Cour d'appel de Paris, Chambre 5-5, 8 septembre 2022, 19/07427

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    19/07427
  • Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
  • Décision précédente :Tribunal de Commerce d'EVRY, 10 janvier 2018
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/631ade10f575634f1371edb5
  • Président : Madame Marie-Annick PRIGENT
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2022-09-08
Tribunal de Commerce d'EVRY
2018-01-10

Texte intégral

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS COUR D'APPEL DE PARIS Pôle 5 - Chambre 5

ARRET

DU 08 SEPTEMBRE 2022 (n° /2022, 7 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/07427 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7VUL Décision déférée à la Cour : Jugement du 10 Janvier 2018 -Tribunal de Commerce d'EVRY - RG n° 2018F00100 APPELANTE SARL CETP LOC, N° RCS EVRY : 538 378 191, représentée par son représentant légal en cette qualité audit siège, [Adresse 2] [Adresse 2] Représentée par Me Julien DUPUY de la SARL DUBAULT-BIRI & ASSOCIES, avocat au barreau D'ESSONNE, avocat postulant, Me Naïma HADDADI de la SARL DUBAULT-BIRI & ASSOCIES avocat au barreau D'ESSONNE, avocate plaidante, INTIMEE SAS MAN TRUCK & BUS FRANCE, N° RCS EVRY : 318 919 065, représentée par son représentant légal en cette qualité audit siège, [Adresse 1] [Adresse 1] Représentée par Me Juliette MEL, avocat au barreau de PARIS, toque : G0002, avocate plaidante et postulante, COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Annick PRIGENT, Présidente de la chambre 5 - 5, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de : Marie-Annick PRIGENT, Présidente de la chambre 5-5 Nathalie RENARD, Présidente de chambre Christine SOUDRY, conseillère Greffière, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL ARRET : - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par Marie-Annick PRIGENT, Présidente du Pôle 5 chambre 5 et par Sonia JHALLI, présent lors de la mise à disposition. Faits et procédure : La société CETP LOC est spécialisée dans l'activité de location de matériel de travaux publics et de véhicules industriels. La société Man Truck & Bus France (ci-après, « Man Truck ») est spécialisée dans l'accomplissement de tous travaux, services et prestations concernant les véhicules de marque Man qu'elle distribue. Le 28 décembre 2015, la société CETP LOC a fait intervenir la société Man Truck pour le remplacement de l'embrayage d'un camion benne de marque Man qu'elle possède. Le 31 mai 2016, le même camion a nécessité une nouvelle intervention de la société Man Truck pour un problème sur le réservoir. Le 24 novembre 2016, le camion a présenté une nouvelle avarie au niveau de la transmission. C'est dans ces conditions que la société CETP LOC a fait intervenir son assureur et qu'une expertise amiable a été diligentée et confiée à M. [K] [N]. Le 30 janvier 2017, une première réunion a eu lieu en l'absence de la société Man Truck. Le 20 février 2017, une nouvelle réunion d'expertise amiable s'est tenue en présence de la société Man Truck. Un rapport d'expertise amiable et contradictoire a été établi le 11 avril 2017 qui a imputé la rupture des vis de fixation de la transmission à l'absence de remplacement antérieur ou à l'excès ou l'insuffisance de serrage et a mis en cause la responsabilité de la société Man Truck. La réparation du véhicule a été estimée à la somme de 15.506,71 euros HT selon un devis du 10 mars 2017 de la société Vidal. La société Man Truck a validé le 21 mars 2017 ce devis et a pris en charge le coût des travaux de réparation. Par acte du 1er février 2018, CEPT LOC a assigné Man Truck devant le tribunal de commerce d'Evry aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 30.136,16 euros décomposée de la manière suivante : 7.600 euros en réparation de son préjudice de jouissance ; 12 297,60 euros en réparation de son préjudice économique au titre de la perte d'exploitation du camion ; 7.038.56 euros en réparation de son préjudice économique au titre du surcoût de salaire du chauffeur. 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Par jugement du 10 janvier 2019 date' par erreur du 10 janvier 2018, le tribunal de commerce d'Evry a : Dit que la société SASU Man Truck & Bus France est responsable des avaries survenues sur le véhicule concerné par cette affaire ; Débouté la société SARL CETP LOC de toutes ses demandes d'indemnisation au titre de préjudices associés à cette faute, précisant que ces préjudices ne sont pas démontrés ; Condamné la société CETP LOC à payer à la société Man la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Débouté les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires ; Condamné la société CETP LOC aux dépens, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 66,70 euros TTC. Par déclaration du 5 avril 2019, la SARL CETP LOC a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a : Débouté la société CETP LOC de toutes ses demandes d'indemnisation au titre de préjudices associés à cette faute, précisant que ces préjudices ne sont pas démontrés ; Condamné la société CETP LOC à payer à la société Man Truck & Bus France à la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Débouté les parties de leurs autres demandes, plus amples ou contraires ; Condamné la société CETP LOC aux dépens en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 66,70 euros TTC.

Prétentions et moyens des parties

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 27 mai 2020, la société CETP LOC demande à la cour de : Vu les articles 1231 et suivants du code civil, De'clarer la socie'te' CETP LOC recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions ; Infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Evry, date' par erreur du 10 janvier 2018 aux lieu et place du 10 janvier 2019 en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a dit que la socie'te' Man Truck & Bus France est responsable des avaries survenues sur le ve'hicule litigieux ; En conse'quence, statuant a' nouveau, Condamner la socie'te' Man Truck & Bus France a' verser a'` la socie'te' CETP LOC les sommes suivantes : 7.600 euros en re'paration du pre'judice de jouissance subi, 12.297,60 euros en re'paration du pre'judice e'conomique du fait de l'immobilisation du camion litigieux, 7.038,56 euros en re'paration du pre'judice e'conomique du fait du surcou't de salaire du chauffeur. Condamner la socie'te' Man Truck & Bus France a' verser a' la socie'te' CETP LOC la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de proce'dure civile ; Condamner la socie'te' Man Truck & Bus France aux entiers de'pens de premie're instance et d'appel qui seront recouvre''s par Me Julien Dupuy membre de la SELARL Dubault-Biri en application de l'article 699 du code de proce'dure civile. Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 14 janvier 2022, la société Man Truck & Bus France demande à la cour de : Vu les articles 1231 et suivant du code civil, Vu l'article 202 du code de procédure civile, A titre principal : Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Evry du 10 janvier 2019, daté par erreur du 10 janvier 2018, en ce qu'il déboute la société CETP LOC de toutes ses demandes d'indemnisations formées à l'encontre de la société Man Truck & Bus France, Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce d'Evry du 10 janvier 2019, daté par erreur du 10 janvier 2018, en ce qu'il condamne la société CETP LOC à payer à la société Man Truck & Bus France la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, Confirmer le jugement rendu par le Tribunal de commerce d'Evry du 10 janvier 2019, daté par erreur du 10 janvier 2018, en ce qu'il condamne la société CETP aux dépens, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 66,70 euros TTC, A titre subsidiaire : Dire et juger que les préjudices allégués par la société CETP LOC n'est pas démontré, Débouter la société CETP LOC de l'ensemble de ses demandes, En tout état : Condamner la société CETP LOC à verser à la société Man Truck & Bus France la somme de 7.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 27 janvier 2022.

MOTIFS

Sur la responsabilité de la société Man Truck En application de l'article 1147, dans sa version antérieure à l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016, et de l'article 1787 du code civil, le garagiste est tenu d'une obligation de résultat pour les réparations des véhicules automobiles en vertu de laquelle il doit procéder aux interventions de réparation conformément aux règles de l'art ; il engage de plein droit sa responsabilité dès lors que le client établit que le dommage subi par son véhicule est causé par un manquement à son obligation de résultat, c'est-à-dire que ce dommage trouve son origine dans l'élément sur lequel le garagiste devait intervenir ou est relié à son intervention. Cette obligation de résultat emportant à la fois présomptions réfragables de faute et de causalité entre la faute et le dommage, il appartient au garagiste qui entend s'exonérer de sa responsabilité de prouver qu'il n'a pas commis de faute ou que le dommage a pour origine une cause étrangère à son intervention. Le rapport d'expertise amiable du 11 avril 2017 a conclu que les désordres constatés étaient liés à une rupture des vis de fixation de la transmission et les a imputés à la société Man Truck, cette dernière ayant été l'unique intervenant sur le véhicule litigieux. L'expert a relevé que la rupture des vis était liée à un excès ou une insuffisance de serrage voire à une vis étirée et non remplacée. En l'espèce, la société Man truck ne conteste pas sa responsabilité au titre de la rupture de la vis de fixation de la transmission. Il sera en outre relevé que le véhicule était entretenu exclusivement par la concession de la société Man truck à [Localité 4] et que cette dernière a été le dernier professionnel à être intervenu pour le réparer. Dans ces conditions, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a déclaré la société Man truck responsable à l'égard de la société CETP LOC des conséquences dommageables résultant de la rupture de la vis de fixation de la transmission du camion benne de marque Man immatriculé [Immatriculation 3]. Sur les préjudices La responsabilité de plein droit qui pèse sur le garagiste réparateur ne s'étend qu'aux dommages causés par le manquement à son obligation de résultat de sorte qu'il incombe au client de prouver que le dommage a trouvé son origine dans la prestation effectuée par celui-ci. Sur le préjudice de jouissance La société CETP LOC revendique l'indemnisation d'un préjudice de jouissance en soutenant que le véhicule a été immobilisé du 24 novembre 2016 au 31 mars 2017 et qu'elle n'a pas pu en disposer pendant cette période. Elle explique que le préjudice de jouissance est distinct du préjudice rattaché à la perte d'exploitation relative à la privation du véhicule. Elle réclame en conséquence une somme de 7.600 euros correspondant au coût de la location d'un véhicule similaire, qu'elle évalue à 100 euros par jour, pendant 76 jours ouvrés. La société Man Truck prétend que la société CETP LOC ne rapporte pas la preuve du préjudice qu'elle invoque. Elle soutient en effet que la société CETP LOC ne justifie pas avoir loué un véhicule de remplacement de sorte qu'elle ne peut se prévaloir d'aucun préjudice de jouissance. Elle conteste en outre la durée de l'immobilisation invoquée puisque le camion aurait été réparé le 10 mars 2017. Il résulte des éléments versés aux débats que la société Man Truck n'a donné son accord que le 21 mars 2017 pour financer les travaux selon le devis établi par la société Vidal le 10 mars 2017 et que les travaux de réparation n'ont été achevés que le 31 mars 2017. Ainsi la durée d'immobilisation du camion benne résultant de l'avarie imputable à la société Man Truck s'est étendue du 24 novembre 2016 au 31 mars 2017, soit pendant 76 jours ouvrés. Il convient de relever que la société CETP LOC exerce une activité de location de matériel de travaux publics et de véhicules industriels. Il n'est pas discutable que pendant la durée de son immobilisation, la société CETP LOC n'a pas pu utiliser le camion-benne. Il importe peu à cet égard que la société CETP LOC ne justifie pas avoir loué un camion de remplacement. La société CETP LOC a donc bien subi un préjudice de jouissance pendant cette période d'immobilisation du camion imputable à la société Man Truck. Le préjudice de jouissance subi sera estimé à 6.384 euros (84 euros x 76 jours) sur la base des tarifs de location d'un véhicule équivalent tel qu'ils ressortent du justificatif produit par la société CETP LOC en pièce 17. Le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de ce chef. Sur le préjudice financier au titre de la perte de marge subie La société CETP LOC soutient subir un préjudice économique du fait de l'immobilisation du camion. Elle prétend à cet égard que le camion constituait son seul actif d'exploitation et qu'elle a subi une perte de marge pendant la période d'immobilisation. La société Man Truck soutient que la société CETP LOC ne rapporte pas la preuve du préjudice allégué. Il résulte du tableau des immobilisations produit par la société CETP LOC que cette dernière dispose de nombreux engins de chantier de sorte qu'elle a pu reporter son activité sur ces autres engins. En outre, le document qu'elle produit en pièce n°22 pour justifier de sa perte d'exploitation liée à l'immobilisation du camion n'est étayé par aucun document comptable et ne sera donc pas retenu. De même, le document produit en pièce 23 destiné à imputer une perte de chiffre d'affaires à l'immobilisation du camion n'est conforté par aucune pièce comptable et ne peut donc servir de preuve. Dans ces conditions, le préjudice allégué n'est pas démontré et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation sur ce point. Sur le préjudice financier lié au paiement du salaire du chauffeur poids lourd La société CETP LOC soutient que le chauffeur poids lourd dédié à la conduite du camion immobilisé n'a pas pu être employé à cette tâche et a été affecté à d'autres tâches ne nécessitant aucune qualification Elle revendique en conséquence un préjudice financier correspondant à la différence entre le salaire qu'elle a été contrainte de verser à son employé et le salaire versé à une personne occupant un poste sans qualification. La société Man Truck réplique que la société CETP LOC ne rapporte pas la preuve du préjudice allégué. Les attestations produites par la société CETP LOC qui émanent de ses salariés ne sauraient permettre d'établir que M. [W] [P], employé en qualité de chauffeur poids-lourd, n'a pas pu être occupé aux tâches habituelles confiées du fait de l'immobilisation du camion Man. Il sera à cet égard relevé que le tableau des immobilisations de la société CETP LOC fait état de plusieurs véhicules appartenant à la société CETP LOC dont d'autres poids lourds. Dans ces conditions, le préjudice allégué n'est pas démontré et le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation sur ce point. Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront infirmées. La société Man truck qui succombe à l'instance d'appel supportera les dépens de première instance et d'appel. Les dépens d'appel pourront être recouvrés par Me Julien Dupuy, membre de la SELARL DUBAULT-BIRI, selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile. La société Man Truck sera condamnée à payer à la société CETP LOC une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La demande de la société Man Truck sur ce point sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

, La cour, Confirme le jugement sauf en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation au titre du préjudice de jouissance et a condamné la société CETP LOC à payer à la société Man Truck & Bus France la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens de première instance ; Statuant à nouveau de ces chefs, Condamne la société Man Truck & Bus France à payer la société CETP LOC la somme de 6.384 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice de jouissance résultant de l'immobilisation du camion de marque Man immatriculé [Immatriculation 3] du 24 novembre 2016 au 31 mars 2017 à la suite de l'avarie imputable à la société Man Truck & Bus France ; Condamne la société Man Truck & Bus France à payer à la société CETP LOC la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne la société Man Truck & Bus France aux dépens de première instance et d'appel ; Dit que les dépens d'appel pourront être recouvrés par Me Julien Dupuy, membre de la SELARL DUBAULT-BIRI, selon les modalités de l'article 699 du code de procédure civile ; Déboute les parties de leurs autres demandes. La Greffière, La Présidente,