Cour d'appel de Paris, 31 mai 2013, 2011/19345

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2011/19345
  • Domaine de propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
  • Parties : B (Henri) ; COUDRAY & ANCEL SCP (Me A, ès qualité de liquidateur de la Sté LA MAISON, exerçant sous l'enseigne MODENATURE) / B (François, exerçant sous l'enseigne LE CARRELET D'OR ; DOM (Italie) ; MULA DOM EDIZIONI (Italie)
  • Décision précédente :Tribunal de grande instance de Paris, 20 octobre 2011
  • Président : Madame Marie-Christine AIMAR
  • Avocat(s) : Maître Laurent L plaidant pour le Cabinet LEXINGTON, Maître Sylvain C de la SCP BERTAUD CALLET FILLON
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2013-05-31
Tribunal de grande instance de Paris
2011-10-20

Texte intégral

COUR D'APPEL DE PARISARRET DU 31 MAI 2013 Pôle 5 - Chambre 2(n° 139, 11 pages)Numéro d'inscription au répertoire général : 11/19345. Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Octobre 2011 - Tribunal de Grande Instance de PARIS3ème Chambre 4ème Section - RG n° 09/10452. APPELANT :Monsieur Henry B représenté par Maître Luca de MARIA de l PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018, assisté de Maître Laurent L plaidant pour le Cabinet LEXINGTON Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque B 485. INTERVENANTE VOLONTAIRE COMME TELLE APPELANTE : SCP COUDRAY & ANCEL prise en la personne de Maître A ès qualités de liquidateur de la Société LA MAISON exerçant sous l'enseigne MODENATURE,ayant son siège social [...]91050 EVRY CEDEX, représentée par Maître Luca de MARIA de l PELLERIN - DE MARIA - GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018, assistée de Maître Laurent L plaidant pour le Cabinet LEXINGTON Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque B 485. INTIMÉ : Monsieur François B exerçant sous l'enseigne 'LE CARRELET d'OR'représenté par Maître Edmond FROMANTIN, avocat au barreau de PARIS, toque : J151, assisté de Maître Sylvain C de la SCP BERTAUD CALLET FILLON, avocat au barreau deNANCY. INTIMÉES :- Société de droit italien DOMprise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège social [...](ITALIE), - Société de droit italien MULA DOM EDIZIONI prise en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège social Via C Battisti 111 - 47023 CESENA (ITALIE), représentées par la SCP BOLLING - DURAND - LALLEMENT en la personne de Maître FLALLEMENT, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480, assistées de Maître Jessica F plaidant pour l'Association JF Avocats, avocat au barreau dePARIS, toque E 1223. COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 12 avril 2013, en audience publique, devant la Cour composée de :Madame Marie-Christine AIMAR, présidente,Madame Sylvie NEROT, conseillère,Madame Véronique RENARD, conseillère,qui en ont délibéré.reffier lors des débats : Monsieur T Lam NGUYEN.

ARRET

: Contradictoire, - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.- signé par Madame Marie-Christine AIMAR, présidente, et par Monsieur T Lam NGUYEN, greffier présent lors du prononcé. Jusqu'en 2007, la société Maison, exerçant sous le nom commercial 'Modenature' et spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de meubles et objets d'intérieur contemporains depuis 1996, a eu pour distributeur de ses produits en Italie Monsieur Domenico M et a, notamment, commercialisé : - une table référencée 'Oxford' créée par Monsieur Henry B depuis janvier 2004, - une lampe référencée 'Roller' dessinée par Kaki Kroener depuis mars 2001, - une lampe référencée 'Harold' dessinée par Kaki Kroener depuis septembre 2002, - une lampe référencée 'Bibi' dessinée par Kaki Kroener depuis janvier 1996. Constatant, selon ses explications, la reproduction sans son accord de ces modèles dans le catalogue 2007 et sur le site internet de 'Dom Edizioni', nom commercial de la société de droit italien Mula SRL (spécialisée dans la production, la commercialisation, l'importation, l'exportation et la distribution de meubles et objets d'intérieur) gérée par Monsieur Domenico M (également designer), mettant, par ailleurs, vainement en demeure ce dernier, ès qualités, de cesser ses reproductions, ceci par courrier recommandé du 12 avril 2007, puis ayant exceptionnellement accepté cette reproduction à condition que figure la marque 'Modenature' et s'étant finalement aperçue que les modèles de lampe précités figuraient encore dans le catalogue 2008 de cette société accessible sur le site de la société Dom sans mention de son nom et que, de plus, y était représentée une table référencée 'Luckys' qu'elle considérait comme contrefaisante, elle mettait derechef en demeure la société italienne de cesser ses agissements et apprenait que cette table 'Luckys' avait été achetée en France chez un distributeur, Monsieur François B, exerçant sous l'enseigne 'KBK Carrelet d'Or'. C'est dans ces circonstances que par acte des 21, 25 et 27 août 2008 la société Maison et Monsieur Henry B ont assigné la société Mula SRL ainsi que Monsieur François B en contrefaçon de droits d'auteur et en concurrence déloyale puis, par acte du 25 février 2009, la société Dom SRL (éditeur du site marchand et titulaire de la marque 'Dom Edizioni). Par jugement contradictoire rendu le 20 octobre 2011, le tribunal de grande instance de Paris a, en substance : - mis hors de cause la société SRL M, - déclaré irrecevables les demandes des requérants au titre de la contrefaçon de droits d'auteur concernant la table référencée 'Oxford', - débouté les requérants au titre de la contrefaçon des droits d'auteur concernant les lampes 'Roller','Harold' et 'Bibi', - débouté les requérants de leur demande au titre de la concurrence déloyale, - condamné ces derniers in solidum à verser à la société Dom SRL et à Monsieur B les sommes de 7.000 et de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les dépens. La société à responsabilité limitée Maison (exerçant sous l'enseigne 'Modenature') et Monsieur Henry B ont interjeté appel de cette décision le 27 octobre 2011. Par dernières conclusions au fond et d'intervention volontaire signifiées le 18 janvier 2013 la SCP Coudray et Ancel, mandataire judiciaire, prise en la personne de Maître A agissant ès-qualités de liquidateur de la société La Maison SARL exerçant sous l'enseigne 'Modenature' (intervenante volontaire) et Monsieur Henry B prient, pour l'essentiel, la cour, au visa des articles L 111-1, L 112-2, L 112-3, L 113-1, L 121-1, L 122-4, L 331-1-3, L 331-1-4, L 335-2 et L335-3 du code de la propriété intellectuelle ainsi que de l'article 1382 du code civil, de prendre acte de l'intervention volontaire de la SCP Coudray et Ancel, d'infirmer en toutes ses dispositions le jugement et : - à titre principal - sous divers constats tenant à la recevabilité de leur action, à l'éligibilité des quatre pièces de mobilier précitées à la protection conférée par le droit d'auteur du fait de leur originalité, à la titularité de la société Mula de l'enseigne et du nom de domaine la rendant co-responsable du site avec la société Dom, à la contrefaçon de la table référencée 'Oxford' créée par Monsieur B et exploitée par la société Modenature, à la reproduction des luminaires dans les catalogue et site sus-évoqués et à la commission de faits de concurrence déloyale par les trois intimés - d'interdire à ces derniers de poursuivre la fabrication, la détention, la vente, l'utilisation et la représentation des objets contrefaits et de les condamner in solidum à verser, sauf à parfaire : * la somme indemnitaire de 80.000 euros réparant le préjudice résultant de la contrefaçon de la table référencée 'Oxford', ceci au profit de la SCP Coudray et Ancel et de Monsieur B, * la somme indemnitaire de 40.000 euros réparant le préjudice résultant de la contrefaçon des luminaires référencés 'Bibi', 'Harold' et 'Roller', ceci au profit de la SCP Coudray et Ancel et de Monsieur B, * la somme indemnitaire de 10.000 euros réparant le préjudice subi du fait de l'atteinte portée au droit moral de Monsieur B, * la somme indemnitaire de 10.000 euros réparant le préjudice moral subi, ceci au profit de la SCP Coudray et Ancel, - à titre subsidiaire, si l'absence de droits privatifs sur les objets revendiqués devait être retenue, au constat d'actes de concurrence déloyale et de parasitisme imputables aux trois intimés, de les condamner in solidum à leur verser la somme indemnitaire de 50.000 euros sauf à parfaire en réparation des actes de concurrence déloyale, - en tout état de cause, d'ordonner une mesure de publication (par voie de presse et sur internet) et de condamner in solidum les trois intimés à verser à chacun la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens. Par dernières conclusions signifiées le 06 mars 2013, la société de droit italien Dom et la société de droit italien Mula Dom Edizioni demandent en substance à la cour, au visa des Livres I et III du code de la propriété intellectuelle, 1382 du code civil, 15, 16 et 122 du code de procédure civile, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions ; à titre reconventionnel de condamner Monsieur B à verser à chacune la somme indemnitaire de 10.000 euros sanctionnant une procédure manifestement abusive et de fixer la créance de Maître A, ès-qualités, pour le même montant et au même titre ; en tout état de cause, de débouter les appelants de toutes leurs prétentions, de condamner Monsieur B à leur verser la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de fixer la créance de Maître A, ès-qualités, pour le même montant et au même titre en leur faisant supporter les entiers dépens. Par dernières conclusions signifiées le 27 mars 2012, Monsieur François B prie, pour l'essentiel, la cour, au visa des articles 9 du code de procédure civile, 1382 du code civil, L 111-1 et suivants, L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, de confirmer le jugement en toutes ses dispositions et, en tout état de cause, de débouter les appelantes de leurs entières prétentions : - à titre principal, de déclarer inopposable, car obtenu par fraude, le bon de commande du 16 mai 2008 émis par Monsieur B à la demande de 'D' ; de constater, d'une part, que les appelants ne justifient pas d'un préjudice et d'un lien suffisant, substantiel ou significatif entre les faits et actes dommageables allégués et le territoire français, d'autre part, que lui-même n'a aucun lien avec les sociétés Mula et Dom Edizioni et le préjudice éventuel qu'elles ont pu causer aux appelants sur le territoire italien ou autres et, d'une troisième part, que ceux-ci ne justifient d'aucun manquement, faute ou acte de lui-même susceptible de constituer un acte dommageable au sens de l'article 1382 du code civil

; en conséquence

, de rejeter l'ensemble des prétentions à son encontre, de condamner les appelants, tenus in solidum, à lui verser une somme indemnitaire de 20.000 euros pour procédure abusive et chacun d'eux à lui verser celle de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en leur faisant supporter les entiers dépens, - à titre subsidiaire et dans l'hypothèse d'une infirmation du jugement et d'une condamnation à son encontre : sur la contrefaçon, de constater qu'il n'a réalisé ni chiffre d'affaires, ni bénéfice avec des produits susceptibles de contrefaire ceux de la société Modenature et de faire application des dispositions de l'article L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle ; sur la concurrence déloyale, de constater l'absence de faits distincts de la contrefaçon ; sur les demandes annexes, de les rejeter. SUR CE, Sur la demande de mise hors de cause de la société Mula : Considérant que les appelants font valoir que, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, cette société, titulaire du nom de domaine édité par la société Dom et qui exerce son activité sous l'enseigne 'Dom Edizioni', laquelle est la marque sous laquelle les produits argués de contrefaçon apparaissent sur le site litigieux, doit être maintenue en la cause; qu'elles soutiennent que les deux sociétés entretiennent sciemment la confusion entre elles depuis la découverte des actes de contrefaçon et sont conjointement responsables des actes délictueux ; Que les sociétés Mula et Dom répliquent que, bien qu'ayant un dirigeant commun, elles constituent des personnes morales distinctes, que la société Dom, également connue sous l'enseigne 'Dom Edizioni' est seule visée par les pièces des appelants, notamment le constat APP, et que pour une raison incompréhensible, les appelants ont confondu les deux sociétés ; que la société Mula n'est pas l'éditeur du site incriminé, lequel n'est d'ailleurs pas en langue française, qu'elle n'est pas titulaire de la marque, qu'elle n'est pas mentionnée dans les catalogues litigieux, qu'elle n'a pas été destinataire des mises en demeure et que les appelants qui ont commis une erreur en assignant d'abord la société Mula sont malvenus à se prévaloir de sa mauvaise foi ; Considérant, ceci rappelé, qu'il n'est pas contesté par les appelants que la société Mula est titulaire du nom de domaine qui gère le site sur lequel est présentée la collection Dom Edizioni ; qu'elle est, comme telle, tenue d'assumer la responsabilité de son contenu et doit être considérée comme ayant participé aux actes de contrefaçon incriminés ; Que, de plus, même si la société Mula n'est pas titulaire de la marque 'Dom Edizioni', il ressort de son extrait Kbis qu'elle a pour objet social l'importation et l'exportation de mobilier, qu'elle exploite un magasin de vente de meubles à l'enseigne 'Dom Edizioni', que les produits argués de contrefaçon sont présentés sous la marque 'Dom Edizioni' et que la société Dom n'exploite pas cette enseigne ; Qu'il suit qu'il convient de maintenir la société Mula en la cause et que le jugement qui en a autrement décidé doit être infirmé ; Sur la protection conférée par le droit d'auteur concernant la table référencée 'Oxford' et les lampes référencées 'Roller', 'Harold' et 'Bibi' : Considérant qu'il convient à titre liminaire de préciser, d'abord, que c'est en vain que les appelants débattent de la titularité des droits d'auteur bénéficiant à Monsieur B relativement à la table 'Oxford' et de celle de la société Maison sur les trois lampes qu'elle exploite sous son nom commercial dès lors que, pas plus qu'en première instance, leur recevabilité à agir ne leur est contestée ; Qu'il convient, ensuite, de considérer que l'originalité des œuvres éligibles à la protection au titre du droit d'auteur n'est pas, comme le présentent les sociétés italiennes intimées, une condition de recevabilité de l'action mais une condition de fond de l'action ; Qu'il échet, enfin, de constater que l'originalité des trois lampes en cause n'est pas contestée si bien qu'il y a lieu de ne se prononcer que sur l'originalité de la table référencée 'Oxford' déniée par le tribunal selon une disposition du jugement dont les appelants poursuivent l'infirmation ; Considérant que, pour ce faire, ils présentent comme suit les caractéristiques de cette table dont la combinaison est, selon eux, au fondement de son originalité : - un piètement composé de quatre pieds dont la base est amincie et qui s'évasent progressivement vers le haut jusqu'au plateau, donnant une impression conjuguée de finesse et de robustesse, - ces quatre pieds soutiennent un plateau au design épuré dont l'épaisseur est identique à celle de la partie supérieure des pieds, - l'emploi de matériaux robustes tels que le frêne ou le chêne verni et des teintes palissandre ou bois naturel, - les proportions du plateau, de la structure et des pieds, - l'impression de légèreté qui se dégage de la table en dépit de sa taille imposante ; Que, répliquant à l'argumentation adverse en soulignant que cette table s'inscrit dans la tendance contemporaine du minimalisme chic, ils rappellent qu'en première instance les sociétés italiennes invoquaient à tort le critère de nouveauté et que la notion d'antériorité est étrangère au droit d'auteur ; qu'ils ajoutent, toutefois, que ' si la jurisprudence peut, dans certains cas, prendre en compte le critère de la nouveauté, cette utilisation est strictement limitée à la recherche d'une antériorité de toutes pièces' et qu'en l'espèce, il n'en existe aucune ; qu'ils poursuivent en estimant que chacune des tables qui leur sont opposées (Jean-Michel F, Peter M, Jean P et Philippe S) 'présente une apparence qui lui est propre' ; que la table de Jean-Michel F présente une 'physionomie propre', que de la table 'Granipoli' de Jean P se dégage 'une atmosphère industrielle' et que les photographies des deux autres sont inexploitables ; Que les sociétés Mula et Dom affirment, quant à elles, que les caractéristiques revendiquées ne reflètent en rien la personnalité de Monsieur Henri B, qu'elles ressortent du domaine de l'idée ou du concept, qu'elles répondent à des nécessités techniques, que le type de piètement revendiqué s'inscrit dans une pratique très courante, connue des designers depuis les années 1920, que cette table se retrouve dans les œuvres de Jean-Michel F, Peter M, Jean P et Philippe S et que l'idée de finesse et de robustesse conjuguées invoquée par les appelants ressort d'un argumentaire ayant peut-être un effet marketing mais point juridique ; Considérant, ceci rappelé, que de la même façon que la nouveauté est une condition de la protection assurée par le Livre V de la propriété intellectuelle, celles d'antériorité de toutes pièces ou de caractère propre sont étrangères au droit d'auteur ; qu'il y a lieu, en revanche, de rechercher si, parmi les œuvres considérées par les sociétés intimées comme préexistantes figure une œuvre divulguant la même combinaison de caractéristiques que celle présentée par les appelants comme permettant de considérer que la table 'Oxford' créée en 2004 est originale ; Qu'à cet égard, le tribunal a justement retenu que cette table référencée 'Oxford' se caractérisait essentiellement par son piètement aux formes s'évasant vers la partie supérieure des quatre pieds de la table et par les proportions données au plateau épuré de cette table dont l'épaisseur correspond à l'arête supérieure des pieds de table ; Que l'examen de la photographie figurant en page 109 de l'ouvrage écrit par Madame Suzanne T, paru en langue anglaise en 1999 et intitulé 'Décorateurs d'intérieur', permet de considérer que la table rectangulaire présentée comme meublant le salon du palazzo milanais de Giorgio Armani décoré par Peter M se caractérise par son piètement aux formes s'évasant vers la partie supérieure des quatre pieds de la table et par les proportions données au plateau épuré de cette table dont l'épaisseur correspond à l'arête supérieure du pied de la table ; Qu'il s'en déduit que la table figurant dans l'ouvrage publié en 1999, dont les lignes s'inscrivent, comme il est par ailleurs justifié par les sociétés intimées, dans un style d'ameublement épuré initié dans les années 1920 par le décorateur Jean-Michel F, présentait déjà la même combinaison de caractéristiques que celle de la table référencée 'Oxford' créée en 2004, de sorte que les appelants ne peuvent prétendre à la protection instaurée par le Livre I du code de la propriété intellectuelle ; Que le jugement doit, sur ce point, être confirmé ; Sur l'action en contrefaçon : Sur la table référencée 'Oxford' : Considérant qu'il résulte de ce qui précède que les appelants ne peuvent se prévaloir de la protection par le droit d'auteur de ce bien mobilier ; qu'ils ne sont donc pas fondés à agir en contrefaçon ; Que le jugement mérite confirmation ; Sur les lampes/luminaires référencés'Roller' 'Harold' et 'Bibi' : Considérant que les appelants critiquent le tribunal qui les a déboutés de leur demande à ce titre en faisant valoir que ces biens mobiliers ont été représentés sur le catalogue Dom Edizioni et sur le site malgré le souhait exprimé par la société Maison de les en voir retirer et que cette diffusion n'a cessé que deux ans après l'introduction de la présente procédure ; Qu'elles ajoutent que n'a pas vocation à trouver application en l'espèce la limitation au monopole conféré par le droit d'auteur que constitue l'introduction fortuite d'une œuvre accessoire au sujet traité, d'interprétation stricte, car ces lampes ne sont pas d'un genre différent, qu'elles sont appelées à être pérennisées au sein d'un catalogue commercial où elles ont été délibérément introduites et mises en valeur pour promouvoir, dans un décor volontairement dépouillé, d'autres meubles ; Qu'en réplique les sociétés italiennes intimées précisent d'abord que le luminaire référencé 'Harold' n'a jamais fait l'objet d'une reproduction puisqu'il s'agit d'un luminaire différent, référencé 'Maud' et également créé par la designer Kaki Kroener dont les œuvres sont aussi commercialisées par la société Dom ; Qu'elles font valoir qu'elles n'ont jamais commercialisé les luminaires litigieux, qu'ils figurent en arrière plan sur leurs catalogues 2007 et 2008 ainsi que sur quelques pages d'un site web ne s'adressant pas au public français, qu'il a toujours été fait mention de leur créateur et de la société Modenature qui les commercialise, laquelle revient a posteriori sur son autorisation, et qu'en toute hypothèse, ils ne sont qu'une composante du décor, situé à l'arrière plan et en constituant l'accessoire; Considérant, ceci rappelé, qu'il est constant qu'en violation des dispositions de l'article L 122-4 du code de la propriété intellectuelle selon lequel 'toute reproduction intégrale ou partielle faite sans le consentement de l'auteur ou de ses ayants droit (...) est illicite' aucune autorisation préalable à la diffusion du catalogue Dom Edizioni 2007 n'a été sollicitée pour reproduire les luminaires référencés'Roller' et 'Bibi', la cour étant conduite à considérer qu'effectivement la reproduction illicite du luminaire référencé 'Harold', qui se différencie par son pied du luminaire argué de contrefaçon, référencé 'Maud' et seul reproduit, ne peut être incriminée ; Que, toutefois, c'est à juste titre que les sociétés italiennes intimées opposent aux appelants la circonstance que la société Maison, ainsi qu'elle le reconnaît elle-même, a autorisé a posteriori la reproduction dans le catalogue des luminaires 'Roller' et 'Bibi', selon courriel du 13 avril 2007, à condition qu'il soit fait mention de son nom et que la société Dom s'y est conformée dans l'édition suivante de son catalogue ; que si les appelants reprochent à la société Dom de s'être abstenue d'introduire la mention sollicitée sur le site , il convient de relever, comme l'a fait le juge de la mise en état saisi par la société Mula d'une exception d'incompétence territoriale et dont la décision n'a pas fait l'objet d'un recours, que ce site, ne proposant pas de produits à la vente en France ni même en Italie, n'est pas en langue française mais en langues italienne et anglaise ; Qu'en outre, force est de relever, à l'examen des photographies des catalogues dans lesquels sont mis en scène les pièces de mobilier exploités par la société Dom, que, contrairement à ce qu'affirment les appelants, les deux luminaires litigieux ne font pas l'objet d'une mise en valeur particulière ; qu'ils ne sont pas représentés pour eux- mêmes mais sont tous deux accompagnés, dans un décor d'objets mobiliers qui ne peut être qualifié de dépouillé du fait de la dense présence de meubles mais aussi de coussins, de bibelots, de gravures ou encore d'ustensiles, d'autres luminaires semblablement destinés à éclairer, par diverses sources, le mobilier présenté; qu'ils se fondent par conséquent dans un ensemble dont ils n'occupent qu'une place accessoire; qu'à cet égard, il convient d'observer que le luminaire 'Roller', placé derrière une table supportant divers objets, voit son pied partiellement masqué sur les photographies et son abat-jour partiellement tronqué par le bord de la photographie ; que le luminaire 'Bibi', à l'abat-jour blanc qui se détache d'un fond blanc alors qu'un autre luminaire de couleur rouge se reflétant dans un miroir attire davantage l'attention, n'occupe pas une partie centrale de la photographie ; Qu'il se déduit de l'ensemble de ces éléments que ne peuvent être retenus les faits de contrefaçon des luminaires référencés 'Harold', 'Roller' et 'Bibi' incriminés et que le jugement sera, sur cet autre point, confirmé ; Sur les actes de concurrence déloyale et de parasitisme : Considérant que les appelants se prévalent à titre subsidiaire, si la cour devait considérer qu'ils ne disposent pas de droits d'auteur sur les objets mobiliers en litige, d'actes contraires aux usages loyaux du commerce nés de l'exploitation sur les catalogues 2007 et 2008 Dom Edizioni ainsi que sur le site internet dont un constat APP prouve qu'il est accessible au public français ; qu'ils imputent à faute aux sociétés Mula et Dom, auxquelles ils associent Monsieur B, exploitant un magasin situé à 600 mètres de leur show-room parisien, d'une part, d'avoir détourné la notoriété des meubles Modenature en générant un risque de confusion dans l'esprit du public, d'autre part, d'avoir détourné les investissements réalisés par la société Maison ; Mais considérant qu'à juste titre les intimés soutiennent que l'action en concurrence déloyale ne saurait constituer une action de repli pour celui qui ne peut bénéficier d'un droit protégé par le code de la propriété intellectuelle, sauf à étendre à l'infini le champ couvert par ses lois et à restreindre symétriquement le domaine public ; Qu'en se bornant à affirmer que 'l'ensemble des choix opérés par les sociétés Dom et Mula pour la commercialisation du mobilier Dom Edizioni rappelle ceux effectués par la société Modenature depuis de nombreuses années et qui caractérisent sa signature : l'adoption d'un style épuré, la sélection de couleurs sobres et chics (blanc, beige, écru, taupe, gris, ...), le choix de matériaux nobles (chêne, hêtre pour le mobilier, acier chromé et taffetas pour les luminaires) ...' ou encore qu''afin de s'inscrire dans le sillage de Modenature et d'entretenir la confusion entre ces deux univers, les sociétés Dom et Mula n'ont pas hésité à associer à leur tour les œuvres de Kaki Kroener aux produits contrefaisant les œuvres d'Henry B, association pourtant emblématique du style Modenature' ou encore qu'ils ont imité le référencement de produits ou, plus loin, qu'en contrefaisant la table Oxford, la société Dom Edizioni a utilisé les efforts d'élaboration et de conception fournis par Modenature et s'est évité des frais de recherche qu'elle aurait normalement dû exposer ainsi que la rémunération des créateurs, les appelants se dispensent de justifier de la notoriété qu'ils revendiquent, des investissements précis se rattachant aux faits de l'espèce et ne démontrent pas que les actes incriminés dans le cadre de la présente action, dont ils se contentent d'affirmer qu'il en est résulté 'une confusion totale dans l'esprit du public', contreviendraient à l'exercice loyal du commerce; Qu'en ce qui concerne les agissements reprochés à Monsieur B et qui portent sur la proximité géographique du lieu où a pu être rédigé un bon de commande de la table référencée 'Luckys', outre le fait que cette proximité est toute relative dans un arrondissement de Paris où sont établis de nombreux commerces ayant pour objet la vente de mobilier, c'est par motifs pertinents que la cour fait siens que les premiers juges ont considéré que le bon de commande rédigé à la demande d'une Madame D, dont les appelants n'ont pas cru devoir justifier de l'existence en cause d'appel en dépit des motifs du jugement, ne pouvait être retenu comme un élément de preuve valable ; Qu'il résulte de l'ensemble de ces éléments qu'à supposer même que le site internet puisse être considéré comme s'adressant potentiellement à la clientèle française, ainsi que soutenu par les appelants, les faits de concurrence déloyale et de parasitisme tels qu'incriminés ne sauraient être retenus ; Que le jugement doit être également confirmé de ce chef ; Sur les autres demandes : Considérant qu'au soutien de la demande indemnitaire fondée sur l'abus de procédure et qu'il réitère devant la cour, Monsieur B fait valoir qu'en l'absence de tous autres éléments, la construction d'une procédure sur un bon de commande obtenu dans des conditions suspectes relève de la mauvaise foi et de l'intention manifeste de nuire aux intérêts d'un concurrent ; Qu'il y a lieu de considérer, ceci rappelé, qu'en décidant d'interjeter appel à l'encontre de Monsieur B dont le domicile a constitué pour les appelants un critère de rattachement aux juridictions françaises, et en s'abstenant, ce faisant, de toute diligence susceptible de dissiper la suspicion qu'en termes clairs et précis les premiers juges ont exprimée sur la personne de Madame D et la loyauté de sa démarche, les appelants ont commis une faute préjudiciable à Monsieur B qui sera sanctionnée par l'allocation de dommages- intérêts à hauteur de la somme de5.000 euros, ainsi qu'il sera précisé au dispositif ; Considérant que, de la même façon, les sociétés italiennes Mula et Dom se prévalent à bon droit d'un abus de procédure ; Qu'elles peuvent valablement prétendre que rien ne permet de mettre à mal la suspicion qui pèse sur les requérants auxquels elles reprochent d'avoir usé d'artifice pour contourner les règles de compétence territoriale ; que si rien n'établit, comme elles le prétendent, que les demandeurs à l'action ont agi dans une logique de représailles à l'encontre de Monsieur Domenico M et s'il ne peut être retenu qu'ils ont attrait en la cause la société Mula avec légèreté, les sociétés intimées peuvent se prévaloir, du fait de cette procédure, de la mise en péril de leurs relations avec Monsieur B, d'une absence d'évolution des écritures adverses en regard des motifs du jugement alors qu'il était décidé d'en relevé appel et d'une procédure téméraire sans grand risque du fait que la procédure collective rend peu probable le recouvrement de leurs créances indemnitaires ; Que ces agissements, constitutifs d'une faute préjudiciable aux deux sociétés intimées, seront sanctionnés par l'allocation d'une somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi que précisé au dispositif ; Que l'équité commande d'allouer, de plus, aux sociétés Mula et Dom, d'une part, et à Monsieur B, d'autre part, une somme complémentaire de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Que, déboutés de ce dernier chef de prétentions, les intimés supporteront les dépens d'appel ;

PAR CES MOTIFS

, Prend acte de l'intervention volontaire en la cause de la SCP Coudray et Ancel, prise en la personne de Maître A, en qualité de liquidateur de la société à responsabilité Maison, exerçant sous l'enseigne 'Modenature' ; Confirme le jugement entrepris sauf en ses dispositions relatives à la mise hors de cause de la société de droit italien Mula SRL et à la demande indemnitaire formée par Monsieur B ainsi que par les sociétés Mula et Dom et, statuant à nouveau en y ajoutant ; Déboute la société de droit italien Mula SRL de sa demande de mise hors de cause ; Condamne Monsieur Henri B à verser à Monsieur François B la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive et aux sociétés de droit italien Dom SRL et Mula SRL (exerçant sous l'enseigne Dom Edizioni) la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ; Fixe la créance au passif de la société à responsabilité limitée Maison (exerçant sous l'enseigne 'Modenature') représentée par la SCP Coudray et Ancel, mandataires liquidateurs, prise en la personne de Maître A, ès qualités de liquidateur de la société Maison : - au profit de Monsieur François B à la somme de 4.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive, - au profit des sociétés de droit italien Dom SRL et Mula SRL (exerçant sous l'enseigne Dom Edizioni) à la somme de 4.000 euros à titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ; Condamne Monsieur B et la société à responsabilité limitée Maison (exerçant sous l'enseigne 'Modenature') représentée par la SCP Coudray et Ancel, mandataires liquidateurs, prise en la personne de Maître A, ès qualités de liquidateur de la société Maison à verser aux sociétés Mula et Dom, d'une part, et à Monsieur B, d'autre part, une somme complémentaire de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne la société à responsabilité limitée Maison (exerçant sous l'enseigne 'Modenature') représentée par la SCP Coudray et Ancel, mandataires liquidateurs, prise en la personne de Maître A, ès qualités de liquidateur de la société Maison aux dépens d'appel avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.