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Tribunal administratif de Paris, 4ème Chambre, 26 janvier 2024, 2222085

Mots clés
résidence • requête • recours • retrait • astreinte • preuve • remise • ressort • procès-verbal • signature • statuer • visa • divorce • pouvoir • rejet

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Paris
  • Numéro d'affaire :
    2222085
  • Nature : Décision
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Résumé

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Texte intégral

Vu les procédures suivantes : I. Par une requête, enregistrée le 21 octobre 2022 sous le n° 2222085, et un mémoire, enregistré le 11 mars 2023 et non communiqué, Mme B A, représentée par Me Samy Djemaoun, avocat, demande au tribunal : 1°) d'annuler les décisions des 6 et 7 septembre 2022 par lesquelles le ministre de l'intérieur lui a retiré son certificat de résidence de dix ans puis a refusé de lui restituer ; 2°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui restituer son certificat de résidence algérien de dix ans, dans un délai de vingt-quatre heures à compter de la notification du jugement à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'auteure de la décision du 6 septembre 2022 matérialisant le retrait de son certificat de résidence de dix ans n'était pas compétente pour l'édicter et la signer ; - les décisions du 10 février 2020 retirant son certificat de résidence de dix ans et lui faisant obligation de quitter le territoire ne lui ayant pas été régulièrement notifiées ne lui étaient pas opposables et ne sont jamais entrées en vigueur ; - ces décisions sont entachées d'illégalité, aucune stipulation de l'accord franco-algérien, seul applicable en matière de droit au séjour des ressortissants algériens, ne prévoyant la possibilité pour l'autorité administrative de retirer un certificat de résidence de dix ans délivré sur le fondement de l'article 7 bis en raison de la cessation de la vie commune, d'autant qu'elle est intervenue en l'espèce après qu'elle a déposé plainte pour violences de la part de son époux et de ses beaux-parents ; - la décision du 6 septembre 2022 porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale ; - la décision du 7 septembre 2022 refusant de lui restituer son certificat de résidence est illégale par voie de conséquence. Par un mémoire, enregistré le 15 novembre 2022, le préfet de police demande au tribunal de le mettre hors de cause. Il fait valoir que les décisions des 6 et 7 septembre 2022 ayant été prises par le ministre de l'intérieur, leur défense ne relève pas de sa compétence mais de celle du ministre. Par un mémoire en défense, enregistré le 24 février 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - la requête est irrecevable, le retrait du titre de séjour par la police aux frontières, placée sous l'autorité du ministre de l'intérieur, ne constituant pas une décision de retrait d'un titre de séjour mais un simple acte matériel se bornant à tirer les conséquences de la décision de retrait prise par le préfet de police le 10 février 2020 pour lui restituer ledit titre et la décision de la police aux frontières pouvant être regardée comme ayant été entièrement exécutée avant l'introduction du recours pour excès de pouvoir ; - les moyens soulevés par Mme A ne sont pas fondés, les services de police étant habilités à retenir le passeport ou le document de voyage des personnes de nationalité étrangère en situation irrégulière, la décision de retrait du 10 février 2020 dont il est excipé de l'illégalité, qui lui a été régulièrement notifiée, lui étant opposable et étant devenue définitive faute d'avoir été contestée dans le délai de recours contentieux et Mme A, sans charge de famille en France, ne pouvant se prévaloir d'une vie privée et familiale constituée alors qu'elle ne disposait plus du droit d'y séjourner. Par une ordonnance du 24 février 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 13 mars 2023. II. Par une requête, enregistrée le 26 avril 2023 sous le n° 2309481, Mme B A, représentée par Me Samy Djemaoun, avocat, demande au tribunal : 1°) d'annuler la décision du 24 avril 2023 par laquelle le préfet de police a refusé de renouveler son récépissé de demande de titre de séjour ; 2°) d'enjoindre au préfet de police de lui fixer un rendez-vous afin de lui remettre un récépissé, sans délai, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - la décision, ne comportant ni la signature ni la mention des prénom, nom et qualité de son auteur, est irrégulière ; - elle est entachée d'un défaut de motivation en fait et en droit ; - elle méconnaît les articles L. 431-12 et L. 431-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prescrivent la délivrance et le renouvellement d'un récépissé et l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. La requête a été communiquée au préfet de police qui n'a pas produit de mémoire en défense. Par une ordonnance du 5 octobre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 octobre 2023. III. Par une requête, enregistrée le 7 septembre 2023 sous le n° 2320951, et un mémoire, enregistré le 14 novembre 2023, Mme B A, représentée par Me Samy Djemaoun, avocat, demande au tribunal : 1°) d'annuler l'arrêté du 10 février 2020 par lequel le préfet de police a retiré les certificats de résidence algérien qui lui avaient été délivrés, valables respectivement du 8 février 2017 au 7 février 2018 et du 8 février 2018 au 7 février 2028, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi ; 2°) d'enjoindre au préfet de police de lui restituer son certificat de résidence algérien en cours de validité, dans un délai de deux semaines à compter du jugement à intervenir ; 3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - l'arrêté attaqué ne lui ayant pas été notifié et n'ayant été porté à sa connaissance que le 7 septembre 2022, sa requête, enregistrée dans le délai d'un an issu de la jurisprudence Czabaj, n'est pas tardive et est recevable ; - l'arrêté attaqué est entaché d'incompétence de son signataire ; - il est entaché d'une double erreur de droit, l'ancien article R. 311-5 devenu l'article L. 426-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile permettant le retrait d'une carte de résident délivrée au conjoint de français pour rupture de la vie commune n'étant pas applicable aux certificats de résidence valable dix ans délivrés sur le fondement de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien d'une part et la communauté de vie ayant pris fin en raison des violences commises par son ex-mari et ses beaux-parents d'autre part ; - il porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Par un mémoire en défense, enregistré le 10 octobre 2023, le préfet de police, représenté par Me Jean-Paul Tomasi, avocat, conclut au rejet de la requête. Il soutient que : - à titre principal, la requête, enregistrée après l'expiration du délai de recours qui a commencé à courir à compter de la notification, le 14 février 2020, de la décision attaquée, est tardive et donc irrecevable ; - à titre subsidiaire, les moyens soulevés par Mme A ne sont pas fondés. Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; - l'accord du 27 décembre 1968 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ; - le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Julinet, premier conseiller ; - et les observations de Me Djemaoun pour Mme A.

Considérant ce qui suit

: 1. Mme B A, ressortissante algérienne née le 23 septembre 1983 à Tizi-Ouzou (Algérie) et entrée en France le 19 novembre 2016 sous couvert d'un visa de long séjour, s'est vu délivrer, en raison de son mariage le 26 avril 2016 avec un ressortissant français, un certificat de résidence algérien d'un an, valable du 8 février 2017 au 7 février 2018, puis un certificat de résidence de dix ans, valable jusqu'au 7 février 2028. Le 6 septembre 2022, alors qu'elle revenait d'Algérie par avion, elle a subi un contrôle au point de passage frontalier de l'aéroport d'Orly, lequel a révélé qu'elle faisait l'objet d'un signalement au fichier des personnes recherchées en raison d'un arrêté portant retrait de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours pris à son encontre par le préfet de police de Paris le 10 février 2020. La direction de la police aux frontières d'Orly lui a alors retiré le titre de séjour dont elle disposait et refusé l'entrée sur le territoire français et l'a placée en zone d'attente. Par une ordonnance nos 2218728-2218730 du 7 septembre 2022, le juge des référés a jugé qu'en refusant son entrée sur le territoire et en retirant le document matérialisant le titre de séjour dont elle disposait, la police aux frontière a porté une atteinte manifestement illégale à sa liberté d'aller et venir et à sa vie privée et a enjoint au ministre de l'intérieur de lui délivrer sans délai un document l'autorisant à pénétrer sur le territoire français et à y séjourner et travailler, à titre provisoire, dans l'attente de décisions éventuelles sur son droit effectif au séjour. En exécution de cette ordonnance, le 8 septembre 2022, Mme A a été autorisée à entrer en France sous couvert d'un visa de régularisation valable huit jours. Par un courriel du 9 septembre 2022, Mme A a demandé au préfet de police de lui restituer son certificat de résidence ou, à défaut, de lui délivrer un récépissé l'autorisant à séjourner en France et à y travailler et de lui fixer un rendez-vous à cette fin avant l'expiration de son visa de régularisation. Le préfet de police n'a pas donné suite à sa demande. Par une ordonnance n° 2219934 du 3 octobre 2022, le juge des référés, saisi par l'intéressée aux fins de faire exécuter de manière complète l'ordonnance du 7 septembre 2022, a enjoint au préfet de police de lui délivrer un document l'autorisant à séjourner en France et à y travailler, sous astreinte de 50 euros par jour de retard. Le 21 octobre 2022, le préfet de police lui a délivré un récépissé valable jusqu'au 20 avril 2023. Par un courriel du 24 avril 2023, il l'a informée que sa demande du 21 avril 2023 de renouvellement de ce récépissé avait été classée sans suite. Après qu'elle a saisi, le 27 avril 2023, le juge des référés d'une requête aux fins de suspension de cette décision, le préfet de police lui a délivré le 19 mai 2023 un nouveau récépissé valable jusqu'au 18 août 2023. Par sa requête n° 2222085, Mme A demande l'annulation des décisions des 6 et 7 septembre 2022 par lesquelles le ministre de l'intérieur lui a retiré son certificat de résidence de dix ans puis a refusé de lui restituer. Par sa requête n° 2309481, elle demande l'annulation de la décision du 24 avril 2023 par laquelle le préfet de police a refusé de renouveler son récépissé de demande de titre de séjour. Par sa requête n° 2320951, elle demande l'annulation de l'arrêté du 10 février 2020 par lequel il a retiré les certificats de résidence qui lui avaient été délivrés, valables respectivement du 8 février 2017 au 7 février 2018 et du 8 février 2018 au 7 février 2028, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi. 2. Les requêtes susvisées nos 2222085, 2309481 et 2320951, présentées pour Mme A, présentent à juger des questions semblables et ont fait l'objet d'une instruction commune. Par suite, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul jugement. Sur la requête n° 2320951 : En ce qui concerne la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête : 3. Aux termes du I de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français sur le fondement des 3°, 5°, 7° ou 8° du I de l'article L. 511-1 ou sur le fondement de l'article L. 511-3-1 et qui dispose du délai de départ volontaire mentionné au premier alinéa du II de l'article L. 511-1 ou au sixième alinéa de l'article L. 511-3-1 peut, dans le délai de trente jours suivant sa notification, demander au tribunal administratif l'annulation de cette décision, ainsi que l'annulation de la décision relative au séjour, de la décision mentionnant le pays de destination et de la décision d'interdiction de retour sur le territoire français ou d'interdiction de circulation sur le territoire français qui l'accompagnent le cas échéant. ". L'article R. 421-5 du code de justice administrative prévoit que : " Les délais de recours contre une décision administrative ne sont opposables qu'à la condition d'avoir été mentionnés, ainsi que les voies de recours, dans la notification de la décision ". Le principe de sécurité juridique, qui implique que ne puissent être remises en cause sans condition de délai des situations consolidées par l'effet du temps, fait obstacle à ce que puisse être contestée indéfiniment une décision administrative individuelle qui a été notifiée à son destinataire, ou dont il est établi, à défaut d'une telle notification, que celui-ci a eu connaissance. En une telle hypothèse, si le non-respect de l'obligation d'informer l'intéressé sur les voies et délais de recours, ou l'absence de preuve qu'une telle information a bien été fournie, ne permet pas que lui soient opposés les délais de recours, le destinataire de la décision ne peut exercer de recours juridictionnel au-delà d'un délai raisonnable. En règle générale et sauf circonstances particulières, dont se prévaudrait le requérant, ce délai ne saurait, sous réserve de l'exercice de recours administratifs pour lesquels les textes prévoient des délais particuliers, excéder un an à compter de la date à laquelle une décision expresse lui a été notifiée ou de la date à laquelle il est établi qu'il en a eu connaissance. 4. D'une part, si le préfet de police produit l'avis de réception postal d'une lettre recommandée dont il soutient qu'elle contenait l'arrêté attaqué du 10 février 2020, le nom et l'adresse du destinataire de la lettre sont illisibles, l'avis ne mentionne pas la date à laquelle cette lettre a été présentée à son destinataire ou à laquelle celui-ci a été avisé ni celle à laquelle elle a été distribuée et ne porte pas même de cachet indiquant la date à laquelle il a été renvoyé à son expéditeur. La signature de la personne à laquelle la lettre a été remise, dont il n'est pas précisé s'il s'agit du destinataire ou d'un mandataire ni qu'elle a produit une pièce justifiant de son identité, ne présente aucun élément de ressemblance avec celle que Mme A a apposée sur le procès-verbal de la plainte qu'elle a déposée le 16 avril 2018 au commissariat de police du dix-neuvième arrondissement de Paris. Si le préfet de police produit une capture d'écran datée du 4 mars 2020 de la page du site de la poste permettant de suivre un envoi indiquant que cette lettre recommandée, remise à la poste un 11 février a finalement, après une erreur initiale d'acheminement, été distribuée un 14 février, elle ne permet en tout état de cause pas d'identifier son destinataire, l'adresse à laquelle elle a été distribuée ni le nom et la qualité de la personne à laquelle elle a été remise contre signature. Dans ces conditions, le préfet de police n'établit pas que l'arrêté du 10 février 2020 a été régulièrement notifié à Mme A. Dès lors, le délai de recours fixé par les dispositions précitées de l'article L. 512-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas opposable à la requérante et elle disposait pour exercer un recours juridictionnel contre cet arrêté d'un délai raisonnable d'un an à compter de la date à laquelle il est établi qu'elle en a eu connaissance. 5. D'autre part, il ressort des pièces du dossier que Mme A a eu connaissance de l'arrêté du 10 février 2020 le 7 septembre 2022, date à laquelle le tribunal lui a communiqué le mémoire, auquel il était joint, produit en défense par le ministère de l'intérieur dans les instances n° 2218728 et n° 2218730. Dès lors, le délai d'un an dont elle disposait pour exercer un recours contre cette décision n'était pas expiré à la date du 7 septembre 2023 à laquelle sa requête a été enregistrée. 6. Il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir opposée par le préfet de police en défense et tirée de la tardiveté de la requête doit être écartée. En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation : 7. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " () / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / () / 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; () / Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux ". Aux termes de l'article 7 bis du même accord : " () / Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : / a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article ; / () ". 8. Pour retirer par l'arrêté attaqué du 10 février 2020 les certificats de résidence algériens valables respectivement du 8 février 2017 au 7 février 2018 et du 8 février 2018 au 7 février 2028 qui ont été délivrés à Mme A le 7 juin 2017 et le 13 avril 2018, le préfet de police a considéré que Mme A a quitté le domicile conjugal depuis le 16 avril 2018 et ne justifie plus d'une vie commune effective avec son époux, que par conséquent elle a fait de fausses déclarations en vue d'obtenir un titre de séjour en tant que conjointe d'un ressortissant de nationalité française et que ces faits caractérisent une fraude, le mariage n'ayant été contracté que dans un but migratoire. 9. En l'absence de stipulations expresses sur ce point prévues par l'accord franco-algérien précité, le préfet de police peut légalement faire usage du pouvoir général qu'il détient, même en l'absence de texte, pour retirer une décision individuelle créatrice de droits obtenue par fraude. L'administration doit cependant rapporter la preuve de la fraude, et non la requérante, dont la bonne foi se présume. 10. Il ressort des pièces du dossier qu'au jour du dépôt de sa demande de renouvellement de son premier certificat de résidence et qu'au jour de la remise de son deuxième certificat de résidence, Mme A remplissait les conditions de mariage et de communauté de vie requises pour l'attribution du certificat de résidence de dix ans prévu par les stipulations précitées de l'accord franco-algérien. Il en résulte également que le 16 avril 2018, soit postérieurement, et non antérieurement comme soutenu en défense, Mme A a été contrainte de quitter le domicile conjugal pour échapper aux violences physiques, sexuelles et psychologiques que lui faisaient subir son conjoint et ses beaux-parents et en raison desquelles elle a porté plainte le même jour à la police qui l'a immédiatement orientée vers une association spécialisée dans la prise en charge des femmes qui l'a alors hébergée et accompagnée socialement, psychologiquement et juridiquement et que le tribunal de Tizi-Ouzou (Algérie) auquel son conjoint a demandé le 23 octobre 2018 de prononcer leur divorce, s'il a fait droit à cette demande le 28 février 2019, a condamné le demandeur à verser à Mme A, qu'aucune pièce du dossier ne permettait de regarder comme ayant failli à ses obligations matrimoniales, une indemnité pour avoir abusé de son droit de divorce. Dans ces conditions, le préfet de police n'apporte pas la preuve que Mme A n'aurait contracté le mariage que dans un but migratoire. Aucun dispositif de retrait du certificat de résidence légalement délivré en cas de modification de situation familiale n'étant prévu, le fait pour la requérante d'avoir voulu ultérieurement conserver le bénéfice de son titre de séjour alors que sa situation familiale avait changé ne peut lui être reproché. Il résulte de ce qui précède que le préfet n'apporte pas la preuve du caractère frauduleux de l'obtention des certificats de résidence par la requérante, qui est dès lors fondée à soutenir, pour ce motif, que les décisions de retrait de ses certificats de résidence et, par voie de conséquence, l'obligation de quitter le territoire français et la décision fixant le pays de destination, privées de base légale, sont illégales. 11. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que l'arrêté du préfet de police du 10 février 2020 doit être annulé. En ce qui concerne les conclusions à fin d'injonction : 12. En raison du motif qui la fonde et en l'absence d'autre motif propre à justifier son retrait, l'annulation de l'arrêté attaqué implique nécessairement que le préfet de police restitue à Mme A le certificat de résidence algérien de dix ans qui lui avait été délivré, valable jusqu'au 7 février 2028. En application de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de le restituer dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement. Sur la requête n° 2222085 : En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées en défense : 13. Il ressort des pièces du dossier que, pour le même motif que celui exposé ci-dessus au point 4, à la date du 6 septembre 2023 à laquelle la police aux frontières a procédé à la rétention du certificat de résidence de dix ans valable jusqu'au 7 février 2028 qui avait été délivré à Mme A, en exécution de l'arrêté du 10 février 2020 par lequel le préfet de police a décidé le retrait de ce titre, cet arrêté ne lui avait pas été régulièrement notifié et elle en ignorait l'existence, qui lui a été révélée par le procès-verbal du 6 septembre 2023 portant information au porteur du retrait du document qui le mentionne et dont une copie ne lui a été communiquée que le lendemain 7 septembre 2023 avec le mémoire, auquel il était joint, produit en défense par le ministère de l'intérieur dans les instances n° 2218728 et n° 2218730. Dès lors, en demandant l'annulation des décisions du ministre de l'intérieur des 6 et 7 septembre 2022 de lui retirer et de refuser de lui restituer ce certificat de résidence, Mme A doit être regardée comme demandant l'annulation de cet arrêté, révélé par le procès-verbal du 6 septembre 2022. Cet arrêté constitue une décision administrative faisant grief susceptible de recours et la circonstance qu'elle a été exécutée avant l'introduction de la requête n'est pas de nature à avoir privé celle-ci d'objet avant même son introduction. Dès lors, les fins de non-recevoir tirées de l'irrecevabilité de la requête en raison de la nature de l'acte attaqué et de la disparition de son objet avant son introduction doivent être écartées. En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation et d'injonction sous astreinte : 14. Il ressort des pièces du dossier que, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus aux points 10 et 11, l'arrêté du 10 février 2020 est illégal et doit être annulé et que, pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus au point 12, il y a lieu d'enjoindre au préfet de police de restituer à Mme A son certificat de résidence algérien de dix ans, valable jusqu'au 7 février 2028, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement. Dans les circonstances de l'espèce il y a lieu de prononcer contre l'Etat, à défaut pour lui de justifier de l'exécution du présent jugement dans ce délai, une astreinte de 50 euros par jour jusqu'à la date à laquelle ce jugement aura reçu exécution. Sur la requête n° 2309481 : 15. Si, à la date d'introduction de la requête, le certificat de résidence de Mme A lui avait été retiré et si l'exécution des ordonnances de référé n° 2218728 du 7 septembre 2022 et n° 2219934 du 3 octobre 2022 qui, si elles n'étaient pas revêtues de l'autorité de la chose jugée, étaient exécutoires et, en vertu de l'autorité qui s'attache aux décisions de justice, obligatoires, faisait obligation au préfet de police de délivrer à l'intéressée un document valant autorisation provisoire de séjour et de travail dans l'attente d'une décision sur son droit effectif au séjour et la restitution de son titre de séjour, il résulte de l'annulation de l'arrêté du 10 février 2020 par le présent jugement, qui a pour effet de le faire disparaitre rétroactivement de l'ordonnancement juridique, que Mme A doit être regardée comme ayant toujours été titulaire de son certificat de résidence de dix ans valable du 8 février 2018 au 7 février 2028 et n'a pas besoin, en conséquence, d'un récépissé de demande de titre de séjour. Dès lors, les conclusions de la requête aux fins d'annulation et d'injonction sous astreinte relatives à ce récépissé sont devenues sans objet. Par suite, il n'y a plus lieu d'y statuer. Sur les frais liés aux litiges : 16. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme globale de 3 000 euros au titre des frais exposés par Mme A et non compris dans les dépens, sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : L'arrêté du préfet de police du 10 février 2020 est annulé. Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de restituer à Mme A le certificat de résidence algérien de dix ans qui lui a été retiré, valable jusqu'au 7 février 2028, dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent jugement. Article 3 : Une astreinte de 50 euros par jour est prononcée à l'encontre de l'Etat s'il n'est pas justifié de l'exécution du présent jugement dans le délai mentionné à l'article 2 ci-dessus. Le préfet de police communiquera au tribunal copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter le présent jugement. Article 4 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions de la requête n° 2309481 aux fins d'annulation et d'injonction sous astreinte. Article 5 : L'Etat versera à Mme A une somme globale de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 6 : Le présent jugement sera notifié à Mme B A, au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police. Délibéré après l'audience du 12 janvier 2024, à laquelle siégeaient : Mme Aubert, présidente, M. Julinet, premier conseiller, M. Medjahed, premier conseiller. Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 janvier 2024. Le rapporteur, S. JULINET La présidente, S. AUBERT La greffière, A. LOUART La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de police chacun en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement. Nos 2222085, 2309481 et 2320951

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