Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2020 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2100071 du 29 mars 2021, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 7 juillet 2021 et 2 février 2022, Mme B..., représentée par Me Ruffel, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement du 29 mars 2021 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2020 du préfet de l'Hérault ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de titre de séjour sous les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- les premiers juges ont insuffisamment motivé leur jugement ;
- la décision portant refus de renouvellement de titre de séjour est insuffisamment motivée et est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) doit mentionner la durée prévisible du traitement et les éléments de procédure ;
- il n'est pas possible de vérifier que le médecin, qui a établi le rapport médical relatif à son état de santé, n'a pas participé à l'avis du collège précité de sorte que la décision est entachée d'irrégularité ;
- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français méconnaissent respectivement les dispositions du 11° de l'article
L. 313-11 et du 10° de l'article
L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la décision refusant le titre de séjour et l'obligation de quitter le territoire ont été prises en méconnaissance des stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que des dispositions du 7° de l'article
L. 313-11 et celles de l'article
L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- ces décisions sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense, enregistré le 31 janvier 2022, le préfet de l'Hérault demande à la Cour de rejeter la présente requête.
Il fait valoir qu'aucun des moyens soulevés n'est fondé.
Par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 28 mai 2021, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à Mme B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles
R. 313-22,
R. 313-23 et
R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Bernabeu a été entendu au cours de l'audience publique.
Une note en délibéré présentée pour Mme B... a été enregistrée le 5 mars 2022.
Considérant ce qui suit
:
1. Mme B..., ressortissante nigériane, relève appel du jugement du 29 mars 2021 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2020 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour et a prononcé à son encontre une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur la régularité du jugement :
2. Aux termes de l'article
L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ".
3. Contrairement à ce que fait valoir Mme B..., les premiers juges, qui n'avaient pas à répondre à tous les arguments invoqués au soutien des moyens, ont suffisamment motivé, au point 2 du jugement attaqué, leur réponse aux moyens tirés de l'insuffisance de motivation de l'arrêté contesté et du défaut d'examen de la situation de l'intéressée. Par suite, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que le jugement est, dans cette mesure, entaché d'irrégularité.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
4. En premier lieu, aux termes de l'article
L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques (...) ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / 1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article
L. 211-5 du même code : " La motivation (...) doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
5. L'arrêté du 28 octobre 2020 vise notamment le 11° de l'article
L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ainsi que l'avis défavorable rendu par le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) le 25 octobre 2019, selon lequel, d'une part, l'état de santé de Mme B... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et, d'autre part, à la date de cet avis, son état de santé pouvait lui permettre de voyager sans risque vers son pays d'origine. Cet arrêté mentionne également les précédents titres de séjour obtenus par l'intéressée au titre des dispositions précitées et précise les éléments caractérisant sa situation professionnelle et personnelle en France. Ainsi, contrairement à ce qui est soutenu, la décision de refus de renouvellement d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, quand bien même n'y figurent pas les motifs pour lesquels le collège de l'OFII a émis un avis défavorable alors qu'elle avait bénéficié précédemment de titres de séjour en qualité d'étranger malade, dont le dernier était valable jusqu'au 21 août 2018. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision serait insuffisamment motivée doit être écarté comme manquant en fait. En outre, eu égard en particulier aux mentions de l'arrêté litigieux, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault n'aurait pas procédé à l'examen de la situation particulière de Mme B..., avant d'opposer un refus à sa demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étranger malade.
6. En deuxième lieu, Mme B... reprend en appel, sans apporter d'éléments nouveaux, le moyen tiré de ce que le médecin instructeur à l'origine du rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet. Il y a ainsi lieu de l'écarter par adoption des motifs retenus par les premiers juges au point 5 du jugement attaqué.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. / (...) Cet avis mentionne les éléments de procédure (...) ".
8. Eu égard à la circonstance que le collège de médecins estimait que le défaut de prise en charge médicale de Mme B... ne devait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, l'avis n'avait pas à mentionner la durée prévisible de son traitement. Le moyen tiré du caractère incomplet de cet avis doit, en conséquence, être écarté. Par ailleurs, si l'appelante fait valoir que devaient également figurer sur cet avis " les éléments de procédure ", elle ne précise pas lesquels seraient absents sur ce dernier, de sorte que ce moyen n'est pas assorti de précisions suffisantes permettant à la Cour d'en apprécier le bien-fondé.
9. En quatrième lieu, d'une part, aux termes de l'article
L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11°A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". D'autre part, l'article
L. 511-4 de ce code, dans sa version applicable, dispose que : " Ne peuvent faire l'objet d'une obligation de quitter le territoire français : (...) / 10° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié (...) ".
10. Pour refuser de délivrer le titre de séjour sollicité par Mme B..., le préfet de l'Hérault s'est approprié l'avis précité du collège de médecins du 25 octobre 2019 selon lequel un défaut de prise en charge médicale de l'intéressée, qui ne présente aucune contre-indication patente aux voyages, ne devrait pas entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité.
11. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... est prise en charge pour une décompensation psychotique de type paranoïde et un trouble thymique qui nécessitent un suivi psychiatrique régulier. Si la requérante conteste l'appréciation portée par le collège de médecins de l'OFII en soutenant que son état de santé ne s'est pas amélioré, les éléments et certificats médicaux, antérieurs pour certains de plus de quatre années à la date de la décision en litige, et déjà produits en première instance, ne remettent pas en cause l'appréciation ainsi portée par ce collège de médecins à la date à laquelle son avis a été pris. En outre, les certificats nouvellement produits en appel datés des 12 novembre 2020 et 26 avril 2021 du docteur A..., médecin psychiatre, lequel évoque une " prise en charge intensive et un traitement qu'elle ne pourrait avoir qu'en France ", ne sont pas davantage de nature à justifier que le défaut de traitement devrait entraîner pour la patiente des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Au surplus et en tout état de cause, aucun des éléments médicaux versés au dossier ne permet d'établir que Mme B... ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en refusant à l'intéressée le renouvellement d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade et en prononçant à son encontre une obligation de quitter le territoire français, le préfet de l'Hérault n'a pas fait une inexacte application des dispositions du 11° de l'article
L. 313-11 et du 10° de l'article
L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
12. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article
L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) / 7° A l'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France, appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'intéressé, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec la famille restée dans le pays d'origine, sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. (...) ". Pour l'application des stipulations et dispositions précitées, l'étranger qui invoque la protection due à son droit au respect de sa vie privée et familiale en France doit apporter toute justification permettant d'apprécier la réalité et la stabilité de ses liens personnels et familiaux effectifs en France au regard de ceux qu'il a conservés dans son pays d'origine.
13. Si Mme B... fait valoir qu'elle réside en France depuis six ans à la date de l'arrêté contesté, elle ne produit pas les éléments de nature à l'établir, est célibataire et sans charges de famille et se borne à affirmer qu'aucun lien n'a pu être maintenu avec sa famille restée au Nigéria en raison d'un mariage forcé. Dans ces conditions, eu égard aux conditions de séjour en France de Mme B... et alors même qu'elle y a travaillé comme agent d'entretien à temps partiel, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations et dispositions précitées doivent être écartés. Pour les mêmes motifs, les décisions attaquées ne sont pas davantage entachées d'une erreur manifeste quant à l'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle.
14. En sixième lieu, aux termes de l'article
L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article
L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. (...) ".
15. Mme B..., qui se borne à justifier de ce qu'elle a travaillé en qualité d'agent d'entretien pour la période du 19 août 2019 au 18 août 2020 et qui se prévaut de son état de santé fragile, ne fait pas valoir de considérations humanitaires ou de motifs qui justifieraient son admission exceptionnelle au séjour. Par suite, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision contestée serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application des dispositions précitées de l'article
L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
16. En dernier lieu, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, soulevé à l'appui de sa contestation du refus de séjour et de la mesure d'éloignement, est inopérant.
17. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté attaqué. Ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte et celles présentées sur le fondement des articles
L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent être rejetées par voie de conséquence.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B..., à Me Ruffel et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 3 mars 2022, où siégeaient :
- Mme Paix, présidente,
- Mme Bernabeu, présidente assesseure,
- Mme Carotenuto, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 mars 2022.
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N° 21MA02655
nc