Cour d'appel de Lyon, Chambre 1, 7 mai 2019, 17/08566

Synthèse

Voir plus

Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2022-03-31
Cour d'appel de Lyon
2019-05-07

Texte intégral

N° RG 17/08566 - N° Portalis DBVX-V-B7B-LMRJ Décision du Tribunal de Grande Instance de BOURG EN BRESSE Au fond du 15 novembre 2017 RG : 14/02732 chambre civile Société CAISSE REGIONALE D'ASSURANCESMUTUELLES AGRICOLES C/ SCI LES CERFS RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE LYON 1ère chambre civile B

ARRET

DU 07 Mai 2019 APPELANTE : La CAISSE RÉGIONALE D'ASSURANCES MUTUELLES AGRICOLES DE RHONE ALPES AUVERGNE dite GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE, régie par le Code des Assurances, représentée par ses dirigeants en exercice domiciliés en cette qualité au siège [...] Représentée par la SCP JACQUES AGUIRAUD ET PHILIPPE NOUVELLET, avocats au barreau de LYON Assistée de la SCP BALAS & METRAL AVOCATS, avocats au barreau de LYON INTIMÉE : La société LES CERFS, SCI, prise en la personne de sa représentante légale Mme Q... Y... [...] Représentée par Me Jean-marc HOURSE, avocat au barreau de LYON * * * * * * Date de clôture de l'instruction : 17 Janvier 2019 Date des plaidoiries tenues en audience publique : 18 Mars 2019 Date de mise à disposition : 30 Avril 2019, prorogée au 07 Mai 2019, les avocats dûment avisés conformément à l'article 450 dernier alinéa du code de procédure civile Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : - Françoise CARRIER, président - Michel FICAGNA, conseiller - Florence PAPIN, conseiller assistés pendant les débats de Bérénice GRUDNIEWSKI, greffier A l'audience, Françoise CARRIER a fait le rapport, conformément à l'article 785 du code de procédure civile. Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile, Signé par Françoise CARRIER, président, et par Myriam MEUNIER, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire. * * * * EXPOSÉ DE L'AFFAIRE La SCI LES CERFS est propriétaire d'un bien immobilier dénommé 'Château de la Tour', sis à NEUVILLE SUR AIN. Elle a souscrit le 1er janvier 2012, une police d'assurance n°41217781 0001 auprès de la compagnie GROUPAMA. Le château était précédemment la propriété d'une SCI 16 rue Louis Braille, dont le gérant est M. O... Y.... Selon acte notarié du 2 novembre 2004, cette SCI en a fait apport à la SCI LES CERFS, dont la gérante est Mme Q... Y..., fille de M. O... Y.... Le 11 septembre 2012, M. O... Y... a déposé plainte à la gendarmerie pour un cambriolage commis dans le château. Il a déclaré le sinistre à la compagnie GROUPAMA. Celle-ci a dépêché son expert à l'effet d'évaluer les dommages. La SCI LES CERFS s'était fait assister de son propre expert, M. J.... La compagnie GROUPAMA lui ayant notifié le 15 février 2013 un refus de garantie au motif qu'en l'absence d'effraction, la garantie n'était pas mobilisable, la SCI LES CERFS l'a fait assigner devant le tribunal de grande instance de BOURG-EN-BRESSE par acte d'huissier du 6 février 2014 à l'effet de la voir condamnée à garantir le sinistre. Par jugement du 16 novembre 2017, le tribunal a, avec exécution provisoire : - déclaré opposables à la SCI les conditions particulières de la police souscrite le 1er janvier 2012, - déclaré inopposables les conditions générales de la police d'assurance produites et les exclusions de garantie en résultant, - débouté la compagnie GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE de sa demande de nullité de la police, - dit que la compagnie GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE devait sa garantie pour le vol constaté le 11 septembre 2012, - condamné la compagnie GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE à payer à la SCI LES CERFS la somme de 30 198 € au titre du mobilier volé et la somme de 20 930 € au titre du vol de la cheminée, - dit que la compagnie GROUPAMA RHONE ALPES était en droit d'opposer à la SCI LES CERFS sa franchise de 1 200 €, - débouté la SCI LES CERFS de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive et du surplus de ses demandes d'indemnisation, - débouté la compagnie GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, - condamné la compagnie GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE à payer à la SCI LES CERFS la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens. La société GROUPAMA RHONE ALPES AUVERGNE a interjeté appel. Au terme de conclusions notifiées le 14 décembre 2018, elle demande à la cour de : - infirmer le jugement sauf en ce qu'il a déclaré opposables à la SCI les conditions particulières de la police souscrite le 1er janvier 2012, - déclarer opposables à la SCI LES CERFS les conditions générales de la police d'assurance souscrite et les exclusions de garantie en résultant, - dire que sa garantie n'est pas susceptible d'être mobilisée, - débouter la SCI LES CERFS de ses demandes, - déclarer irrecevable, subsidiairement mal fondée, la demande en paiement de la somme de 7709,98 € correspondant à une facture du cabinet J... N... du 16 décembre 2015, - condamner la SCI LES CERFS à lui payer la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et la somme de 8 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile. Au terme de conclusions notifiées le 18 octobre 2018, la SCI LES CERFS demande à la cour de : - confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré les conditions générales inopposables, - condamner la compagnie GROUPAMA à lui payer : ' la somme de 77 351,56 € au titre des détériorations immobilières, ' la somme de 76 848 € au titre du mobilier dérobé, ' la somme de 7 709,98 € au titre des honoraires de M. J..., - dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'assignation, - condamne la compagnie GROUPAMA à lui payer la somme de 8 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens.

MOTIFS

DE LA DÉCISION Sur l'opposabilité des conditions générales La compagnie GROUPAMA fait valoir : - que les conditions générales ont été produites par la SCI LES CERFS dès l'assignation ce qui établit qu'elles lui ont été remises, - qu'elle justifie de l'envoi des conditions personnelles de la police visant expressément les conditions générales 201548 par courrier du 14 décembre 2011, référence qui figure en 4ème page de couverture des conditions générales dont elle se prévaut, - qu'ayant eu connaissance des conditions générales et particulières du contrat avant la survenance du sinistre, la SCI LES CERFS n'est pas fondée à se prévaloir de l'absence de signature. La SCI LES CERFS fait valoir en réponse : - que la proposition d'assurance du 9 décembre 2011 ne liste pas les documents remis, qu'aucune des pages des conditions particulières n'est signée et que les conditions générales ne sont pas signées, ce en contravention aux dispositions d'ordre public du code des assurances, - que les conditions générales invoquées par la compagnie GROUPAMA sont, en tout état de cause, sans lien avec les conditions personnelles, - que la page des conditions personnelles qui mentionne la référence 'MODELE 201548" n'est pas revêtue de sa signature. - que les conditions générales dont elle s'est prévalue dans l'assignation lui ont été remises par son expert après le sinistre. Il est acquis que la SCI LES CERFS a bien reçu les conditions personnelles qui lui ont été adressées par un courrier de l'assureur en date du 14 décembre 2011. Ce courrier précise qu'elles complètent les conditions générales modèle 201548, ce qui fait apparaître que celles-ci avaient été préalablement remises à l'assuré. La SCI LES CERFS s'en est prévalue dans son assignation introductive d'instance ce qui démontre qu'elles lui avaient bien été remises, cette analyse étant au besoin confirmée par le fait que la SCI LES CERFS ne s'est manifestée auprès de l'assureur pour réclamer un exemplaire desdites conditions générales ni à réception du courrier du 14 décembre 2011 ni ultérieurement et en particulier à l'occasion de la survenance du sinistre. Aucun élément ne vient donner crédit à son allégation selon laquelle ce serait l'expert privé auquel elle a eu recours après le sinistre qui lui aurait procuré lesdites conditions générales. Les conditions générales produites par l'assureur sont identiques à celles produites par l'assurée de sorte que celle-ci ne saurait soutenir qu'elles ne sont pas celles afférentes aux conditions personnelles. Il résulte en outre de la quatrième page de couverture du document GROUPAMA que la référence est bien 201548. Les conditions générales sont par conséquent opposables à l'assurée peu important qu'elles n'aient pas été signées par elle. Sur les clauses d'exclusion de garantie La compagnie GROUPAMA fait valoir : - que la SCI LES CERFS ne démontre pas avoir mis en oeuvre les mesures de prévention et en particulier tous les moyens de protection prévus aux conditions particulières de sorte qu'en application de l'article 2/9 des conditions générales, la garantie n'est pas due en raison des causes d'exclusion prévues au contrat. La SCI LES CERFS fait valoir : - que la clause d'exclusion figurant en page 35 des conditions générales n'est pas libellée en caractères très apparents, le fait qu'elle soit rédigée en gras constituant une précaution insuffisante, - qu'en tout état de cause, aucune des mesures de précaution n'est à l'origine directe du sinistre, - que la police n'exige pas une effraction, la garantie couvrant le vol du mobilier assuré en cas d'introduction clandestine dans les locaux, - que les conditions personnelles ne font pas référence à des clauses particulières relatives aux moyens de protection, - que l'assureur ne peut se prévaloir de la clause relative à la présence d'un gardien, s'agissant d'une clause pré rédigée en l'absence d'un questionnaire de déclaration des risques, qu'en tout état de cause, elle démontre que le château bénéficiait de la présence d'un gardien au moment du vol, - que s'agissant des portes-fenêtres, si celles-ci avaient été laissées ouvertes afin d'aérer le château pendant la réalisation de peintures, cette situation était exceptionnelle et en tout état de cause, les pertes et dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur sauf exclusion formelle et limitée. Les conditions générales du contrat prévoient expressément en page 34, à l'article 2/9 «La protection de vos biens. Vol» : «Mesures de prévention Vous devez : Fermer les portes à clé et les fenêtres lorsque le bâtiment est inoccupé, Fermer les portes à clé, les persiennes, volets et grilles pendant la nuit ou pendant une absence supérieure à 24 heures - Mettre en oeuvre tous les moyens de protection prévus au contrat» L'article 2/9 prévoit in fine : «Nous ne garantissons pas, outre les exclusions générales de votre contrat, [...] - les vols ou détériorations survenus alors que les mesures de prévention n'ont pas été observées sauf cas de force majeure ou si le non respect de ces mesures n'a pu avoir d'incidence sur la réalisation des dommages». Cette disposition surlignée en gras se distingue du reste du texte de façon très apparente de sorte qu'elle répond aux exigences de l'article L 112-4 du code des assurances et qu'elle est opposable à l'assuré. Les «moyens de protection prévus au contrat» visés aux conditions particulières sont les suivants : le bâtiment est protégé par des volets ou persiennes métalliques et des portes qui sont fermées à clefs en rez-de-chaussée, une personne chargée de l'entretien de la propriété et de sa surveillance habite la «maison du gardien». La preuve de l'inexécution par l'assuré de son obligation de mise en oeuvre des mesures de prévention prévues par le contrat incombe à l'assureur, s'agissant d'une cause de déchéance de la garantie. En l'espèce, il ne saurait se déduire du fait que la chaîne cadenassée, dont l'assuré soutient qu'elle fermait le portail d'entrée, n'ait pas été retrouvée l'absence de cette mesure de protection alors qu'ainsi que le soutient l'intimé, ladite chaîne a pu être coupée et emportée par les malfaiteurs. Par contre, il ressort du procès-verbal de constatations établi par les gendarmes le 11 septembre 2012 que M. Y..., rencontré sur place, leur a indiqué que les lieux étaient 'autrefois' surveillés par un gardien qui avait 'pris sa retraite' et que, 'suite à des travaux, les portes fenêtres étaient laissées ouvertes pour faire sécher la peinture'. Ces propos ont été confirmés par M. Y... dans son audition telle qu'elle ressort du procès-verbal de gendarmerie du 18 septembre 2012 à savoir : - qu'il avait découvert le cambriolage le 7 septembre 2012 en venant au château, ayant eu son attention attirée par une cale en bois posée sous le volet d'une porte-fenêtre et constaté que le volet avait été soulevé et la porte ouverte derrière, - que le château étant en travaux, il arrivait que les portes du rez-de-chaussée soient laissées 'ouvertes pour l'aération', - que le précédent couple de gardiens avait quitté les lieux au cours de l'été 2011 et le nouveau était attendu le vendredi suivant son audition, - qu'il faisait garder le château par des 'copains à sa fille' qu'il ne connaissait que par leurs prénoms, qui n'étaient pas ses employés mais qui lui rendaient service et habitaient Lyon. La SCI LES CERFS ne saurait sérieusement soutenir que les déclarations de M. Y... n'auraient pas été fidèlement retranscrites s'agissant de l'absence de gardien alors que les gendarmes n'ont pu inventer les précisions relatives aux 'copains' de Q... Y... qui assuraient la 'garde' du château. En outre, au cours de l'enquête d'assurance du 3 octobre 2012, M. Y... a confirmé l'absence de gardien au moment des faits en précisant à nouveau qu'il n'avait plus de gardien le jour du vol, celui-ci ayant cessé ses fonctions et celui qu'il avait engagé étant arrivé après le vol. La SCI LES CERFS invoque désormais pour démontrer la présence d'un gardien à la date du cambriolage : - une attestation de M. X... C... en date du 12 décembre 2012 au terme de laquelle celui-ci déclare qu'il a 'constaté le vol lors d'un passage au château pour prendre quelques effets personnels' et que la famille Y... avait 'mis gratuitement la maison de gardien pour y habiter afin que le château soit gardienné la nuit depuis la mi-juin 2011 jusqu'au 30 septembre 2012, date d'entrée du nouveau gardien', - une seconde attestation du même en date du 19 février 2013 au terme de laquelle celui-ci déclare : 'la famille Y... m'avait donné les clés du cadenas pour entrer au château depuis juin 2011. J'habitais dans la maison de gardien du château. Le 11 septembre 2012 je suis allé avec mon copain Dritton dans le château qui était ouvert. J'ai alors appelé M. Y...', - une 'convention temporaire de logement et de gardiennage de propriété' conclue avec ce même M. C... signée le 15 juin 2011, la SCI LES CERFS étant alors représentée par Mme Q... Y..., sa gérante. Les attestations de M. C... omettent la date et le lieu de naissance du signataire, la photocopie du document d'identité jointe est totalement illisible et ne permet pas de vérifier l'identité comme la signature de son auteur, ce qui est de nature à faire perdre tout crédit au contenu de ladite attestation. Les déclarations qui y sont contenues sont en outre en contradiction avec les déclarations de M. Y... aux gendarmes, indiquant de façon circonstanciée que c'était lui qui avait découvert le vol et non pas les amis de sa fille. Il a en outre précisé que ces derniers habitaient Lyon et n'a nullement fait état de ce qu'ils occupaient provisoirement la maison de gardien ce qu'il n'aurait pas manqué de faire si tel avait été le cas. Il a d'ailleurs précisé à l'inspecteur de la compagnie lors de l'enquête d'assurance que «la veille du vol il avait été informé par une personne qu'il avait chargée de venir surveiller le château que cette dernière n'avait rien remarqué d'anormal au cours de cette visite», ce qui fait apparaître que la surveillance mise en place se limitait à de simples passages ponctuels sur place. De même, la convention de gardiennage du 15 juin 2011, dépourvue de date certaine, est en contradiction avec les déclarations claires et réitérées de M. Y... qu'aucune explication cohérente et convaincante ne permet d'écarter. Il est ainsi établi qu'alors que le château était inhabité, des fenêtres avaient été laissées ouvertes et qu'il n'y avait plus de gardien sur place. La disparition de la chaîne cadenassée fait apparaître que les cambrioleurs ont pénétré dans la propriété par le portail. D'autre part, l'importance des objets volés parmi lesquels une lourde et volumineuse cheminée de marbre, les a nécessairement contraints à amener un véhicule au pied du château. De tels mouvements étaient de nature à mettre en alerte une personne présente sur place. Il en résulte que la présence d'un gardien dans la maison de gardien aurait permis de prévenir ou à tout le moins d'interrompre le cambriolage de sorte qu'il ne saurait être prétendu que le non respect des mesures de protection n'a pas pu avoir d'incidence sur la réalisation des dommages. M. Y... a lui-même précisé que l'absence de gardien avait pu 'favoriser l'intrusion, puisque la chaîne qui fermait le portail n'avait pas été retrouvée'. La clause d'exclusion tenant à l'absence de gardien et à l'absence de fermeture des lieux trouve donc à s'appliquer. Il convient en conséquence de débouter la SCI LES CERFS de l'intégralité de ses demandes et de la condamner aux dépens.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré opposables à la SCI LES CERFS les conditions particulières de la police souscrite le 1er janvier 2012 ; Le réforme pour le surplus ; Statuant à nouveau, Déclare opposables à la SCI LES CERFS les conditions générales de la police d'assurance produites et les exclusions de garantie en résultant, Déboute la SCI LES CERFS de l'ensemble de ses demandes ; Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne la SCI LES CERFS aux dépens. LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE