Chronologie de l'affaire
Cour nationale de l'incapacité et de la tarification (CNITAAT) 18 mai 2017
Cour de cassation 20 septembre 2018

Cour de cassation, Deuxième chambre civile, 20 septembre 2018, 17-22419

Mots clés sécurité sociale · société · médical · rapport · service · médecin · caisse · employeur · tribunal du contentieux de l'incapacité · incapacité · désigné · contrôle · service national · recours · rente

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 17-22419
Dispositif : Rejet
Décision précédente : Cour nationale de l'incapacité et de la tarification (CNITAAT), 18 mai 2017
Président : Mme Flise (président)
Avocat(s) : SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer
Identifiant européen : ECLI:FR:CCASS:2018:C201174

Chronologie de l'affaire

Cour nationale de l'incapacité et de la tarification (CNITAAT) 18 mai 2017
Cour de cassation 20 septembre 2018

Texte

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le moyen unique, tel que reproduit en annexe :

Attendu, selon l'arrêt attaqué (Cour nationale de l'incapacité et de la tarification de l'assurance des accidents du travail, 18 mai 2017), que M. Y..., salarié de la société Challenge intérim, qui vient aux droits de la société Challenge travail temporaire (la société de travail temporaire) et mis à disposition de la société Ateliers bois et compagnie a été victime le 29 juillet 2007 d'un accident pris en charge du titre de la législation professionnelle par la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret ; que son état ayant été déclaré consolidé le 3 septembre 2009, la caisse a fixé le 28 septembre 2009 le taux d'incapacité permanente partielle de la victime à 35 % ; que la société Ateliers bois et compagnie a saisi d'un recours un tribunal du contentieux de l'incapacité, appelant dans la cause la société de travail temporaire ;

Attendu que la société de travail temporaire fait grief à l'arrêt attaqué de la débouter de l'intégralité de ses demandes ;

Mais attendu que l'arrêt retient que le droit de l'employeur à une procédure contradictoire ne revêt pas un caractère absolu dès lors qu'il doit être concilié avec le droit du salarié victime au respect du secret médical ; que si l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale impose à la caisse, dès le début de l'instance, de transmettre une copie des documents médicaux à l'employeur ou au médecin désigné par celui-ci, cette obligation ne peut porter que sur les documents qu'elle détient en vertu d'une dérogation au secret médical prévue par la loi ; qu'il y a lieu de rappeler que la caisse, toutefois, ne détient pas le rapport d'incapacité permanente établi, après examen de l'assuré, par le service du contrôle médical, non plus que les autres pièces médicales visées à l'article R. 442-2 présentées par le salarié-victime au service du contrôle médical ; que la communication du rapport d'incapacité permanente au médecin désigné par l'employeur est soumise à des règles spécifiques prévues à l'article L. 143-10 et R. 143-32 du code de la sécurité sociale, qui affranchissent le médecin conseil, dans cette hypothèse précise, de son obligation au secret médical ; que les pièces médicales présentées par le salarié au médecin conseil ne sont pas détenues par la caisse et qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'autorise le service du contrôle médical à les communiquer à l'employeur ou au médecin désigné par celui-ci ;

Qu'en l'état de ces énonciations et constatations, la Cour nationale a légalement justifié sa décision ;

PAR CES MOTIFS

:

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Challenge intérim aux dépens ;

Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Challenge intérim ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille dix-huit.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt.

Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Challenge intérim.

Il est fait grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement entrepris en ce qu'il a dit qu'à la date de consolidation les séquelles présentées par Monsieur Y... ont été correctement évaluées au taux de 35%, et d'avoir débouté la partie appelante de toutes ses demandes ;

AUX MOTIFS QUE « Sur la demande d'inopposabilité de la décision attributive de rente Considérant que le droit de l'employeur à une procédure contradictoire ne revêt pas un caractère absolu dès lors qu'il doit être concilié avec le droit du salarié victime au respect du secret médical ; Considérant que si l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale impose à la caisse, dès le début de l'instance, de transmettre une copie des documents médicaux à l'employeur ou au médecin désigné par celui-ci, cette obligation ne peut porter que sur les documents qu'elle détient en vertu d'une dérogation au secret médical prévue par la loi ; Qu'il y a lieu de rappeler que la caisse, toutefois, ne détient pas le rapport d'incapacité permanente établi, après examen de l'assuré, par le service du contrôle médical, non plus que les autres pièces médicales visées à l'article R. 442-2 présentées par le salarié-victime au service du contrôle médical ; Que la communication du rapport d'incapacité permanente au médecin désigné par l'employeur est soumise à des règles spécifiques prévues à l'article L. 143-10 et R. 143-32 du code de la sécurité sociale, qui affranchissent le médecin conseil, dans cette hypothèse précise, de son obligation au secret médical ; Considérant que les pièces médicales présentées par le salarié au médecin conseil ne sont pas détenues par la caisse et qu'aucune disposition légale ou réglementaire n'autorise le service du contrôle médical à les communiquer à l'employeur ou au médecin désigné par celui-ci ; Que dès lors, les sociétés CHALLENGE TRAVAIL TEMPORAIRE et ATELIERS BOIS ET COMPAGNIE ne sont pas fondées à reprocher à la caisse un manquement aux prescriptions de l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale ; Considérant par ailleurs que les mentions figurant dans le rapport d'évaluation des séquelles établi par le médecin conseil ont permis au médecin consultant désigné par le Tribunal du Contentieux de l'Incapacité et celui désigné par la Cour d'émettre un avis sur le taux d'incapacité présenté par M. Pierre Y... ; Considérant que la critique portant sur l'insuffisance des éléments donnés par le médecin conseil dans le rapport d'évaluation des séquelles concerne la valeur et la portée des éléments de preuve soumis à l'appréciation de la Cour et ne peut donner lieu à inopposabilité de la décision attributive de rente ; Qu'en conséquence, il convient de débouter les sociétés de leur demande tendant à l'inopposabilité de la décision attributive de rente » ;

1. ALORS QU'en vertu de l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale, la caisse, qui a attribué un taux d'incapacité permanente partielle à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle, est tenue, dans les dix jours de la réception du recours de l'assuré et de l'employeur devant le tribunal du contentieux de l'incapacité, de transmettre au secrétariat les documents médicaux concernant l'affaire et d'en adresser copie au requérant ou, le cas échéant, au médecin qu'il a désigné ; qu'il résulte de ce texte que l'organisme de sécurité sociale doit, à peine d'inopposabilité de sa décision, transmettre spontanément et devant le premier juge à l'employeur ou au médecin qu'il a désigné les documents qu'il détient en vertu d'une dérogation au secret médical prévue par la loi, notamment les différents certificats et avis médicaux dont il est destinataire en vertu des dispositions du code de la sécurité sociale ; qu'au cas présent, la société Challenge Travail Temporaire faisait valoir que la CPAM n'avait pas procédé à la transmission du certificat médical initial, du certificat de guérison ou de consolidation, des certificats de prolongation et de l'avis du service du contrôle médical et que l'absence de communication de ces éléments détenus par la caisse devant le tribunal du contentieux de l'incapacité rendait la décision inopposable à son égard (Conclusions p. 2-6) ; qu'en jugeant que la société Challenge Travail Temporaire n'était pas fondée à reprocher à la CPAM un manquement aux prescriptions de l'article R. 143-8 du code de la sécurité sociale sans rechercher, comme cela lui était expressément demandé, si la CPAM avait transmis devant le tribunal du contentieux de l'incapacité les différents certificats médicaux dont elle était destinataire en vertu des dispositions du code de la sécurité sociale, la CNITAAT a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

2. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QU'il résulte des articles L. 143-10, R. 143-32 et R. 143-33 du Code de la sécurité sociale que la caisse et le service national du contrôle médical sont tenus de transmettre au médecin consultant désigné par la juridiction technique et au médecin désigné par l'employeur l'entier rapport médical ayant contribué à la fixation du taux d'incapacité de travail permanente ; qu'aux termes de l'article R. 143-33 du Code de la sécurité sociale, ce rapport doit comprendre l'ensemble des éléments d'appréciation sur lesquels le médecin conseil s'est fondé ; qu'au cas présent, la cour d'appel a constaté que la CPAM n'avait pas communiqué aux débats l'ensemble des pièces médicales consultées par le médecin conseil, notamment les divers certificats médicaux, l'examen radiologique ainsi que l'avis du service du contrôle médical ; qu'en considérant toutefois que les dispositions du code de la sécurité sociale n'imposaient pas la communication de l'ensemble des pièces médicales consultées par le médecin conseil, mais que « cette obligation ne peut porter que sur les documents qu'elle détient » (arrêt p. 7) , la CNITAAT a violé les articles L. 143-10, R. 143-32 et R. 143-33, L. 434-2 et R. 434-32 du code de la sécurité sociale ;

3. ALORS, SUBSIDIAIREMENT, QUE l'employeur a droit à un recours effectif pour contester le taux d'incapacité permanente partielle ; que ce droit implique que lui soit transmis l'ensemble des pièces du dossier ou, lorsqu'elles sont couvertes par le secret médical, au médecin mandaté par la juridiction afin d'être mis en mesure de discuter le taux arrêté par la CPAM ; qu'à défaut de cette communication, l'employeur est mis dans l'impossibilité matérielle de contester la décision de la caisse et se trouve privé d'une procédure juste et équitable ; qu'au cas présent, la CNITAAT a constaté que la CPAM n'avait pas communiqué aux débats l'ensemble des pièces médicales consultées par le médecin conseil ; qu'en considérant toutefois que la CPAM n'était tenue d'adresser que les seuls éléments médicaux en sa possession, et non l'intégralité des éléments sur lesquels elle s'était fondée pour arrêter sa décision, la CNITAAT n'a pas mis la société exposante en mesure de contester efficacement la décision de la CPAM et, partant, a violé l'article 6 §1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

4. ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU'à supposer que l'obligation de communication de l'entier rapport du médecin conseil pèse uniquement sur le service national du contrôle médical, il incombe à la CNITAAT, lorsqu'il est allégué que ce rapport ne contient pas les éléments permettant d'évaluer l'état d'incapacité du salarié, de vérifier le contenu de ce rapport et, en cas d'insuffisance, de mettre en cause la CNAMTS pour trancher le litige ; qu'au cas présent, la CNITAAT a constaté que la CPAM n'avait pas communiqué aux débats l'ensemble des pièces médicales consultées par le médecin conseil ; qu'en confirmant néanmoins le taux d'incapacité permanente partielle sans qu'ait été mis en cause le service national du contrôle médical qui disposait de l'entier rapport médical nécessaire à sa fixation, la CNITAAT a violé les articles 331 et 332 du code de procédure civile et L. 143-10 du Code de la sécurité sociale, ensemble les articles 6§1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 16 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789.