Vu la requête
, enregistrée au greffe de la Cour le 23 juillet 2010, complétée par un mémoire enregistré le 5 septembre 2011, présentée pour M. Christopher A, élisant domicile chez M. Bernd ..., par Me Martin, avocat ;
M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0701074 en date du 25 mai 2010 par lequel le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande en décharge du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er avril 1999 au 30 août 2003 par avis de mise de recouvrement du 22 septembre 2005, ainsi que des pénalités dont il a été assorti, ainsi que de l'amende de 5 % prononcée sur le fondement de l'article 1788 septies du code général des impôts ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 7 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient :
- que l'administration n'a pas consulté le comité des abus du droit alors qu'elle a procédé à un abus de droit rampant en lui reprochant d'avoir mis en place un montage fictif pour bénéficier du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge ;
- que le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge était applicable dès lors que les véhicules ont été acquis auprès de particuliers, que les administrations française et allemande n'ont pas contesté ce point quand elles ont procédé antérieurement à des contrôles, que l'administration n'apporte pas la preuve de l'interposition de particuliers et que l'entreprise française n'avait aucun intérêt fiscal à opérer de telles manoeuvres ;
- que, par voie de conséquence, l'amende prévue par l'article 1788 septies du code général des impôts a été prononcée à tort ;
- que l'administration ne démontre pas le bien-fondé de l'application des pénalités pour manoeuvres frauduleuses ;
Vu le jugement attaqué ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 1er mars 2011, présenté par le ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat ;
Le ministre conclut au rejet de la requête ;
Il soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code
général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 20 octobre 2011 :
- le rapport de Mme Stefanski, président,
- les conclusions de M. Féral, rapporteur public ;
- et les observations de Me Martin, avocat de M. A ;
Sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête :
Considérant qu'
aux termes de l'article
L. 64 du livre des procédures fiscales dans sa rédaction alors en vigueur : Ne peuvent être opposés à l'administration des impôts les actes qui dissimulent la portée véritable d'un contrat ou d'une convention à l'aide de clauses : /... c) Ou qui permettent d'éviter, en totalité ou en partie, le paiement des taxes sur le chiffre d'affaires correspondant aux opérations effectuées en exécution d'un contrat ou d'une convention. / L'administration est en droit de restituer son véritable caractère à l'opération litigieuse. En cas de désaccord sur les redressements notifiés sur le fondement du présent article, le litige est soumis, à la demande du contribuable, à l'avis du comité consultatif pour la répression des abus de droit. L'administration peut également soumettre le litige à l'avis du comité dont les avis rendus feront l'objet d'un rapport annuel... ;
Considérant que M. A, qui exerce l'activité de négoce de véhicules dans le cadre de l'entreprise individuelle Leather and Cars France, a appliqué le régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge prévu par l'article 297 A du code général des impôts lors de la revente de neuf véhicules automobiles qu'il avait achetés à l'entreprise individuelle allemande Leather and Cars Allemagne, qu'il détient également, au motif que ces véhicules avaient appartenu avant leur vente à son entreprise allemande à des particuliers n'ayant pas la qualité d'assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'il résulte de l'instruction et notamment de la proposition de rectification que, pour refuser au contribuable l'application du régime de la taxe sur la valeur ajoutée sur la marge aux opérations en cause, le vérificateur s'est fondé, soit sur ce que certains particuliers allemands avaient immatriculé deux véhicules le même jour et les avaient radiés dès le lendemain, soit, sur ce que certaines immatriculations avaient été pratiquées en Allemagne alors que les véhicules étaient déjà entrés sur le territoire français dont ils n'étaient plus sortis ; que pour regarder ces immatriculations comme fictives et relevant d'un montage organisé par M. A au moyen des deux entreprises qu'il dirigeait, en vue de diminuer le prix de vente des véhicules revendus, ce qui avait pour conséquence de réduire le montant de taxe sur la valeur ajoutée collectée, le vérificateur a remis en cause la sincérité des documents présentés par le contribuable relatifs à l'immatriculation de ces véhicules par des particuliers allemands, ainsi que la réalité des ventes ayant donné lieu aux immatriculations suspectées, regardées comme fictives ; qu'en écartant ces documents comme dissimulant, grâce à l'interposition fictive de particuliers, la réalité de l'historique de la propriété des véhicules et de leur immatriculation en Allemagne et en invoquant l'intérêt fiscal s'attachant à cette dissimulation, l'administration a invoqué implicitement mais nécessairement un abus de droit ; que le vérificateur n'a pas avisé M. A qu'il avait la possibilité de saisir le comité consultatif pour la répression des abus de droit ; que, par suite, la procédure d'imposition est entachée d'irrégularité ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a rejeté sa demande tendant à la décharge, d'une part, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er avril 1999 au 30 août 2003 ainsi que des pénalités dont il a été assorti et, d'autre part, de l'amende de 5% prononcée sur le fondement de l'article 1788 septies du code général des impôts et fondée sur les mêmes motifs que les rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;
Sur l'application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application de ces dispositions de condamner l'Etat à verser à M. A une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du Tribunal administratif de Châlons-en-Champagne en date du 25 mai 2010 est annulé.
Article 2 : M. A est déchargé, d'une part, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé pour la période du 1er avril 1999 au 30 août 2003 ainsi que des pénalités dont il a été assorti et, d'autre part, de l'amende de 5% mis à sa charge sur le fondement de l'article 1788 septies du code général des impôts.
Article3 : L'Etat versera à M. A une somme de 1 500 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. Christopher A et au ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l'Etat, porte-parole du gouvernement.
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