements militaires en l’absence de preuves en ce sens.
46 En premier lieu, s’agissant des formes de comportement pouvant être regardées comme constitutives d’un appui au gouvernement iranien, l’université de technologie de Sharif soutient que le raisonnement exposé par le Tribunal aux points 50, 51, 54 et 55 de l’arrêt attaqué est contradictoire. Selon elle, les points 54 et 55 de cet arrêt sont en contradiction avec le point 50 de celui-ci, dans lequel le Tribunal a relevé que, selon la jurisprudence, le critère litigieux vise non pas toutes les formes d’appui à ce gouvernement, mais uniquement celles qui, par leur importance quantitative ou qualitative, contribuent à la poursuite des activités nucléaires iraniennes.
47 En deuxième lieu, l’université de technologie de Sharif conteste le point 65 de l’arrêt attaqué. À ce point, le Tribunal a jugé que « la fourniture d’un appui au gouvernement iranien en matière de recherche et de développement technologique, dans le domaine militaire ou dans des domaines liés, [satisfaisait] au critère litigieux, lorsqu’il se [rapportait] à des équipements ou à des technologies énumérés dans la liste commune des équipements militaires, dont l’acquisition par la République islamique d’Iran est interdite ». La requérante reproche au Tribunal d’avoir interprété la décision 2010/413 en se référant à un texte ultérieur. Selon la requérante, ce critère, interprété à la lumière du considérant 13 de la décision 2012/35 et du considérant 16 de la décision 2012/635, aurait pour objectif de priver le gouvernement iranien de ses sources de revenus (voir arrêt du 1er mars 2016, National Iranian Oil Company/Conseil, C-440/14 P, EU:C:2016:128, points 81 et 82). Elle fait également valoir que ledit critère a été introduit par la décision 2012/35 et modifié par la décision 2012/635 afin de compléter et non de remplacer les critères déjà existants, de sorte qu’il n’y a pas lieu de recourir à une interprétation large de celui-ci. Elle considère qu’un comportement d’ordre matériel, financier, logistique ou autre, d’une importance quantitative ou qualitative particulière permettant la poursuite des activités nucléaires, satisferait au critère litigieux.
48 En troisième lieu, la requérante conteste le point 68 de l’arrêt attaqué, selon lequel, même si le Conseil n’est pas à même d’établir que les activités de l’université de technologie de Sharif se rapportent à des satellites ou à des bateaux « intelligents » qui répondent effectivement aux spécifications de la liste commune des équipements militaires, la circonstance que ces activités sont conduites en coopération avec l’AIO, en ce qui concerne la production de satellites ou avec le ministère de la Défense iranien et l’IRGC dans le cadre de concours pour bateaux « intelligents » permet de considérer, si les allégations du Conseil relatives à cette coopération sont suffisamment étayées, que l’appui ainsi fourni au gouvernement iranien revêt une importance suffisante pour satisfaire au critère litigieux. La requérante soutient que toutes les formes de coopération en matière de matériel militaire ne sont pas constitutives d’un appui au sens de ce critère, dès lors que le développement des biens concernés ne saurait être considéré comme facilitant les activités de prolifération nucléaire.
49 L’université de technologie de Sharif conteste également le point 70 de l’arrêt attaqué. À ce point, le Tribunal a jugé que l’implication directe de l’AIO en ce qui concerne la production de missiles ainsi que de l’IRGC dans le programme nucléaire et le contrôle opérationnel du programme de missiles balistiques, en Iran, permettait de présumer que des activités conduites en coopération avec ces entités du gouvernement iranien, relatives à la production de satellites et au développement de bateaux « intelligents », présentaient un intérêt certain en ce qui concerne la poursuite du programme nucléaire posant un risque de prolifération ou la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires.
50 L’université de technologie de Sharif conteste, enfin, les points 82 et 98 de l’arrêt attaqué, par lesquels le Tribunal aurait établi des présomptions selon lesquelles la coopération avec des entités déjà inscrites sur les listes ou la recherche et le développement de biens énumérés sur la liste commune des équipements militaires impliqueraient nécessairement d’apporter un appui au gouvernement iranien facilitant la prolifération nucléaire. Ce faisant, le Tribunal aurait renversé la charge de la preuve, ce qui serait contraire à la jurisprudence de la Cour (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C-584/10 P, C-593/10 P et C-595/10 P, EU:C:2013:518, points 119 et 120).
51 Le Conseil soutient que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit dans l’interprétation du critère litigieux, en application duquel la requérante a été réinscrite sur les listes des entités faisant l’objet de mesures restrictives.
52 Il fait valoir que la première branche du second moyen de la requérante n’est pas claire, n’identifie pas avec précision les points de l’arrêt attaqué qui sont contestés et ne contient pas un exposé d’arguments juridiques cohérents. Il souligne par ailleurs que le point 54 de l’arrêt attaqué a été confirmé par les points 85 et 86 de l’arrêt du 1er mars 2016, National Iranian Oil Company/Conseil (C-440/14 P, EU:C:2016:128).
53 En réponse à la deuxième branche de ce moyen, le Conseil rappelle les différentes dispositions, adoptées par le Conseil de sécurité ou l’Union, interdisant de fournir une assistance technique au gouvernement iranien qui serait en rapport avec l’armement militaire. Compte tenu du lien existant entre certains équipements militaires et la prolifération nucléaire, rappelé au point 63 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’aurait pas commis d’erreur de droit en jugeant, au point 65 de cet arrêt, que la fourniture d’un appui au gouvernement iranien en matière de recherche et de développement technologique, dans le domaine militaire ou dans des domaines liés, satisfaisait au critère litigieux, lorsqu’il se rapporte à des équipements ou à des technologies énumérés dans la liste commune des équipements militaires, dont l’acquisition par la République islamique d’Iran est interdite.
54 Selon le Conseil, la requérante interprète le point 68 de l’arrêt attaqué de manière erronée. Il considère que le Tribunal a indiqué à ce point que la définition, découlant de la jurisprudence, de l’appui au gouvernement iranien, qui vise les formes d’appui qui, par leur importance quantitative ou qualitative, contribuent à la poursuite des activités nucléaires iraniennes, rappelée au point 50 de l’arrêt attaqué, ne s’appliquait pas lorsqu’il s’agit d’un appui au gouvernement iranien en matière de recherche et de développement technologique, dans le domaine militaire ou dans des domaines liés à ce dernier, se rapportant à des équipements ou à des technologies énumérés dans la liste commune des équipements militaires, dont l’acquisition par la République islamique d’Iran est interdite.
Appréciation de la Cour
55 L’argumentation résumée aux points 44 à 50 de la présente ordonnance est relative, en substance, premièrement, au lien entre le critère litigieux et la prolifération nucléaire, deuxièmement, à la nécessité d’une importance quantitative ou qualitative de l’appui fourni au gouvernement iranien, troisièmement, à la possibilité de prendre en considération une coopération en matière de recherche et de développement technologique et, quatrièmement, aux règles relatives à la charge de la preuve appliquées par le Tribunal.
56 S’agissant, en premier lieu, du lien entre le critère litigieux et la prolifération nucléaire, il y a lieu de rappeler que les mesures restrictives adoptées tant par le Conseil de sécurité que par l’Union sont progressives et justifiées par l’absence de succès des mesures adoptées précédemment (arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C-348/12 P, EU:C:2013:776, point 126). C’est ainsi que les critères sur le fondement desquels sont identifiées les personnes et les entités pouvant faire l’objet de mesures restrictives ont évolué dans le temps et ont été élargis.
57 Il y a lieu de rappeler que, les actes litigieux ayant été adoptés le 7 novembre 2014, il convient de prendre en considération les critères prévus à l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2012/635, à savoir l’« appui au gouvernement iranien », et à l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement no 267/2012, tel que modifié par le règlement no 1263/2012, à savoir l’ « appui, notamment matériel, logistique ou financier, au gouvernement iranien ».
58 Le critère litigieux s’inscrit dans un cadre juridique clairement délimité par les objectifs poursuivis par la réglementation régissant les mesures restrictives prises à l’encontre de la République islamique d’Iran. Notamment, le considérant 13 de la décision 2012/35, laquelle a inséré une première fois ce critère à l’article 20, paragraphe 1, de la décision 2010/413, précise expressément que le gel des fonds doit être appliqué à l’égard des personnes et des entités « qui fournissent un appui au gouvernement iranien lui permettant de poursuivre des activités nucléaires posant un risque de prolifération ou la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires, en particulier les personnes apportant un soutien financier, logistique ou matériel au gouvernement iranien » (arrêt du 1er mars 2016, National Iranian Oil Company/Conseil, C-440/14 P, EU:C:2016:128, point 79).
59 De même, au point 81 de cet arrêt du 1er mars 2016, National Iranian Oil Company/Conseil, (C-440/14 P, EU:C:2016:128), la Cour n’a pas remis en cause l’interprétation effectuée par le Tribunal dans cette affaire, présentée au point 80 dudit arrêt, selon laquelle l’objectif visé par la modification du critère litigieux avait consisté à élargir le critère de désignation, afin de viser des activités propres à la personne ou à l’entité concernée et qui, même si elles n’ont, en tant que telles, aucun lien direct ou indirect avec la prolifération nucléaire, sont cependant susceptibles de favoriser celle-ci, en fournissant au gouvernement iranien des ressources ou des facilités d’ordre matériel, financier ou logistique lui permettant de poursuivre les activités de prolifération.
60 Le Tribunal n’a dès lors commis aucune erreur de droit lorsqu’il a jugé, au point 52 de l’arrêt attaqué, que l’application du critère litigieux n’impliquait pas l’existence d’un certain degré de rattachement, même indirect, aux activités nucléaires de l’Iran.
61 Cette appréciation est confortée par la jurisprudence de la Cour en matière de mesures restrictives concernant des entreprises qui apportaient au gouvernement iranien un appui notamment matériel (arrêt du 7 avril 2016, Central Bank of Iran/Conseil, C-266/15 P, EU:C:2016:208, point 45), financier (arrêts du 1er mars 2016, National Iranian Oil Company/Conseil, C-440/14 P, EU:C:2016:128, point 85, ainsi que du 12 mai 2016, Bank of Industry and Mine/Conseil, C-358/15 P, non publié, EU:C:2016:338, points 80 à 82) ou logistique (arrêt du 8 septembre 2016, Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil, C-459/15 P, non publié, EU:C:2016:646, points 53 à 56), sans lien direct ou indirect avec la prolifération nucléaire.
62 S’agissant de la recherche et du développement technologique dans le domaine militaire ou dans des domaines liés à ce dernier, il importe au préalable de souligner que l’expression « prolifération nucléaire », utilisée dans le cadre des mesures restrictives adoptées envers la République islamique d’Iran, fait référence aux activités de cet État en violation du traité sur la non-prolifération des armes nucléaires, si bien que cette expression elle-même désigne une catégorie d’armement militaire. Par ailleurs, le considérant 13 de la décision 2012/35, rappelé au point 58 de la présente ordonnance, mentionne l’« appui au gouvernement iranien lui permettant de poursuivre des activités nucléaires posant un risque de prolifération ou la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires ».
63 Par conséquent, c’est sans commettre d’erreur de droit que, après avoir rappelé, au point 62 de l’arrêt attaqué, la réglementation de l’Union interdisant la fourniture, la vente et le transfert à la République islamique d’Iran d’armements et de matériel militaire et, au point 64 de cet arrêt, les résolutions du Conseil de sécurité pertinentes à cet égard, le Tribunal a jugé, au point 65 dudit arrêt, que « la fourniture d’un appui au gouvernement iranien en matière de recherche et de développement technologique, dans le domaine militaire ou dans des domaines liés, satisfait au critère litigieux, lorsqu’il se rapporte à des équipements ou à des technologies énumérés dans la liste commune des équipements militaires, dont l’acquisition par la République islamique d’Iran est interdite ».
64 S’agissant, en deuxième lieu, de la nécessité de fournir un appui au gouvernement iranien d’une certaine importance quantitative ou qualitative aux fins de répondre au critère litigieux justifiant l’inscription sur une liste de personnes ou d’entités faisant l’objet de mesures restrictives, il y a lieu de relever qu’elle ne ressort ni du libellé de l’article 20, paragraphe 1, sous c), de la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2012/635, ni de celui de l’article 23, paragraphe 2, sous d) du règlement no 267/2012, tel que modifié par le règlement no 1263/2012. Il s’agit d’une interprétation du Tribunal, entérinée par la Cour, effectuée à la lumière des objectifs poursuivis par le Conseil, en réponse à des arguments contestant la validité du critère litigieux au motif qu’un contribuable ou un fonctionnaire iranien seraient susceptibles d’être inscrits sur une telle liste en application dudit critère (arrêt du 1er mars 2016, National Iranian Oil Company/Conseil, C-440/14 P, EU:C:2016:128, points 68 et 83).
65 C’est au regard de cette interprétation que le Tribunal a effectué son contrôle. Il a ainsi précisé, au point 45 de l’arrêt attaqué, que, selon la motivation des actes litigieux, le Conseil a réinscrit le nom de la requérante sur les listes en cause au motif que son « niveau important d’engagement auprès du gouvernement de l’Iran dans le domaine militaire ou dans des domaines liés » constituait un appui au gouvernement iranien, au sens du critère litigieux.
66 Au point 69 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que tant l’AIO que l’IRGC étaient inscrits sur les listes des actes litigieux, au motif, respectivement, que l’une supervise la production de missiles en Iran et que l’autre est responsable du programme nucléaire iranien et assure le contrôle opérationnel du programme de missiles balistiques de la République islamique d’Iran. Au point 70 de cet arrêt, tout en précisant que ces éléments de fait n’étaient pas contestés par la requérante, il en a déduit que des activités conduites en coopération avec ces entités du gouvernement iranien, relatives à la production de satellites et au développement de bateaux « intelligents », présentaient un intérêt certain en ce qui concerne la poursuite du programme nucléaire posant un risque de prolifération ou la mise au point de vecteurs d’armes nucléaires.
67 Le Tribunal a examiné, aux points 77 à 83 de l’arrêt attaqué, les preuves relatives à l’accord avec l’AIO pour la production de satellites, aux points 84 à 91 de cet arrêt, celles relatives à la coopération avec le ministère de la Défense iranien et l’IRGC concernant les concours pour bateaux « intelligents » et, aux points 93 à 98 dudit arrêt, les preuves relatives à l’accord entre la requérante et les forces aériennes de l’IRGC. À la suite de cet examen approfondi des données factuelles, qu’il n’appartient pas à la Cour de contrôler dans le cadre d’un pourvoi, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a jugé qu’il était satisfait au critère litigieux.
68 S’agissant, en troisième lieu, de la question de savoir si une coopération en matière de recherche et de développement technologique peut constituer un appui au gouvernement iranien, au sens du critère litigieux, il convient de constater que l’article 20, paragraphe 1, sous c), la décision 2010/413, telle que modifiée par la décision 2012/635, et de l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement no 267/2012, tel que modifié par le règlement no 1263/2012, ne spécifient ni les modalités de l’appui au gouvernement ni les domaines dans lesquels cet appui peut être fourni. En effet, seul l’article 23, paragraphe 2, sous d), du règlement no 267/2012, tel que modifié par le règlement no 1263/2012, précise que l’appui apporté au gouvernement peut être « notamment matériel, logistique ou financier ».
69 Dès lors que le Conseil a motivé les mesures restrictives dont la requérante fait l’objet par le « niveau important d’engagement auprès du gouvernement de l’Iran dans le domaine militaire ou dans des domaines liés » dont elle a témoigné, la question de savoir si la recherche fondamentale ou le développement technologique en tant que tels peuvent constituer un appui à ce gouvernement, au sens du critère litigieux, est dépourvue de pertinence.
70 S’agissant, en quatrième lieu, de l’argument de la requérante relatif à la charge de la preuve, il y a lieu de rappeler que la requérante conteste les points 82 et 98 de l’arrêt attaqué, estimant que le Tribunal a commis une erreur de droit en utilisant des présomptions légales et, ce faisant, a violé les règles relatives à la charge de la preuve établies par la Cour.
71 À cet égard, il convient de rappeler que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire le nom d’une personne sur la liste de personnes faisant l’objet de mesures restrictives, le juge de l’Union s’assure que cette décision, qui revêt une portée individuelle pour cette personne, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique, en l’espèce, une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend les actes litigieux, afin de contrôler si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir lesdits actes, sont étayés (voir, notamment, arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C-584/10 P, C-593/10 P et C-595/10 P, EU:C:2013:518, points 119 et 120 ; du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C-348/12 P, EU:C:2013:776, point 73 ; du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C-630/13 P, EU:C:2015:247, point 46, ainsi que du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C-605/13 P, EU:C:2015:248, point 45).
72 En l’espèce, le Tribunal a, aux points 77 à 98 de l’arrêt attaqué, examiné l’accord conclu entre la requérante et l’AIO pour la production de satellites, les éléments attestant de la coopération avec le ministère de la Défense iranien et l’IRGC concernant les concours pour bateaux « intelligents » ainsi que l’accord entre la requérante et les forces aériennes de l’IRGC, qui figurent parmi les motifs, énoncés dans les actes litigieux, justifiant la réinscription de l’université de technologie de Sharif sur les listes des personnes et des entités faisant l’objet de mesures restrictives. Il ressort de cet examen approfondi des faits, auquel le Tribunal a procédé sur la base des éléments de preuve produits par le Conseil, qu’il n’a pas violé les règles de droit relatives à la charge de la preuve.
73 Il résulte de l’ensemble de ces éléments que la requérante n’a pas établi que le Tribunal a commis une erreur de droit dans l’interprétation ou l’application du critère litigieux, si bien que le second moyen du pourvoi doit être rejeté comme étant manifestement non fondé.
74 Par conséquent, il convient de rejeter le pourvoi.
Sur les dépens
75 En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.
76 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
77 Le Conseil ayant conclu à la condamnation de l’université de technologie de Sharif et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil.
Par ces motifs
, la Cour (septième chambre) ordonne :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) La Sharif University of Technology supporte, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.
Signatures
* Langue de procédure : l’anglais.