ARRET
N°83
Société [6]
C/
Organisme CARSAT ALSACE MOSELLE
COUR D'APPEL D'AMIENS
TARIFICATION
ARRET DU 09 SEPTEMBRE 2022
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N° RG 21/02768 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IDRM
Décision de la CARSAT ALSACE-MOSELLE en date du 22 mars 2021
PARTIES EN CAUSE :
DEMANDEUR
La Société [6]( SA) venant aux droits de [5], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
(MP : M. [W] [T])
[Adresse 8]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Olympe TURPIN, avocat au barreau d'AMIENS substituant Me Frédéric BEAUPRE de la SELARL TELLUS AVOCATS, avocat au barreau de METZ
ET :
DÉFENDEUR
La CARSAT ALSACE MOSELLE, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Mme [Y] [P] dûment mandatée
DÉBATS :
A l'audience publique du 06 Mai 2022, devant Mme Jocelyne RUBANTEL, Président assisté de Mme Brigitte DENAMPS et M. Michel GOYER, assesseurs, nommés par ordonnances rendues par Madame la Première Présidente de la Cour d'appel d'Amiens les 03 mars 2022, 07 mars 2022, 30 mars 2022 et 27 avril 2022.
Mme Jocelyne RUBANTEL a avisé les parties que l'arrêt sera prononcé le 09 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe de la copie dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du Code de procédure civile.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Blanche THARAUD
PRONONCÉ :
Le 09 Septembre 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Jocelyne RUBANTEL, Président et Marie-Estelle CHAPON, Greffier.
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DECISION
La société [6] ([6]), venant aux droits de la société [5] ([5]), est spécialisée dans le secteur d'activité de la sidérurgie.
Le 7 septembre 2020 M. [T], salarié de la société [5] en qualité d'électricien de 1963 à 1998, a complété une déclaration de maladie professionnelle référencée au tableau n°30 des maladies professionnelles au titre d'une asbestose liée à l'amiante, sur la base d'un certificat médical initial établi le 12 août 2020.
La caisse primaire a pris en charge cette affection au titre de la législation professionnelle et les conséquences financières y afférentes ont été imputées sur le compte employeur de la société [6].
Par courrier du 26 février 2021, la société [6] a sollicité auprès de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail Alsace-Moselle (la CARSAT) l'inscription au compte spécial du sinistre relatif à la pathologie de M. [T], demande qui a été rejetée par décision du 22 mars 2021.
Par acte d'huissier de justice délivré le 11 mai 2021 et visé par le greffe le 28 mai suivant, la société [6] a fait assigner la CARSAT devant la cour d'appel d'Amiens à l'audience du du 17'décembre 2021.
Après renvoi, l'affaire a été appelée à l'audience du 6 mai 2022.
Par dernières conclusions visées par le greffe le 9 décembre 2021, auxquelles elle s'en est rapportée à l'audience, la société [6] demande à la cour d'infirmer la décision de la CARSAT et de retirer de son compte employeur les sommes dues au titre de la maladie de M. [T].
Par dernières conclusions visées par le greffe le 16 décembre 2021, auxquelles elle s'en est rapportée à l'audience, la CARSAT demande à la cour de :
-'constater que la société [6] n'apporte pas la preuve que M. [T] a été exposé au risque de sa maladie au sein d'autres entreprises,
-'dire et juger que les conditions d'application de l'article 2, paragraphe 4, de l'arrêté du 16'octobre'1995 ne sont pas remplies,
-'confirmer sa décision de maintenir sur le compte employeur de la société [6] les conséquences financières de la maladie de M. [T],
-'rejeter le recours et les demandes de la société [6].
Conformément à l'article
455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s'agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.
MOTIFS
Au soutien de sa demande d'inscription au compte spécial, la société [6] expose que d'après les archives qu'elle détient M. [T] a eu d'autres employeurs chez qui il a pu être exposé au risque amiante, notamment lorsqu'il était électromécanicien dans les mines de [Localité 7] de 1960 à 1962.
Elle argue également que la CARSAT a fait droit à sa demande dans un autre dossier en tout point similaire et où son salarié avait lui aussi travaillé dans des mines de charbon.
La CARSAT conclut au rejet du recours et réplique que la société [6] n'apporte aucune preuve sur l'exposition à l'amiante de son salarié chez d'autres employeurs. Elle ajoute que la demande à laquelle elle a fait droit pour la maladie d'un autre salarié était fondée sur l'article 2, paragraphe 2 et non paragraphe 4 et que les conditions d'inscription au compte spécial étaient dès lors nécessairement différentes.
Aux termes des articles
D.242-6-5 et
D.242-6-7 du Code de la sécurité sociale fixant les règles de tarification des risques des accidents du travail et maladies professionnelles, il est prévu que les dépenses engagées par les caisses d'assurance maladie par suite de la prise en charge de maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixées par un arrêté ministériel ne sont pas comprises dans la valeur du risque ou ne sont pas imputées au compte employeur mais inscrites à un compte spécial.
L'article 2, paragraphe 4, de l'arrêté du 16 octobre 1995 dispose que «'sont inscrites au compte spécial conformément aux dispositions de l'article D.246-6-5, les dépenses afférentes à des maladies professionnelles constatées ou contractées dans les conditions suivantes': (...)
4) La victime de la maladie professionnelle a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie'».
Les articles susvisés imposent à l'employeur de démontrer que le salarié a été exposé au risque chez les employeurs précédents sans qu'il y ait lieu de lui imposer de rapporter la preuve de la non exposition au risque de sa maladie dans son entreprise.
Il ressort donc des articles ci-dessus cités deux conditions cumulatives pour que soit possible l'inscription au compte spécial':
-'Le salarié doit avoir été exposé au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes,
-'Il est impossible de déterminer l'entreprise au sein de laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie
Dans le cas d'une demande d'inscription au compte spécial, la charge de la preuve de la réunion de ces deux conditions incombe à l'employeur.
En l'espèce, pour en justifier, la société [6] produit divers courriers, dont celui de réserves qu'elle a transmis à la caisse primaire durant l'instruction, la déclaration de maladie professionnelle et le certificat médical initial ainsi qu'un courrier de la CARSAT relatif au retrait d'un autre sinistre de son compte employeur.
La demanderesse entend ainsi fonder sa demande d'inscription au compte spécial sur la seule déclaration de maladie professionnelle de M. [T] et sur un courrier qu'elle a elle-même établi.
La cour rappelle à ce titre que la seule mention des postes précédemment exercés par un salarié, figurant généralement dans la déclaration de maladie professionnelle, ne constitue, ni la preuve des conditions de travail réelles qu'il a pu rencontrer, ni celle de l'exposition au risque de sa pathologie chez de précédents employeurs.
Pareillement, le courrier de réserves dont elle se prévaut ne démontre pas plus que M.'[T] aurait été exposé au risque amiante lorsqu'il travaillait dans les mines de charbon de 1960 à 1962, courrier qu'elle établit elle-même et qui ne présente dès lors pas un caractère objectif.
Il est donc impossible pour la cour d'apprécier la réalité d'une exposition à l'amiante de M.'[T] lorsqu'il travaillait dans les mines de charbon de [Localité 7] entre 1960 et 1962.
Il est d'ailleurs relevé que la société [6] affirme elle-même dans son courrier à la caisse primaire qu'elle a pu exposer son salarié au risque d'inhalation de poussières d'amiante entre 1963 et 1976.
Enfin, la société [6] ne peut soutenir qu'elle rapporte la preuve de l'exposition multiple au risque de M. [T] en produisant un courrier de la CARSAT et ses propres conclusions, établies dans le cadre d'un contentieux concernant un autre salarié.
La société [6] échoue donc à rapporter la preuve qui lui incombe de la réunion des conditions d'application de l'article 2, paragraphe 4, de l'arrêté précité.
La décision de la CARSAT de maintenir sur le compte employeur de la société [6] les conséquences financières de la maladie de M. [T] était donc fondée et la société [6] sera déboutée de l'ensemble de ses demandes.
Succombant totalement, la société [6] sera condamnée aux entiers dépens de l'instance conformément à l'article
696 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, rendu publiquement par sa mise à disposition au greffe, en premier et dernier ressort,
Dit que les conditions d'application de l'article 2, paragraphe 4, de l'arrêté du 16'octobre'1995 ne sont pas réunies,
Dit qu'il y a lieu de maintenir sur le compte employeur de la société [6], venant aux droits de la société [5], les conséquences financières de la maladie professionnelle de M. [T],
Déboute par conséquent la société [6] de l'ensemble de ses demandes,
CONDAMNE la société [6] aux entiers dépens de l'instance.
Le Greffier,Le Président,