Tribunal de grande instance de Lyon, 19 novembre 2009, 2007/02698

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Lyon
  • Numéro de pourvoi :
    2007/02698
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : DERMO ESTHETIQUE REINE ; DERMO ESTHETIQUE
  • Classification pour les marques : CL03 ; CL42 ; CL44
  • Numéros d'enregistrement : 1173185 ; 1270243
  • Parties : A (Reine) ; DERMO ESTHETIQUE REINE SA / CLINIQUE PHENICIA SAS

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Lyon
2011-04-14
Tribunal de grande instance de Lyon
2009-11-19

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE LYON Jugement du 19 Novembre 2009 Dixième Chambre R.G N° : 07/02698 Le Tribunal de Grande Instance de LYON, statuant publiquement et en premier ressort, a rendu, le 19 Novembre 2009 devant la Dixième Chambre le jugement contradictoire suivant, Après que l'instruction eut été clôturée le 23 Février 2009, et que la cause eut été débattue à l'audience publique du 01 Octobre 2009 devant : Olivier G, Vice-Président, Mireille QUENTIN DE G, Vice-Président, Maria A, Vice-Président, Siégeant en formation Collégiale, Assistées de Catherine MORIN, Greffier, Le Président ayant fait son rapport oral, Et après qu'il en eut été délibéré par les magistrats ayant assisté aux débats dans l'affaire opposant : DEMANDERESSES 1°) Madame Reine A représentée par la SELARL QUADRATUR, avocats au barreau de LYON 2°) Société DERMO ESTHETIQUE REINE SA, immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 353 800 931, agissant poursuites et diligences de son représentant légal en exercice, dont le siège social est sis 106 Rue Président Edouard H 69002 LYON représentée par la SELARL QUADRATUR, avocats au barreau de LYON DEFENDERESSE Société CLINIQUE PHENICIA SAS, immatriculée au RCS de MARSEILLE sous le numéro B 434 400 222, agissant poursuites et diligences de son Président en exercice, dont le siège social est sis [...] 13005 MARSEILLE représentée par Me Pascale BISSUEL, avocat au barreau de LYON, postulant et par la SELARL CUSSAC, avocat au barreau de PARIS, plaidant PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Madame A est titulaire des droits afférents aux marques suivantes : - DERMO ESTHETIQUE REINE enregistrée le 10 juin 1981 pour les produits et services suivants : "produits de beauté et de parfumerie, soins de beauté et méthodes particulières pour les administrer", - DERMO ESTHETIQUE enregistrée le 2 août 1983 pour les produits et services suivants : "produits de beauté et de parfumerie, soins de beauté et méthodes particulières pour les administrer", Au motif que la société CLINIQUE PHENICIA en aurait fait un usage illicite, notamment sur son site internet, Madame A l'a suivant courrier recommandé du 23 juin 2006 mis en demeure de cesser toute utilisation de ses marques. Par exploit d'huissier du 23 janvier 2007, Madame Reine A, se faisant appeler Reine A, et la société DERMO ESTHETIQUE REINE ont fait assigner la société CLINIQUE PHENICIA devant ce Tribunal afin de faire juger que celle-ci a commis à leur encontre des faits de contrefaçon de la marque DERMO ESTHETIQUE et de concurrence déloyale . Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées le 13 février 2009, Madame A et la société DERMO ESTHETIQUE REINE demandent au tribunal de : - constater qu'en reproduisant les termes DERMO ESTHETIQUE sur internet la société CLINIQUE PHENICIA s'est livrée à des actes de contrefaçon à rencontre de Madame A et de concurrence déloyale à rencontre de la société DERMO ESTHETIQUE REINE, - ordonner la cessation de tout acte de contrefaçon des marques DERMO ESTHETIQUE et DERMO ESTHETIQUE REINE, sous astreinte de 1.500 € par infraction constatée, - ordonner la suppression des termes DERMO ESTHETIQUE du site internet de la société CLINIQUE PHENICIA, sous astreinte de 2.500 € par jour à compter du 8 ème jour suivant la signification du jugement, - ordonner la cessation de tout acte de concurrence déloyale à rencontre de la société DERMO ESTHETIQUE REINE, - condamner la société CLINIQUE PHENICIA à leur payer à chacune la somme de 50.000 € à titre de dommages et intérêts, - débouter la société CLINIQUE PHENICIA de l'ensemble de ses prétentions, - ordonner la publication du jugement dans deux magazines à leur choix et aux frais de la société CLINIQUE PHENICIA, - ordonner la capitalisation des intérêts, - ordonner l'exécution provisoire, - condamner la société CLINIQUE PHENICIA à leur payer la somme de 8.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et à supporter les dépens. A l'appui de leurs prétentions, les demanderesses font valoir en réponse aux moyens de nullité soulevés par la défenderesse que : - l'identification du déposant n'a jamais fait l'objet d'un quelconque doute et il importe peu que l'orthographe du nom patronymique de Madame A ait été légèrement modifiée, - une requête en rectification matérielle a d'ailleurs été déposée depuis auprès de l'INPI, - le renouvellement de la marque DERMOESTHETIQUE en DERMO ESTHETIQUE n'en n'affecte pas le caractère distinctif et elle reste valable et opposable aux tiers, - il convient pour apprécier la distinctivité de la marque de se placer à la date du dépôt de la marque, soit en 1981 et 1983, et donc sous le régime résultant de l'application de la loi du 31 décembre 1964, - il est donc nécessaire d'apprécier si la marque DERMO ESTHETIQUE constituait exclusivement la désignation nécessaire et générique d'un produit ou soin de beauté ou d'une méthode particulière pour les administrer, - en 1983, le terme DERMO ESTHETIQUE n'était nullement nécessaire pour désigner les produits et services désignés et n'en n'était pas non plus la désignation générique, - il n'est pas d'avantage démontré que le terme DERMO ESTHETIQUE aurait été utilisé de manière habituelle pour désigner les produits et services, - le néologisme DERMO ESTHETIQUE, simplement évocateur de l'objet auquel il s'applique, n'est pas exclusivement composé de termes indiquant la qualité essentielle des produits et services, - la marque DERMO ESTHETIQUE est donc parfaitement distinctive au regard des dispositions de l'article 3 de la loi de 1964, - elles démontrent une exploitation des marques litigieuses, - il y a donc bien usage sérieux et à titre de marque des dénominations litigieuses et le moyen de déchéance tiré d'un défaut d'exploitation doit être rejeté, - l'appellation DERMO ESTHETIQUE ne correspond nullement à une spécialité médicale qui n'existe pas à ce jour et son utilisation n'est pas de nature à tromper le public, - le moyen de nullité tiré de la déceptivité de la marque doit donc être rejeté. S'agissant des faits de contrefaçon, les demanderesses déclarent que : - il peut être reproché à la société CLINIQUE PHENICIA des faits de contrefaçon par reproduction de la marque DERMO ESTHETIQUE sur son site internet pour faire la promotion des produits et services qu'elle propose, - les marques déposées par Madame A apparaissent également sur le moteur de recherche GOOGLE, un lien permettant d'aboutir directement sur le site de la défenderesse par l'usage de l'appellation DERMO ESTHETIQUE comme mot clé, - la société CLINIQUE PHENICIA utilise ces termes pour désigner une méthode de soins de beauté, service expressément désigné dans le dépôt de la marque DERMO ESTHETIQUE, - il y a donc bien contrefaçon à l'identique au sens de l'article L 713-2 du Code la Propriété Intellectuelle, sans qu'il soit nécessaire d'établir un risque de confusion, - l'utilisation du terme DERMO ESTHETIQUE constitue aussi une contrefaçon de la marque DERMO ESTHETIQUE REINE, - les agissements de la société CLINIQUE PHENICIA peuvent également être sanctionnés sur le fondement de l'imitation de marque par application des dispositions de l'article L 713-3 du Code la Propriété Intellectuelle, - en contrefaisant sciemment les marques en litige, la société CLINIQUE PHENICIA a créé en effet un risque de confusion dans l'esprit du public qui peut penser que celle-ci distribue des produits ou dispense des soins émanant de la société DERMO ESTHETIQUE REINE, - la société CLINIQUE PHENICIA ne démontre pas que les marques DERMO ESTHETIQUE et DERMO ESTHETIQUE REINE soient utilisées dans le sens courant du terme, - en effet, la dénomination dermo esthétique n'est pas un qualificatif ni une expression du langage courant et ne désigne pas d'avantage un acte de médecine ou de chirurgie, - elle constitue un néologisme totalement arbitraire, - en utilisant les termes dermo esthétique en vue de désigner des soins esthétiques, la société CLINIQUE PHENICIA s'est mise en marge de toute activité médicale et s'est placée en situation de capter la clientèle des salons de beauté, - les faits de contrefaçon allégués sont démontrés. Les demanderesses font valoir encore que : - que la société DERMO ESTHETIQUE REINE est victime d'une concurrence déloyale exercée par la société CLINIQUE PHENICIA du fait de l'utilisation frauduleuse par celle-ci d'une dénomination constituant son enseigne et son nom commercial, - elle est fondée elle aussi à solliciter la cessation de ces agissements et l'indemnisation de son préjudice, - le préjudice qu'elles subissent est constitué à la fois d'une perte de gain du fait des avantage que Madame A n'a pas pu tirer de l'exploitation de son droit, mais également de la perte subie du fait de la banalisation ou l'avilissement de la marque. Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 13 octobre 2008, la société CLINIQUE PHENICIA demande au tribunal de : -constater la nullité des marques DERMO ESTHETIQUE et DERMO ESTHETIQUE REINE, - ordonner en conséquence la publication du jugement au registre national des marques, - à titre subsidiaire, constater l'absence de contrefaçon, - débouter en conséquence les demanderesses de leurs demandes au titre de la contrefaçon, - les débouter également de leurs demandes au titre de la concurrence déloyale, - à titre très subsidiaire, réduire la demande de dommages et intérêts à de plus raisonnables proportions, - à titre reconventionnel, constater la violation par les demanderesses de la réglementation afférente au monopole de la médecine et de la publicité trompeuse, - condamner solidairement les demanderesses à lui verser la somme de 2.000 € pour concurrence déloyale, - les condamner solidairement à lui payer la somme de 15.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile et à supporter les dépens.

Elle soutient que

les marques sont nulles ou à tout le moins inopposables et fait valoir que : - les marques litigieuses ont été déposées sous le nom d'usage d'A, le nom patronymique de la déposante étant A ce qui rend nul ce dépôt par application du décret du 27 juillet 1965 et d'un arrêté du même jour selon lequel la demande d'enregistrement doit comporter notamment le nom du demandeur, - subsidiairement, les marques lui sont inopposables, - la marque "DERMOESTHETIQUE" initialement déposée a été renouvelée sous la forme "DERMO ESTHETIQUE" ce qui contrevient aux dispositions de l'article L 712-9 du Code la Propriété Intellectuelle selon lesquelles une marque ne peut être renouvelée qu'à la condition de ne pas comporter une modification du signe, - la marque DERMOESTHETIQUE est donc éteinte, - la marque DERMO ESTHETIQUE est nulle pour descriptivité au regard de la loi du 4 janvier 1991 applicable en l'espèce, bien qu'elle ait été enregistrée antérieurement à son entrée en vigueur, - cette loi a en effet transposé en droit français la directive européenne du 21 décembre 1988 laquelle ne fait aucune distinction entre les marques déjà enregistrées et celles qui le seront et les soumet aux mêmes conditions de validité et le juge national doit interpréter son droit à la lumière du droit communautaire, - en l'espèce, l'expression DERMO ESTHETIQUE désigne une caractéristique du produit, notamment son espèce, en ce qu'elle évoque des actes pratiqués sur le derme dans un but esthétique, - la marque DERMO ESTHETIQUE est également nulle au regard des critères de la loi du 31 décembre 1964, - les produits et soins désignés par la marque ont pour qualité essentielle d'agir sur l'épiderme aux fins d'embellir la peau et l'expression dermo esthétique indique les qualités essentielles des produits et services visés par l'enregistrement, - les demanderesses ne font pas la preuve d'une exploitation de la marque DERMO ESTHETIQUE, ce qui entraîne sa déchéance par application de l'article L 714-5 du Code la Propriété Intellectuelle, - les deux marques sont également nulles pour déceptivité par application de l'article L 711-3 du Code la Propriété Intellectuelle, - en effet, la dénomination DERMO ESTHETIQUE est aujourd'hui utilisée pour désigner des actes de médecine esthétique pratiqués sur le derme et le consommateur, en présence d'une telle dénomination, s'attend à ce que le service désigné réponde à une qualité précise, à savoir qu'il soit pratiqué par un médecin, - les dénominations en litige sont donc déceptives lorsqu'elles désignent comme en l'espèce des produits et soins de beauté ou des méthodes pour les administrer. La société CLINIQUE PHENICIA conclut également à l'absence de contrefaçon et de concurrence déloyale et fait valoir que : - les termes dermo esthétique sont utilisés de manière honnête, à titre indicatif dans leur sens courant, - ils sont utilisés en l'espèce dans leur acception courante c'est à dire comme servant à indiquer la destination des soins offerts, et non pour désigner des produits et services de telle sorte que le public les percevrait comme une indication de leur origine commerciale, - la contrefaçon doit être appréciée au regard de l'article L 713-3 b) du Code la Propriété Intellectuelle et l'existence d'un risque de confusion n'est pas établi en l'espèce, - elle même n'offre en effet ni produits de beauté ni produits de parfumerie ou assimilés et dispense des soins indissociablement liés aux actes de médecine et de chirurgie esthétique, - la société DERMO ESTHETIQUE REINE qui est implantée à LYON n'établit pas que son nom commercial ou son enseigne soit connu sur l'ensemble du territoire national, notamment à MARSEILLE où elle même est établie, - les activités de soins de beauté pratiqués par la demanderesse sont différentes des soins médicaux et chirurgicaux pratiqués au sein de la clinique, - il n'y a aucun risque de confusion entre l'expression "soins dermo esthétique" figurant sur son site internet pour désigner la destination des soins offerts et le nom commercial de la demanderesse, - elle ne peut être tenue pour responsable du référencement de son site sur le moteur de recherche GOOGLE, - les parties ne sont pas en situation de concurrence et les demanderesses ne justifient d'aucun préjudice. A l'appui de sa demande reconventionnelle, la société CLINIQUE PHENICIA déclare : - qu'en mentionnant sur son site internet qu'elle pratique des soins pré et post- chirurgicaux et des traitements pouvant être assimilés à des actes médicaux, la société DERMO ESTHETIQUE REINE commet un exercice illégal de la médecine et que le non respect de cette réglementation constitue un acte de concurrence déloyale à son préjudice, - qu'à tout le moins, les termes utilisés laissent croire au consommateur qu'elle pratique des soins médicaux, ce qui constitue une publicité trompeuse. L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 février 2009 et l'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 1 er octobre 2009. Les parties ont été informées par le Président que le jugement serait rendu le 19 novembre 2009 par mise à disposition au Greffe conformément aux dispositions de l'article 450 du Code de Procédure Civile. DISCUSSION : Attendu qu'il convient au préalable d'écarter la pièce N°58 que le Tribunal trouve dans le dossier des demanderesses. Attendu en effet que la demande de révocation de l'ordonnance de clôture présentée par les demanderesses en vue précisément de produire cette pièce N°58 a fait l'objet d'une décision de rejet du Juge de la Mise en État et que le Tribunal n'a été saisi à l'audience d'aucune demande autorisant la communication de cette pièce. 1° Sur la validité des marques : Attendu que la société CLINIQUE PHENICIA oppose aux prétentions des demanderesses différents moyens de nullité qu'il convient de reprendre successivement : *sur le dépôt de la marque sous un pseudonyme : Attendu que la défenderesse invoque les dispositions édictées par l'article 4 du Décret du 27 juillet 1965 portant application de la loi du 31 décembre 1964 selon lesquelles le déposant doit préciser les noms, prénoms et domicile du titulaire de la marque et par l'article 2 d'un arrêté ministériel du même jour selon lequel la demande d'enregistrement comporte les noms, prénoms...du demandeur. Attendu qu'il n'est pas contestable que les marques litigieuses ont été déposées sous le nom de Madame Reine A, alors que le véritable patronyme de la déposante est Reine A. Attendu toutefois que ces formalités ne sont pas prescrites à peine de nullité et que leur finalité est exclusivement de permettre l'identification du déposant de la marque par les tiers. Attendu en l'espèce qu'il n'est pas soutenu que l'identification de Madame A en la personne du déposant des marques n'ait pas été possible ; qu'il ne peut y avoir aucun doute sur l'identité de l'auteur du dépôt, étant observé en outre que l'orthographe entre les deux noms diffèrent à peine et que le prénom est identique. Attendu qu'en l'absence de griefs invoqués par la défenderesse du fait de cette irrégularité et alors au surplus qu'une requête en rectification a été déposée, ce moyen est inopérant pour justifier l'annulation de la marque. *sur le renouvellement de la marque : Attendu que la défenderesse se prévaut des dispositions de l'article L 712-9 du Code la Propriété Intellectuelle selon lesquelles l'enregistrement d'une marque peut être renouvelé s'il ne comporte pas de modification du signe. Attendu en l'espèce que la très légère modification apportée au signe, le terme initial "DERMOESTHETIQUE" étant devenu "DERMO ESTHETIQUE" lors du renouvellement, n'a nullement modifié l'élément distinctif essentiel de la marque et que le renouvellement doit être considéré comme régulièrement opéré. Attendu que ce moyen de nullité ne peut être retenu. *sur la distinctivité de la marque DERMO ESTHETIQUE : Attendu que le droit sur la marque naissant le jour de son dépôt, sa validité doit être appréciée au regard de la loi en vigueur à cette date, soit en l'espèce compte tenu de la date du dépôt des deux marques en litige, la loi du 31 décembre 1964. Attendu que la société CLINIQUE PHENICIA se prévaut à l'appui de sa demande de nullité des dispositions édictées par le dernier alinéa de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1964 selon lesquelles : "ne peuvent en outre être considérées comme marques ... Celles qui sont composées exclusivement de termes indiquant la qualité essentielle du produit ou du service, ou la composition du produit " ; Attendu en l'espèce que les produits et services désignés dans le dépôt de la marque DERMO ESTHETIQUE sont les produits de beauté et de parfumerie, les soins de beauté et méthodes particulières pour les administrer. Attendu que la marque litigieuse est constituée d'une part du préfixe "dermo" et d'autre part du nom commun "esthétique". Attendu que le terme "derme" qui a pour étymologie le mot du grec ancien "derma" est compris depuis toujours comme se rapportant à la peau. Attendu que le préfixe "dermo" est utilisé depuis de très nombreuses années, accolé à un nom ou à un adjectif, pour évoquer ce qui se rapporte à la peau ; que l'utilisation de ce préfixe avec cette fonction se trouve répertoriée dans des ouvrages bien antérieurs à l'année 1983, ainsi qu'il ressort par exemple de l'examen du dictionnaire LAROUSSE édition 1971 ou d'ouvrages spécialisés en matière médicale. Attendu que le terme "esthétique" est évidemment d'usage courant pour qualifier ce qui se rapporte à la beauté et, s'agissant des soins et produits cosmétiques, pour expliquer qu'ils sont destinés à améliorer ou conserver la beauté physique de leurs utilisateurs. Attendu ainsi qu'en 1983, date du dépôt de la marque DERMO ESTHETIQUE, le consommateur de produits ou de soins "dermo esthétique" percevait nécessairement ce signe comme un qualificatif des dits produits ou soins et repérait immédiatement qu'il s'agissait de produits ou services dont la qualité essentielle était de contribuer à la beauté de la peau. Attendu que selon les critères édictés par l'article 3 de la loi du 31 décembre 1964, la marque DERMO ESTHETIQUE est descriptive et qu'il convient en conséquence d'en prononcer l'annulation. Attendu que l'ajout dans la dénomination "DERMO ESTHETIQUE REINE" du terme "REINE" qui n'est pas la désignation nécessaire ou générique des produits ou services visés au dépôt et ne désigne pas non plus une qualité essentielle ou la composition du produit, confère à cette 2 ème marque un élément de distinctivité. Attendu que cette marque ne peut donc être annulée sur ce fondement, ce qui n'est d'ailleurs pas discuté par la défenderesse. *sur la déchéance de la marque DERMO ESTHETIQUE : Attendu que par suite de l'annulation de la marque pour défaut de distinctivité, il est sans intérêt en l'espèce de se prononcer sur la déchéance de la marque DERMO ESTHETIQUE ; que par ailleurs ce moyen n'est pas soulevé s'agissant de la marque DERMO ESTHETIQUE REINE. *sur la déceptivité de la marque DERMO ESTHETIQUE REINE: Attendu qu'en application de l'article L 711-3 c) du Code la Propriété Intellectuelle "ne peut être adopté comme marque ou élément de marque un signe...de nature à tromper le public, notamment sur la nature, la qualité ou la provenance géographique du produit ou du service. " Attendu que l'éventuel risque de tromperie du consommateur s'apprécie par rapport à la perception qu'en a un public d'attention moyenne. Attendu en l'espèce que le développement de la dermo esthétique comme technique médicale pratiquée sur le derme ne suffit pas à établir que cette expression désigne nécessairement et exclusivement un acte médical ou chirurgical ; que selon un avis de l'ordre national des médecins, il n'existe pas de spécialité en "dermo esthétique" Attendu que le terme évoque aussi tout ce qui touche à la beauté de la peau et donc les produits cosmétiques et services assurés par la société DERMO ESTHETIQUE REINE ; que le consommateur d'attention moyenne n'est donc pas trompé par l'utilisation de ce terme. Attendu qu'il convient de rejeter ce moyen de nullité et de considérer par voie de conséquence que la marque DERMO ESTHETIQUE REINE est valable. 2° Sur la contrefaçon de la marque DERMO ESTHETIQUE REINE : Attendu que par suite de l'annulation de la marque DERMO ESTHETIQUE, l'appréciation d'une éventuelle contrefaçon ne peut porter que sur la marque DERMO ESTHETIQUE REINE. Attendu que l'utilisation de la dénomination dermo esthétique ne constitue pas une reproduction à l'identique de DERMO ESTHETIQUE REINE et que l'examen de la contrefaçon alléguée doit être examiné au regard de l'article L 713-3 b) du Code la Propriété Intellectuelle selon lequel "sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement. " Attendu qu'il est donc nécessaire de rechercher l'existence d'un risque de confusion dans l'esprit du public. Attendu qu'il ressort de copies d'écran produites aux débats que les termes "dermo esthétique" ou "soins dermo esthétique" apparaissent sur le site internet de la société CLINIQUE PHENICIA comme titre de rubriques à partir duquel un lien conduit à une page sur lequel figure la même expression en tête de page. Attendu que l'expression "soins dermo esthétique" se retrouve également dans une phrase expliquant que ces soins sont proposés par la clinique avant ou après une opération chirurgicale ou encore à titre de légende de photographies. Attendu que la fonction naturelle et essentielle de la marque est de distinguer les objets ou services désignés par l'indication de leur provenance; qu'il ne peut y avoir atteinte au droit lorsque la marque est simplement citée sans être utilisée selon sa fonction distinctive sur le marché. Attendu en l'espèce que l'utilisation du terme ne tend pas à désigner des produits qui seraient promus par la société défenderesse et ne permet pas d'identifier l'entreprise ; que l'expression est employée ici dans une fonction descriptive et générique, c'est à dire comme se rapportant à des soins de la peau. Attendu également que l'expression est intégrée dans des phrases sans mise en valeur particulière ce qui confirme encore l'absence de fonction distinctive de son utilisation. Attendu que l'impression d'ensemble produite par les deux signes concurrents est totalement différente, l'ajout du vocable REINE dans la marque protégée conférant seul à celle-ci son caractère distinctif. Attendu qu'il convient enfin d'observer que les services proposés par la société CLINIQUE PHENICIA ne sont pas identiques à ceux de la société DERMO ESTHETIQUE REINE, la première étant un établissement chirurgical qui pratique des interventions médicales et chirurgicales et la seconde étant un institut de beauté pratiquant des soins sans finalité médicale ; qu'elles exercent également leur activité dans des lieux géographiquement éloignés, la première à MARSEILLE et la seconde à LYON. Attendu qu'au regard de ces éléments, il est évident qu'il n'existe pas de risque de confusion dans l'esprit du public et que le consommateur d'attention moyenne qui découvre le site de la société CLINIQUE PHENICIA n'est pas amené à faire le lien avec l'activité de la société DERMO ESTHETIQUE REINE. Attendu que les faits de contrefaçon allégués ne sont pas démontrés et qu'il convient de rejeter ce chef de demande. 3° Sur les faits de concurrence déloyale : Attendu que la société DERMO ESTHETIQUE REINE se prévaut d'une utilisation frauduleuse de son enseigne ou de son nom commercial par la société CLINIQUE PHENICIA. Attendu qu'il convient d'observer toutefois : - que la société DERMO ESTHETIQUE REINE qui exerce son activité à LYON ne démontre pas que son nom commercial ou son enseigne soit connu sur l'ensemble du territoire national, - que la société CLINIQUE PHENICIA exerce son activité à MARSEILLE, - que les deux entreprises ne sont pas réellement en situation de concurrence, leurs activités étant différentes, - que l'utilisation du terme "dermo esthétique" dans son sens désormais courant pour désigner la nature des soins ne constitue nullement une utilisation frauduleuse du nom commercial DERMO ESTHETIQUE REINE, - que la société CLINIQUE PHENICIA n'est pas responsable du référencement de son site sur le moteur de recherche GOOGLE. Attendu que les conditions d'une action en concurrence déloyale ne sont manifestement pas réunies en l'espèce. Attendu qu'il convient en conséquence de débouter Madame A de l'intégralité de ses prétentions. 4° sur la demande reconventionnelle de la société C LINIQUE PHENICIA : Attendu que les éléments produits aux débats sont insuffisants pour démontrer que la société DERMO ESTHETIQUE REINE se livre à des activités médicales ou pour caractériser des faits de publicité trompeuse. Attendu au surplus, et ainsi que le reconnaît la société CLINIQUE PHENICIA, celle-ci n'est pas réellement en situation de concurrence avec la société DERMO ESTHETIQUE REINE. Attendu qu'il convient de la débouter de sa demande en dommages et intérêts formée à ce titre. Attendu que l'équité commande en l'espèce de faire application de l'article 700 du Code de Procédure Civile au profit de la société CLINIQUE PHENICIA et qu'il lui sera alloué à ce titre la somme de 4.000 €.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement, et en premier ressort et par jugement contradictoire, Dit que la pièce N° 58 des demanderesses est écarté e des débats. Déboute Madame A et la société DERMO ESTHETIQUE REINE de l'intégralité de leurs demandes. Déclare nul l'enregistrement de la marque française "DERMO ESTHETIQUE", déposée le 2 août 1983 à l'INPI sous le N°1 270 243 et dit qu'à la requête de la partie la plus diligente, la décision d'annulation sera portée sur le registre des marques, Déboute la société CLINIQUE PHENICIA du surplus de ses demandes reconventionnelles. Condamne Madame A et la société DERMO ESTHETIQUE REINE in solidum à payer à la société CLINIQUE PHENICIA la somme de QUATRE MILLE EUROS (4.000 €) au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Condamne Madame A et la société DERMO ESTHETIQUE REINE in solidum aux dépens de l'instance et accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice de l'article 699 du Code de Procédure Civile.