Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Paris, 9ème chambre 13 avril 1999
Cour de cassation 04 octobre 2000

Cour de cassation, Chambre criminelle, 4 octobre 2000, 99-83363

Mots clés société · factures · entreprise · recours · prestataire · produits · fiscale · comptabilité · écritures · charges · prêt · pourvoi · relever · ressort · sous-traitance

Synthèse

Juridiction : Cour de cassation
Numéro affaire : 99-83363
Dispositif : Rejet
Décision précédente : Cour d'appel de Paris, 9ème chambre, 13 avril 1999
Président : Président : M. SCHUMACHER conseiller
Rapporteur : M. Martin conseiller

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris, 9ème chambre 13 avril 1999
Cour de cassation 04 octobre 2000

Texte

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le quatre octobre deux mille, a rendu l'arrêt suivant :

Sur le rapport de M. le conseiller MARTIN, les observations de la société civile professionnelle PIWNICA et MOLINIE, et de Me FOUSSARD, avocats en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général DI GUARDIA ;

Statuant sur le pourvoi formé par :

- X... Henri,

contre l'arrêt de la cour d'appel de PARIS, 9ème chambre, en date du 13 avril 1999, qui, pour fraude fiscale et passation d'écritures inexactes ou fictives en comptabilité, l'a condamné à 2 ans d'emprisonnement avec sursis, a ordonné la publication et l'affichage de la décision et prononcé sur les demandes de l'administration des Impôts, partie civile ;

Vu les mémoires produits en demande et en défense ;

Sur le premier moyen

de cassation, pris de la violation des articles 49 et 591 et suivants du Code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

"en ce que la cour d'appel était composée, notamment de Monsieur Rognon, président ;

"alors que, par son arrêt du 4 novembre 1997, la cour d'appel a ordonné un supplément d'information et a commis, pour y procéder, Monsieur Rognon, président de la chambre ; que ce supplément avait pour objet d'informer la juridiction du jugement "sur la question essentielle qui lui est soumise et qui est celle de savoir si Serge A... était un facturier de complaisance ou au contraire exerçait au profit de GEIM une activité réelle de sous-traitance" ; que la participation au jugement de l'affaire d'un magistrat ayant procédé à des actes instructions est contraire au principe de séparation des juridictions d'instruction et de jugement, et porte atteinte aux principes d'égalité des armes et d'impartialité, en violation des textes susvisés" ;

Attendu que le demandeur ne saurait se faire un grief de ce que le président de la chambre des appels correctionnels a participé au jugement de l'affaire après avoir procédé à un supplément d'information, dont l'exécution n'implique aucune prise de position sur la culpabilité du prévenu ;

D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;

Sur le second moyen

de cassation, pris de la violation des articles 1741, 1743, 145 du Code général des Impôts, L.227 du Livre des procédures fiscales et 593 du Code de procédure pénale, défaut de motif, manque de base légale ;

"en ce que l'arrêt attaqué a déclaré Henri X... coupable d'avoir frauduleusement soustrait la société qu'il dirige à l'établissement et au paiement de la TVA et de l'impôt sur les sociétés dus au titre des exercices clos les 30 septembre 1991 et 30 septembre 1992, et d'avoir sciemment passé ou fait passer des écritures ne se rapportant pas à des opérations réelles au titre des mêmes exercices ;

"aux motifs qu'il résulte des éléments de la procédure, notamment des actes d'instruction du supplément d'information, que l'entreprise prétendument exploitée par Serge A... était inconnue des administrations fiscale et sociale et ne tenait aucune comptabilité ; que cette clandestinité affecte de fictivité l'intégralité de sa facturation - et sans que puisse influer la réalité de l'exercice clandestin d'activités économiques, que revendique haut et fort Henri X... - dès lors que les factures, premièrement, comportent des montants TTC alors même que la taxe n'a pu être déclarée encore moins payée ; deuxièmement, ne correspondent ni à la réalité du lien contractuel, ni à l'identité et à la qualité du prestataire, Serge A... devant forcément recourir à des "intervenants" tout aussi clandestins ; que les régimes déclaratifs auxquels cette société était soumise lui imposaient d'assortir ses déclarations de justificatifs sincères et probants ; que, plus spécialement, elle était mal fondée à déduire la TVA ressortant des factures délivrées par l'entreprise A... qui, par définition, n'en avait ni déclaré ni payé le montant et, ainsi, n'avait pu transmettre des droits à crédit de taxe ; que les charges déductibles du bénéfice imposable ne s'entendent que de celles qui sont appuyées de factures réelles et conformes et non pas de factures fausses ou fictives ; que décider autrement reviendrait à instituer dans les livres du client des charges qui n'auraient aucune contrepartie en produits dans ceux d'un fournisseur socialement et fiscalement inconnu ; que sont donc réunis à l'encontre de Henri X... les éléments matériels des délits visés à la prévention ; que l'intention coupable ressort à suffire du recours systématique aux prestataires clandestins et à la passation d'écritures fictives, en tout cas inexactes ;

"et aux motifs adoptés que la société GEIM n'a pu fournir aucun contrat de sous-traitance précisant les travaux réalisés puis facturés par l'entreprise A..., la plupart des factures émanant de cette entreprise étant établies au temps passé non au forfait, et imposé pour le moins un prêt de main-d'oeuvre illicite ;

"1 ) alors que la simple clandestinité d'une entreprise dont l'activité est soumise à la TVA, et la méconnaissance de ces obligations déclaratives n'entachent pas par elles-mêmes de fictivité les factures qu'elle établit, et qui font notamment apparaître la TVA à laquelle elle est soumise ; qu'en se fondant sur le fait que l'entreprise A... était inconnue de l'administration fiscale et sociale, ne tenait aucune comptabilité et n'avait ni déclaré le montant de la TVA facturée, ni a fortiori, ne l'avait reversé au Trésor, pour déclarer les factures fictives, la cour d'appel a privé sa décision de base légale ;

"2 ) alors qu'une facture n'est fictive que si elle ne reflète pas le lien juridique qui unit les deux parties, et si elle ne correspond pas à des prestations réelles réalisées par l'une au profit de l'autre ; que la cour d'appel qui reconnaît la réalité économique de l'entreprise A... et celle de son intervention auprès de la société GEIM mais s'est bornée à relever que les factures établies par cette entreprise ne correspondaient ni à la réalité du lien contractuel, ni à l'identité et à la qualité des prestataires, sans pour autant préciser quel serait le lien contractuel réel, le véritable prestataire de service, et les raisons pour lesquelles l'entreprise A... ne serait pas le véritable sous-traitant de la société GEIM, a derechef privé sa décision de base légale ;

"3 ) alors que la cour d'appel qui se borne à relever qu'à tout le moins et supposé un prêt de main d'oeuvre, s'est fondée sur un motif hypothétique ;

"4 ) alors qu'enfin l'élément intentionnel des délits de fraude fiscale et de passation d'écriture fictive suppose la connaissance du prévenu du caractère fictif des factures passées en comptabilité ; qu'en se bornant à faire état du recours systématique aux prestataires clandestins, circonstances inopérantes, et à la passation d'écritures fictives, circonstance insuffisante, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision" ;

Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et du jugement qu'il confirme que la société GEIM, entreprise d'électricité générale dont le président est Henri X..., a comptabilisé en charges des factures de sous-traitance établies au nom de l'entreprise exploitée par Serge A... ; que ce dernier, salarié de la société GEIM jusqu'à décembre 1989, n'a pas déclaré son existence aux organismes fiscaux et sociaux, n'a pas tenu de comptabilité régulière et n'a effectué aucune déclaration fiscale ; que l'examen de la comptabilité de la société GEIM révèle que Serge A... lui a délivré des factures d'un montant de 1 561 867 francs pour l'exercices 1991-1992 et de 1 565 867 francs pour l'exercice suivant ; que l'examen des comptes bancaires de A... ne fait ressortir aucun règlement de charges mais des paiements par chèques à l'ordre de Mme Z..., exerçant l'activité de brocanteur, et de M. Y..., agent de contrôle d'une entreprise de surveillance ; que les bénéficiaires de ces chèques ont effectué de nombreux retraits en espèces, M. Y... reconnaissant au cours des débats de première instance qu'il restituait les espèces à Serge A... ;

Attendu que, pour déclarer Henri X... coupable de fraude fiscale pour avoir fait comptabiliser des factures correspondant à des opérations fictives ayant permis, en majorant les charges de l'entreprise, de diminuer le bénéfice imposable et de déduire et récupérer indûment la TVA ne correspondant à aucune opération réelle, et de passation d'écritures inexactes ou fictives en comptabilité, les juges relèvent notamment le recours systématique à un facturier de complaisance, le caractère pour le moins occulte de l'intervention de l'entreprise de A..., l'ignorance des maîtres d'ouvrages de l'existence d'une sous- traitance, la fausseté des factures quant à la réalité du lien contractuel, à l'identité et à la qualité du prestataire ; que les juges du second degré ajoutent que les charges déductibles du bénéfice imposable ne s'entendent que de celles qui sont appuyées de factures réelles et conformes, sauf à instituer dans les livres du client des charges sans aucune contrepartie en produits dans ceux du fournisseur inconnu du fisc ; qu'ils ajoutent que l'intention coupable de Henri X... ressort de ce recours systématique à des prestataires clandestins et à la passation d'écritures à tout le moins inexactes ;

Qu'en l'état de ces seules énonciations, relevant de son appréciation souveraine des faits et circonstances de la cause, et abstraction faite de motifs inopérants ou surabondants, la cour d'appel, qui a caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits de fraude fiscale et de passation d'écritures inexactes ou fictives en comptabilité dont elle a déclaré le prévenu coupable, a justifié sa décision ;

D'où il suit que le moyen doit être écarté ;

Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;


REJETTE le pourvoi ;


Ainsi jugé et prononcé par la Cour de Cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;

Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article L.131-6, alinéa 4, du Code de l'organisation judiciaire : M. Schumacher conseiller le plus ancien, faisant fonctions de président en remplacement du président empêché, M. Martin conseiller rapporteur, M. Roger conseiller de la chambre ;

Avocat général : M. Di Guardia ;

Greffier de chambre : Mme Krawiec ;

En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;