Cour d'appel de Bordeaux, 21 juin 2022, 19/03927

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
  • Numéro de pourvoi :
    19/03927
  • Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
  • Décision précédente :Tribunal de grande instance de Bordeaux, 20 juin 2019
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/62b2b0e1bdaff078c0376c34
  • Président : Monsieur Roland POTEE
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Bordeaux
2022-06-21
Tribunal de grande instance de Bordeaux
2019-06-20

Texte intégral

COUR D'APPEL DE BORDEAUX PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE --------------------------

ARRÊT

DU : 21 JUIN 2022 RP N° RG 19/03927 - N° Portalis DBVJ-V-B7D-LEHI SA GEORGET MARCHANDISES ET PATRIMOINE c/ [I] [S] [V] [S] Nature de la décision : AU FOND Grosse délivrée le : aux avocats Décision déférée à la cour : jugement rendu le 20 juin 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 5, RG : 16/11940) suivant déclaration d'appel du 12 juillet 2019 APPELANTE : SA GEORGET MARCHANDISES ET PATRIMOINE, agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 1] représentée par Maître PIQUET substituant Maître Nathalie PLANET de la SELARL NATHALIE PLANET AVOCATS, avocats postulants au barreau de BORDEAUX, et assistée de Maître Jean-François SALPHATI de la SELAS Jean-François SALPHATI, avocat plaidant au barreau de PARIS INTIMÉS : [I] [S] né le 17 Novembre 1987 à [Localité 3] de nationalité Française demeurant [Adresse 2] Catherine TROLY née le 17 Janvier 1949 à SARRES (40000) de nationalité Française demeurant [Adresse 2] représentés par Maître Marjorie SCHNELL de la SELARL TEN FRANCE BORDEAUX, avocat postulant au barreau de BORDEAUX, et assistés de Maître Julie DEGENEVE de la SCP O. RENAULT ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de LYON COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 17 mai 2022 en audience publique, devant la cour composée de : Roland POTEE, président, Vincent BRAUD, conseiller, Bérengère VALLEE, conseiller, qui en ont délibéré. Greffier lors des débats : Véronique SAIGE ARRÊT : - contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. * * * EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE Mme [V] [S] et M. [I] [S] ont chacun souscrit, pour la première à hauteur de 40.000 euros le 20 août 2008, pour le second à hauteur de 5.000 euros le 23 décembre 2009, auprès de la société Georget Marchandises & Patrimoine (ci-après la société GMP), conseiller en investissements financiers et en gestion de patrimoine, un investissement outre-mer dans le programme de défiscalisation mis en place au titre de la loi du 21 juillet 2003 dite 'Girardin Industriel' par la société DOM-TOM Défiscalisation ( la société DTD ) et le groupe Lynx Finances Group, consistant en la souscription de parts dans des sociétés en participation devant acquérir du matériel photovoltaïque auprès de la société Lynx Industries.

Considérant

que les conditions ouvrant droit à la réduction d'impôt régie par l'article 199 undecies B du code général des impôts n'étaient pas remplies, l'administration fiscale a réclamé aux consorts [S] le montant des réductions d'impôts dont ils avaient bénéficié au titre de l'année d'investissement, majoré des pénalités et intérêts de retard. Par acte du 31 octobre 2016, les consorts [S] ont fait assigner la société GMP devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins de la voir déclarer responsable du préjudice lié à la rectification fiscale subie, pour avoir commis des fautes dans l'exercice de sa mission. Par jugement du 20 juin 2019, le tribunal de grande instance de Bordeaux a : - déclaré la demande de M.[I] [S] recevable, - condamné la SA Georget Marchandises & Patrimoine à payer à Mme [V] [S] la somme de 53.238,61 euros à titre de dommages-intérêts, - condamné la SA Georget Marchandises & Patrimoine à payer à M. [I] [S] la somme de 7.092 euros à titre de dommages-intérêts, - condamné la SA Georget Marchandises & Patrimoine à payer à Mme [V] [S] et à M. [I] [S], chacun, la somme de 2.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - rejeté la demande de la SA Georget Marchandises & Patrimoine au titre du même texte, - condamné la SA Georget Marchandises & Patrimoine aux dépens, - dit n'y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la décision. La SAS GMP a relevé appel de ce jugement par déclaration du 12 juillet 2019 et par conclusions déposées le 29 avril 2022, elle demande à la cour de : - infirmer le jugement entrepris et, statuant de nouveau, - déclarer l'action de M. [I] [S] irrecevable car prescrite et subsidiairement non fondée, - débouter M. [I] [S] et Mme [V] [S] de toutes demandes, fins et conclusions contre la société GMP, - débouter M. [I] [S] et Mme [V] [S] de leur appel incident, - condamner M. [I] [S] et Mme [V] [S] à payer à la société GMP une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - condamner Mme [V] [S] et M. [I] [S] aux entiers dépens. Par conclusions déposées le 28 avril 2022, les consorts [S] demandent à la cour de: - confirmer le jugement du 20 juin 2019 en ce qu'il a : * jugé recevable l'action exercée par M.[S], * retenu la responsabilité de la société GMP, * condamné la société GMP à régler à chacune des parties la somme de 2.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance, - réformer le jugement ayant évalué leur préjudice matériel à 60 % de la réduction d'impôt réclamée par l'administration fiscale, Statuant à nouveau, - condamner la société GMP à indemniser l'entier préjudice subi par des parties intimées selon répartition ci-jointe : - La somme de 86.233 € à Mme [V] [S] : * 71.861,41€ correspondant au montant de la réduction d'impôts remise en cause ; * 14.372 € en réparation du préjudice moral soit 20 % des sommes précédentes. - La somme de 10.224 € à M. [I] [S] : * 8.520 € correspondant au montant de la réduction d'impôts remise en cause. * 1.704 € en réparation du préjudice moral soit 20 % des sommes précédentes. - condamner la société GMP au règlement de la somme de 5.000 € par intimé en application de l'article 700 code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel. L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 17 mai 2022. L'instruction a été clôturée par ordonnance du 3 mai 2022. MOTIFS DE LA DÉCISION Sur la recevabilité de l'action de M.[I] [S] L'appelante maintient la fin de non recevoir opposée en première instance à l'action de M.[S] qu'elle estime prescrite, en considérant, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal et à ce que soutiennent les consorts [S], que le préjudice invoqué s'est bien réalisé à la date de la notification, le 21 octobre 2011, de la proposition de rectification présentée par l'administration fiscale et non à la date du redressement notifié le 6 juin 2012, dès lors que la proposition de rectification n'a pas été contestée par M.[S] et qu'il ne peut ainsi prétendre qu'elle a marqué le point de départ d'une procédure contradictoire à l'issue de laquelle l'administration fiscale pouvait ne mettre en recouvrement aucune imposition. Les consorts [S] répliquent que la proposition de rectification ne fixe aucune situation liant le contribuable ou l'administration fiscale qui pouvait abandonner ou réduire ses prétentions même après l'expiration du délai de réponse de trente jours, la fixation du point de départ du délai de prescription à la date de notification de l'avis de redressement fixant le préjudice fiscal n'étant pas conditionnée à l'existence d'une contestation de la proposition de rectification. La prescription applicable en la matière est celle de l'article 2224 du code civil qui prévoit que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. Il en résulte qu'en matière de responsabilité contractuelle, la prescription de l'action court au jour de la réalisation du dommage ou à compter de la date à laquelle le dommage est révélé à la victime. En l'espèce, le préjudice invoqué par M.[S] correspond au montant de la réduction d'impôt escomptée, remise en cause par l'administration fiscale et aux intérêts de retard et pénalités imposées par celle ci dans le cadre du redressement . Dans la proposition de rectification notifiée à M.[S] le 21 octobre 2011, la direction générale des finances publiques lui expose que la réduction d'impôt obtenue au titre des revenus de l'année 2009 pour des investissements outre mer réalisés dans le cadre d'une entreprise, sur la base du certificat délivré par la société DTD, ne répond pas aux conditions légales de son octroi, en l'absence d'une part de justificatif des investissements visés, la valeur en douane déclarée des matériels photovoltaïques importés étant de 122.227 € au total alors que les 258 sociétés en participation (SEP) constituées en 2009 pour acquérir ces matériels auraient dû totaliser un investissement de 298.000 € par SEP soit 76.884.000 € et d'autre part, en l'absence de fonctionnement autonome des installations photovoltaïques, aucune déclaration d'achèvement des travaux et aucune demande de raccordement au réseau EDF n'ayant été faite en 2009. L'administration indique à M.[S] qu'elle se propose de revenir sur la réduction d'impôt obtenue et de lui réclamer ainsi la somme de 7.320 €, outre les intérêts de retard à 6,40 % et la majoration de 10% sur le montant de la réduction d'impôt, le contribuable étant informé qu'il dispose d'un délai de 30 jours pour adresser ses observations ou accepter la rectification, et qu'à défaut de réponse dans ce délai, la proposition de rectification sera considérée comme acceptée. Il n'est pas contesté que M.[S] n'a fait valoir aucune observation suite à la notification du 21 octobre 2011 et que l'avis complémentaire sur ses revenus de 2009 établi le 6 juin 2012 reprend les rectifications exposées plus haut. Il est exact que la proposition de rectification peut marquer le point de départ d'une procédure contradictoire, à l'issue de laquelle l'administration peut ne mettre en recouvrement aucune imposition. Toutefois, en l'absence de toute contestation du contribuable, la procédure contradictoire n'est pas mise en oeuvre de sorte qu'en l'espèce, M.[S], pleinement avisé des causes et des conditions de la rectification fiscale encourue et du fait que son silence valait acceptation de la rectification envisagée, était informé dès le 21 octobre 2011, de la réalisation du préjudice qu'il invoque, tenant à la perte de l'avantage fiscal qu'il impute aux manquement de la société GMP dans le cadre de ses fonctions de conseiller financier et en gestion de patrimoine. C'est donc à tort que le premier juge a déclaré son action recevable alors qu'à la date de délivrance de l'assignation initiale le 31 octobre 2016, la prescription était acquise. Le jugement sera infirmé de ce chef. Sur le fond La société GMP fait grief au premier juge d'avoir estimé qu'elle avait manqué aux obligations mises à sa charge en sa double qualité de conseil en gestion de patrimoine et de conseiller en investissements financiers et que ces manquements étaient en lien direct avec le préjudice subi par les consorts [S]. Elle soutient en effet que l'échec de l'opération d'investissement en défiscalisation qui est à l'origine de leur préjudice tient exclusivement aux détournements de fonds opérés par le responsable de la société DTD, pénalement condamné pour ces faits, et non au défaut de vérification du sérieux de l'opération et de mise en garde sur les risques encourus par les investisseurs reproché à l'appelante qui, en outre, le conteste dans sa matérialité en invoquant la cohérence et le sérieux apparents du produit proposé et le caractère averti de Mme [S], investisseuse expérimentée et avisée de l'aléa de ce type d'investissement qu'elle a d'ailleurs renouvelé après l'opération litigieuse. Mme [S] qui conteste sa qualité d'investisseur averti, maintient que la société GMP a manqué à ses obligations de conseil en investissements financiers et en gestion de patrimoine dans les conditions retenues par le tribunal et qu'en s'abstenant de procéder aux vérifications lui incombant quant aux risques inhérents au montage de l'opération et à la fiabilité des intervenants et en présentant l'opération sous ses seuls avantages fiscaux et financiers, l'appelante a emporté la conviction des investisseurs et les a incités à s'engager dans cette opération, ce qui suffit à caractériser le lien de causalité avec les préjudices subis qui correspondent au montant total des réductions d'impôts et des intérêts et pénalités réglés à l'administration fiscale et au préjudice moral causé par les redressements fiscaux. Sur les manquements aux obligations de la société GMP S'agissant en premier lieu de la qualité d'investisseur averti de Mme [S], médecin anesthésiste de profession, il ne peut être soutenu par l'appelante que les investissements et placements réalisés avant l'opération litigieuse ( achat de parts sociales en mai 2008, ouverture d'un compte livret Cortal en mai 2008 avec mention de placements antérieurs classiques , comme les livrets d'épargne, PEA, assurance vie, épargne logement, placements immobiliers, investissement de 3.000 € en juin 2008 sur un fonds d'investissement de proximité) suffisent à dénier à Mme [S] la qualité de néophyte en matière d'investissement outre-mer dans le cadre très particulier du dispositif 'Girardin Industriel' mettant en oeuvre un régime financier et fiscal complexe dont la maîtrise suppose des connaissances spécifiques. S'agissant des obligations contractuelles et pré-contractuelles de la société GMP, celle ci est tenue , en sa qualité de conseiller en investissements financiers, en vertu des articles L541-4 et L533-12 du code monétaire et financier dans leur version applicable au litige, de : - se comporter avec loyauté et agir avec équité au mieux des intérêts de ses clients ; - exercer son activité, dans les limites autorisées par son statut, avec la compétence, le soin et la diligence qui s'imposent au mieux des intérêts de ses clients, afin de leur proposer une offre de services adaptée et proportionnée à leurs besoins et à leurs objectifs. - avant de formuler un conseil, remettre à son client une lettre de mission rédigée en double exemplaire et signée des deux parties. - vérifier que toutes les informations, y compris à caractère promotionnel, adressées au client présentent un caractère exact, clair et non trompeur. Par ailleurs, en sa qualité de conseil en gestion de patrimoine, l'appelante est également tenue d'une obligation générale de prudence qui lui commande d'étudier sérieusement le produit proposé et de procéder à toutes vérifications utiles dans l'intérêt du client, au regard de la nature de l'investissement envisagé, en l'espèce, une opération complexe de défiscalisation outre-mer. Le tribunal a constaté dans des termes que les débats d'appel ne remettent pas en cause, qu'il n'avait été donné aux consorts [S] ni de lettre de mission relative à l'information fournie au client, ni de rapport écrit détaillé justifiant les propositions de la société GMP, leurs avantages et risques, au regard de la situation des souscripteurs qui ne s'étaient vu remettre ainsi que le document commercial de présentation de 27 pages établi par la société DTD, document ne présentant pas clairement et précisément les risques de l'opération décrite, sans mention des conditions de mise en oeuvre de la réduction fiscale imposant une acquisition du matériel par une SEP, son installation et son raccordement au réseau EDF avant le 31 décembre de l'année d'investissement. La société GMP s'est donc contentée de transmettre aux consorts [S] le dossier du promoteur de l'opération, présentant l'opération sous son seul aspect favorable, sans signaler les risques particuliers du montage et les conditions de l'octroi du bénéfice de défiscalisation. Sur ce point, la société GMP n'est pas fondée à soutenir qu'elle ne pouvait anticiper le changement de position de l'administration fiscale pour avoir, postérieurement à la souscription du contrat, considéré que l'octroi de l'avantage fiscal de l'article 199 undecies B du code général des impôts était conditionné au raccordement effectif de l'installation photovoltaïque à EDF au 31 décembre de l'année d'investissement alors que le conseil d'Etat, en juin 2008, confirmant une jurisprudence plus ancienne, affirmait clairement dans quatre arrêts de principe qu'un investissement productif outre-mer doit être regardé comme réalisé au sens du code général des impôts lorsqu'il est exploité de manière effective ( CE 4 uin 2008, n° 299278, n°299309, n° 304245 et n° 304246 RFJ 10/08 n°1056). Au demeurant, cette position, parfaitement conforme aux objectifs de la loi Girardin Industrielle visant à encourager par des avantages fiscaux, des investissements productifs outre-mer, ce qui suppose une mise en production effective au titre de l'année fiscale pour laquelle le bénéfice de défiscalisation est accordé, était induite par la note établie en mars 2007 par le cabinet d'avocats fiscalistes ' Acta Antilles', dirigé par un ancien inspecteur des impôts auteur d'une note de couverture juridique à la disposition des conseillers en gestion de patrimoine commercialisant le montage financier en SEP créé par DTD, citée en page 2 du dossier de souscription remis aux consorts [S] ( leur pièce 1-7). En effet, cette note du cabinet Acta Antilles ( pièce 17 de la société GMP) insiste sur l'utilisation des SEP dans le montage et rappelle que l'administration fiscale sera attentive au respect des conditions prévues par la loi, à savoir notamment que les matériels soient effectivement achetés neufs au travers d'une SEP ce qui implique que tout bien acheté puisse être rattaché à une SEP en particulier et qu'ils soient mis à disposition d'une entreprise exploitante pendant 5 ans, mise à disposition constatée par procès verbal, ce qui implique que l'installation photovoltaïque soit effectivement installée et raccordée au réseau électrique pour être en état de produire de l'électricité. Il est aussi rappelé, comme indiqué dans les propositions de rectification adressées aux consorts [S], que la doctrine administrative en la matière rappelle dès 2007, que la notion même d'investissement productif implique l'acquisition et la création de moyens d'exploitation permanents et durables capables de fonctionner de manière autonome ( BO 5B-2-07 n° 15 du 30 janvier 2007 n° 22). Par ailleurs, c'est à juste titre que le premier juge, par d'exacts motifs repris par la cour, après avoir analysé les pièces invoquées par la société GMP (le dossier commercial, les consultations du cabinet Acta Antilles, la note d'un fonctionnaire du ministère de l'économie, les constats d'huissier et les attestations de garanties d'assurance), a considéré que si l'appelante n'était tenu à aucune obligation de résultat d'obtention de la réduction fiscale annoncée, elle avait proposé aux consorts [S] à compter du 20 août 2008, un montage établi par la société DTD sans s'assurer de sa réalisation en 2007, n'ayant pas vérifié que le projet présentait les garanties requises et sans informer les investisseurs des risques qu'il comportait lors de la souscription. Le jugement mérite ainsi confirmation en ce qu'il retient les manquements de la société GMP à ses obligations. Sur le lien de causalité et le préjudice Le préjudice invoqué par Mme [S] tient aux sommes qu'elle a dû reverser dans le cadre du redressement fiscal qui a été opéré non pas en raison des détournements de fonds commis par le gérant de la société DTD mais du non respect des conditions d'octroi de l'avantage fiscal, en l'absence de justificatif des investissements visés et de fonctionnement autonome des installations photovoltaïques, non achevées ni raccordées au réseau électrique en 2008. S'il est constant que la cause première de l'échec de l'opération d'investissement en 'Girardin Industriel' réside dans le caractère fictif de son montage et les manoeuvres frauduleuses du dirigeant de la société DTD, il n'en demeure pas moins que Mme [S] a été conduite à y souscrire par la société GMP sur la base des conseils et de l'information défaillants constatés plus haut, ce qui suffit à caractériser le lien de causalité entre les manquements de l'appelante et le préjudice subi. A cet égard, le fait que Mme [S] ait pu, après la souscription du contrat litigieux, renouvelé des investissements du même type, est sans influence sur le présent litige dans la mesure où ces opérations sont distinctes de celles conduites par la société DTD et où la cour ignore si leur régularité a été remise en cause. Le préjudice résultant d'un manquement à l'obligation d'information et de conseil du conseiller en investissements financiers et en gestion de patrimoine ne peut consister qu'en une perte de chance de l'investisseur de ne pas réaliser un investissement hasardeux et/ou de réaliser un investissement rémunérateur et non en la perte de l'avantage fiscal escompté. Mme [S] qui n'évalue pas son préjudice sur la base du montant de la somme investie, n'est donc pas fondée à réclamer le paiement de la réduction d'impôt qu'elle a dû régler à l'administration fiscale, seuls les intérêts et pénalités de retard constituant un préjudice indemnisable comme conséquence financière de la décision d'investissement dans le programme litigieux, soit la somme de 21.554,41 €, outre celle de 2.000 € au titre du préjudice moral induit par la procédure de redressement fiscal. Toutefois, le manquement au devoir de conseil de la société GMP ayant entraîné pour elle une perte de chance de renoncer à l'investissement proposé et par conséquent, de bénéficier d'un dispositif similaire de réduction d'impôt, la cour estime cette perte de chance à 50% des réductions d'impôt auxquelles elle aurait pu prétendre soit 25.153,50 €. La société GMP sera en conséquence condamnée à verser à Mme [S] la somme totale de 48.707,91 €, par infirmation du jugement. Sur les demandes annexes Il sera alloué à Mme [S] une indemnité de 5.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les autres demandes formées au même titre seront rejetées. L'appelante qui succombe pour l'essentiel supportera les entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR Infirme le jugement entrepris et, statuant à nouveau; Déclare la demande de M. [I] [S] irrecevable, Condamne la SA Georget Marchandises & Patrimoine à payer à Mme [V] [S] la somme de 48.707,91 euros à titre de dommages-intérêts, Condamne la SA Georget Marchandises & Patrimoine à payer à Mme [V] [S] la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, Rejette les autres demandes plus amples ou contraires, Condamne la SA Georget Marchandises & Patrimoine aux entiers dépens. Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le Greffier,Le Président,