Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème Chambre, 3 décembre 2019, 18NT00708

Synthèse

  • Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
  • Numéro d'affaire :
    18NT00708
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Décision précédente :tribunal administratif de Caen, 15 décembre 2017
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/CETATEXT000039447766
  • Rapporteur : Mme Valérie GELARD
  • Rapporteur public :
    M. LEMOINE
  • Président : M. LENOIR
  • Avocat(s) : SELARL JURIADIS
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Chronologie de l'affaire

Cour administrative d'appel de Nantes
2019-12-03
tribunal administratif de Caen
2017-12-15

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Procédure contentieuse antérieure : M. A... D... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler la décision du 19 décembre 2016 par laquelle la ministre de la défense a refusé de reconnaître sa maladie comme imputable au service. Par une ordonnance n° 1700379 du 15 décembre 2017, la magistrate désignée du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande pour tardiveté. Procédure devant la cour : Par une requête et un mémoire, enregistrés les 16 février 2018 et 13 août 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour : 1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Caen du 15 décembre 2017 ; 2°) d'annuler la décision du 19 décembre 2016 ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - la magistrate désignée a fait une application stricte des dispositions des articles R. 421-1 et R. 421-5 du code de justice administrative sans tenir compte de son état de santé, lequel constituait un cas de force majeure l'ayant empêché de saisir la portée des décisions le concernant et de contester ces décisions dans les délais de recours impartis ; - de ce fait, il a été privé du droit au procès équitable en méconnaissance des stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - la décision du ministre est insuffisamment motivée ; - cette décision est entachée d'une erreur de droit dans la mesure où le ministre a visé les deux avis de la commission de réforme sans exercer son pouvoir d'appréciation propre ; - la décision contestée est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que sa pathologie est imputable au service et entre dans le champ des dispositions de l'article L. 461-1 du code de la sécurité sociale ; le lien unique direct et certain entre les troubles dont il souffre et son activité professionnelle a été reconnu par l'expert mandaté par son employeur, qui a néanmoins décidé de ne pas suivre ses conclusions. Par un mémoire en défense, enregistré le 2 août 2018, la ministre des armées conclut au rejet de la requête. Elle soutient que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - le code de la sécurité sociale ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme B..., - les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public.

Considérant ce qui suit

: 1. M. D..., qui est titulaire d'un master II en ingénierie de la formation, a été recruté entre 2006 et 2009 par le ministère de la défense au sein de la direction générale de la gendarmerie nationale en qualité d'officier de réserve. Ayant donné satisfaction à son employeur, il a bénéficié d'un contrat à durée déterminée conclu avec le ministre de la défense le 11 octobre 2011. Il a été affecté au groupement de soutien de la base de défense de Cherbourg, en qualité de secrétaire administratif de classe normale, pour assurer les fonctions de responsable de formation. Il a été titularisé sur son poste le 15 octobre 2012. Placé en arrêt de travail depuis le mois de septembre 2013, l'intéressé a présenté une demande de reconnaissance de sa pathologie comme maladie professionnelle. Par une décision du 19 décembre 2016, la ministre de la défense a rejeté sa demande. Le 2 mars 2017, M. D... a saisi le tribunal administratif de Caen d'une demande tendant à l'annulation de cette décision. Il relève appel de l'ordonnance du 15 décembre 2017 par laquelle la magistrate désignée du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande pour tardiveté. Sur le bien-fondé de l'ordonnance attaquée : 2. Aux termes de l'article R. 421-1 du code de justice administrative dans sa rédaction alors en vigueur : " Sauf en matière de travaux publics, la juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée. ". Aux termes de l'article R. 421-5 du même code : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision. ". Ce délai est un délai franc. En vertu de la règle rappelée à l'article 642 du code de procédure civile, un délai qui expirerait normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, est prorogé jusqu'au premier jour ouvrable suivant. 3. Il est constant que la requête introductive d'instance présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Caen pour contester la légalité de la décision de la ministre de la défense du 19 décembre 2016, laquelle comportait la mention des voies et délais de recours, a été enregistrée le 2 mars 2017. La ministre, qui en première instance a opposé une fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de cette requête, a produit l'accusé de réception de cette décision, signé le 29 décembre 2016 par M. D.... Le délai dont disposait l'intéressé pour contester cette décision a par suite commencé à courir à compter du 30 décembre 2016 et était expiré à la date du 2 mars 2017, lorsque sa requête est parvenue au tribunal administratif de Caen. 4. M. D... se prévaut de son état de santé pour soutenir qu'il était dans l'incapacité de faire parvenir sa requête au tribunal administratif de Caen avant le 2 mars 2017. Il n'est pas contesté au vu des certificats médicaux qu'il produit qu'il souffre de troubles bipolaires de l'humeur de type II et d'un trouble déficitaire de l'attention de l'adulte, diagnostiqués en 2014. Ces pathologies, et notamment la première, se caractérisent par des phases de d'euphorie exacerbée et de dépression profonde aléatoires. Selon M. D..., durant ces phases dépressives, son état psychique ne lui permettait pas de comprendre la portée des décisions qui lui étaient notifiées et la nécessité de respecter les délais de recours mentionnés sur ces décisions. Si les rapports d'expertise et certificats médicaux qu'il joint à l'appui de ses écritures, confirment que les traitements médicamenteux qui lui étaient prescrits à l'époque ne stabilisaient pas son état de santé, ces documents ne suffisent toutefois pas à établir que durant le délai de plus de deux mois qui s'est écoulé entre le 30 décembre 2016 et le 2 mars 2017 l'intéressé aurait effectivement été dans l'impossibilité absolue, en raison de son état de santé, de comprendre les délais qui lui étaient impartis et de faire parvenir sa requête, au demeurant datée du 25 février 2017, avant l'expiration du délai de recours contentieux. Comme le souligne la ministre de la défense, M. D... a ainsi, par un courrier du 29 décembre 2016, pu solliciter auprès de son employeur ses relevés de " badgeage " afin d'attester de sa surcharge de travail, de sorte qu'à cette date, il avait pris conscience de la décision qui lui était opposée et était en mesure de préparer sa contestation. Dans ces conditions, le requérant n'établit pas qu'il se trouvait dans un cas de force majeure l'ayant rendu dans l'incapacité de respecter le délai de deux mois prévu à l'article R. 421-1 du code de justice administrative. 5. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. D... n'est pas fondé à soutenir qu'il aurait été privé du droit à un procès équitable en méconnaissance des stipulations des articles 6 et 13 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. 6. Il résulte de ce qui précède, que M. D... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, la magistrate désignée du tribunal administratif de Caen a rejeté sa demande. Sur les frais liés au litige : 7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. D... de la somme qu'il demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. D... est rejetée. Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D... et à la ministre des armées. Délibéré après l'audience du 15 novembre 2019, à laquelle siégeaient : - M. Lenoir, président de chambre, - M. Coiffet, président-assesseur, - Mme B..., premier conseiller. Lu en audience publique, le 3 décembre 2019. Le rapporteur, V. GELARDLe président, H. LENOIR La greffière, E. HAUBOIS La République mande et ordonne à la ministre des armées en ce qui la concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 2 N° 18NT00708