Vu la procédure suivante
:
Les communes d'Arnouville et de Garges-lès-Gonesse, à l'appui de leur demande tendant à la suspension, sur le fondement de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative, de l'exécution de l'arrêté interpréfectoral du 9 novembre 2015 par lequel le préfet du Val-d'Oise et le préfet de la Seine-et-Marne ont autorisé la fusion de la communauté d'agglomération Val de France et de la communauté d'agglomération Roissy Porte de France et son extension à 17 communes de la communauté de communes Plaines et Monts de France, pour créer la nouvelle communauté d'agglomération Roissy Pays de France, ont produit un mémoire, enregistré le 27 novembre 2015 au greffe du tribunal administratif de Cergy-Pontoise, en application de l'article 23-1 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, par lequel elles soulèvent une question prioritaire de constitutionnalité.
Par une ordonnance n° 1510333 du 11 décembre 2015, enregistrée le 17 décembre 2015 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, le juge des référés du tribunal administratif de Cergy-Pontoise a décidé, par application des dispositions de l'article 23-2 de l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958, de transmettre au Conseil d'Etat la question de la conformité aux droits et libertés garantis par la Constitution du paragraphe V de l'article 11 de la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles (MAPTAM).
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la Constitution, notamment son Préambule et son article 61-1 ;
- l'ordonnance n° 58-1067 du 7 novembre 1958 ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi n° 2014-58 du 27 janvier 2014 ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Pierre Lombard, auditeur,
- les conclusions de Mme Emmanuelle Cortot-Boucher, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Delaporte, Briard, Trichet, avocat de la commune d'Arnouville et de la commune de Garges-lès-Gonesse ;
1. Considérant qu'il résulte des dispositions de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 portant loi organique sur le Conseil constitutionnel que, lorsqu'une juridiction relevant du Conseil d'Etat a transmis à ce dernier, en application de l'article 23-2 de cette même ordonnance, la question de la conformité à la Constitution d'une disposition législative, le Conseil constitutionnel est saisi de cette question de constitutionnalité à la triple condition que la disposition contestée soit applicable au litige ou à la procédure, qu'elle n'ait pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel, sauf changement des circonstances, et que la question soit nouvelle ou présente un caractère sérieux ;
2. Considérant qu'en vertu du V de l'article 11 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dans sa version en vigueur au 9 novembre 2015, il appartenait aux représentants de l'Etat dans les départements de l'Essonne, de Seine-et-Marne, du Val-d'Oise et des Yvelines de proposer, jusqu'au 31 septembre 2015, la fusion d'établissements publics de coopération intercommunale dont le siège se situait dans l'unité urbaine de Paris, afin de mettre en oeuvre le schéma régional de coopération intercommunale établi en application du I de l'article 11 de cette même loi ; que les représentants de l'Etat dans ces départements pouvaient également proposer un projet de périmètre de fusion ne figurant pas dans le schéma, sous réserve du respect des obligations mentionnées aux I, II, VI et VII de l'article
L. 5210-1-1 du code général des collectivités territoriales et de la prise en compte des orientations définies au III du même article, après avis de la commission régionale de la coopération intercommunale ; qu'un arrêté de projet de périmètre du nouvel établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre dressait la liste des établissements publics de coopération intercommunale appelés à fusionner et pouvait, en outre, comprendre des communes appartenant ou non à un autre établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre ; qu'à compter de la notification de l'arrêté de projet de périmètre, les organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre intéressés et les conseils municipaux des communes incluses dans le projet de périmètre disposaient d'un délai d'un mois pour se prononcer sur ce projet ; que la fusion était prononcée par arrêté des représentants de l'Etat dans les départements intéressés après accord des conseils municipaux des communes incluses dans le projet de périmètre ; que cet accord devait être exprimé par la moitié au moins des conseils municipaux concernés, représentant la moitié au moins de la population totale de celles-ci, y compris le conseil municipal de la commune dont la population était la plus nombreuse si cette dernière représentait au moins le tiers de la population totale ; qu'à défaut d'accord des conseils municipaux concernés, les représentants de l'Etat dans les départements concernés pouvaient, par décision motivée, fusionner les établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre, après avis de la commission régionale de la coopération intercommunale et en tenant compte des propositions de modification adoptées par cette commission dans les conditions de majorité prévues à l'avant-dernier alinéa du I de cet article ; qu'en vue de formuler son avis, la commission régionale entendait tout maire d'une commune et tout président d'un établissement public de coopération intercommunale dont l'audition était de nature à éclairer ses délibérations ou qui en faisait la demande ; que la fusion était prononcée par arrêté des représentants de l'Etat dans les départements intéressés avant le 31 décembre 2015 ; que cet arrêté de fusion emportait, le cas échéant, retrait des communes des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre dont elles étaient membres et qui n'étaient pas intégralement inclus dans le périmètre du nouvel établissement ;
3. Considérant que les communes d'Arnouville et de Garges-lès-Gonesse soutiennent que les dispositions du V de l'article 11 de la loi du 27 janvier 2014 rappelées ci-dessus, en ce qu'elles fixent à un mois le délai accordé aux conseils municipaux des communes incluses dans un projet de périmètre pour se prononcer sur le projet et en ce qu'elles conduisent à réduire le nombre de délégués communautaires de certaines de ces communes au sein du nouvel établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre issu de la fusion, portent atteinte au principe de libre administration des collectivités territoriales énoncé à l'article 72 de la Constitution et aux principes d'égalité devant la loi et d'égalité devant le suffrage garantis par l'article 6 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et les articles 3 et 72 de la Constitution ;
4. Considérant, en premier lieu, que les règles relatives à la fusion des établissements publics de coopération intercommunale affectent la libre administration des communes faisant partie de ces établissements publics ; que, toutefois, en imposant à des communes de faire partie d'un établissement public de coopération intercommunale, notamment lorsqu'elles souhaitent appartenir à un autre établissement public de coopération intercommunale, le législateur a entendu favoriser la rationalisation de la carte de l'intercommunalité ; qu'en particulier, d'une part, la procédure prévue au huitième alinéa du paragraphe V de l'article 11, qui permet au préfet de passer outre l'opposition des communes, n'est applicable que jusqu'au 1er décembre 2015 et que, d'autre part, la fixation à un mois du délai accordé aux communes pour se prononcer sur le projet d'arrêté de périmètre a pour objet de permettre l'achèvement de la nouvelle carte de l'intercommunalité, dans les départements de l'Essonne, de Seine-et-Marne, du Val-d'Oise et des Yvelines, de façon concomitante à la création de la métropole du Grand Paris au 1er janvier 2016 ; qu'enfin, tout maire qui en fait la demande est entendu par la commission régionale de la coopération intercommunale ; qu'ainsi, le législateur a pu, dans le but d'intérêt général de rationalisation de la carte de l'intercommunalité, apporter ces limitations à la libre administration des communes ; que, dans ces conditions, les communes requérantes ne sauraient soutenir que ces dispositions méconnaissent la libre administration des collectivités territoriales et le principe d'égalité devant la loi ;
5. Considérant, en second lieu, que le V de l'article 11 de la loi du 27 janvier 2014 de modernisation de l'action publique territoriale et d'affirmation des métropoles, dans sa version en vigueur au 9 novembre 2015, n'a pas pour objet de fixer le nombre ou la répartition, entre communes, des sièges attribués au sein de l'organe délibérant du nouvel établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre issu de la fusion, ni de régir les conditions dans lesquelles les mandats des conseillers communautaires précédemment élus et non membres du nouvel organe délibérant de l'établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre prennent fin ; que, dès lors, les communes requérantes ne sauraient soutenir que ces dispositions portent atteinte au principe d'égalité devant le suffrage ;
6. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la question soulevée, qui n'est pas nouvelle, ne présente pas un caractère sérieux ; qu'il n'y a donc pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité invoquée ;
7. Considérant que si, aux termes de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ", la présente décision se borne à statuer sur la transmission d'une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel ; qu'en conséquence, les conclusions présentées par les communes d'Arnouville et de Garges-lès-Gonesse au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent être présentées que devant le juge saisi du litige à l'occasion duquel la question prioritaire de constitutionnalité a été soulevée ; que, par suite, elles sont irrecevables au stade de la décision statuant sur la seule demande de transmission de la question prioritaire de constitutionnalité ;
D E C I D E :
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Article 1er : Il n'y a pas lieu de renvoyer au Conseil constitutionnel la question prioritaire de constitutionnalité transmise par le tribunal administratif de Cergy-Pontoise.
Article 2 : Les conclusions des communes d'Arnouville et de Garges-lès-Gonesse présentées au titre des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée aux communes d'Arnouville et de Garges-lès-Gonesse et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au Conseil constitutionnel, au Premier ministre, et au tribunal administratif de Cergy-Pontoise.