COUR D'APPEL DE PARIS ARRET DU 27 NOVEMBRE 2015
Pôle 5 - Chambre 2 (n°188, 9 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 13/21612 Jonction avec le dossier 15/00667
Décision déférée à la Cour : jugement du 10 octobre 2013 - Tribunal de grande instance de PARIS -3ème chambre 4ème section - RG n°11/14875
APPELANTE AU PRINCIPAL et INTIMEE INCIDENTE S.A.S. PIGANIOL, agissant en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège social situé [...] 15000 AURILLAC Immatriculée au rcs sous le numéro 345 238 851 Représentée par Me Thierry-Frédéric PEY, avocat au barreau de PARIS, toque G 856 Assistée de Me Jacques V, avocat au barreau d'AURILLAC
INTIMEES AU PRINCIPAL et APPELANTES INCIDENTES S.A.S. PUBLICIS CONSEIL, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé [...] 75008 PARIS Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro B 304 765 332
S.A. L'OREAL, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social situé [...] 75008 PARIS Immatriculée au rcs de Paris sous le numéro B 632 012 100 Représentées par Me Alain FISSELIER de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque L 0044 Assistées de Me Bruno R, avocat au barreau de PARIS, toque A 798
COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles
786 et
907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 14 octobre 2015, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, en présence de Mme Sylvie NEROT, Conseillère, chargée d'instruire l'affaire, laquelle a préalablement été entendue en son rapport
Mmes Marie-Christine A et Sylvie N ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente Mme Sylvie NEROT, Conseillère Mme Véronique RENARD, Conseillère
Greffière lors des débats : Mme Carole T
ARRET : Contradictoire Par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile
Signé par Mme Marie-Christine AIMAR, Présidente, et par Mme Carole T, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par la magistrate signataire.
La société Piganiol SAS dont l'activité porte notamment sur la fabrication et le négoce de parapluies et qui se prévaut de la titularité de droits sur un modèle de parapluie « jeu de rayures et en détail style fermeture à glissière » dénommé « Parapluie marinière zip » - modèle n° 2010/5182 déposé à l'Institut national de la propriété industrielle le 30 mars 2010 et publié le 26 novembre 2010 - expose qu'elle a découvert que, dans le cadre de sa campagne publicitaire printemps-été 2011 assurant la promotion de sa collection de coloration pour cheveux féminins et qui comprenait trois visuels et une vitrophanie destinés aux salons de coiffure, la société L'Oréal SA a utilisé, sans autorisation, le visuel de ce parapluie.
Après vaine mise en demeure de cesser la diffusion sur tout support de ces visuels adressée le 27 mai 2011 et établissement de divers constats et procès-verbaux de saisie contrefaçon, de juin à octobre 2011, qui l'ont conduite à considérer qu'il en était fait utilisation sur tout le territoire, elle l'a assignée en contrefaçon de modèle.
La société Publicis Conseil SA, conceptrice de la campagne publicitaire incriminée, est intervenue volontairement en la cause à titre principal.
Les deux défenderesses ont assigné en garantie la société Art Department Europe et Madame Sophie G qui ont assuré des prestations de stylisme comprenant une recherche d'accessoires.
La jonction de ces procédures a été ordonnée le 09 janvier 2012.
Par jugement contradictoire rendu le 10 octobre 2013, le tribunal de grande instance de Paris a, en substance et avec exécution provisoire :
rejeté la demande de nullité du modèle de parapluie précité,déclaré nuls les deux procès-verbaux de saisie-contrefaçon établis le 30 septembre 2011 (dans le salon de coiffure sis [...], et dans celui sis [...]) et rejeté les demandes de nullité des autres procès-verbaux,
dit que les sociétés L'Oréal et Publicis Conseil ont commis des actes de contrefaçon en reproduisant sans autorisation le modèle en cause sur un visuel de la campagne publicitaire des produits INOA,
dit que la société Art Department Europe et Madame Sophie G n'ont pas commis d'actes de contrefaçon,
rejeté la demande d'information formée par la société Piganiol,
fait interdiction aux sociétés L'Oréal et Publicis Conseil de poursuivre la diffusion du visuel litigieux et de tout support reproduisant le modèle de parapluie en cause,
rejeté la demande de garantie formée à l'encontre de la société Art Department Europe et de Madame Sophie G,
dit n'y avoir lieu à application de l'article
700 du code de procédure civile en condamnant les sociétés L'Oréal et Publicis Conseil aux dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 16 septembre 2015, la société par actions simplifiée Piganiol, appelante du jugement à l'encontre des seules sociétés L'Oréal et Publicis Conseil, demande pour l'essentiel à la cour, au visa des articles L 521-1 et suivants, L 513-4, L 513-6, L 521-7, L 112-1, L 122- 1,
L 122-3,
L 122-4,
L 335-2 et
L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, de confirmer le jugement en ce qu'il a reconnu l'existence d'actes de contrefaçon puis de le « réformer » (sic) et :
de condamner « solidairement » les intimées à lui verser la somme de 700.000 euros en réparation du préjudice subi,
subsidiairement, s'il n'était pas fait droit à la demande d'indemnisation forfaitaire, d'ordonner sous astreinte la production de divers documents (plan média, coût de la campagne, produits déclinés, nombre, coûts de fabrication et de vente),
de condamner les intimées au paiement de la somme de 10.000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
Par dernières conclusions notifiées le 28 septembre 2015, la société anonyme L'Oréal et la société anonyme Publicis Conseil prient, en substance, la cour d'infirmer le jugement, sauf en ses dispositionsdéclarant nuls les deux procès-verbaux du 30 septembre 2011 et rejetant la demande d'information de la société Piganiol, et :
à titre principal et au visa des articles
L 511-2 à
L 511-4,
L 512-4 et
L 512-6 du code de la propriété intellectuelle, de prononcer la nullité du procès-verbal de saisie-contrefaçon du 05 octobre 2011, de prononcer, de plus, la nullité du modèle en cause avec inscription au Registre national des dessins et modèles,
à titre subsidiaire et au visa des articles
L 513-4 à L 513-6, L 521-1 et L 112-2,
L 122-1,
L 122-3,
L 122-4,
L 335-2 et
L 331-1-3 du code de la propriété intellectuelle, de dire qu'elles n'ont commis aucun acte de contrefaçon et, plus subsidiairement sur ce point, que la société Piganiol ne rapporte la preuve d'aucun préjudice ; de débouter en conséquence l'appelante de ses entières prétentions,
en tout état de cause de condamner l'appelante à payer à chacune d'entre elles la somme de 10.000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile et à supporter les entiers dépens.
SUR CE,
Sur la validité du modèle de parapluie n° 2010/5182
Considérant qu'alors que le tribunal a jugé que ce modèle était nouveau et présentait un caractère propre au sens des articles
L 511-3 et
L 511-4 du code de la propriété intellectuelle, les sociétés intimées, formant appel incident, observent qu'il ressort de sa description que ce n'est pas la forme, au demeurant banale et usuelle, de la partie toilée qui est visée par la demande de protection mais le motif qui y est reproduit, lequel représente (selon un dépôt effectué en noir et blanc) « un jeu de rayures et un détail style fermeture à glissière » et soutiennent qu'il n'est pas nouveau et qu' en tout état de cause il ne présente pas un caractère propre ;
Qu'elles font ainsi valoir que n'est pas nouveau le motif de marinière (remontant au XIXe siècle et repris par Coco Chanel ou Jean-Paul Gaultier) quand bien même il est associé à un motif de parapluie (citant le modèle de parapluie de la collection printemps/été 2007 de Jean-Paul Gaultier) et que ne l'est pas davantage l'adjonction d'une fermeture à glissière, véritable ou selon un détail imprimé, cette composition ayant d'ailleurs été apposée sur un modèle de parapluie Guy D depuis 1999 ; que le fait que ce dernier modèle comporte des rayures verticales et non point horizontales constitue, à son sens et contrairement à ce qui a été jugé, un détail insignifiant ;
Qu'elles soutiennent qu'en toute hypothèse, il ne présente aucun caractère propre et tirent argument de la reproduction de rayures sur des modèles de vêtements ou sur les parapluies susmentionnés ainsi que sur des modèles de la société Piganiol elle-même (modèlesn°0955236008 et 084822-003 déposés les 12 novembre 2009 et 27 octobre 2008) qui suscitent, selon elles, sur l'observateur averti une même impression d'ensemble ;
Considérant, ceci exposé, qu'afin d'apprécier les conditions cumulativement prévues par les textes précités pour ouvrir droit à la protection du Livre V, il importe de s'attacher à la seule apparence du modèle déposé et de procéder à sa comparaison avec les antériorités qui lui sont opposées en les envisageant dans leur ensemble et non point, comme le voudraient les intimées, selon les éléments entrant dans leur composition pris isolément, d'autant, au cas particulier, que la direction des rayures qui participent à la ligne générale d'un modèle ou encore le motif de fermeture à glissière en cause qui occupe la moitié d'un pan du parapluie et présente la particularité d'être faiblement entrouverte n'ont rien d'insignifiants ;
Que force est de considérer, après examen des différentes pièces produites par les intimées, que, par motifs pertinents que la cour fait siens, le tribunal a jugé que les antériorités évoquées et, en particulier, le parapluie de la société Guy Dejean ' aux baleines d'une hauteur inaccoutumée et présentant de ce fait, comme l'écrit la société Piganiol, une forme de cloche avec adjonction, sur l'un des pans ornés de rayures verticales, d'une véritable fermeture à glissière remontant jusqu'à sa partie sommitale - ne peuvent être tenues pour des antériorités de toutes pièces destructrices de nouveauté ;
Que, semblablement, il a justement considéré que son caractère propre ne pouvait être dénié en regard des modèles opposés ; que tant les modèles de parapluies des sociétés Guy D et Jean-Paul Gaultier que les modèles précédemment déposés par la société Piganiol ne produiront pas sur l'observateur averti ' ici le public intéressé à même de déceler des différences de détail dans un domaine où la liberté du créateur est limitée ainsi que les professionnels du secteur concerné ' une même impression visuelle d'ensemble ;
Qu'il s'en déduit que les sociétés intimées ne sont pas fondées en leur moyen et que le jugement mérite confirmation sur ce point ;
Sur l'action en contrefaçon
Sur la preuve de la contrefaçon
Considérant que parmi les cinq éléments de preuve dont la validité ou la valeur probante sont débattues en cause d'appel, figurent les procès-verbaux de saisie-contrefaçon réalisés le 30 septembre 2011 (au nombre de deux) puis le 05 octobre 2011 (pièces 1a, 1b et 25 de la société Piganiol) en vertu d'une ordonnance présidentielle rendue le 10 août 2011 (pièce 24 de la société Piganiol) ;Qu'à juste titre, le tribunal a annulé le procès-verbal du 30 septembre 2011 réalisé dans le salon de coiffure parisien à l'enseigne « Sylvie M. » du fait que l'huissier, qui n'avait pas découvert préalablement sur les lieux d'objets argués de contrefaçon a, sans y être autorisé, produit à la personne intéressée l'objet visé dans l'ordonnance afin de recueillir ses déclarations ;
Qu'il en va de même et par mêmes motifs, du procès-verbal réalisé à la même date dans le salon de coiffure parisien à l'enseigne « Angela Coiffure » ainsi qu'énoncé (mais avec une confusion dans la mention du lieu) dans le seul dispositif de la décision entreprise ;
Que le procès-verbal du 05 octobre 2011 encourt, pour les mêmes motifs, la même sanction ; qu'il sera ajouté au jugement dans ce sens ;
Que, s'agissant de la sommation interpellative du 21 septembre 2011 (pièce 3 de l'appelante), sa lecture conduit à considérer, comme l'a fait le tribunal, qu'il ne s'agit pas d'une saisie-contrefaçon effectuée sans autorisation mais du recueil des réponses de la gérante d'un salon de coiffure du Plessis-Robinson sur la présence passée d'une vitrophanie dans ce salon, de sorte que le moyen ne peut prospérer ;
Que, s'agissant enfin du procès-verbal de constat réalisé, depuis la voie publique, le 26 septembre 2011 (pièce 2 de l'appelante) et qui consiste en deux photographies de la façade de l'immeuble constituant le lieu du siège social de la société L'Oréal, les sociétés intimées ne peuvent valablement se prévaloir d'un usage à titre privé du visuel dans des locaux professionnels alors que, sur la première des photographies, la vitrophanie représentant le modèle de parapluie en cause, visible sur un fond bleu et juste au-dessus de l'enseigne « L'Oréal » constituée de lettres dorées en relief, doit être considérée comme une diffusion à l'adresse du public, quand bien même l'huissier aurait utilisé un zoom pour réaliser la seconde ;
Que la force probante de cette constatation, susceptible d'être prise en considération pour porter une appréciation sur l'ampleur de l'usage qui a été fait du modèle revendiqué ne peut, dès lors, être contestée par les intimées ;
Sur les limitations du champ de la protection invoquées par les intimées
Considérant que le principal visuel litigieux représente en son centre, émergeant d'une surface blanche plissée, les épaules et le bras droit d'une jeune femme au foulard et aux cheveux flottants, qui porte, au niveau de sa tempe droite, sa main droite tenant à l'extrémité de ses doigts, un parapluie déployé présentant les mêmes caractéristiques que le modèle déposé par la société Piganiol, le pan comportant lafermeture à glissière étant figuré de face ; que le décor comprend également, au premier plan du visuel, les miniatures d'un paquebot et d'une chaise transat barrés par les termes « Summer Illusion » en lettres évoquant une écriture manuscrite, et, au sommet du visuel, en position centrale et en lettres noires majuscules, les termes « L'Oréal (« Paris » inclus dans le « O ») Professionnel » ;
Que le modèle de parapluie figure dans une petite pastille sur deux autres visuels de la même campagne mettant en valeur cette jeune femme, mais de manière tronquée au niveau du manche ;
Considérant que pour échapper au grief de contrefaçon, les intimées approuvent le tribunal en ce qu'il a considéré qu'il ne ressort pas suffisamment des dispositions de l'article
L 513-4 du code de la propriété intellectuelle selon lequel :
«Sont interdits, à défaut de consentement du propriétaire du dessin ou modèle, la fabrication, l'offre, la mise sur le marché, l'importation, l'exportation, l'utilisation ou la détention à ces fins, d'un produit incorporant le dessin ou modèle
que l'usage à titre publicitaire d'un modèle soit un acte illicite ;
Qu'elles le critiquent toutefois en ce qu'il a conclu à la reproduction illicite de ce modèle en se fondant sur l'article L 513-6 pris a contrario du même code du fait que cet article ne concerne que les exceptions au droit exclusif du titulaire du modèle et que le tribunal avait précédemment exclu du monopole dont bénéficie le titulaire d'un modèle déposé l'usage publicitaire qui en est fait ;
Qu'elles contestent, enfin, le bien-fondé de l'action en contrefaçon également présentée par leur adversaire sur le terrain du droit d'auteur au motif que cette dernière ne démontre pas l'originalité de son parapluie ;
Considérant, ceci exposé, que la liste des actes susceptibles de constituer des actes de contrefaçon contenue à l'article
L 513-4 précité portent sur un produit, au sens de l'article 1er sous b) de la directive 98/71/CE à la lumière de laquelle doit être interprété le droit national, fabriqué et mis sur le marché ; qu'il ne peut donc servir de fondement à la présente action, comme le soutiennent les intimées ;
Qu'invoquant des jurisprudences rendues sous l'empire de la loi ancienne, l'appelante ne peut, de son côté, valablement se prévaloir du caractère illicite d'actes de reproduction, propres au droit d'auteur dont elle ne recherche pas, au demeurant, la protection dans le dispositif de ses conclusions, en méconnaissance des dispositions de l'article
954 du code de procédure civile ;Qu'il n'en demeure pas moins qu'elle invoque une atteinte aux droits exclusifs dont débattent également les intimées en contestant l'application de l'article L 513-6 précité ;
Qu'à cet égard, la protection conférée par l'enregistrement d'un dessin ou modèle s'étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente, étant de plus rappelé que son libellé est sans incidence sur l'étendue de la protection ;
Que tel est le cas du modèle de parapluie utilisé pour figurer dans le visuel litigieux ci-dessus décrit, de sorte que l'appelante est fondée à se prévaloir de la protection conférée par l'enregistrement de son modèle ;
Qu'il y a lieu d'ajouter que bien que les intimées poursuivent l'infirmation du jugement qui énonce dans ses motifs que le parapluie figurant sur le visuel n'a pas un caractère accessoire par rapport au sujet traité, elles ne le contestent qu'à la faveur de leur argumentation sur le préjudice allégué en soulignant le minimalisme de sa figuration sur un seul des trois visuels utilisés, dans un décor « style marinière » évoquant l'été aux côtés de deux autres objets miniaturisés alors qu'il y a lieu de considérer qu'il ne peut être tenu pour insignifiant et contribue manifestement au message véhiculé par ce visuel, tel qu'évoqué par les intimées ;
Qu'il échet, par conséquent, de considérer qu'en faisant figurer, sans autorisation, sur le visuel litigieux un modèle de parapluie qui ne produit pas sur l'observateur averti une impression visuelle d'ensemble différente de celle produite par le modèle n° 2010/5182 tel que déposé et enregistré, les sociétés intimées ont porté atteinte aux droits de la société Piganiol dont la protection est assurée par le Livre V du code de la propriété intellectuelle ;
Sur les mesures réparatrices
Considérant que la société appelante fait principalement valoir, puisqu'elle maintient subsidiairement sa demande d'information, qu'à la suite du jugement entrepris qui n'a pas prononcé de condamnation pécuniaire mais seulement ordonné une mesure d'interdiction, elle produit des preuves de la commercialisation du modèle de parapluie dénommé « Marinière zip » de nature à justifier l'allocation de la somme forfaitaire de 700.000 euros réclamée au titre de l'indemnisation de son préjudice patrimonial et qui correspond au montant des redevances qu'elle aurait pu percevoir si la partie adverse lui avait demandé d'utiliser le droit auquel elle a porté atteinte, comme le prévoit notamment l'article
L 521-7 du code de la propriété intellectuelle ;Qu'elle expose avoir subi un préjudice moral en incriminant d'abord l'absence d'interruption de la campagne publicitaire nonobstant sa mise en demeure - attestant par là même de la conscience manifeste de commettre un acte illicite et de l'importance que revêtait cette campagne pour la société L'Oréal -, et, par ailleurs, sa poursuite en dépit de la mesure d'interdiction ordonnée, comme le prouve un constat réalisé à Aurillac le 31 juillet 2014 ;
Qu'elle estime que son modèle a été galvaudé à l'échelle nationale et internationale par sa diffusion sur internet, qu'une visibilité d'une telle ampleur comme objet publicitaire associé à une marque de produits de coloration pour cheveux (comme l'ont été les parapluies distribués pour la promotion d'un produit vendu sous la marque Kérastase de la société L'Oréal), l'a dévalorisé et a détruit son potentiel promotionnel et commercial en portant atteinte à sa propre image de qualité ; qu'invoquant le droit de divulgation de l'auteur d'une œuvre ou son droit au respect, elle ajoute que le défaut de mention du nom du titulaire des droits sur le modèle reproduit constitue une reproduction illicite portant atteinte à son droit moral et qu'il convient de tenir compte de son image de marque ;
Que pour justifier, par ailleurs, du préjudice patrimonial subi, elle met en exergue l'importance de la thématique du parapluie, gage de protection, pour la société L'Oréal et affirme qu'elle aurait été en mesure de négocier une redevance proportionnelle ; que la reproduction de parapluies géants sur les vitrophanies qui se retrouvent miniaturisées sur le visuel la conduisent à dire qu'il constitue la signature de la gamme de produits commercialisés, que le budget publicitaire confié par la société L'Oréal à la société Publicis s'élevait à 500 millions d'euros en 2008 et qu'elle aurait pu, elle-même, céder ses droits pour la France, l'Europe et le reste du monde moyennant des redevances de 400.000, 150.000 et 150.000 euros, en précisant qu'elle réalise un chiffre d'affaires annuel d'environ 4 millions d'euros et consacre un budget annuel moyen d'environ 250.000 euros aux dépenses de création et de promotion ;
Considérant, ceci rappelé, que la référence au droit d'auteur dont, comme il a été dit, la société Piganiol ne demande pas la protection dans le dispositif de ses conclusions, est sans portée d'autant qu'il est demandé à la cour d'évaluer le préjudice subi selon ce que prévoit l'alinéa 2 de l'article
L 521-7 du code de la propriété intellectuelle aux termes duquel :
«Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages-intérêts une somme forfaitaire qui ne peut être inférieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a été porté atteinte » ;Qu'il y a lieu, par conséquent, de s'en tenir au montant de la redevance qui aurait pu être négociée si les intimées avaient sollicité le droit de faire usage du modèle déposé pour la campagne de publicité en question ;
Qu'à cet égard, si la société Piganiol fait état de ses investissements destinés à la création et à la promotion de ses produits, elle ne fournit pas d'indications sur d'éventuelles licences qu'elle aurait pu concéder, ni d'éléments sur des redevances qui auraient pu faire l'objet de conventions dans le cadre d'une campagne promotionnelle d'une durée d'un semestre, comme en l'espèce, et servir d' éléments de référence ou bien sur des usages en la matière, ni davantage de chiffres précis sur le nombre de visuels et de vitrophanies effectivement diffusés dans les salons de coiffure commercialisant, sur le territoire français, des produits L'Oréal lors de la campagne litigieuse, ni encore moins sur leur diffusion à l'étranger ;
Que ces derniers éléments - qui tendent à démontrer que la diffusion n'a pas eu l'ampleur qu'entend lui donner la société Piganiol et sur lesquels s'appuient les intimées pour voir réduire à de plus justes proportions le montant de l'indemnité sollicitée - doivent être pris en considération pour apprécier le montant de la redevance exigible du fait de l'utilisation du modèle enregistré sur les visuels ;
Qu'il est vrai, cela étant, que ce modèle a fait l'objet d'une diffusion ciblée par la mise en place de vitrophanies lors de cette campagne promotionnelle, comme cela résulte des procès-verbaux produits ;
Qu'eu égard à ces divers éléments, qu'il convient d'allouer à la société Piganiol une somme indemnitaire forfaitaire de 30.000 euros au paiement de laquelle les deux sociétés intimées seront tenues in solidum ;
Que la mesure d'interdiction, de nature à faire cesser l'atteinte, doit, quant à elle, être confirmée ;
Sur les autres demandes
Considérant que l'équité conduit à allouer à la société Piganiol une somme de 6.000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile ;
Que, déboutée de ce dernier chef de demande, les sociétés L'Oréal et Publicis Conseil qui succombent supporteront les dépens d'appel ;
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement et, procédant à une rectification sur la désignation des actes d'huissier figurant au dispositif en y ajoutant ;Déclare nuls les procès-verbaux de saisie-contrefaçon effectués le 30 septembre 2011 dans les locaux de la société à l'enseigne « Angela C », [...] dans le 19ème arrondissement de Paris et le 05 octobre
2011 dans les locaux de la SARL Coupe & Chic, [...] dans le 15ème arrondissement de Paris ;
Condamne in solidum la société L'Oréal SA et la société Publicis Conseil SA à verser à la société Piganiol SAS la somme forfaitaire de 30.000 euros par application de l'article 521-7 alinéa 2 du code de la propriété intellectuelle, en réparation de l'entier préjudice subi ;
Déboute les sociétés intimées de leurs prétentions ;
Condamne in solidum la société L'Oréal SA et la société Publicis Conseil SA à verser à la société Piganiol SAS la somme de 6.000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile et à supporter les dépens, avec faculté de recouvrement conformément aux dispositions de l'article
699 du code de procédure civile.