Vu la procédure suivante
:
Par une requête, enregistrée le 10 juillet 2020 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association Le Puy foot 43 Auvergne demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative :
1°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 11 mai 2020 du comité exécutif de la Fédération française de football établissant les critères et les modalités d'accession et de relégation du championnat de National 1 masculin pour la saison 2019-2020 ;
2°) d'ordonner la suspension de l'exécution de la décision du 15 mai 2020 publiée sur le site internet de la Fédération française de football établissant le classement du championnat de National 1 masculin pour la saison 2019-2020 ;
3°) de mettre à la charge de la Fédération française de football la somme de 5 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête relève de la compétence de premier et dernier ressort du Conseil d'Etat, en application de l'article
R. 311-1 du code de justice administrative ;
- la condition d'urgence est remplie en ce que, d'une part, elle se trouvera, du fait des décisions dont elle demande que l'exécution soit suspendue, dans l'incapacité de participer au championnat de National 1 qui doit reprendre en août, d'autre part, elle risque de perdre une grande partie de son effectif, constitué de joueurs fédéraux dont l'ambition est de devenir joueurs professionnels et, en dernier lieu, une relégation en National 2 comporte de graves conséquences économiques et financières, à raison notamment d'une diminution des subventions et des partenariats ;
- il existe un doute sérieux quant à la légalité des décisions attaquées ;
- la décision du 11 mai 2020 est entachée d'incompétence, dès lors notamment qu'elle méconnaît l'article 11 des statuts de la Fédération française de football qui confèrent à l'assemblée fédérale une compétence exclusive pour modifier les dispositions des règlements fédéraux relatives aux accessions et relégations ;
- cette décision est intervenue à l'issue d'une procédure irrégulière du fait de l'absence de consultation préalable de la commission fédérale de révision des textes ou du bureau exécutif de la Ligue du football amateur et de la commission d'organisation des compétitions ;
- cette décision est insuffisamment motivée, car soit elle n'est pas réglementaire, et l'article
L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration en exige, alors, la motivation, soit elle l'est, et c'est la jurisprudence qui en requiert la motivation, dans la mesure où elle a été prise en dérogation aux règles usuelles de compétence ;
- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors que la décision d'établir un classement sur la base de 25 journées jouées au lieu des 34 journées prévues ne répond pas à une logique sportive et méconnaît gravement les exigences d'équité sportive ;
- la décision du 15 mai 2020, qui fixe le classement, est illégale du seul fait de l'illégalité de la décision du 11 mai 2020 dont elle est la conséquence et, en outre, a seulement fait l'objet d'une publication sur le site internet de la Fédération française de football, sans aucune précision sur les conditions dans lesquelles elle avait été adoptée et sans même identifier son auteur et est ainsi entachée d'incompétence et repose sur des faits matériellement inexacts.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de la santé publique ;
- le code du sport ;
- la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 ;
- le décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 ;
- le code de justice administrative ;
Considérant ce qui suit
:
1. Aux termes du premier alinéa de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ". Aux termes des deux premiers alinéas de l'article
L. 522-1 du même code : " Le juge des référés statue au terme d'une procédure contradictoire écrite ou orale. / Lorsqu'il lui est demandé de prononcer les mesures visées aux articles
L. 521-1 et
L. 521-2, de les modifier ou d'y mettre fin, il informe sans délai les parties de la date et de l'heure de l'audience publique. ". Aux termes, enfin, de l'article
L. 522-3 de ce code : " Lorsque la demande ne présente pas un caractère d'urgence ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée, le juge des référés peut la rejeter par une ordonnance motivée sans qu'il y ait lieu d'appliquer les deux premiers alinéas de l'article
L. 522-1. ".
2. L'association Le Puy Foot 43 Auvergne demande au juge des référés du Conseil d'Etat, statuant sur le fondement de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de la décision du 11 mai 2020 du comité exécutif de la Fédération française de football établissant les critères et les modalités d'accession et de relégation du championnat de National 1 masculin pour la saison 2019-2020, ainsi que de la décision du 15 mai 2020 publiée sur le site internet de la Fédération française de football établissant le classement du championnat de National 1 masculin pour cette même saison.
Sur le cadre juridique :
3. Aux termes de l'article
L. 131-14 du code du sport : " Dans chaque discipline sportive et pour une durée déterminée, une seule fédération agréée reçoit délégation du ministre chargé des sports. " Aux termes de l'article
L. 131-15 du même code : " Les fédérations délégataires : 1° Organisent les compétitions sportives à l'issue desquelles sont délivrés les titres internationaux, nationaux, régionaux ou départementaux (...). " Aux termes de l'article
L. 131-16 du même code : " Les fédérations délégataires édictent : 1° Les règles techniques propres à leur discipline ainsi que les règles ayant pour objet de contrôler leur application et de sanctionner leur non-respect par les acteurs des compétitions sportives (...). " Aux termes de l'article
R. 131-32 du même code : " Les règles techniques édictées par les fédérations sportives délégataires comprennent :1° Les règles du jeu applicables à la discipline sportive concernée ; / 2° Les règles d'établissement d'un classement national, régional, départemental ou autre, des sportifs, individuellement ou par équipe ; / 3° Les règles d'organisation et de déroulement des compétitions ou épreuves aboutissant à un tel classement ; / 4° Les règles d'accès et de participation des sportifs, individuellement ou par équipe, à ces compétitions et épreuves. ".
4. En confiant, à titre exclusif, aux fédérations sportives ayant reçu délégation la mission d'organiser des compétitions sur le territoire national, le législateur a chargé ces fédérations de l'exécution d'une mission de service public à caractère administratif. Les décisions procédant de l'usage par ces fédérations des prérogatives de puissance publique qui leur ont été conférées pour l'accomplissement de cette mission de service public présentent le caractère d'actes administratifs.
Sur les circonstances dans lesquelles sont intervenues les décisions contestées :
5. En raison de l'émergence d'un nouveau coronavirus (covid-19), de caractère pathogène et particulièrement contagieux, et de sa propagation sur le territoire français, le ministre des solidarités et de la santé, par plusieurs arrêtés successifs pris à compter du 4 mars 2020, a interdit, de façon de plus en plus stricte, les rassemblements, réunions ou activités mettant en présence de manière simultanée un certain nombre de personnes, et a décidé la fermeture d'un nombre croissant de catégories d'établissements recevant du public. Par un décret du 16 mars 2020, le Premier ministre a interdit le déplacement de toute personne hors de son domicile à l'exception des déplacements pour des motifs limitativement énumérés. La loi du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19 a déclaré l'état d'urgence sanitaire pour une durée de deux mois à compter du 24 mars 2020, terme ultérieurement reporté au 10 juillet 2020 par l'article 1er de la loi du 11 mai 2020 prorogeant l'état d'urgence sanitaire. Le Premier ministre, par un décret du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, a réitéré le principe de l'interdiction des déplacements, la prohibition de tout rassemblement, réunion ou activité mettant en présence de manière simultanée plus de 100 personnes en milieu clos ou ouvert et la fermeture de la plupart des établissements accueillant du public, notamment les établissements sportifs couverts et les établissements de plein air, ainsi que les établissements dans lesquels sont pratiquées des activités physiques ou sportives. Ce régime juridique est resté applicable, avec quelques ajustements, jusqu'au 11 mai 2020.
6. A partir de l'intervention du décret du 11 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, les déplacements ont été autorisés dans un rayon de cent kilomètres ; a été maintenue l'interdiction de tout rassemblement, réunion ou activité à un titre autre que professionnel sur la voie publique ou dans un lieu public, mettant en présence de manière simultanée plus de dix personnes ; les établissements sportifs couverts sont demeurés fermés ; les établissements sportifs de plein air ont pu organiser la pratique de certaines activités physiques et sportives, mais pas celle des sports collectifs. Après l'intervention du décret du 31 mai 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l'épidémie de covid-19 dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire, ce régime juridique a été maintenu dans les départements classés en zone orange ; dans ceux classés en zone verte, la pratique des sports collectifs est devenu possible pour les sportifs de haut niveau et les sportifs professionnels, à l'exception de toute pratique compétitive. Enfin, après la sortie de l'état d'urgence sanitaire le 10 juillet 2020, aucun événement réunissant plus de 5 000 personnes ne peut se dérouler sur le territoire de la République jusqu'au 31 août 2020.
7. Dès le 13 mars 2020, la Fédération française de football a décidé de suspendre l'ensemble des compétitions dont l'organisation lui est déléguée par l'Etat. Le 16 avril 2020, à la suite de l'annonce par le Président de la République, quelques jours plus tôt, d'une prolongation du confinement jusqu'au 11 mai, le comité exécutif de la Fédération française de football a décidé :
- d'arrêter les championnats nationaux, à l'exception du championnat National 1 et du championnat de France féminin de Division 1, les coupes nationales, à l'exception de la Coupe de France et de la Coupe de France féminine, et l'ensemble des compétitions des ligues et districts, à l'exception de celles des ligues de La Réunion et de Mayotte ;
- de ne décerner aucun titre de champion pour ces compétitions au titre de la saison 2019-2020 ;
- d'arrêter un classement au 13 mars 2020 en fonction soit de la position au classement de chaque équipe en fonction du nombre de points, lorsque toutes les équipes ont joué le même nombre de matchs, soit, au cas contraire, par l'application, pour chaque équipe, d'un quotient issu du rapport entre le nombre de points et le nombre de matchs joués ;
- de procéder à des accessions au niveau supérieur et à des relégations au niveau inférieur sur la base du classement ainsi arrêté, quel que soit le nombre de matchs joués, et même dans l'hypothèse où la phase aller n'aurait pas été intégralement disputée ;
- pour les championnats nationaux, d'appliquer le nombre d'accessions et de relégations prévu par le règlement du championnat concerné, de fixer les critères applicables dans les cas où un départage serait nécessaire et de fixer des règles particulières en ce qui concerne les championnats nationaux dont le règlement prévoit l'organisation de barrages.
8. Le 28 avril 2020, le comité exécutif de la Fédération française de football a constaté l'impossibilité de reprendre le championnat de National 1 et le championnat de France féminin de Division 1. Par une délibération du 11 mai 2020, il a décidé que leur seraient appliquées les règles définies par sa décision du 16 avril pour les autres championnats nationaux.
Sur la demande de suspension de l'exécution de la délibération du 11 mai 2020 :
En ce qui concerne les moyens relatifs à la légalité externe de la décision contestée :
9. En premier lieu, si, aux termes de l'article 11 des statuts de la Fédération française de football, l'assemblée fédérale adopte et amende les règlements généraux et les dispositions des règlements des compétitions nationales relatives au nombre de clubs, aux accessions et aux rétrogradations, l'article 18 des mêmes statuts donne compétence au comité exécutif, qui " administre, dirige et gère la Fédération ", pour statuer sur " tous les problèmes présentant un intérêt supérieur pour le football et sur tous les cas non prévus par les statuts ou règlements ". Par ailleurs, si les articles 136 et 137 des règlements généraux prévoient que les ligues et districts peuvent organiser des championnats et fixer les dispositions régissant les accessions et les rétrogradations, sous réserve du respect d'un certain nombre de règles, l'article 3 des mêmes règlements généraux dispose que " le comité exécutif peut, en application de l'article 18 des statuts, prendre toute mesure modificative ou dérogatoire que dicterait l'intérêt supérieur du football " et " rend compte de ses décisions à la plus proche assemblée fédérale. " Il est constant que la réglementation des compétitions organisées par la Fédération française de football ne comporte pas de dispositions prévoyant les règles à suivre lorsque des circonstances imprévues font obstacle à leur poursuite. Dans ces conditions, en l'état de l'instruction, le moyen tiré de l'incompétence du comité exécutif pour prendre la délibération du 11 mai 2020 critiquée n'est manifestement pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de cette délibération.
10. En deuxième lieu, d'une part, si l'article 11 des statuts de la Fédération française de football prévoit, comme le relève la requérante, que soient consultés pour avis " la Commission Fédérale de Révision des Textes et/ou le Bureau Exécutif de la L.F.A. ", cette disposition, qui vise la situation dans laquelle seraient apportés, par le comité exécutif, des amendements à des " textes fédéraux existants ", n'était pas applicable en l'espèce, la Fédération étant confrontée à une situation exceptionnelle tenant à l'impossibilité de poursuivre les compétitions et devant adopter en urgence des dispositions particulières pour faire face à cette situation imprévisible, indépendamment des règles régissant le déroulement normal des compétitions. D'autre part, il ne ressort pas de l'article 18 des mêmes statuts que le comité exécutif aurait eu l'obligation de consulter la commission d'organisation prévue par le règlement des championnats de National 1 et 2 pour la saison 2019-2020 avant de prendre la décision du 11 mai 2020 critiquée. Par suite, le moyen tiré de ce que cette décision aurait été prise selon une procédure irrégulière n'est manifestement pas de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité.
11. En dernier lieu, comme l'indique elle-même l'association requérante, la délibération du 11 mai 2020 ne présente pas le caractère d'une décision individuelle susceptible d'être soumise à l'obligation de motivation, mais revêt un caractère réglementaire. En conséquence, le moyen tiré de ce qu'elle serait irrégulière, faute d'être suffisamment motivée, n'est en tout état de cause manifestement pas de nature à créer un doute sérieux sur sa légalité.
En ce qui concerne le moyen relatif à la légalité interne de la décision contestée :
12. Ainsi qu'il a été dit au point 9, la réglementation des compétitions organisées par la Fédération française de football ne comporte pas de dispositions prévoyant les règles à suivre lorsque des circonstances imprévues conduisent à interrompre ces compétitions de façon définitive avant leur terme. Dans de telles circonstances, il appartenait au comité exécutif, soit, s'il estimait que l'équité sportive ne permettait pas d'établir des classements pour les championnats amateurs, compte tenu du nombre de rencontres disputées, de retenir le principe d'une " saison blanche ", soit, dans le cas contraire, de décider qu'ils donneraient lieu à des classements, d'en fixer les modalités et d'en tirer, le cas échéant, les conséquences en termes d'accessions et de relégations. Il n'appartient pas au juge administratif de substituer son appréciation, en une telle matière, à celle des fédérations sportives délégataires, mais, saisi d'un moyen en ce sens, de s'assurer qu'elle n'est pas manifestement erronée.
13. Il ressort des écritures de l'association requérante que celle-ci critique la délibération du 11 mai 2020 en tant qu'elle n'a pas retenu le principe d'une " saison blanche " et a décidé, au contraire, que la saison 2029-2020 du championnat de National 1 donnerait lieu à un classement, assorti de descentes dans la division inférieure. Elle soutient, à cet effet, que le comité exécutif aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'équité sportive. Il ne ressort toutefois pas des arguments qu'elle avance, fondés d'une part sur les solutions retenues à l'étranger ou pour d'autres sports, d'autre part sur les classements observés aux trois-quarts de la saison lors de précédentes éditions du championnat de National 1, qu'une telle erreur aurait été commise. Le moyen n'est donc manifestement pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la délibération du 11 mai 2020.
Sur la demande de suspension de la décision par laquelle a été fixé le classement final de la saison 2019-2020 du championnat de National 1 :
14. L'association requérante se prévaut de ce que le classement final de la saison 2019-2020 n'aurait pas été arrêté selon une procédure régulière au motif que le site internet de la Fédération comporte seulement la mention " Championnats 2019/2020 : promus et relégués - La Fédération Française de Football a avalisé les promus et les relégués des championnats nationaux pour la saison 2019-2020 ". Elle critique, en conséquence, le classement tel qu'il figure sur ce même site internet. Toutefois, elle n'établit ni même n'allègue que ce classement ne serait pas conforme aux résultats obtenus par les différents clubs et méconnaîtrait les règles fixées par la délibération du 11 mai 2020. Le moyen n'est donc manifestement pas de nature à créer un doute sérieux sur la légalité de la décision par laquelle le classement final de la saison 2019-2020 du championnat de National 1 a été constaté.
15. Il résulte de tout ce qui précède que, manifestement, aucun des moyens de la requête de l'association Le Puy foot 43 Auvergne n'est de nature, en l'état de l'instruction, à créer un doute sérieux quant à la légalité de la délibération du 11 mai 2020 et du classement du championnat de National 1 de la saison 2019-2020. En conséquence, sans qu'il soit besoin de statuer sur l'urgence, la suspension de l'exécution de cette délibération et de ce classement ne peut être ordonnée et la requête, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative, doit être rejetée selon la procédure prévue par l'article
L. 522-3 du même code.
O R D O N N E :
------------------
Article 1er : La requête de l'association Le Puy foot 43 Auvergne est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à l'association Le Puy foot 43 Auvergne.