Cour d'appel de Paris, 26 juin 2009, 2008/18866

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2008/18866
  • Domaine de propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
  • Numéros d'enregistrement : 056131
  • Parties : CREATIONS NELSON SAS (exploitant sous l'enseigne COMPTOIR DES COTONNIERS) / GINGER (exploitant sous l'enseigne SUD EXPRESS)
  • Décision précédente :Tribunal de commerce de Paris, 25 septembre 2008
  • Président : Monsieur Alain GIRARDET
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2009-06-26
Tribunal de commerce de Paris
2008-09-25

Texte intégral

COUR D'APPEL DE PARISPôle 5 - Chambre 2 ARRÊT DU 26 JUIN 2009Numéro d'inscription au répertoire général : 08/18866 Décision déférée à la Cour : Jugement du 25 Septembre 2008 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2007044828 APPELANTE SAS CREATIONS NELSONexploitant sous l'enseigne COMPTOIR DES COTONNIERSagissant poursuites et diligences en la personne de son représentant légalayant son siège [...] représentée par la SCP NARRAT - PEYTAVI, avoués à la Courassistée de Me Philippe B, avocat au barreau de PARIS, toque : E 804, INTIMEESociété GINGERexploitant sous l'enseigne "SUD EXPRESS"prise en la personne de ses représentants légauxayant son siège [...] représentée par la SCP FISSELIER - CHILOUX - BOULAY, avoués à la Cour assistée de Me Bérangère B, avocat au barreau de PARIS, toque : C 1864, plaidant pour la société d'avocats Corinne C K, COMPOSITION DE LA COUR : En application des dispositions des articles 786 et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 avril 2009, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Madame Dominique SAINT SCHROEDER, conseiller chargé d'instruire l'affaire. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur Alain GIRARDET , conseiller,Madame G REGNIEZ, conseiller,Madame Dominique SAINT SCHROEDER, conseiller,Greffier, lors des débats : Mademoiselle Christelle B

ARRET

: - contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.- signé par Monsieur Alain GIRARDET, président et par Mademoiselle Christelle B, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire. La société CREATIONS NELSON, exploitant sous l'enseigne COMPTOIR DES COTONNIERS, affirmant être cessionnaire de droits d'auteur sur un modèle de robe débardeur désigné sous l'appellation « Roquette » qui a fait l'objet d'un dépôt simplifié sous son nom à l'INPI le 21 décembre 2005 sous le n°05 6131 (22-1) et publié le 28 juillet 2006, a fait assigner la société GINGER, exploitant sous l'enseigne SUD EXPRESS, devant le tribunal de commerce de Paris en contrefaçon de son modèle de robe et en concurrence déloyale après avoir fait pratiquer une mesure de saisie-contrefaçon dans les locaux de cette société. Par jugement du 25 septembre 2008, le tribunal de commerce a dit que le modèle n°05 6131 22-1 était nul et que la société CREATION S NELSON ne pouvait prétendre à aucune protection, a débouté celle-ci de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée à payer la somme de 12 000 euros au titre des frais irrépétibles à la société GINGER dont elle a rejeté les autres demandes. Aux tenues de ses dernières conclusions du 2 mars 2009, la société CREATIONS NELSON, appelante, demande à la cour d'infirmer cette décision sauf en ce qu'elle a rejeté la demande reconventionnelle de la société GINGER, de condamner celle-ci pour contrefaçon de droits d'auteur et de dépôt de modèle à lui payer la somme de 300 000 euros ainsi que celle de 150 000 euros en réparation du préjudice qu'elle a subi du fait des actes de concurrence déloyale. Elle réclame également des mesures d'interdiction, de destruction et de publication et la somme de 21 000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile. La société GINGER conclut dans ses dernières écritures du 10 mars 2009 à la confirmation du jugement entrepris sauf en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle et sollicite à ce titre la somme de 60 000 euros pour procédure abusive outre celle de 10 000 euros pour ses frais irrépétibles d'appel. Il est renvoyé aux dernières conclusions précitées des parties en date des 2 et 10 mars 2009 pour plus ample exposé de leurs moyens et prétentions et ce, conformément aux dispositions des articles 455 et 753 du Code de procédure civile.

SUR CE

Sur les droits d'auteurSur la titularité des droits Considérant que la société GINGER conteste la titularité des droits de la société CREATIONS NELSON en faisant valoir que celle-ci ne justifie pas d'une création déterminée à une date certaine, l'attestation de Madame E n'étant accompagnée d'aucun croquis ni d'aucune fiche technique datée. Considérant que l'appelante revendique sur la robe dénommée « ROQUETTE », qui a également fait l'objet d'un dépôt, la protection des droits d'auteur et indique que ce modèle présente, notamment, la combinaison des caractéristiques suivantes :-robe débardeur sans manche et en maille,-de forme légèrement trapézoïdale s'évasant vers le bas,-un décolleté arrondi plus échancré sur le devant qu'à l'arrière,-des petites cotes lxl formant une collerette autour du cou et des échancrures des emmanchures, -une petite patte à trois boutons nacrés traversant la bretelle gauche,-des petites cotes bordant le bas de la robe. Considérant que pour établir la titularité de ses droits sur ce modèle de robe, l'appelante produit une attestation de Madame Georgette E, ancienne directrice de création au sein de cette société, qui déclare avoir créé le 5 septembre 2005 le modèle litigieux dont elle a cédé les droits à cette société et dont elle décrit les caractéristiques, trois factures du 13 février 2006 désignant le modèle « roquette maille robe noir/chanvre » adressées aux Galeries Lafayette et à deux boutiques à l'enseigne COMPTOIR DES COTONNIERS à Paris et à Tarbes et le catalogue Printemps-été 2006 édité à l'occasion du défilé de cette collection ; que la divulgation de ce modèle au début de l'année 2006 et sa commercialisation sous le nom de l'appelante sont ainsi démontrées et font présumer à 1 ' égard des tiers que la société CREATIONS NELSON est titulaire des droits patrimoniaux sur le modèle dont s'agit. Sur l'originalité du modèle « ROQUETTE » Considérant que pour contester l'originalité de ce modèle, la société GINGER oppose son modèle de débardeur dénommé « LAYETTE » créé en 2003 ; que l'appelante prétend, d'une part, que les pièces versées aux débats n'ont pas date certaine, et, d'autre part, qu'un débardeur n'est pas une robe, que les factures de commercialisation de l'article « LAYETTE » le désignent sous l'intitulé « tee shirt » et qu'un débardeur en coton ne peut antérioriser une robe en maille. Considérant que la société GINGER produit la fiche technique du 2 janvier 2003 du débardeur dénommé « LAYETTE » et reproduisant le dessin dudit débardeur accompagnée de six factures en date du mois de février 2003 et des attestations, toutes conformes aux dispositions de l'article 202 du Code de procédure civile, des dirigeants ou gérants des sociétés au nom desquelles les factures ont été établies avec la photographie du débardeur « LAYETTE » signée par chacun de ces dirigeants et gérants attestant ainsi qu'il s'agit du produit qu'ils ont acheté pour la saison été 2003 ; que l'ensemble de ces documents suffit à démontrer que la société GINGER a commercialisé dès 2003 ; que, toutefois, ce modèle n'est pas susceptible de ruiner l'originalité du modèle « ROQUETTE » dès lors qu'il s'agit d'un débardeur en coton associant une forme courte à de fines rayures, et non d'une robe en maille aux rayures plus épaisses et qu'il ne reprend donc pas la combinaison de l'ensemble des caractéristiques de la robe « ROQUETTE » qui manifeste l'effort créatif de son auteur, la rendant éligible à la protection du droit d'auteur. Sur la contrefaçon Considérant que le modèle de robe « RIFIFI », nom sous lequel la société intimée commercialise son modèle de robe créé le 18 juillet 2006, reprend à l'identique la combinaison des éléments dont il vient d'être dit qu'elle conférait au modèle « ROQUETTE » un caractère original ; qu'elle en constitue dès lors la contrefaçon. Sur le dépôt de modèle Considérant qu'il résulte de l'article L.511-3 du Code de la propriété intellectuelle qu'un dessin ou modèle est regardé comme nouveau si, à la date de dépôt de la demande d'enregistrement, aucun dessin ou modèle identique n'a été divulgué ; que des dessins ou modèles sont considérés comme identiques lorsque leurs caractéristiques ne diffèrent que par des détails insignifiants ; que l'article L.511-4 dudit code énonce qu'un dessin ou modèle a un caractère propre lorsque l'impression visuelle d'ensemble qu'il suscite chez l'observateur averti diffère de celle produite par tout dessin ou modèle divulgué avant la date de dépôt de la demande d'enregistrement ; qu'en l'espèce, le modèle déposé diffère de l'antériorité LAYETTE non seulement par la différence de boutons sur la patte traversant la bretelle gauche et la longueur du modèle mais également par la présence de rayures plus épaisses que sur l'antériorité et qui confèrent au modèle déposé son caractère propre et nouveau ; qu'il se dégage, du fait de ces différences, une impression visuelle d'ensemble qui, aux yeux de l'observateur averti, le démarque des modèles déjà divulgués ; qu'il y a lieu, en conséquence, de déclarer valable le modèle de la société CREATIONS NELSON sur le fondement du livre V du Code de la propriété intellectuelle. Sur la contrefaçon Considérant que le modèle de robe RIFIFI est la reproduction servile du modèle déposé par la société CREATIONS NELSON et produit donc sur l'observateur averti la même impression visuelle d'ensemble ; qu'elle en constitue la contrefaçon. Sur les actes de concurrence déloyale Considérant que la société appelante fait grief aux premiers juges de ne pas avoir retenu à rencontre de la société GÏNGER les actes de concurrence déloyale consistant dans la copie servile de son modèle, la vente à un prix inférieur soit 55 euros au lieu de 80 euros, l'effet de gamme, la vente dans des boutiques situées dans les mêmes villes et les mêmes grands magasins et le détournement de sa notoriété. Considérant cependant qu'il ne peut être reproché à la société GINGER d'implanter ses boutiques dans les mêmes villes importantes de France que celle-ci et dans les grands magasins ;que les autres faits incriminés ne constituent pas des actes distincts des actes de contrefaçon et ne font que les aggraver. Sur les mesures réparatrices Considérant que le préjudice résultant des actes de contrefaçon sera réparé, compte tenu du nombre d'articles vendus (2634), par l'allocation de la somme de 30 000 euros ; qu'il sera fait droit aux demandes d'interdiction et de publication sollicitées dans les termes du dispositif ci-après ; que la mesure de destruction n'apparaît pas nécessaire et sera rejetée. Sur la demande reconventionnelle Considérant que les prétentions de la société appelante étant pour partie accueillies, la société GINGER sera déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive. Sur l'article 700 du Code de procédure civile Considérant que l'équité commande d'allouer à la société CREATIONS NELSON la somme de 6 000 euros au titre de ses fiais irrépétibles d'appel et de première instance ; que la société GINGER sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel qui ne comprendront pas les frais de saisie-contrefaçon non prévus par l'article 695 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement entrepris dans toutes ses dispositions. Statuant à nouveau, Déclare la société CREATIONS NELSON titulaire de droits d'auteur sur le modèle de robe dénommée « ROQUETTE ». Déclare valable le dépôt de modèle n° n°05 6131 (22 -1) effectué par la société CREATIONS NELSON à TINPI le 21 décembre 2005 sous le n°05 6131 (22-1) et publié le 28 juillet 2006, Dit qu'en commercialisant un modèle de robe dénommé RIFIFI, la société GINGER a porté atteinte aux droits d'auteur de la société CREATIONS NELSON sur le modèle « ROQUETTE » et aux droits que cette société détient sur le dépôt de ce modèle et a ainsi commis des actes de contrefaçon. En conséquence, Interdit à la société GINGER la poursuite de tels agissements sous astreinte de 250 euros par infraction constatée passé le délai de huit jours à compter de la signification de la présente décision. La condamne à verser à la société CREATIONS NELSON la somme de 30 000 euros à titre de dommages-intérêts. Autorise la société CREATIONS NELSON à faire publier le présent dispositif dans deux revues ou journaux de son choix aux frais in solidum des sociétés intimées dans la limite de 5 000 euros par insertion. Condamne la société GINGER à verser à la société CREATIONS NELSON la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile. Rejette le surplus des demandes. Condamne la société GINGER aux dépens de première instance et d'appel et dit qu'ils pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile par la SCP NARRAT & PEYTAVI, avoué, pour ceux la concernant.