Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Metz 11 octobre 2012
Cour de cassation 11 juin 2014

Cour de cassation, Chambre commerciale, 11 juin 2014, 13-11565

Mots clés société · produits · expert · échantillons · grillages · traitement · rapport · tiers · peinture · panneaux · analyse · prescription · préjudice · preuve · relever

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 13-11565
Dispositif : Rejet
Décision précédente : Cour d'appel de Metz, 11 octobre 2012
Président : M. Espel (président)
Avocat(s) : SCP Odent et Poulet, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2014:CO00590

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Metz 11 octobre 2012
Cour de cassation 11 juin 2014

Texte

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Metz, 11 octobre 2012) et les productions, que la société LTM color (la société LTM), qui exploite une ligne de traitement de matériaux métalliques par immersion, a passé commande en 1998 à la société Sofeval d'un tunnel de traitement par aspersion de pièces en aluminium ; qu'en janvier suivant, ce tunnel a été mis en service selon les préconisations de la société Henkel technologies France (la société Henkel), fournisseur de produits chimiques de la société LTM ; que le 21 juin 1999, la société Gantois a fait retour à la société LTM d'une quantité importante de panneaux présentant des défauts auxquels celle-ci a remédié ; qu'invoquant le manquement de la société Henkel à son obligation de conseil, la société LTM l'a assignée, avec son assureur, en indemnisation de son préjudice ;

Attendu que la société LTM fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté ses demandes, alors, selon le moyen :

1°/ que le vendeur professionnel doit se renseigner sur les besoins de l'acheteur afin d'être en mesure de l'informer sur l'adéquation de la chose proposée à l'utilisation qui en est prévue ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Henkel avait préconisé des réglages du tunnel de traitement de surface inadaptés aux produits à peindre par la société LTM dont elle connaissait pourtant les besoins, provoquant ainsi l'altération des grillages traités par sa cliente ; qu'en affirmant que le manquement contractuel de la société Henkel ne pouvait ouvrir droit à indemnisation au profit de la société LTM, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil ;

2°/ que la circonstance que le manquement contractuel d'un tiers a contribué à la réalisation d'un dommage n'est pas de nature à dispenser le débiteur, dont le manquement à son devoir d'information et de conseil a causé ce même dommage, de son obligation de le réparer en totalité, sauf son recours contre le tiers à qui il impute une part de responsabilité dans la survenance de ce préjudice ; qu'en se bornant à relever que la société LTM ne démontrait pas que les dommages constatés devraient être attribués exclusivement à la société Henkel, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à écarter toute responsabilité de la société Henkel dans le dommage subi par la société LTM, privant ainsi son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

3°/ que chacun des responsables d'un même dommage doit, dans ses rapports avec la victime, être condamné à le réparer en totalité ; que dès lors, en se fondant, pour débouter la société LTM de ses demandes contre la société Henkel et son assureur, la société Axa corporate solution assurance, sur la circonstance en réalité inopérante que la société Gantois ayant fabriqué les panneaux litigieux n'avait pas été mise en cause dans la procédure, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu, d'une part, qu'après avoir constaté que les deux experts successivement désignés avaient conclu que la cause des désordres était à rechercher dans un défaut de prescription de la société Henkel, l'arrêt relève que le second de ces experts a néanmoins observé qu'entre le 20 janvier et le 17 juin 1999, aucun décollement de peinture ne s'était produit sur les autres productions et que seuls les panneaux grillagés galvanisés fournis par la société Gantois avaient été affectés ; qu'il relève encore que le rapport établi à la demande du premier expert par un sapiteur, lequel avait procédé à l'analyse de quatre échantillons prélevés par cet expert, concluait que la qualité et la rugosité du grillage initial, avant mise en peinture par la société LTM, faisait suspecter une altération d'origine de celui-ci, des esquilles métalliques étant accrochées à la face interne des écailles de peinture ; qu'il relève enfin que les échantillons ayant été prélevés sur des panneaux exposés aux intempéries pendant cinq ans, leur corrosion avait pu fausser les résultats de cette analyse quand lui-même n'avait pu examiner les grilles litigieuses, celles-ci n'ayant pas été conservées par la société LTM ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations dont elle a déduit qu'il existait un élément d'indétermination, imputable à la société LTM, sur la cause de l'altération des grillages, la cour d'appel a pu retenir que la preuve de la faute de la société Henkel n'était pas apportée ;

Attendu, d'autre part, qu'il ne résulte ni de l'arrêt ni de ses conclusions que la société LTM a soutenu devant la cour d'appel que la faute de la société Henkel n'était pas la cause exclusive du dommage ; que le moyen est nouveau et mélangé de fait et de droit ;

D'où il suit que le moyen, irrecevable en sa deuxième branche et qui ne peut être accueilli en sa troisième branche pour critiquer un motif surabondant, n'est pas fondé pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS

:
REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société LTM color aux dépens ;
Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du onze juin deux mille quatorze.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat aux Conseils, pour la société LTM color
Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la société LTM Color de ses demandes ;
AUX MOTIFS QUE le cabinet Furnion, certes mandaté par l'assureur de la société LTM Color, a effectué, après avoir convoqué les parties en présence, y compris la société Henkel qui ne s'est pas fait représenter, une première analyse des échanges entre la société Novamax/ Henkel et la société LTM Color dans le cadre de leurs relations contractuelles, qu'il a insisté sur le fait que le fournisseur en cause était le fournisseur de produits de la société LTM Color depuis plus de 10 ans et qu'à la suite du changement de procédé, remplacement d'une chaîne de préparation de surface par immersion par un procédé de thermolaquage au moyen d'un tunnel de préparation de surface en aspersion, étant mentionné que ce tunnel de préparation de surface était « tri métaux : alu/ acier/ galvanisé, la société LTM Color a consulté son fournisseur habituel pour la mise au point des produits de traitement et que celui-ci dès le 3 juin 1998 (fax Novamax/ Henkel) a communiqué ses prescriptions et préconisations pour que le tunnel nouvellement installé soit parfaitement adapté à l'utilisation des produits ; Que cet expert a précisé que selon les fiches techniques envoyées le 24 décembre 1998 le fournisseur a indiqué un pH de 5 à 7, alors que la société Novamax/ Henkel connaissait parfaitement la nature des produits à traiter au sein de la société LTM Color qu'elle visitait environ 10 fois par an et que, à la suite des doléances des clients Gantois, des essais ont été réalisés le 30 juin 1999 qui ont amené la société Henkel a préconiser un changement de pH et le rajout d'un produit supplémentaire, ces modifications ayant mis fin aux difficultés découlant d'un manque d'adhérence de la peinture sur les panneaux grillagés galvanisés de clôture à traiter pour le compte du client ; que l'expert a donc mis en cause la responsabilité de la société Henkel ; (...) que M. de A..., commis par le juge de la mise en état par ordonnance du 22 007 en remplacement de l'expert Y..., a effectué la même analyse en émettant l'avis que la cause des désordres est majoritairement recherchée dans une insuffisance de prescription du fournisseur Henkel, qui avait connaissance des divers matériaux à traiter et a insisté, s'agissant du processus de traitement, sur le fait qu'il existait dans cette installation deux circuits de traitement selon la nature du métal à traiter, le circuit des pièces en acier, acier galvanisé et fonte étant représenté par la couleur rouge et les pièces en alu étant représenté en bleu ; Qu'il a déploré que les éléments sinistrés n'existaient plus au jour de son expertise, ayant été conservé aux intempéries par LTM Color durant 5 ans et demi, puis éliminés ; Que, de même que le cabinet Furnion, cet expert a admis que la société Henkel avait connaissance du procédé de traitement et de la nature du matériau à traiter, de sorte que cette entreprise avait été à même de préconiser les produits à utiliser malgré quoi il n'avait jamais été fait allusion, avant le 30 juin 1999, à un pH différent à respecter selon qu'il s'agissait de pièces d'alu ou d'acier ; Qu'il a donc également conclu que la cause des désordres était à rechercher dans une insuffisance de prescription du fournisseur Henkel qui avait pourtant connaissance des divers matériaux traités par la société LTM Color ; Que l'expert de A... a par ailleurs écarté, dans le cadre de ses investigations sur les causes du désordres, l'analyse effectuée par M. X..., sapiteur auquel le premier expert, M. Y..., avait confié 4 échantillons pour analyse, et ce aux motifs que les échantillons remis à M. X... avaient été prélevés sur des panneaux entreposés aux intempéries durant 5 ans, sur lesquels il y avait eu corrosion du métal, en sorte que seule cette corrosion avait été examinée, que s'il s'agissait de panneaux défectueux à l'origine leur mauvais état ne pouvait qu'avoir évolué avec le temps rendant les échantillons aléatoires, qu'il aurait été nécessaire de prendre des échantillons sinistrés stockés à l'abri et de les comparer avec les échantillons sains et cela dans un court délai afin qu'il n'y ait pas d'évolution ou de dégradation possible et qu'il n'avait pas été fait de prélèvement ni d'analyse des parties saines afin de déterminer la qualité du support galvanisé ni de l'adhérence de la peinture ; Qu'il a ajouté qu'il aurait été nécessaire au cours de l'expertise menée par ses soins de refaire des analysées sur des échantillons conservés datant du sinistre mais que cela n'a pas été possible, compte tenu de ce que la société LTM Color n'a pas conservé les grillages défectueux, encore que l'on puisse relever le caractère contradictoire par rapport aux indications du paragraphe précédent, compte tenu de ce que les échantillons auraient été affectés des mêmes dégradations que celles qui selon M. de Montecler auraient faussées les résultats de l'expert X... ; Qu'il a cependant mis en évidence qu'aucun désordre n'était survenu entre le 20 janvier 1999 et le 17 juin 1999, qu'aucun décollement partiel de peinture ne s'était produit sur les autres productions, spécialement sur le support alu antérieurement traité, ni lors de la mise en route de la chaîne de production, et n'était apparu que sur les panneaux de clôture galvanisés fournis par le client Gantois ; (...) néanmoins que la société Henkel a fait remarquer de façon pertinente dans ses écritures que, lors de la première réunion d'expertise du 8 janvier 2003, le représentant de la société LTM Color avait précisé que le 21 juin 1999 sur le lot réduit de grillages, la société Gantois s'était plainte pour la première fois de désordres apparents révélés à la livraison, alors que les livraisons effectuées entre février et juin 1999 n'avaient fait l'objet d'aucune réclamation, que la production sinistrée avait été traitée sur une journée et demi, ce qui avait surpris l'expert Y..., puisqu'aucune fabrication complète avait été ainsi lancée sans contrôle préalable de la qualité sur un échantillon, alors que les poteaux traités en même temps n'avaient pas rencontré les mêmes désordres, que sur certains panneaux grillagés la peinture tenait et résistait aux tests au cutter et sur d'autres elle ne tenait pas, ce qui était visible à l'oeil nu, et que la société LTM Color avait déjà rencontré des problèmes semblables avec des panneaux fabriqués par la société Gantois au cours du mois de décembre 1996, ainsi que le révèle un courrier du 24 décembre 1996 faisant apparaître que les produits lubrifiants utilisés par Gantois dans son procès entraînaient des difficultés de dégraissage et un défaut d'accrochage de la peinture ; Que compte tenu de ces éléments M. Y... avait alors prélevé des échantillons sur les grillages défectueux et avait demandé à un expert en produits industriels de réaliser un examen au microscope électronique à balayage de la surface interne et externe du système appliqué et aux mesures d'épaisseur du film polymère ; Que le rapport établi le 5 avril 2004 par ce sapiteur, M. X..., à l'intention de M. Y..., montre que cet ingénieur, inscrit notamment sur la liste des experts agréés par la Cour de cassation, a procédé à l'examen des 4 échantillons prélevés par l'expert judiciaire et qu'à l'issue de son analyse il a conclu que la qualité et la rugosité du grillage, avant mise en peinture (par LTM Color) laissait à penser à une altération à l'origine de celui-ci, due au fait que l'on retrouve sur les échantillons des esquilles métalliques accrochées sur la face interne des écailles de peinture ; Qu'à aucun moment cet expert, dont la compétence, le sérieux, l'impartialité et l'intégrité ne peuvent être mis en cause, n'a écarté ces échantillons et refusé d'entreprise les investigations qui lui étaient demandées au motif que les échantillons auraient été altérés et impossibles à exploiter en raison de leur état, pour avoir été mal entreposés ; que M. A... a également refusé d'entendre M. X... sur ses conclusions et la façon dont il avait réalisé son travail d'analyse alors que M. X... avait été au moins en mesure d'examiner les échantillons recueillis par le premier expert judiciaire et tandis que le second expert judiciaire, M. de A..., n'a jamais pu examiner les grilles litigieuses non conservées par l'appelante ; que M. Z..., directeur de l'Institut National de Recherches, sur interrogation du président du tribunal de grande instance de Thionville, a le 16 février 2007 fait état des conclusions du rapport de M. X... mettant en cause un support défaillant, en l'occurrence le grillage nu, avant mise en peinture, ce dont il est convenu qu'on pourrait en déduire que l'était du support ne l'autorisait pas à être peint ; Qu'ensuite M. Z... n'a pas procédé à une nouvelle analyse à la demande de M. de A..., compte tenu de ce que les éléments de grillages en cause avaient été détruits par la société LTM Color, cette impossibilité d'opérer des investigations supplémentaires étant par conséquent imputable à la demanderesse et appelante qui pourtant supporte la charge de la preuve du bien fondé de ses demandes et prétentions ; Qu'il en découle que du fait que la société LTM Color il existe un élément d'indétermination sur la cause effective et déterminante de l'altération des grillages traités par ses soins en juin 1999 ; Qu'il faut dans ces conditions considérer que la société LTM Color est défaillante au plan de la preuve de sa prétention selon laquelle les défectuosités relevées par son client la société Gantois devrait être attribuées exclusivement à un manquement contractuel de la société Henkel, ouvrirait droit à indemnisation exclusivement à l'encontre de celle-ci, la cour relevant que la société Gantois, malgré les conclusions de l'expert X... et le courrier déjà évoqué du 24 décembre 1996, n'a pas été mis en cause par la société LTM Color ;

1) ALORS QUE le vendeur professionnel doit se renseigner sur les besoins de l'acheteur afin d'être en mesure de l'informer sur l'adéquation de la chose proposée à l'utilisation qui en est prévue ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a constaté que la société Henkel Technologies France avait préconisé des réglages du tunnel de traitement de surface inadaptés aux produits à peindre par la société LTM Color dont elle connaissait pourtant les besoins, provoquant ainsi l'altération des grillages traités par sa cliente ; qu'en affirmant que le manquement contractuel de la société Henkel Technologies France ne pouvait ouvrir droit à indemnisation au profit de la société LTM Color, la cour d'appel qui n'a pas tiré les conséquences légales qui s'évinçaient de ses propres constatations, a violé l'article 1147 du code civil ;
2) ALORS QUE la circonstance que le manquement contractuel d'un tiers a contribué à la réalisation d'un dommage n'est pas de nature à dispenser le débiteur, dont le manquement à son devoir d'information et de conseil a causé ce même dommage, de son obligation de le réparer en totalité, sauf son recours contre le tiers à qui il impute une part de responsabilité dans la survenance de ce préjudice ; qu'en se bornant à relever que la société LTM Color ne démontrait pas que les dommages constatés devraient être attribués exclusivement à la société Henkel, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à écarter toute responsabilité de la société Henkel Technologies France dans le dommage subi par la société LTM Color, privant ainsi son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;
3) ALORS QUE chacun des responsables d'un même dommage doit, dans ses rapports avec la victime, être condamné à le réparer en totalité ; que dès lors, en se fondant, pour débouter la société LTM Color de ses demandes contre la société Henkel Technologies France et son assureur, la société Axa Corporate Solution Assurance, sur la circonstance en réalité inopérante que la société Gantois ayant fabriqué les panneaux litigieux n'avait pas été mise en cause dans la procédure, la cour d'appel a privé son arrêt de base légale au regard de l'article 1147 du code civil.