AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIERE ET ECONOMIQUE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Paris, 17 février 2004), qu'à la suite de la mésentente opposant MM. X... et Y... da Z..., associés de la société Lobos Nettoyage (la société Lobos), M. A... a été désigné, par ordonnance de référé du 25 juillet 1997, en qualité d'administrateur provisoire avec mission d'administrer et de gérer cette société ; que par arrêt du 22 mai 2001, la société Lobos a été condamnée à payer diverses indemnités à l'un de ses salariés, M. B..., dont le contrat de travail avait été rompu consécutivement à la reprise par la société Sodiprest du chantier de nettoyage sur lequel il était affecté, faute de transmission par la société Lobos à la société Sodiprest, dans le délai de huit jours, des documents nécessaires au transfert de ce salarié ; que, soutenant que M. A... avait commis une faute en transmettant tardivement ces documents, la société Lobos l'a assigné en responsabilité ;
Attendu que la société Lobos fait grief à l'arrêt d'avoir rejeté sa demande alors, selon le moyen :
1 / que tout mandataire de justice répond, sur le fondement des articles
1382 et
1383 du Code civil, des fautes, notamment de négligence, commises par lui dans l'exécution de sa mission ; qu'en retenant, pour écarter la faute de l'administrateur, que la société Lobos ne démontrait pas que M. A... aurait été informé à temps, par l'un ou l'autre des associés, du transfert du chantier à la société Sodiprest, bien qu'il incombait à cet administrateur judiciaire, investi des plus vastes pouvoirs d'administration et de gestion pendant la période où est intervenu le transfert et dont le mandataire, le cabinet d'expert comptable ABC, a adressé tardivement à la société repreneur les documents nécessaires à la reprise d'un contrat de travail, d'assurer lui-même le suivi des chantiers de nettoyage, la cour d'appel a inversé la charge de la preuve et violé l'article
1315 du Code civil ;
2 / que commet une faute engageant sa responsabilité sur le fondement délictuel, l'administrateur judiciaire qui, pendant la durée de sa mission, adresse hors délai à la société repreneur les documents indispensables pour la transmission du contrat de travail d'un salarié ;
qu'ayant relevé tout à la fois qu'à la date du transfert du marché de nettoyage au profit de la société Sodiprest, M. A... "remplissait sa mission d'administration et de gestion de la SARL Lobos" et que "le bordereau de transmission du cabinet ABC mandaté par M. A..., ... établit que le contrat de travail et les fiches de paie n'ont été adressés par ce cabinet à la société Sodiprest que le 2 décembre 1997, soit plus de huit jours après la date de reprise du chantier", quand le délai imparti était expiré, la cour d'appel aurait dû en déduire l'existence d'une faute de l'administrateur, en lien de causalité avec le préjudice pécuniaire subi par la société Lobos du fait de sa condamnation judiciaire à indemniser le salarié dont le contrat n'avait pu être transféré ; qu'à défaut, elle a violé les articles
1382 et
1383 du Code civil ;
3 / qu'en retenant "qu'il n'est pas davantage démontré que Sodiprest se soit fait connaître auprès de M. A...", quand il incombait à celui-ci, conformément aux termes de sa mission, de gérer personnellement la société et, par conséquent, de suivre lui-même les transferts de marchés, sans que soit mise à la charge de la société repreneur une quelconque obligation de correspondre nominativement avec l'administrateur, la cour d'appel a statué par une motivation inopérante, en violation de l'article
455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'ayant relevé que le suivi du chantier sur lequel travaillait M. B... était resté confié à M. X..., la cour d'appel a exactement décidé, sans inverser la charge de la preuve, que dès lors qu'il n'était pas établi que l'administrateur provisoire avait été informé du transfert de ce chantier, sa responsabilité ne pouvait être retenue du fait de l'envoi tardif des documents nécessaires au transfert du salarié lié à un changement d'employeur dont il n'avait pas eu connaissance ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Lobos Nettoyage aux dépens ;
Vu l'article
700 du nouveau Code de procédure civile, la condamne à payer la somme de 2 000 euros à M. A... ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt septembre deux mille cinq.