Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 24 mars 2009, 08-12.630

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2009-03-24
Cour d'appel de Rouen
2007-12-20

Texte intégral

Attendu, selon l'arrêt attaqué

(Rouen, 20 décembre 2007), qu'ayant vendu leur maison, M. et Mme X... en ont, le 6 septembre 2000, placé le produit en souscrivant notamment, par l'intermédiaire du Crédit du Nord, des contrats d'assurance vie pour un montant de 114 336,76 euros ; qu'ils ont, le 11 septembre 2001, résilié ces contrats ; qu'invoquant leur perte de valeur et alléguant que la banque aurait manqué à ses obligations contractuelles, ils l'ont assignée en réparation de leur préjudice ;

Sur le premier moyen

:

Attendu que M. et Mme X... font grief à

l'arrêt d'avoir rejeté leur action en responsabilité, alors selon, le moyen : 1°/ que celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation ; qu'en dispensant la banque de prouver qu'elle avait satisfait à l'obligation, qui pesait sur elle, d'établir en fonction de quels critères, avancés par ses clients, elle avait proposé et conseillé le contrat litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1315 du code civil ; 2°/ qu'il incombe au juge de se prononcer sur les documents régulièrement versés aux débats et soumis à son appréciation ; que dès lors, en s'abstenant d'examiner le courrier électronique du 7 février 2001 dans lequel le préposé de la banque écrivait à M. et Mme X... qu'il avait "bien conscience des problèmes posés par le choix des supports du placement en assurance vie que nous vous avons conseillé", ce dont il ressortait que la banque avait recommandé à ses clients un placement inapproprié, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1353 du code civil.

Mais attendu

que l'arrêt retient qu'il n'est pas établi que la banque aurait été clairement informée des intentions des époux X..., que celles-ci n'ont pas été exprimées par écrit et que le contrat d'assurance vie que chacun d'eux a souscrit l'a été en principe pour une durée de 25 ans ; qu'il retient encore que, dans un courrier du 7 février 2001, la banque leur rappelait que ce type de placement s'appréhendait sur un horizon moyen long-terme à cinq ans et plus et que M. et Mme X... ne justifient pas avoir protesté contre cette perspective ; que par ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a examiné le courrier du 7 février 2001, a, sans inverser la charge de la preuve, légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

Et sur le second moyen

: Attendu que M. et Mme X... reprochent à l'arrêt d'avoir rejeté leur action en responsabilité, alors, selon le moyen : 1°/ qu'en considérant que la banque avait remis à ses clients les conditions tant générales que particulières du contrat, sans préciser de quel élément il ressortait indubitablement que M. et Mme X... avaient la compétence nécessaire et suffisante pour appréhender la portée de l'engagement par eux souscrit, tel que proposé par la banque, la cour d'appel a statué par une motivation inopérante, privant sa décision d'un manque de base légale au regard des articles 1315 et 1134 du code civil ; 2°/ qu'en se réfugiant derrière la qualité de client averti prêté par la banque à M. X... au vu d'un curriculum vitae à elle remis dans le passé par ce dernier pour des besoins totalement étrangers à la cause, la cour d'appel, qui aurait dû rechercher si la banque avait satisfait à son devoir de mise en garde) , en raison du caractère spéculatif attaché à l'opération, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du code civil ;

Mais attendu

, d'une part, qu'ayant relevé que M. et Mme X... reconnaissaient avoir été mis en possession des conditions particulières du contrat et de celles générales valant notice d'information, dont ils ne précisaient pas en quoi elles contreviendraient aux dispositions légales, la cour d'appel a légalement justifié sa décision d'écarter tout manquement de la banque à son obligation d'information ; Et attendu, d'autre part, qu'ayant retenu que M. X... devait être regardé comme une personne avertie, la cour d'appel, qui n'avait pas à procéder à la recherche visée à la deuxième branche que ses constatations rendaient inopérante, a, par ces seuls motifs, légalement justifié sa décision ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne M. et Mme X... aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette leur demande et les condamne à payer au Crédit du Nord la somme globale de 2 500 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre mars deux mille neuf

MOYENS ANNEXES

à l'arrêt n° 285 (COMM.) ; Moyens produits par la SCP Peignot et Garreau, Avocat aux Conseils, pour les époux X... ; PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les époux X... de leur action en responsabilité dirigée contre le CREDIT DU NORD ; AUX MOTIFS QUE, sur le manquement à l'obligation de conseil, les époux X... soutiennent que leur banquier dont ils étaient proches et qui, en la personne de Monsieur Y... leur conseiller financier, a assisté au cocktail donné avant leur départ pour les Antilles, n'ignorait pas leur souhait de quitter la métropole pour une période limitée à un an ; que le choix de placer les économies sur un contrat d'assurance-vie émanant de leur banquier est un conseil peu avisé et inadapté à leur situation alors qu'il n'ignorait pas leur intention d'un placement à court terme ; que le fait que la banque aurait connu le souhait des époux X... de quitter la métropole pour une période limitée n'est cependant pas parfaitement établi (...) ; qu'en définitive (...) il ne peut être retenu que la banque aurait été clairement informée des intentions des époux X... ; celles-ci n'ont pas été exprimées par écrit et le contrat d'assurance vie que chacun d'eux a souscrit l'a été en principe pour une durée de 25 ans même si les époux ont opté pour des rachats partiels, ce qui n'est d'ailleurs pas le signe de leur volonté d'obtenir un placement sécurisé à court terme dans la mesure où les rachats partiels ont pour effet de diminuer les garanties (cf. chapitre ii « vie du contrat » article I «opérations effectuées sur le contrat» «rachats-disponibilités»); qu'ainsi les époux X... ne caractérisent pas en quoi le choix d'un tel placement fait pour un moyen long terme ne correspondrait pas au souhait qu'ils auraient exprimé dès lors qu'il n'est pas établi que la disponibilité de leur placement dans le délai d'un an, c'est-à-dire à court terme, ait été un élément déterminant de leur engagement; QUE du reste, à l'interrogation des époux qui s'inquiétaient en février 2001 (cf leur fax du 5 février 2001) de la perte de leur épargne enregistrée au cours des quatre premiers mois, le CREDIT DU NORD, dans sa réponse du 7 février 2001 leur rappelait que leur placement était équilibré (le placement était assuré pour 47 % en actions et pour 53 % en obligations, le risque lié au placement en actions étant en principe tempéré par celui lié au placement obligataire) ; la banque escomptait alors un rebond du marché financier; elle répondait cependant aux époux que «ce type de placement parfaitement équilibré s'appréhende sur un horizon à moyen-long terme (à 5 ans et +) », prenant exemple des cinq années qui venaient de s'écouler au terme desquelles les supports choisis avaient enregistré des performances moyennes annuelles de 10,24 % ; qu'or les époux X... ne justifient pas avoir alors protesté contre cette perspective d'un placement à moyen-long terme, ce qui contredit leurs allégations concernant leur volonté exprimée d'un placement sécurisé à court terme (un an maximum); 1/ ALORS QUE celui qui est légalement ou contractuellement tenu d'une obligation particulière d'information doit rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation; qu'en dispensant la banque de prouver qu'elle avait satisfait à l'obligation, qui pesait sur elle, d'établir en fonction de quels critères, avancés par ses clients, elle avait proposé et conseillé le contrat litigieux, la cour d'appel a violé l'article 1315 du Code civil; 2/ ALORS QU' il incombe au juge de se prononcer sur les documents régulièrement versés aux débats et soumis à son appréciation ; que dès lors, en s'abstenant d'examiner le courrier électronique du 7 février 2001 dans lequel le préposé de la banque écrivait aux époux X... qu'il avait «bien conscience des problèmes posés par le choix des supports du placement en assurance vie que nous vous avons conseillé », dont il ressortait que le CREDIT DU NORD avait recommandé à ses clients un placement inapproprié, la Cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1353 du Code civil. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté les époux X... de leur action en responsabilité dirigée contre le CREDIT DU NORD; AUX MOTIFS QUE, sur le manquement à l'obligation d'information, les époux X... invoquent au surplus que la banque aurait manqué, en leur faisant souscrire un tel contrat, à son obligation de renseignements ou encore d'information alors qu'ils reconnaissent avoir été mis en possession des conditions particulières du contrat et de celles générales valant notice d'information dont ils ne précisent pas en quoi elle contreviendrait aux dispositions légales ; sur le manquement à l'obligation de mise en garde ou de prudence, que les époux X... font valoir que la banque a manqué à son obligation de mise en garde en ne les prévenant pas des possibles variations à la baisse du capital alors qu'elle leur avait remis une «simulation» faisant apparaître une rentabilité moyenne de 6 %, permettant de procéder à des rachats partiels en capital de 18.000 francs par trimestre et d'obtenir au terme de la première année une valeur acquise en capital de 1.496.525 ; que les époux X... soutiennent que ce document qui leur a été communiqué par le préposé de la banque Monsieur Y... lors de la souscription des contrats a une valeur contractuelle et engage la banque à leur égard ; qu'or ce 80070/BP/BV document qui constitue l'hypothèse la plus favorable de rendement ne constitue pas, selon les indications portées en gras en fin de ce document, un engagement ferme et définitif de l'assureur; qu'il ne s'agit donc pas d'un document contractuel; qu'il peut d'autant moins constituer un document contractuel qui impliquerait une certitude de rendement que le placement ANTARIUS AVENIR souscrit par les deux époux en unités de compte est dépendant des fluctuations des marchés financiers ainsi qu'il est précisé aux conditions générales (article 5 «valeur de rachat du contrat »)° que celles-ci précisent en effet que la valeur de l'unité de compte ne bénéficie pas d'une garantie et l'hypothèse de rachats partiels en capital à chaque trimestre a en outre pour effet de diminuer les garanties; qu'or les termes des conditions tant générales que particulières et plus généralement l'économie des contrats souscrits devaient être parfaitement compréhensibles pour Monsieur X... qui doit être regardé comme une personne avertie ; que sa compétence résulte de son CV remis à la banque dans lequel il se prévaut d'une activité de conseil en entreprise, conseil en gestion, conseil financier et conseil en patrimoine pour le compte de clients ; qu'il se prévaut également d'une activité d'expertise comptable et de commissaire aux comptes (conseils fiscaux et analyse de gestion financière et économique) d'une activité de collaborateur à la Fiduciaire de France chargé d'un portefeuille de client et celle de directeur administrateur et financier chargé de placement auprès d'une société APS, enfin de comptable, commissaire aux comptes auprès d'une banque ;qu'il résulte de l'ensemble de ces indications faites par Monsieur X... lui-même qu'il avait une solide compétence en matière de placements financiers nonobstant ses affirmations selon lesquelles il n'était spécialisé qu'en matière de gestion d'entreprise alors que comme chargé de portefeuille, chargé de placement et conseil en patrimoine, il conseillait nécessairement ses clients dans le choix de leurs placements financiers; que la notion de personne avertie n'implique pas au demeurant que la personne soit spécialement avertie dans le type de placement souscrit mais plus simplement que ses compétences acquises lui permettent d'en comprendre le mécanisme, les finalités et les risques inhérents ; ET QUE si Madame X... n'avait pas elle-même les mêmes compétences, il n'est cependant aps contesté que les choix des époux procèdent d'une initiative commune de souscrire des contrats d'assurance-vie, choix nécessairement guidé par celui des deux qui avait les compétences pour le faire; que Madame X... était d'ailleurs associée dans la société civile financière dans laquelle son époux et son fils étaient également associés et qui a pris une participation dan la SARL de prestations hôtelières ; que dans ces conditions, et en présence de personnes averties en matière de placements financiers, le devoir de la banque n'était pas de s'immiscer dans la gestion par les clients de leurs économies ni de les mettre particulièrement en garde alors qu'ils avaient les connaissances nécessaires pour appréhender un risque lié aux aléas de marchés financiers, risque dont ils étaient informés et qui, suivant les variations précédentes, ne s'annonçait pas comme spécialement important ; 1/ ALORS QU' en considérant que la banque avait remis à ses clients les conditions tant générales que particulières du contrat, sans préciser de quel élément il ressortait indubitablement que Monsieur et Madame X... avaient la compétence nécessaire et suffisante pour appréhender la portée de l'engagement par eux souscrit, tel que proposé par le CREDIT DU NORD, la Cour d'appel a statué par une motivation inopérante, privant sa décision d'un manque de base légale flagrant au regard des articles 1315 et 1134 du Code civil 2/ ALORS QU' en se réfugiant derrière la qualité de client averti prêté par la banque à Monsieur X... au vu d'un curriculum vitae à elle remis dans le passé par ce dernier pour des besoins totalement étrangers à la cause, la Cour d'appel, qui aurait dû rechercher si la banque avait satisfait, en raison du caractère spéculatif attaché à l'opération, la Cour d'appel a statué par un motif inopérant et privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 du Code civil.