AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par la société à responsabilité limitée Auto marché de l'Etoile, dont le siège est ... à Sainte-Geneviève-des-Bois (Essonne), en cassation d'un jugement rendu le 20 janvier 1992 par le tribunal de grande instance d'Evry (1re chambre), au profit du directeur général des Impôts, ministère du Budget, domicilié ... (12e), défendeur à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 14 juin 1994, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Vigneron, conseiller rapporteur, M. Nicot, Mme Loreau, MM. Leclercq, Dumas, Gomez, Léonnet, Poullain, Canivet, conseillers, Mme Geerssen, M. Huglo, conseillers référendaires, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Vigneron, les observations de la SCP Lyon-Caen, Fabiani et Thiriez, avocat de la société Auto marché de l'Etoile, de Me Goutet, avocat du directeur général des Impôts, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique, pris en sa première branche :
Vu l'article 72O du Code général des Impôts ;
Attendu, selon le jugement déféré, que M. X... a donné, en janvier 1983, en location-gérance pour une durée indéterminée son fonds de commerce à la société à responsabilité limitée Garage automarché (la société) qu'il avait constituée et dont il détenait, avec la gérance, la moitié des parts ; qu'en décembre de la même année, il vendait à la société la totalité du matériel de bureau et de l'outillage du garage, ainsi que deux véhicules usagés ; que l'administration des Impôts a vu, dans ces deux actes considérés en leur ensemble, une convention de cession à la société du fonds de commerce qu'il exploitait et a procédé à un redressement tendant à soumettre cette mutation aux droits d'enregistrement prévus à l'article
720 du Code général des Impôts, et aux pénalités annexes ;
que la société a fait opposition à l'avis de mise en recouvrement ;
Attendu que, pour rejeter cette demande, le Tribunal énonce qu'il résulte d'une jurisprudence ancienne et constante qu'un contrat de location-gérance est fictif et constitue en réalité une mutation à titre onéreux lorsqu'il est suivi de la cession de l'intégralité du matériel d'exploitation, "ce qui est le cas en l'espèce" ;
Attendu qu'en se déterminant par un tel motif, sans rechercher si M. X..., qui avait conservé le bénéfice du bail commercial attaché au fonds de commerce, avait perdu la possibilité de reprendre ultérieurement son activité, le Tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Et sur la seconde branche du moyen :
Vu l'article
L. 64 du Livre des procédures fiscales ;
Attendu que le jugement énonce que le total des redevances de location-gérance payées en quatre ans n'était "guère éloigné de l'évaluation du fonds par l'Administration" ;
Attendu qu'en se déterminant par un tel motif, impropre à caractériser le caractère anormalement élevé de la redevance, le Tribunal n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS
:
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement rendu le 20 janvier 1992, entre les parties, par le tribunal de grande instance d'Evry ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit jugement et, pour être fait droit, les renvoie devant le tribunal de grande instance de Créteil ;
REJETTE la demande présentée par la société Auto marché de l'Etoile sur le fondement de l'article
700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne le directeur général des Impôts, envers la société Auto marché de l'Etoile, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres du tribunal de grande instance d'Evry, en marge ou à la suite du jugement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du dix-huit octobre mil neuf cent quatre-vingt-quatorze.