Chronologie de l'affaire
Cour d'appel de Rennes 29 septembre 2020
Cour de cassation 30 mars 2022

Cour d'appel de Rennes, 3ème Chambre Commerciale, 29 septembre 2020, 17/03313

Mots clés société · credit · cautionnement · agricole · banque · caution · solde · engagements · déchéance · preuve · ouverture · condamnation · liquidation judiciaire · redressement judiciaire

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro affaire : 17/03313
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Président : Monsieur Alexis CONTAMINE

Texte

3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°344

N° RG 17/03313 - N° Portalis DBVL-V-B7B-N5AK

M. [B] [Z] [F] [M] [C]

C/

Société CREDIT AGRICOLE DU MORBIHAN

Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me PERRAUD

Me KERVIO

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 29 SEPTEMBRE 2020

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère,

Assesseur : Monsieur Dominique GARET, Conseiller, rapporteur

GREFFIER :

Mme Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l'audience publique du 15 Juin 2020 devant Monsieur Dominique GARET, magistrat rapporteur, tenant seul l'audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 29 Septembre 2020 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

****

APPELANT :

Monsieur [B] [Z] [F] [M] [C]

né le [Date naissance 2] 1972 à [Localité 6] (56)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Matthieu PERRAUD de la SELARL LA FIDUCIAIRE GENERALE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES

INTIMÉE :

Société CREDIT AGRICOLE DU MORBIHAN CAISSE REGIONALE DE CREDIT AGRICOLE MUTUEL, inscrite au RCS de VANNES sous le n° 777 903 816, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Vanessa KERVIO de la SELARL SELARL LEHUEDE (A.A) GUENNO-LE PARC CHEVALIER KERVIO, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES

FAITS ET PROCEDURE



Suivant acte du 17 mars 2010, la société Crédit Agricole du Morbihan (le Crédit Agricole) se portait caution de la société Bretagne Sud Bâtiment (la société BSB) en faveur des fournisseurs de celle-ci, notamment de la société Total Raffinage Marketing, et ce dans la limite d'une somme de 150.000 €.

A titre de contre-garantie et aux termes du même acte, M. [B] [C], dirigeant de la société BSB, se portait lui-même caution en faveur du Crédit Agricole, et ce dans la limite d'une somme de 180.000 €.

Suivant acte du 14 mars 2011, le Crédit Agricole consentait à la société BSB une première ouverture de crédit n° 0040448744 d'une durée de trois mois et d'un montant maximal de 15.000€ au taux d'intérêt annuel variable initialement fixé à 4,087'%.

Aux termes du même acte, M. [C] se portait caution de cet emprunt, et ce dans la limite d'une somme de 19.500 €.

Suivant acte distinct du même jour, le Crédit Agricole consentait à la société BSB une seconde ouverture de crédit n° 0040448762, également d'une durée de trois mois, cette fois d'un montant maximal de 300.000 € au taux d'intérêt annuel variable initialement fixé à 3,087'%.

Aux termes du même acte, le Crédit Agricole recueillait deux garanties':

- d'abord le cautionnement de M. [C], dans la limite d'une somme de 390.000 €,

- ensuite l'engagement de la société BSB à lui céder ses créances professionnelles (cession Dailly).

Par jugement du 6 avril 2011, la société BSB était placée en redressement judiciaire, cette mesure ayant depuis été convertie en liquidation, et ce par jugement du 8 juin 2011.

Postérieurement, le Crédit Agricole déclarait l'ensemble de ses créances auprès du liquidateur.

Ces créances ayant été déclarées définitivement irrecouvrables par le liquidateur, le Crédit Agricole mettait en demeure M. [C] de s'acquitter de ses trois engagements de caution.

N'ayant pas obtenu satisfaction amiable à sa demande, la banque le faisait assigner devant le tribunal de commerce de Vannes qui, par jugement du 24 février 2017':

- déboutait M. [C] de sa demande tendant à voir déclarer ces engagements inopposables pour cause de disproportion au sens de l'article L 341-4 du code de la consommation';

- le déboutait également de sa demande tendant à l'annulation de ces engagements sur le fondement de l'article L 650-1 du code de commerce';

- prononçait en revanche la déchéance du droit aux intérêts réclamés par le Crédit Agricole au titre des deux ouvertures de crédit garanties par M. [C]';

- en conséquence, enjoignait à la banque de produire tous documents et décomptes de nature à permettre au tribunal de statuer définitivement sur ses demandes en paiement';

- renvoyait l'examen de l'affaire à une audience ultérieure et réservait le sort des dépens.

Par déclaration reçue au greffe le 28 avril 2017, M. [C] interjetait appel de ce jugement.

L'appelant notifiait ses dernières conclusions le 14 avril 2020, l'intimé les siennes le 20 mai 2020.

La clôture de la mise en état intervenait par ordonnance du 28 mai 2020.

Par note adressée aux parties le 2 juillet 2020, la cour demandait au Crédit Agricole de justifier de l'admission de ses différentes créances au passif de la liquidation judiciaire de la société BSB.

Par une première note en délibéré datée du 10 juillet 2020, le Crédit Agricole produisait une lettre du liquidateur judiciaire certifiant que dans la mesure où la réalisation des actifs de la société BSB n'avait pas suffi à rembourser l'intégralité du passif privilégié, les créances non privilégiées n'avaient fait l'objet quant à elles d'aucune vérification, ce qui expliquait qu'aucun certificat d'admission ne puisse être délivré à la banque ; le Crédit Agricole faisait néanmoins valoir que ses créances n'avaient jamais été contestées que, dès lors, elles avaient été prises en compte par le liquidateur qui, d'ailleurs, lui avait délivré un certificat d'irrécouvrabilité.

Par une note en délibéré en date du 15 juillet 2020, M. [C] rétorquait qu'un certificat d'irrécouvrabilité ne constituait pas la preuve d'une créance, alors par ailleurs que lui-même n'ayant pas la qualité de gérant de la société BSB lors de sa liquidation judiciaire, il n'aurait pas pu contester les créances déclarées par la banque ; enfin et concernant la créance alléguée par la banque au titre du cautionnement souscrit le 17 mars 2010, s'agissant d'une créance privilégiée pour la société Total Raffinages Marketing aux droits de laquelle le Crédit Agricole se prétendait subrogé, M. [C] faisait observer qu'elle avait été admise à la procédure collective à hauteur d'une somme de 2.270,16 € seulement, de telle sorte qu'en toute hypothèse, la banque ne pouvait pas réclamer à la caution une somme supérieure.

Par une nouvelle note en délibéré datée du 16 juillet 2020, le Crédit Agricole maintenait que l'absence de vérification des créances déclarées n'entraînait pas leur extinction et que si la décision du juge de la procédure collective rendue dans les rapports entre le créancier et le débiteur principal s'imposait à la caution, le créancier n'en demeurait pas moins recevable à poursuivre la condamnation de la caution devant le juge du fond avant toute déclaration de créance ou, si la déclaration avait été faite, avant toute admission de celle-ci, en établissant l'existence et le montant de sa créance selon les règles du droit commun.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

M. [C] demande à la cour de :

- réformer le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels réclamés par la banque au titre des deux ouvertures de crédit';

Statuant à nouveau,

- débouter le Crédit Agricole de l'ensemble de ses demandes, en déchargeant totalement M. [C] de ses engagements de caution, manifestement disproportionnés à ses biens et revenus, et ce par application de l'article L 341-4 du code de la consommation ;

Subsidiairement,

- annuler les actes de cautionnement du 14 mars 2011, et subsidiairement les réduire, à raison de la responsabilité du Crédit Agricole au sens de l'article L 650-1 du code de commerce ;

Très subsidiairement,

- constater que le Crédit Agricole ne justifie pas du respect de son obligation d'information annuelle de la caution au sens de l'article L 313-22 du code monétaire et financier;

- en conséquence, prononcer la déchéance de son droit à percevoir les intérêts conventionnels réclamés au titre des ouvertures de crédit garanties par M. [C], et dire qu'à son égard, les paiements effectués doivent être affectés prioritairement au paiement du principal de la dette ;

- ordonner avant dire droit la communication par le Crédit Agricole d'un nouveau décompte de créance, appliquant les sanctions prévues à l'article L 313-22 du code monétaire et financier;

- constater que le Crédit Agricole ne rapporte pas la preuve du montant de sa créance';

- constater que l'ouverture de crédit portée au compte n° 00040935556 n'est pas garantie par le cautionnement de M. [C]';

- débouter le Crédit Agricole de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions';

A titre infiniment subsidiaire,

- accorder à M. [C] le bénéfice des dispositions de l'article 1343-5 du code civil en ordonnant un report des éventuelles condamnations à intervenir à 24 mois, les échéances reportées portant intérêts au taux légal et s'imputant en priorité sur le capital';

En tout état de cause,

- condamner le Crédit Agricole au paiement d'une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- le condamner aux entiers dépens de première instance.

Au contraire, le Crédit Agricole demande à la cour de :

Vu les articles 2288 et suivants du code civil,

Vu les articles L 341-4 et L 650-1 du code de commerce,

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'action en responsabilité de M. [C] sur le fondement de l'article L 650-1 du code de commerce';

- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté l'argumentation tirée de l'application des dispositions de l'article L 341-4 du code de la consommation';

- réformer le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de déchéance du droit aux intérêts conventionnels, après avoir constaté que la demande se trouve sans objet';

- débouter M. [C] de sa demande fondée sur le fait que l'ouverture de crédit, dont le solde est d'un montant de 168.421,87 €, ne serait pas concernée par l'acte de cautionnement';

- débouter M. [C] de sa demande de délai de grâce et de sa demande au titre des frais irrépétibles';

- en conséquence, le condamner à payer au Crédit Agricole les sommes ci-après, suivant décompte arrêté au 7 mars 2017 :

* au titre de l'ouverture de crédit n° 00040448762 d'un montant initial de 300.000 € :

° 82.377,05 € correspondant au solde débiteur du compte n° 40857516410 (compte antérieur au redressement judiciaire)';

° 168.421,87 € correspondant au solde débiteur du compte n° 00040935556 (compte postérieur au redressement judiciaire) avec intérêts de droit à compter de l'assignation';

* au titre de l'ouverture de crédit n° 00040448744 d'un montant initial de 15.000 € : 23.433,01 € au titre du solde débiteur, avec intérêts de droit à compter de la mise en demeure du 22 juillet 2011';

* au titre du cautionnement bancaire : 6.097,96 € correspondant au montant utilisé, outre les intérêts au taux légal avec majoration de 5 points du 17 août 2011 jusqu'à parfait paiement';

- condamner M. [C] à payer au Crédit Agricole la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Il est renvoyé à la lecture des conclusions précitées pour un plus ample exposé des demandes et moyens des parties.


MOTIFS DE LA DECISION


Sur la demande formée au titre du cautionnement souscrit le 17 mars 2010':

Suivant acte du 17 mars 2010 et à titre de contre-garantie du cautionnement consenti par le Crédit Agricole aux fournisseurs de la société BSB, M. [C] s'est lui-même porté caution au profit de la banque dans la limite d'une somme de 180.000 €.

Le cautionnement bancaire ayant été actionné par la société Total Raffinage Marketing à hauteur d'une somme de 6.097,96 €, ce dont le Crédit Agricole justifie par la production d'une quittance subrogative en date du 17 août 2011, la banque réclame dès lors la condamnation de M. [C] à lui rembourser la somme correspondante.

A cet égard, M. [C] n'est pas fondé à lui opposer la disproportion manifeste de son engagement, au sens de l'article L 341-4 du code de la consommation, dès lors en effet qu'il résulte des pièces du dossier':

- qu'à la date à laquelle il a souscrit ce cautionnement, d'un montant limité à 180.000 €, il était propriétaire d'une maison d'habitation située à [Localité 3] (56)';

- qu'il évalue lui-même cet immeuble à une somme «'de l'ordre de 300.000 €'» sauf à déduire des soldes d'emprunts qui, à la date du 14 mars 2011, n'excédaient pas 65.000 € ';

- qu'à l'époque de la conclusion du cautionnement litigieux, soit le 17 mars 2010, M. [C] n'avait pas encore souscrit les autres engagements dont il se prévaut aujourd'hui, puisque ce n'est qu'en date des 17 juin 2010, 7 juillet 2010 et 14 mars 2011 qu'il les a souscrits, d'une part au profit de la Banque de Bretagne (à hauteur de 46.000 €, puis de 420.000 €), d'autre part au profit du Crédit Agricole (à hauteur de 19.500 €, puis de 390.000 €).

Ainsi et à la date du 17 mars 2010, le premier cautionnement souscrit par M. [C] au profit du Crédit Agricole, limité à 180.000 €, n'était pas disproportionné par rapport à la valeur nette de son patrimoine, celle-ci étant même notablement supérieure au plafond de cet engagement.

En revanche, si le Crédit Agricole, pour réclamer à M. [C] le paiement d'une somme de 6.097,96 € au titre de ce cautionnement, se prévaut d'une quittance subrogative du même montant délivrée par la société Total Raffinage Marketing, pour autant il est constant :

- que le cautionnement ne saurait excéder ce qui est dû par le débiteur lui-même, et ce par application de l'article 2290 du code civil;

- qu'or, la société Total Raffinage Marketing n'a été admise à la liquidation judiciaire de la société BSB qu'à hauteur d'une somme de 2.270,16 € ainsi qu'il résulte des pièces transmises par la banque en cours de délibéré.

En conséquence et dans cette stricte limite, M. [C] ne saurait être condamné au paiement d'une somme supérieure à celle admise à la procédure collective.

De même et en l'absence de précision, dans la décision d'admission, quant au régime des intérêts à courir, M. [C] ne saurait être tenu qu'aux seuls intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 12 mars 2012, et ce conformément aux dispositions de l'article 1153 du code civil.

Enfin, il convient de constater :

- que M. [C] ne sollicite pas l'annulation ou la réduction de ce cautionnement sur le fondement de l'article L 650-1 du code de commerce (cette demande ne portant que sur les deux engagements souscrits le 14 mars 2011);

- que sa demande tendant à la déchéance du droit aux intérêts ne concerne pas non plus le cautionnement du 17 mars 2010, mais seulement les 'ouvertures de crédit' garanties par les deux cautionnements du 14 mars 2011.

Sur les demandes formées au titre des deux cautionnements souscrits le 14 mars 2011':

M. [C] s'est alors engagé en faveur du Crédit Agricole à hauteur d'une somme totale de 409.500 € (19.500 + 390.000), ces deux engagements étant venus s'ajouter, d'une part au cautionnement souscrit le 17 mars 2010 au profit du Crédit Agricole (180.000 €), d'autre part aux deux cautionnements souscrits les 17 juin et 7 juillet 2010 au profit de la Banque de Bretagne (46.000 + 420.000), l'intéressé étant dès lors susceptible de devoir répondre d'un ensemble d'engagements pour une somme totale de 1.055.500 €.

Ainsi et quelle que soit la valeur réelle de l'immeuble détenu par M. [C] au jour où il s'est engagé au profit du Crédit Agricole («'de l'ordre de 300.000 €'» selon l'intéressé, ou 336.900 € selon la banque), en toute hypothèse de tels engagements cumulés étaient manifestement disproportionnés par rapport aux biens et revenus dont il disposait à cette époque, la caution étant en effet dans l'incapacité manifeste de faire face à la défaillance complète de la société BSB envers ses créanciers.

A cet égard, le Crédit Agricole, qui n'a pas eu la prudence de réclamer à son client une fiche de renseignements patrimoniaux, ne saurait se prévaloir de celle que la Banque de Bretagne lui a demandée quant à elle, et notamment des énonciations figurant dans cette fiche selon lesquelles M. [C] déclarait détenir un patrimoine immobilier d'une valeur nette de 550.000 € ou encore des valeurs mobilières pour un montant de 250.000 €, étant en effet rappelé que cette fiche, qui n'est pas versée aux débats mais dont l'existence est citée dans un arrêt du 26 novembre 2019 portant condamnation de M. [C] au profit de la Banque de Bretagne, n'a jamais été remise au Crédit Agricole, pas plus qu'elle ne lui était destinée.

C'est donc à juste titre que le tribunal a retenu la disproportion initiale des deux cautionnements souscrits le 14 mars 2011 au profit du Crédit Agricole.

La banque n'en demeure pas moins recevable à invoquer les dispositions de l'article L 341-4 du code de la consommation lui permettant de se prévaloir d'un engagement de caution, même jugé manifestement disproportionné au jour de sa conclusion, dès lors qu'elle est en mesure de rapporter la preuve qu'au moment où la caution est appelée à en répondre, le patrimoine de celle-ci lui permet de faire face à son obligation.

En l'occurrence et pour tenter d'en justifier, le Crédit Agricole fait valoir qu'à la date à laquelle elle a fait assigner M. [C] devant le tribunal, soit le 12 janvier 2015, celui-ci était toujours propriétaire de sa maison que la banque prétend évaluer à la somme de 336.900 €, outre qu'il percevait des revenus d'un montant annuel de 33.009,56 €.

La cour rappelle d'abord que les revenus de la caution ne sauraient être pris en considération pour l'appréciation de sa capacité à faire face à son obligation au moment où elle est appelée à répondre de son engagement, seul son 'patrimoine' pouvant l'être ainsi qu'il résulte des termes mêmes de l'article L 341-4.

Quant à la valeur de l'immeuble, la cour s'en tiendra à la somme de 300.000 € telle qu'elle a été fixée par le notaire en charge de son évaluation, et non à celle de 336.900 € préconisée par la banque sur la base d'une simple estimation issue d'un moteur de recherche internet qui, dès lors, ne présente aucun gage de fiabilité.

Encore faut-il en déduire le solde des emprunts immobiliers restant dus par M. [C] à la date du 12 janvier 2015, soit 28.361,85 € pour le premier et 1.930,30 € pour le second, ainsi qu'il résulte des tableaux d'amortissement produits par l'appelant en pièce n° 6.

M. [C] était ainsi titulaire d'un patrimoine immobilier d'une valeur nette de 269.707,85 € (300.000 - 28.361,85 - 1.930,30) au jour où il a été assigné en paiement par le Crédit Agricole.

Le Crédit Agricole ne justifie pas de ce que la caution ait été propriétaire d'autres biens, mobiliers ou immobiliers, la banque ne pouvant pas se prévaloir, notamment, des renseignements patrimoniaux que l'intéressé a pu faire à la Banque de Bretagne en 2010, alors qu'il lui incombe de rapporter la preuve, à la date du 12 janvier 2015, de l'existence, et surtout de la persistance, du patrimoine allégué.

Or, à cette époque et ainsi qu'il résulte des termes du jugement déféré, le Crédit Agricole réclamait à M. [C]':

- au titre de l'ouverture de crédit n° 00040448744': une somme de 18.722,47 € outre des intérêts contractuels à compter du 22 juillet 2011,

- au titre de l'ouverture de crédit n° 00040448762': une somme de 82.377,05 € correspondant au solde débiteur antérieur au redressement judiciaire et une somme de 168.421,87 € correspondant au solde débiteur postérieur au redressement judiciaire, outre des intérêts contractuels à compter du 22 juillet 2011,

- au titre du cautionnement bancaire': une somme de 6.097,96 € outre des intérêts au taux légal majoré de 5 points à compter du 17 août 2011,

soit une somme totale de 275.619,35 € en principal, sans préjudice d'intérêts contractuels ou au taux légal majoré de 5 points depuis plus de trois ans.

Il est donc établi que le patrimoine détenu par M. [C] au jour le Crédit Agricole l'a appelé devant le tribunal ne lui permettait pas de faire face à son obligation, et ce sans même envisager l'obligation à laquelle il devait faire face envers la Banque de Bretagne, à laquelle il a finalement été condamné à régler une somme de 83.734,34 € ainsi qu'il résulte de l'arrêt du 26 novembre 2019.

En conséquence, et sans qu'il y ait lieu d'évoquer les autres moyens développés par M. [C] (responsabilité de la banque engagée sur le fondement de l'article L 650-1 du code de commerce, non-respect de l'obligation d'information annuelle de la caution), le Crédit Agricole sera débouté de ses demandes en paiement formées au titre des deux engagements de caution souscrits le 14 mars 2011.

Sur les autres demandes':

M. [C] ayant déjà bénéficié de très larges délais pour s'acquitter de sa dette, il ne saurait lui en être accordé de supplémentaires.

Les parties seront déboutées de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles.

Partie perdante, même partiellement, M. [C] sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel.

PAR CES MOTIFS

,

La cour :

- infirme le jugement en toutes ses dispositions';

- statuant à nouveau et y ajoutant':

* condamne M. [B] [C] à payer à la société Crédit Agricole du Morbihan, au titre de l'engagement de caution souscrit le 17 mars 2010, une somme de 2.270,16 € avec intérêts au taux légal à compter du 12 mars 2012 ;

'

* déboute la société Crédit Agricole du Morbihan de ses demandes en paiement formées au titre des deux engagements de caution souscrits par M. [B] [C] le 14 mars 2011';

* déboute M. [B] [C] de sa demande de délais de paiement';

* déboute la société Crédit Agricole du Morbihan ainsi que M. [B] [C] de leurs demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

* condamne M. [B] [C] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le greffierLe président