Chronologie de l'affaire
Tribunal de Grande Instance de Paris 18 novembre 2015
Tribunal de Grande Instance de Paris 26 janvier 2017

Tribunal de Grande Instance de Paris, 26 janvier 2017, 2015/13509

Mots clés société · contrefaçon · produits · préjudice · brevet · marque · concurrence déloyale · propriété intellectuelle · baguettes · vente · import · export · réparation · procédure civile · risque

Synthèse

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de Paris
Numéro affaire : 2015/13509
Domaine de propriété intellectuelle : BREVET ; MARQUE
Marques : AnyLock
Classification pour les marques : CL16 ; CL21
Numéros d'enregistrement : EP1572548 ; 3405137
Décision précédente : Tribunal de Grande Instance de Paris, 18 novembre 2015, N° 2015/51663
Parties : SEHYANG INDUSTRIAL CO Ltd (République de Corée) ; DAE S HI TECH CO (République de Corée) ; LJ IMPORT EXPORT SARL / K (Bruno)

Chronologie de l'affaire

Tribunal de Grande Instance de Paris 18 novembre 2015
Tribunal de Grande Instance de Paris 26 janvier 2017

Texte

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 26 janvier 2017

3ème chambre 1ère section N° RG: 15/13509 Assignation du 18 septembre 2015 AJ totale du TGI DE PARIS du 18 novembre 2015 N° 2015/051663

DEMANDERESSES Société SEHYANG INDUSTRIAL CO LTD 9-2 H Dong Dalseo-Gu RÉPUBLIQUE DE CORÉE

Société DAE SUNG HI TECH CO 10 Technodaero - 2 Gil Hyunpung-Myun Daelson-Gun Daegu RÉPUBLIQUE DE CORÉE

Société LJ IMPORT EXPORT [...] 03000 MOULINS Toutes les trois représentées par Maître Patrice DE CANDÉ de la SELARL SELARL C - BLANCHARD - DUCAMP, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0265

DÉFENDEUR Monsieur Bruno K représenté par Me Daniel COLLINOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C0154 (bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2015/051663 du 18/11/2015 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Paris)

COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Christine C, Vice-Présidente Julien RICHAUD, Juge Aurélie J. Juge assistée de Léa ASPREY, Greffier

DEBATS À l'audience du 06 décembre 2016 tenue en audience publique

JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort

FAITS ET PROCÉDURE

La société SEHYANG INDUSTRIAL CO Ltd, société de droit coréen, (ci-après société SEHYANG INDUSTRIAL) est titulaire d'un brevet européen n° EP 1 572 548 (ci-après brevet EP 548) désignant la France portant sur un « procédé et dispositif de scellage d'un paquet », déposé le 5 novembre 2003 publié le 14 septembre 2005 et délivré le 11 avril 2012 sous priorité de deux brevets coréens des 13 novembre 2002 et 29 avril 2003. Ce brevet a été maintenu en vigueur par le paiement régulier des redevances annuelles.

La société DAE SUNG HI TECH CO Ltd, société de droit coréen, (ci- après société DAE SUNG) est titulaire depuis le 17 novembre 2003 d'une licence exclusive d'exploitation de ce brevet inscrite au Registre National des Brevets le 10 décembre 2014. Elle est titulaire de la marque française verbale « Anylock », déposée à l’INPI le 23 janvier 2006 et enregistrée sous le n° 06/3405137 pour désigner notamment des « ustensiles et récipients non électriques pour le ménage ou la cuisine et pinces pour l'emballage » de la classe 21 et des produits de l'imprimerie de la classe 16. Elle fabrique depuis plusieurs années des baguettes de scellage reprenant les enseignements du brevet européen EP 548 qu'elle commercialise dans le monde entier sous cette marque « Anylock ».

La société LJ IMPORT EXPORT est une société de droit français, importateur exclusif en France des produits « Anylock » en vertu d'un contrat signé avec la société DAE SUNG le 1er avril 2011.

Monsieur Bruno K est domicilié à TONNEY-CHARENTE (17). Il est enregistré depuis le 3 mai 2011 en qualité de commerçant avec pour activité principale le commerce de détail de textiles, d'habillement et de chaussures sur les marchés.

Ayant constaté la vente sur le site internet d'annonces gratuites www.leboncoin.fr de baguettes de scellage commercialisées sous l'intitulé « baguette de fermeture de sacs Anylocks », les sociétés SEHYANG INDUSTRIAL et DAE S, après avoir fait établir un constat d'huissier de la mise en ligne de l'annonce litigieuse, ont par l'intermédiaire d'un tiers, passé commande d'un lot de 1400 baguettes sur le site en question et fait constater par huissier le 30 avril 2015 les quantités et la nature des marchandises reçues, ainsi que l'identité de l'expéditeur en la personne de Monsieur Bruno K.

Par deux ordonnances rendues les 12 mai et 10 juin 2015 par le délégataire du président du tribunal de grande instance de Paris, les sociétés SEHYANG INDUSTRIAL et DAE S ont été autorisées à effectuer des opérations de saisie-contrefaçon auprès de « l'entreprise Bruno KERBOAS » à Tonnay C (17). Les opérations n'ont pas pu être réalisées et deux procès-verbaux de difficultés ont été dressés par l'huissier commis.

C'est dans ces conditions que, par acte d'huissier en date du 18 septembre 2015, la société SEHYANG INDUSTRIAL CO Ltd, la société DAE SUNG HI TECH Co Ltd et la société LJ IMPORT EXPORT ont assigné Monsieur Bruno K devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de brevet, de marque et en concurrence déloyale.

Au terme de leurs dernières conclusions, notifiées par la voie électronique le 5 octobre 2016, auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de leurs moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la société SEHYANG INDUSTRIAL CO Ltd, la société DAE SUNG HI TECH Co Ltd et la société LJ IMPORT EXPORT demandent au tribunal, au visa des dispositions des livres VI et VII du code de la propriété Intellectuelle, de l'article 1382 du code civil et sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- De dire et juger qu'en commercialisant des baguettes de scellage sous l'intitulé « baguettes fermeture de sacs Anylock » et reprenant les enseignements du brevet EP 1 572 548, Monsieur Bruno K s'est rendu coupable de : * contrefaçon des revendications 1, 3 et 7 du brevet EP 1 572 548 ; * contrefaçon de la marque " Anylock " n° 06/3405137.

- De dire et juger qu'en utilisant pour la présentation de ses baguettes des couleurs et une matière identiques pour leurs composantes, des rainures et des perforations placées identiquement sur la partie tubulaire, aggravant ainsi le risque de confusion pour les consommateurs, Monsieur Bruno K s'est également rendu coupable de concurrence déloyale au détriment de la société LJ IMPORT EXPORT ;

En conséquence : - De débouter Monsieur Bruno K de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions;

- De faire interdiction à Monsieur Bruno K de poursuivre la commercialisation des baguettes litigieuses et tout usage de la marque " Anylock " pour désigner de tels produits et ce sous astreinte de 1.500 € par jour de retard et par infraction constatée, 8 jours après signification du jugement à intervenir ; - De condamner Monsieur Bruno K à verser : * à la société SEH YANGINDUSTRIAL la somme de 25.000 € au titre de l'atteinte à la valeur du brevet EP 1 572 548 ;

* à la société DAE SUNG la somme de 10.000 € en réparation de l'atteinte à la valeur de la marque " Anylock " n° 06/3405137 ;

* en réparation du préjudice commercial subi du fait des actes de contrefaçon du brevet EP 1 572 548 et de la marque n° 06/3405137. . à la société DAE SUNG la somme de 113.000€ . à la société LJ IMPORT EXPORT la somme de 10.000€ . à la société LJ IMPORT EXPORT la somme de 25.000 € complémentaires en réparation du préjudice subi par cette dernière du fait des actes de concurrence déloyale résultant de la reprise des éléments de présentation des baguettes " Anylock " non décrits dans le brevet ;

- D'ordonner la publication dans trois journaux, magazines, revues, au choix des sociétés SEHYANG INDUSTRIAL, DAE S et LJ IMPORT EXPORT, dans la limite d'un budget de 25.000 € pour l’ensemble des publications, du texte suivant : « Par jugement du........... le Tribunal de Grande Instance de Paris a jugé que Monsieur Bruno K, en commercialisant des baguettes de scellage sous l'intitulé « baguettes fermeture de sacs Anylock » et reprenant les enseignements du brevet EP 1 572 548, s'est rendu coupable de contrefaçon de ce brevet appartenant à la société SEHYANG et de la marque AnyLock appartenant à la société DAE SUNG et de faits de concurrence déloyale au préjudice de la société LJ IMPORT EXPORT importateur exclusif des produits AnyLock » :

- De condamner Monsieur Bruno K à verser à chacune des sociétés SEHYANG INDUSTRIAL, DAE S et LJ IMPORT EXPORT la somme de 10.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- De condamner Monsieur Bruno K aux entiers dépens de la présente instance dont distraction au profit de la SELARL C -BLANCHARD - DUCAMP, conformément aux dispositions de 1"article 699 du code de procédure civile ;

En réplique, dans ses dernières écritures, notifiées par la voie électronique le 11 octobre 2016, auxquelles il sera renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, Monsieur Bruno K demande au tribunal, au visa des articles L 615-1 alinéa 3 et L 716-14 du code de la propriété intellectuelle et de l'article 1382 du code civil :

- De dire irrecevable et débouter les sociétés SEHYANG INDUSTRIAL CO LTD, DAE S HI TECH CO Ltd et LJ IMPORT EXPORT de toutes leurs fins, demandes et conclusions,

Subsidiairement, au cas où votre tribunal considérerait l’atteinte à la marque « Anylok » ou les faits de concurrence déloyale caractérisés,

- De condamner Monsieur Bruno K à payer un euro aux sociétés DAE S HI TECH CO et LI IMPORT EXPORT.

- De condamner les sociétés SEHYANG INDUSTRIAL CO LTD, DAE S HI TECH CO et LJ IMPORT EXPORT à payer à Maître Daniel COLLINOT une somme de 3.000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de 1*article 699 du code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 novembre 2016. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le présent jugement, rendu en premier ressort, sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile


MOTIFS

Il convient de constater que Monsieur Bruno K ne conteste ni la validité du brevet EP 548 ni celle de la marque « Anylock »

1°) Sur les actes de contrefaçon

La société SEHYANG ENDUSTRIAL considère que les baguettes de scellage commercialisées par Monsieur Bruno K reprennent l'ensemble des enseignements des revendications 1, 3 et 7 de son brevet et que ce dernier, qui a acheté les baguettes litigieuses auprès d'un fournisseur chinois, a la qualité d'importateur de produits contrefaisants qui l'empêche d'invoquer à son bénéfice les dispositions de l'article L 615-1 du code de la propriété intellectuelle et de se prévaloir de sa bonne foi.

La société DAE SUNG ajoute que l'utilisation dans l'annonce parue sur le site internet « leboncoin » du mot clé « Anylock » identique à sa marque pour référencer des produits identiques à ceux pour lesquels la marque est enregistrée constitue une contrefaçon de marque au sens des articles L.713-2, L.713-3 et L.716-1 du code de la propriété intellectuelle.

Monsieur Bruno K ne conteste pas la matérialité de la contrefaçon de marque et de brevet mais fait valoir sa bonne foi, en expliquant que, sur conseil d'un commerçant qui vendait sur un marché des produits similaires, il a commandé 3000 baguettes sur le site internet " alibaba " à une société chinoise, FCY TECHNOLOGIES CO. LTD pour un montant, livraison comprise, de 508,5 dollars (462 euros) afin de les revendre en brocante. Affirmant s'être fait volé une partie des 3000 baguettes qui lui avaient été livrées le 28 janvier 2015, il reconnaît avoir mis en vente les 1400 baguettes restantes pour un montant de 490 euros sur le site internet « le bon coin » en reprenant dans son annonce le mot « Anylock ». Il conteste néanmoins avoir commis des actes de contrefaçon dès lors qu'il n'a pas fabriqué les baguettes litigieuses et ne savait pas que le terme « Anylock » constituait une marque.


Sur ce


Sur la contrefaçon de brevet

La société SEHYANG INDUSTRIAL est propriétaire du brevet européen n° EP 1 572 548 (ci-après brevet EP 548) désignant la France déposé le 5 novembre 2003 publié le 14 septembre 2005 et délivré le 11 avril 2012 sous priorité de deux brevets coréens des 13 novembre 2002 et 29 avril 2003.

Le brevet a pour titre " procédé et dispositif de scellage d'un paquet ". Il comporte 9 revendications, dont seules les trois suivantes sont opposées :

* La revendication 1 est rédigée comme suit : Dispositif de scellage d'un paquet (2) comprenant une tige (14), un élément tubulaire (16) apte à être engagé par coulissement autour de la tige (14), un intervalle de pincement (18) défini entre la tige (14) et l'élément tubulaire (16), une fente (20) ménagée dans l'élément tubulaire (16) selon la direction longitudinale dudit élément tubulaire (16), un élément de guidage incliné (14a) formé à une extrémité de la tige (14) et un autre élément de guidage incliné formé à une extrémité de l'élément tubulaire (16), dans lequel : l'élément tubulaire (16) aune section transversale circulaire : caractérisé en ce que la tige (14) est formée, à l'une de ses extrémités, avec une partie coudée qui s'étend selon une inclinaison en direction de la fente (20) de l'élément tubulaire (16) lorsque la tige (14) a été introduite dans l'élément tubulaire (16), avec un prolongement horizontal qui s'étend horizontalement depuis l'extrémité de la partie coudée qui est située à l'opposé de la tige (14), et avec un ressaut semi-circulaire formé à l'extrémité du prolongement horizontal qui est située à l'opposé de la partie coudée »

Les revendications 3 et 7 dépendantes sont rédigées comme suit :

* Revendication 3 : « Dispositif de scellage d'un paquet (2) selon la revendication 1 ou la revendication 2, dans lequel la tige (14) est formée, à l'une de ses extrémités avec une butée en saillie qui présente une surface verticale et une surface inclinée ».

* Revendication 7 « Dispositif de scellage d'un paquet (2) selon la revendication 1 ou la revendication 2, dans lequel la tige (14) a une section transversale dont la forme est choisie dans un groupe constitué des formes circulaire, semi-circulaire, ovale, rectangulaire, losangique, trapézoïdale et polygonale ».

L'examen des baguettes de scellage vendues par Monsieur Bruno K, telles que produites en pièce 8, qui sont constituées d'un élément tubulaire fendu sur toute sa longueur avec une extrémité coupée en biseau et l'autre extrémité coupée droit et d'une tige jaune insérée dans le tube avec une extrémité inclinée puis horizontale avec un embout arrondi et l'autre extrémité avec un embout bloqueur rond et plat disposant d'un ergot de fixation sur le tube, démontre qu'elles reproduisent les caractéristiques des revendications 1, 3 et 7 du brevet EP 548, selon lesquelles la tige insérée dans le tube a une surface transversale triangulaire (revendication 7), présente à l'une de ses extrémités une partie coudée terminée par un prolongement horizontal s'achevant en ressaut semi-circulaire (revendication 1) et à l'autre extrémité une butée en saillie qui présente une surface verticale et une surface inclinée (revendication 3).

En application de l'article 64 « Droits conférés par le brevet européen » de la Convention de Munich du 5 octobre 1973 :

(1) Sous réserve du paragraphe 2, le brevet européen confère à son titulaire, à compter de la date à laquelle la mention de sa délivrance est publiée au Bulletin européen des brevets et dans chacun des États contractants pour lesquels il a été délivré, les mêmes droits que lui conférerait un brevet national délivré dans cet État. (2) Si l'objet du brevet européen porte sur un procédé, les droits conférés par ce brevet s'étendent aux produits obtenus directement par ce procédé. (3) Toute contrefaçon du brevet européen est appréciée conformément à la législation nationale.

Conformément à l'article L 615-1 du code de la propriété intellectuelle, toute atteinte portée aux droits du propriétaire du brevet, tels qu'ils sont définis aux articles L 613-3 à L 613-6, constitue une contrefaçon. La contrefaçon engage la responsabilité civile de son auteur. Toutefois, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, la détention en vue de l'utilisation ou la mise dans le commerce d'un produit contrefaisant, lorsque ces faits sont commis par une autre personne que le fabricant du produit contrefaisant, n'engagent la responsabilité de leur auteur que si les faits ont été commis en connaissance de cause.

L'article L613-3 du code propriété intellectuelle dispose que sont interdites, à défaut de consentement du propriétaire du brevet : a)la fabrication, l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement ou la détention aux fins précitées du produit objet du brevet ; b) l'utilisation d'un procédé objet du brevet ou, lorsque le tiers le sait ou les circonstances rendent évident que l'utilisation du procédé est interdite sans le consentement du propriétaire du brevet, l'offre de son utilisation sur le territoire français ; c) l'offre, la mise dans le commerce, l'utilisation, l'importation, l'exportation, le transbordement ou la détention aux fins précitées du produit obtenu directement protestations et réserves le procédé objet du brevet.

Monsieur Bruno K produit aux débats une facture du 15 janvier 2015 portant sur l'achat à une société chinoise, FCY TECHNOLOGIES CO. LTD de 3000 baguettes contrefaisantes pour un montant, livraison comprise, de 508,5 dollars (462 euros). Il est ainsi établi que Monsieur Bruno K a importé les produits contrefaisants sur le territoire français avant de les proposer à la vente sur le site leboncoin. Il s'est donc bien rendu coupable de contrefaçon par importation et offre en vente, sans qu'il soit nécessaire d'établir qu'il a agi en connaissance de cause au regard de sa qualité d'importateur.

En conséquence, Monsieur Bruno K a commis des actes de contrefaçon par importation et l'offre en vente des baguettes saisies reproduisant les revendications 1, 3 et 7 du brevet EP 548 dont la société SEHYANG INDUSTRIAL est propriétaire.

Sur la contrefaçon de marque

Conformément à l'article L 716-1 du code de la propriété intellectuelle, l'atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L 713-2, L 713-3 et L 713-4 du même code.

En vertu de l'article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire : a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que : "formule, façon, système, imitation, genre, méthode", ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement ; b) La suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée.

La contrefaçon par reproduction suppose, selon la définition donnée par la cour de justice de l'union européenne dans l'arrêt LTJ Diffusion du 20 mars 2012, l'emploi d'un signe reproduisant sans modification ni ajout tous les éléments de la marque ou qui, considéré dans son ensemble recèle des différences si insignifiantes qu'elles peuvent passer inaperçu aux yeux d'un consommateur moyen.

En application des principes énoncés par la CJUE alors CJCE dans son arrêt Arsenal Football Club du 12 novembre 2002, le titulaire d'une marque enregistrée ne peut, en application de l'article 5§ 1 a) de la directive 89/104/CEE du 21 décembre 1988 rapprochant les législations des États membres sur les marques devenue l'article 10.2 de la directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015, interdire l'usage par un tiers d'un signe identique à sa marque que si cet usage a lieu dans la vie des affaires sans le consentement du titulaire de la marque et porte atteinte ou est susceptible de porter atteinte aux fonctions de la marque et notamment à sa fonction essentielle qui est de garantir aux consommateurs la provenance des produits ou des services.

En l'espèce, la marque verbale " Anylock " opposée par la société DAE SUNG vise notamment les « pinces pour emballage » de la classe 21. Il résulte du procès-verbal de constat sur le site internet www.leboncoin.fr dressé le 22 avril 2015 que Monsieur Bruno K a référencé l'annonce publiée sur le site " leboncoin " aux fins de mise en vente des baguettes de scellage contrefaisant les enseignements du brevet EP 548 sous l'intitulé « lot 1400 baguettes fermeture de sacs ».

Ainsi, Monsieur Bruno K, en sa qualité d'annonceur, a usé d'un signe identique à la marque en tant que mot clé dans le cadre d'un service de référencement sur internet pour identifier des produits identiques à ceux visés à l'enregistrement de la marque.

Cet usage, qui a pour but d'induire les internautes en erreur sur l'origine des produits, en leur faisant croire que ceux-ci proviennent du titulaire de la marque ou d'une entreprise économiquement liée à celui-ci, constitue un usage prohibé de la marque d'autrui au sens de l'article 10 paragraphe 2 de la directive (UE) 2015/2436 du 16 décembre 2015 et de l'article L 713-2 du code de la propriété intellectuelle.

Dès lors, la contrefaçon de marque est constituée au préjudice de la société DAE SUNG, peu importe la bonne foi éventuelle de Monsieur Bruno K qui est indifférente à la qualification de la contrefaçon.

2°) Sur la concurrence déloyale

Exposant en premier lieu que les actes de contrefaçon de brevet constituent des actes de concurrence déloyale au détriment du distributeur exclusif des produits protégés par le titre , la société LJ IMPORT EXPORT soutient en outre que la reprise des éléments de présentations des baguettes « Anylock » non décrits dans le brevet (couleurs des baguettes et particularité de l'élément tubulaire) constituent des actes distincts de concurrence déloyale en ce qu'ils tendent à augmenter le risque de confusion avec les véritables baguettes « Anylock ».

Monsieur Bruno K oppose, là encore, sa bonne foi.


Sur ce


En vertu des dispositions des articles 1382 et 1383 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.

La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un élément, lorsqu'il ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce. L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée.

La société LJ IMPORT EXPORT en sa qualité de distributeur exclusif en France des baguettes " Anylock " reprenant les caractéristiques du brevet EP 548 a en premier lieu subi du fait des actes de contrefaçon de brevet un préjudice propre de concurrence déloyale en raison du risque de confusion entre les produits et de détournement de clientèle ainsi induit.

Il n'est de plus pas contesté que les baguettes contrefaisantes importées par Monsieur Bruno K reprennent de manière servile toutes les caractéristiques des baguettes « Anylock » qui ne sont pas enseignées par le brevet EP 548, notamment la matière et les couleurs des tiges et de l'élément tabulaire, ainsi que les rainures et les perforations que présente ce dernier. Il est de plus avéré d'une part par l'emploi par Monsieur Bruno K du mot clé « Anylock » dans l'annonce parue sur le site leboncoin et d'autre part par le floutage de la marque « Anylock » sur les photographies des baguettes utilisées pour promouvoir son annonce, que Monsieur Bruno K avait conscience de l'existence de droits de propriété intellectuelle protégeant les produits et que c'est sciemment et afin de majorer le risque de confusion pour le consommateur qu'il a choisi d'importer et d'offrir en vente des baguettes constituant une copie servile des baguettes « Anylock ». Ces faits, distincts de ceux fondant la contrefaçon de brevet sont constitutifs de concurrence déloyale commise au préjudice de la société LJ IMPORT EXPORT, en sa qualité de distributeur exclusif des produits « Anylock » sur le territoire français.

3°) sur les mesures réparatrices.

En application de l'article L 615-7 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.

Et, selon l'article L 615-2 du code de la propriété intellectuelle, l'action en contrefaçon est exercée par le propriétaire du brevet. ]... [ Tout licencié est recevable à intervenir dans l'instance en contrefaçon, engagée par le breveté, afin d'obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre »

En application de l'article L 716-14 du code de la propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée

En l'espèce, l'importation sur le territoire français et l'offre en vente de baguettes de scellage contrefaisantes porte atteinte aux droits du breveté. Il sera alloué à la société SEHYANG INDUSTRIAL la somme de 500 euros en réparation du préjudice subi.

L'usage de la marque « Anylock » pour référencer des produits identiques à ceux visés par la marque porte atteinte au droit de son titulaire et justifie l'allocation au profit de la société DAE SUNG de la somme de 500 € de dommages et intérêts de ce chef.

La société LJ IMPORT EXPORT et la société DAE SUNG formulent toutes deux une demande d'indemnisation unique du préjudice commercial subi du fait des actes de contrefaçon de brevet et de marque. En l'absence de ventilation des sommes réclamées au titre d'atteintes à des droits de propriété intellectuelle pourtant distincts, ces demandes indéterminées et indéterminables au sens des articles 4, 5 et 16 du code de procédure civile, sont irrecevables. Au demeurant, à supposer les demandes de la société LJ IMPORT EXPORT recevables, son préjudice résultant des actes de contrefaçon de brevet ne résiderait jamais que dans le manque à gagner occasionné par la vente des 3000 baguettes contrefaisantes, telle qu'établie par la facture d'achat produite aux débats par Monsieur Bruno K. En l'absence d'élément relatif à la marge qu'elle pratique sur les baguettes « Anylock », le tribunal ne pourrait apprécier la mesure de son préjudice ce qui commanderait le rejet de sa demande. S'agissant de la société DAE SUNG, le préjudice qu'elle réclame est en outre fondé de manière erroné sur l'article L 615-7 du code de la propriété intellectuelle alors que cette dernière ne pourrait, à supposer sa demande déterminée, être recevable à réclamer que « la réparation du préjudice qui lui est propre » en vertu de l'article L 615-2 in fine qui ne peut par définition être identique à celui subi par le propriétaire du brevet. En outre, elle ne pourrait prétendre à recevoir une somme correspondant au prix d'une concession de licence alors qu'elle pourrait tout au plus se prévaloir d'une perte de la marge qu'elle pratique sur les produits qu'elle fournit à la société LJ IMPORT- EXPORT et qui aurait été la sienne si Monsieur Bruno K avait acquis auprès du distributeur français des baguettes non contrefaisantes. Faute de tout élément relatif à celle-ci, la mesure de son préjudice ne pourrait au demeurant être estimée et sa demande d'indemnisation serait en conséquence rejetée.

Il sera néanmoins alloué à la société LJ IMPORT EXPORT la somme de 500€ en réparation du préjudice subi du fait des actes distincts de concurrence déloyale en raison du risque de confusion majoré par le caractère servile de la copie de l'ensemble des caractéristiques de couleur et de détail des baguettes « Anylock ».

Le préjudice subi par les sociétés demanderesses étant intégralement réparé par l'indemnisation accordée, il n'y a pas lieu d'ordonner de mesure de publication. Il sera en revanche fait droit à la demande d'interdiction dans les termes du dispositif.

4°) Sur les demandes accessoires

Succombant au litige, Monsieur Bruno K, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamné à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle.

L'équité ne commande pas l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Nécessaire et compatible avec la nature et la solution du litige, l'exécution provisoire du jugement sera ordonnée sans garantie et pour toutes ses dispositions en application de l'article 515 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS



Le tribunal statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort,

Dit qu'en important sur le territoire français et offrant en vente des produits reproduisant les revendications 1, 3 et 7 du brevet EP 1 572 548, Monsieur Bruno K a commis des actes de contrefaçon de brevet au préjudice de la société SEHYANG INDUSTRIAL CO Ltd ;

Dit qu'en usant du terme « Anylock » identique à la marque française n° 06/3405137 « Anylock » pour référencer son annonce de vente sur le site internet « leboncoin » des produits contrefaisants identiques à ceux visés à l'enregistrement de la marque, Monsieur Bruno KERBOAS a commis des actes de contrefaçon de marque au préjudice de la société DAE SUNG HI TECH Co Ltd;

Dit qu'en commercialisant des baguettes reprenant de manière servile toutes les caractéristiques des baguettes « Anylock » qui ne sont pas enseignées par le brevet EP 548, Monsieur Bruno K s'est également rendu coupable de concurrence déloyale au préjudice de la société LJ IMPORT EXPORT ;

Condamne Monsieur Bruno K à payer à la société SEHYANG INDUSTRIAL CO Ltd la somme de CINQ CENTS euros (500 €) au titre des actes de contrefaçon de brevet ;

Condamne Monsieur Bruno K à payer à la société DAE SUNG HI TECH Co Ltd la somme de CINQ CENTS euros (500 €) au titre des actes de contrefaçon de marque ;

Déclare irrecevables, comme indéterminées, les demandes des sociétés DAE S HI TECH Co Ltd et LJ IMPORT EXPORT en réparation du préjudice commercial subi du fait des actes de contrefaçon de brevet et de marque ; Condamne Monsieur Bruno K à payer à la société LJ IMPORT EXPORT somme de CINQ CENTS euros (500 €) au titre des actes distincts de concurrence déloyale ;

Interdit à Monsieur K sous astreinte de 50 euros par jours pendant 100 jours courant dès la signification du jugement, d'importer, d'offrir en vente, de vendre, de commercialiser et de détenir à ces fins des baguettes de scellage reprenant les caractéristiques du brevet EP 1 572 548 ;

Rejette la demande de publication judiciaire ;

Rejette les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur Bruno K à supporter les entiers dépens de l'instance qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle ;

Ordonne l'exécution provisoire de la présente décision.