Vu la procédure suivante
:
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 juillet 2023 et 9 février 2024, Mme A Porta, représentée par Me Ruel, demande au tribunal :
1°) d'annuler l'arrêté du 29 juin 2023 par lequel le président de l'université de Perpignan Via Domitia lui a infligé la sanction disciplinaire d'exclusion de ses fonctions pour une durée d'un an sans sursis ;
2°) de mettre à la charge de l'université de Perpignan Via Domitia une somme de 2 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'action disciplinaire était prescrite ;
- le président de l'université s'est cru à tort lié par l'avis émis par la commission consultative paritaire siégeant en formation disciplinaire du même jour ;
- l'arrêté est entaché de vices de procédure ; la composition du conseil de disciplinaire a méconnu le principe d'impartialité ; le conseil de discipline était irrégulièrement composé ; les plaignantes étaient toutes affiliées à la CGT ;
- l'avis du conseil de discipline n'est pas motivé ; ni cet avis ni même le procès-verbal de la réunion ne lui a été notifié ;
- elle n'a pas reçu l'intégralité du dossier disciplinaire ;
- l'arrêté est insuffisamment motivé ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- il est entaché d'erreur d'appréciation, les faits reprochés ne sont pas fautifs ; le motif tiré de ce qu'elle a entretenu des relations amicales avec certains de ces collègues n'est pas fautif ;
- il est entaché d'inexactitude matérielle des faits ; des prétendus gestes et des paroles déplacées ne sont pas établis ; son management n'a jamais été intéressé ou susceptible de contrepartie ;
- il est entaché d'un détournement de pouvoir.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 novembre 2023, l'université de Perpignan Via Domitia, représentée par la SCP Nicolau-Malavialle-Gadel-Capsie, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de Mme Porta une somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par Mme Porta ne sont pas fondés.
Vu :
- l'ordonnance n° 2302323 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 15 mai 2023 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B,
- les conclusions de Mme Delon, rapporteure publique,
- les observations de Me Ruel, représentant Mme Porta, et celles de Me Capsié, représentant l'université de Perpignan Via Domitia.
Une note en délibéré, enregistrée le 10 juin 2024, a été présentée par l'université de Perpignan Via Domitia.
Considérant ce qui suit
:
1. Mme A Porta, agente contractuelle de l'université de Perpignan Via Domitia, responsable administrative et financière du service " Platinum " (acronyme de plateforme d'innovation pour une université numérisée) depuis septembre 2014 a été informée de l'ouverture d'une procédure disciplinaire à son encontre. Le conseil de discipline s'est réuni le 17 avril 2023 et a rendu un avis favorable à une sanction d'exclusion temporaire des fonctions d'une durée d'un an sans sursis. Par arrêté du 18 avril 2023, le président de l'université de Perpignan Via Domitia a prononcé cette sanction à effet au 1er mai 2023. Par ordonnance n° 2302323 du juge des référés du tribunal administratif de Montpellier du 15 mai 2023, l'exécution de cet arrêté a été suspendue. Par décision du 29 juin 2023, le président de l'université a retiré la décision du 18 avril 2023 portant exclusion temporaire des fonctions et seulement rétabli Mme Porta dans ses droits à rémunération à compter du 18 avril 2023. Par arrêté du même jour, la même autorité a infligé à Mme Porta la sanction d'exclusion temporaire des fonctions d'un an sans sursis à compter du 1er juillet 2023. Par la présente requête, Mme Porta demande au tribunal d'annuler cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 43-1 du décret du 17 janvier 1986 relatif aux dispositions générales applicables aux agents contractuels de l'Etat : " Tout manquement au respect des obligations auxquelles sont assujettis les agents publics, commis par un agent contractuel dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, est constitutif d'une faute l'exposant à une sanction disciplinaire, sans préjudice, le cas échéant, des peines prévues par le code pénal. " et l'article 43-2 dispose que :" Les sanctions disciplinaires susceptibles d'être appliquées aux agents contractuels sont les suivantes : (..) 3° bis L'exclusion temporaire de fonctions pour une durée de quatre jours à six mois pour les agents recrutés pour une durée déterminée et de quatre jours à un an pour les agents sous contrat à durée indéterminée ;(..) ".
3. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
4. Pour infliger la sanction d'exclusion d'un an à Mme Porta le président de l'université de Perpignan Via Domitia a relevé que par courrier du 18 janvier 2022 cinq agents du service Platinium ont dénoncé des faits commis par l'intéressée susceptibles de caractériser un harcèlement moral. Le président fait grief à Mme Porta d'adopter une méthode de management brutale et inappropriée caractérisée par une surveillance et un contrôle excessif des agents. Il lui reproche aussi d'avoir adopté des gestes et prononcé des paroles déplacées et de mettre en place un management familial intéressé, susceptible de contrepartie ou basé sur la crainte d'être exclu du groupe. Enfin, il lui fait grief d'avoir exercé des pressions indirectes sur des agents placés en arrêt de travail.
5. D'une part, Mme Porta conteste le contrôle et la surveillance excessive opérés sur le travail des agents. Le rapport d'enquête de décembre 2022 mené par l'inspection générale de l'éducation, du sport et de la recherche relève en effet que le système d'échanges mis en place par l'intéressée se transforme en un contrôle complet de tous les faits, gestes, propos et échanges des agents et s'assimile en une surveillance étroite, et en déduit que Mme Porta outrepasse largement ses prérogatives, infantilise les agents sur lesquels elle exerce son encadrement et envenime les relations professionnelles et interpersonnelles entre les agents placés sous sa direction. Toutefois, le caractère fautif de la surveillance professionnelle et de l'instruction de mise en copie de courriels n'est pas démontré. En revanche, les témoignages concordants retenus par la mission d'inspection faisant état de ce que Mme Porta a demandé à certains agents de ne pas s'adresser à certaines personnes du service ou a modifié la localisation de certains agents dans le service afin de les surveiller, sont de nature à révéler un comportement qui ne peut se rattacher à l'exercice du pouvoir hiérarchique, même mal exercé, et doit être considéré comme fautif et de nature à justifier une sanction disciplinaire.
6. D'autre part, si Mme Porta affiche un management familial, basé sur l'entraide et la bienveillance entre agents, il ressort des pièces du dossier que ce management lui permet de former autour d'elle un clan acquis à son mode de fonctionnement excluant, de fait, ceux qui ne le seraient pas. En particulier, il ressort du rapport de la mission d'inspection que les agents du service ont l'habitude de déjeuner ensemble avec la cheffe de service, cette dernière n'hésitant pas à ces occasions à critiquer des collègues non présents, mettant ainsi les agents présents mal à l'aise, ainsi que l'a relevé un agent lors de son audition par la mission d'inspection. Ainsi, alors que Mme Porta ne conteste pas sérieusement ces assertions, il y a lieu de retenir, ainsi que l'a proposé la mission d'inspection, que le management de Mme Porta est inadapté. Toutefois, une telle inadaptation relève de l'insuffisance professionnelle de l'intéressée à assumer un encadrement professionnel, mais ne saurait, en l'absence de précision de l'obligation professionnelle que Mme Porta aurait ainsi méconnue, donner lieu à sanction. En outre, il n'est pas démontré, et est sérieusement contesté par l'intéressée elle-même, que ce management " familial " poursuive un but autre que celui d'être au centre du service, à la tête du groupe, excluant ceux qui ne respecteraient pas ses règles implicites de fonctionnement et de convivialité. Par suite, Mme Porta est fondée à soutenir que ce grief est inexact.
7. Ensuite, Mme Porta conteste prononcer des paroles et faire des gestes déplacés voire vulgaires. Il résulte de la mission d'inspection que ces paroles et gestes déplacés ont été circonscrits dans le temps et qu'aucun témoignage à compter de septembre 2021 n'en fait état. En tout état de cause, il ne ressort ni dudit rapport ni des témoignages que cette attitude familière, a priori exercée pendant les moments de convivialité, ait eu cours à l'encontre d'agents qui se seraient opposés à ce mode de communication. Là aussi l'obligation professionnelle qui aurait été méconnue par Mme Porta n'est pas démontrée. Par suite, elle est fondée à soutenir que ce grief est inexact.
8. Enfin il est reproché à Mme Porta d'exercer des pressions sur ses agents pendant leurs arrêts maladies. Toutefois, alors que Mme Porta joint les échanges de SMS qu'elle a eus, avec une des plaignantes, les pressions et les demandes de travail pendant les arrêts ne sont pas établis, cette dernière demandant au contraire à cette agente de se reposer pendant son arrêt. Par suite, Mme Porta est fondée à soutenir que ce motif n'est pas matériellement établi.
9. Il résulte de tout ce qui précède que les griefs généraux faits à Mme Porta relatifs à l'exercice d'un management inadapté et " brutal ", empreint de familiarité, à l'encontre d'agents de son service, dont les perceptions sont au demeurant contrastées selon les agents, révèlent une inadaptation de cette dernière à l'emploi de responsable administrative et financière du service " Platinum " mais ne relèvent pas d'une sanction disciplinaire. En revanche, le seul élément matériellement établi fautif est relatif à une surveillance excessive des agents du service sans lien avec la qualité du travail exercé qui ne saurait, à lui seul, être de nature à justifier sans disproportion une sanction disciplinaire d'exclusion temporaire d'un an.
10. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens, que Mme Porta est fondée à demander l'annulation de l'arrêté du 29 juin 2023 du président de l'université de Perpignan Via Domitia.
Sur les frais liés au litige :
11. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à chaque partie le soin de supporter les frais exposés pour assurer sa défense.
D E C I D E :
Article 1er : L'arrêté du 29 juin 2023 du président de l'université de Perpignan Via Domitia prononçant l'exclusion d'un an de Mme Porta est annulé.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à Mme A Porta et à l'université de Perpignan Via Domitia.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2024, à laquelle siégeaient :
M. Vincent Rabaté, président,
Mme Isabelle Pastor, première conseillère,
Mme Marie-Laure Viallet, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 juin 2024.
La rapporteure,
I. BLe président,
V. Rabaté
La greffière,
I. Laffargue
La République mande et ordonne à la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Montpellier, le 21 juin 2024.
La greffière,
I. Laffargue
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