Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 3 mai 2006, 04-17.075

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2006-05-03
Cour d'appel de Colmar (1re chambre civile, section B)
2004-04-07

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Donne acte à M. X... et à Mme Y... épouse X... et à M. Z..., ès qualités, du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre M. A..., en qualité de commissaire à l'exécution du plan ; Statuant tant sur le pourvoi principal formé par les époux X... que sur le pourvoi provoqué relevé par M. Z... en qualité de liquidateur judiciaire de M. X... : Attendu, selon l'arrêt déféré (Colmar, 7 avril 2004), que M. X... ayant été mis en redressement judiciaire le 2 septembre 1996, l'administrateur judiciaire a, le 6 septembre suivant demandé à la Banque populaire d'Alsace (la banque) d'accorder au débiteur une ouverture de crédit sous la forme d'une ligne de mobilisation de créances professionnelles selon les modalités de la loi du 2 janvier 1981 devenue les articles L. 313-23 à L. 313-35 du Code monétaire et financier ; que la banque a accepté par une lettre du 10 septembre 1996 à laquelle était jointe une convention-cadre de cession de créances ; que le juge-commissaire a, par ordonnance du 13 septembre 1996, autorisé la mise en place de cette ouverture de crédit ; que le plan de redressement ayant été arrêté le 1er septembre 1997, la banque a, par lettre du 9 septembre suivant, informé M. X... que, dans la mesure où la ligne de crédit n'avait été consentie que pour la durée de la période d'observation et où celle-ci avait pris fin, son concours avait pris fin à la date du 1er septembre 1997 et que le compte devrait désormais fonctionner sur une base exclusivement créditrice ; que des chèques ou des ordres de virement, émis ultérieurement, n'ont pas été honorés et que la banque a notifié à M. X... des interdictions d'émettre des chèques concernant l'une, son compte professionnel, l'autre, le compte privé de M. et Mme X... ; que ceux-ci ont, le 11 décembre 1997, assigné la banque pour faire constater qu'elle avait rompu l'ouverture de crédit de manière abusive ; qu'un jugement du 25 mai 1998 ayant prononcé la résolution du plan et la liquidation judiciaire a été déclaré non avenu le 2 juillet 2002 ; que le tribunal statuant sur le litige opposant les époux X... à la banque, a ordonné la mainlevée de l'interdiction d'émettre de chèques, rejeté toutes les autres demandes des époux X... et accueilli la demande reconventionnelle ;

Sur le premier moyen du pourvoi principal et le premier moyen

du pourvoi provoqué, rédigés en termes identiques, réunis :

Attendu que les époux X... et M. Z..., ès qualités, font grief à

l'arrêt d'avoir rejeté l'action engagée par les époux X... alors, selon le moyen : 1 ) que la convention-cadre de cession de créances conclue durant la période d'observation entre la banque et le débiteur et l'administrateur chargé d'assister celui-ci pour tous les actes concernant la gestion, prévoyait, en ses stipulations relatives à sa durée : " La présente convention est conclue pour une durée indéterminée. Elle pourra être dénoncée par chaque partie, sous réserve d'un préavis de 15 jours notifié à l'autre partie par lettre recommandée " ; qu'en déclarant nonobstant ces termes clairs, que la convention avait été conclue pour la durée déterminée de la période d'observation de sorte qu'elle avait automatiquement pris fin avec le jugement arrêtant le plan de continuation, la cour d'appel a violé l'article 1134 du Code civil ; 2 ) que le changement de régime juridique de la procédure de redressement judiciaire passant de la période d'observation à la phase d'exécution du plan de continuation de l'entreprise ne justifie pas la rupture brutale de concours bancaires précédemment accordés ; qu'en jugeant du contraire, pour rejeter l'action en responsabilité engagée contre la banque qui avait brutalement rompu une convention cadre de cession de créances Dailly, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 60 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 devenu l'article L. 313-12 du Code monétaire et financier ; 3 ) qu'à supposer même qu'en l'état d'éléments extrinsèques à la convention cadre de cession de créances Dailly, les juges du fond aient pu retenir que la durée de la convention était limitée à la période d'observation, de sorte que la banque aurait pu mettre fin à la convention du fait du jugement arrêtant le plan de cession, cet établissement de crédit devait faire bénéficier M. X... du préavis de 15 jours qui avait été expressément stipulé, ou à tout le moins d'un préavis raisonnable ménageant une transition entre les deux régimes ; qu'en considérant que la banque n'avait pas à accorder un tel préavis, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil, ensemble l'article 60 de la loi n° 84-46 du 24 janvier 1984 devenu l'article L. 313-12 du Code monétaire et financier ;

Mais attendu

, en premier lieu, que c'est par une interprétation souveraine des lettres échangées entre les parties et de la convention-cadre, que leur rapprochement rendait nécessaire, que la cour d'appel, a retenu, sans dénaturation, que la clause de la convention-cadre selon laquelle celle-ci pouvait être dénoncée par chaque partie, sous réserve d'un préavis de quinze jours, n'était pas incompatible avec l'économie de l'ouverture de crédit octroyée pour la durée de la période d'observation, puisqu'elle permettait à chaque partie d'y mettre fin avant l'arrivée du terme ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; Attendu, en second lieu, qu'un crédit consenti pour une durée déterminée prend fin, sans préavis, au terme convenu ; qu'après avoir retenu, par une appréciation souveraine des conventions des parties, que l'ouverture de crédit avait été consentie pour les besoins de la poursuite de l'exploitation de l'entreprise du débiteur durant la période d'observation et qu'elle avait trouvé nécessairement son terme à la date du jugement 1er septembre 1997 qui y avait mis fin, la cour d'appel en a déduit que la banque n'avait commis aucun abus lorsque, informée du jugement, elle avait rappelé au débiteur que son concours avait pris fin à cette date en lui précisant que le compte devait désormais fonctionner sur des bases exclusivement créditrices ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

Sur le deuxième moyen du pourvoi principal et le deuxième moyen

du pourvoi provoqué, rédigés en termes identiques, réunis :

Attendu que les époux X... et M. Z..., ès qualités, font grief à

l'arrêt d'avoir infirmé le jugement en ce qu'il avait ordonné la mainlevée de l'interdiction d'émettre des chèques à l'encontre des époux X..., alors, selon le moyen, qu'en application de l'article 625 du nouveau Code de procédure civile, la cassation à intervenir sur le premier moyen relatif à la faute de la banque, entraînera par voie de conséquence la cassation de la disposition de l'arrêt ayant refusé d'ordonner l'interdiction d'émettre des chèques à l'encontre de M. et Mme X... ;

Mais attendu

que le premier moyen n'étant pas fondé, le deuxième qui invoque la cassation par voie de conséquence est devenu inopérant ;

Et sur le troisième moyen du pourvoi principal et le troisième moyen

du pourvoi provoqué rédigés en termes identiques, réunis :

Attendu que les époux X... et M. Z..., ès qualités, font grief à

l'arrêt d'avoir accueilli les demandes de la banque en paiement des sommes de 17 754,98 francs avec les intérêts au taux légal à compter du 1er décembre 1997, de 90 867,62 francs avec les intérêts au taux de 10,55% à compter du 1er décembre 1997 et 6 835,55 francs avec les intérêts au taux de 18% à compter du 1er décembre 1997, alors, selon le moyen : 1 ) que la résolution du plan de continuation et l'ouverture de la procédure de liquidation judiciaire suspend ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance a son origine antérieurement au jugement ouvrant la liquidation judiciaire et tendant à la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; qu'après avoir constaté que par jugement du 25 mai 1998, le tribunal avait prononcé la résolution du plan de redressement et la liquidation judiciaire de M. X... et nommé M. Z... aux fonctions de liquidateur, la cour d'appel a confirmé le jugement du 17 février 1998 ayant accueilli des demandes en paiement de sommes d'argent au titre de créances antérieures à la liquidation judiciaire prononcée ; qu'en méconnaissant de la sorte le principe d'ordre public de l'arrêt des poursuites individuelles qui découlait de plein droit, du jugement du 25 mai 1998, la cour d'appel a violé l'article L. 621-40 du Code de commerce ; 2 ) que l'admission à titre privilégié de la créance hypothécaire de la banque au passif du débiteur à l'occasion de la première procédure ne dispensait pas l'établissement de crédit de se soumettre à la procédure de vérification des créances dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire ouverte par suite de la résolution du plan de continuation, l'autorité de la chose jugée ne se rapportant qu'à la première procédure ; qu'en jugeant, au contraire, que l'admission prononcée par le juge-commissaire dans la première procédure avait autorité de chose jugée, pour prononcer la condamnation, la cour d'appel a violé l'article 1351 du Code civil, ensemble l'article L. 621-43 du Code de commerce ;

Mais attendu

, d'une part, que l'arrêt retient qu'une décision du 2 juillet 2002 a constaté la péremption du jugement du 25 mai 1998 ayant mis M. X... en liquidation judiciaire, ce dont il résulte que la règle de l'arrêt des poursuites individuelles ne trouvait pas matière à s'appliquer ; Attendu, d'autre part, que la cour d'appel s'est prononcée sur une demande reconventionnelle dont la créance hypothécaire était exclue ; D'où il suit, qu'inopérant en sa première branche, le moyen manque en fait pour le surplus ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE les pourvois principal et provoqué ; Condamne M. et Mme X... et M. Z..., ès qualités, aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, condamne M. et Mme X... et M. Z..., ès qualités, à payer à la Banque populaire d'Alsace la somme globale de 2 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du trois mai deux mille six. LE CONSEILLER RAPPORTEUR LE PRESIDENT LE GREFFIER DE CHAMBRE