INPI, 10 décembre 2021, OP 21-0873

Mots clés produits · transports · société · voyages · risque · signe · renommée · chaussures · vêtements · logiciels · verbal · réservation · confusion · animaux · séquence

Synthèse

Juridiction : INPI
Numéro affaire : OP 21-0873
Domaine de propriété intellectuelle : OPPOSITION
Marques : blablathé ; BLABLA ; BLABLACAR
Classification pour les marques : CL39 ; CL43
Numéros d'enregistrement : 4707343 ; 4528267 ; 4264817
Parties : COMUTO SA / W

Texte

Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

OP 21-0873 10/12/2021

DECISION

STATUANT SUR UNE OPPOSITION

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LE DIRECTEUR GENERAL DE L'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE ;

Vu le Code de la propriété intellectuelle et notamment ses articles L. 411-4, L. 411-5, L. 712-3 à L. 712-5-1, L. 712-7, L. 713-2, L. 713-3, R. 411-17, R. 712-13 à R. 712-19, R. 712-21, R. 712-26 et R. 718-2 à R. 718-5 ;

Vu l’arrêté du 24 avril 2008 modifié, relatif aux redevances de procédure perçues par l'Institut national de la propriété industrielle ;

Vu la décision modifiée n° 2014-142 bis du Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle relative aux conditions de présentation et au contenu du dossier des demandes d'enregistrement de marques ;

Vu la décision n° 2019-158 du Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle relative aux modalités de la procédure d’opposition à enregistrement d’une marque.

I.-

FAITS ET PROCEDURE



Madame J W a déposé, le 30 novembre 2021, la demande d’enregistrement n° 21 4 707 343 portant sur le signe verbal .

Le 25 février 2021, la société COMUTO (société anonyme) a formé opposition à l’enregistrement de cette marque sur la base des droits antérieurs suivants :

- la marque française portant sur le signe verbal , déposée le 25 février 2019 et enregistrée sous le n° 19 4 528 267, sur le fondement du risque de confusion.

- la marque française portant sur le signe verbal , déposée le 14 avril 2016 et enregistrée sous le n° 16 4 264 817, sur le fondement de l’atteinte à la marque de renommée. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

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L'opposition a été notifiée au titulaire de la demande d’enregistrement. Cette notification l’invitait, à compter de sa réception, à présenter des observations en réponse à l'opposition dans un délai de deux mois.

Au cours de la procédure, des observations ont été présentées à l'Institut : à l’issue de ces échanges, la phase d’instruction a pris fin, ce dont les parties ont été informées.

II.- DECISION

Le risque de confusion s'entend du risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d’entreprises liées économiquement. Le risque de confusion comprend le risque d’association.

L’existence d’un risque de confusion doit être appréciée globalement en tenant compte de nombreux facteurs qui incluent la similitude des signes, la similitude des produits et services, le caractère distinctif de la marque antérieure, les éléments distinctifs et dominants des signes en litige et le public pertinent.

A. Sur le fondement de la marque BLABLA n° 19 4 528 267

Sur la comparaison des produits et services

L'opposition est formée sur la base de cette marque antérieure à l’encontre des produits et services suivants de la demande d’enregistrement contestée : « Vêtements ; chaussures ; chapellerie ; chemises ; vêtements en cuir ; ceintures (habillement) ; fourrures (vêtements) ; gants (habillement) ; foulards ; cravates ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage ; chaussures de ski ; chaussures de sport ; sous-vêtements ; services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ; services de bars ; services de traiteurs ; services hôteliers ; réservation de logements temporaires ; mise à disposition de terrains de camping ».

La marque antérieure a été enregistrée notamment pour les produits et services suivants : « Vêtements et chaussures de protection contre les accidents, les radiations et le feu ; services de vente au détail, en gros et/ou en ligne de vêtements, chaussures, chapellerie ; gérance administrative d'hôtels ; transports ; transports en automobiles ; services de covoiturage ; organisation et fourniture de services à domicile, à savoir livraison de repas et de courses ».

La société opposante soutient que les produits et services précités de la demande d'enregistrement contestée sont identiques et similaires à ceux invoqués de la marque antérieure.

Pour apprécier la similitude entre les produits et services, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre ces produits et services. Les facteurs pertinents concernant la comparaison des produits ou services incluent, en particulier, leur nature, leur fonction, leur destination ainsi que leur caractère complémentaire.

Les « vêtements ; chaussures ; chapellerie ; chemises ; vêtements en cuir ; ceintures (habillement) ; fourrures (vêtements) ; gants (habillement) ; foulards ; cravates ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage ; chaussures de ski ; chaussures de sport ; sous-vêtements » de la demande d’enregistrement présentent un lien étroit et obligatoire avec les « services de vente au détail, en gros et/ou en ligne de vêtements, chaussures, chapellerie » de la marque antérieure, les premiers faisant l’objet du commerce des seconds, ce que ne conteste pas la déposante qui ne présente aucun argumentaire relatif à cette comparaison. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

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Il s’agit ainsi de produits et services complémentaires et, dès lors, similaires, le public étant fondé à leur attribuer la même origine.

Il n’y a dès lors pas lieu d’apprécier les liens d’identité et de similarité effectués par la société opposante entre les « vêtements ; chaussures ; chapellerie ; chemises ; vêtements en cuir ; ceintures (habillement) ; fourrures (vêtements) ; gants (habillement) ; foulards ; cravates ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage ; chaussures de ski ; chaussures de sport ; sous- vêtements » de la demande d’enregistrement et les « vêtements et chaussures de protection contre les accidents, les radiations et le feu » de la marque antérieure, ni de retenir les arguments de la déposante relatifs à cette comparaison ; dès lors que la similarité des premiers avec les « services de vente au détail, en gros et/ou en ligne de vêtements, chaussures, chapellerie » a été établie.

Les « services de restauration (alimentation) ; services de bars ; services de traiteurs » de la demande d’enregistrement, tout comme les services d’« organisation et fourniture de services à domicile, à savoir livraison de repas et de courses » de la marque antérieure, s’entendent de prestations proposant des repas et des boissons, qu’il s’agisse de consommation sur place ou en livraison à domicile, la locution « à savoir » introduisant une énumération limitative de services appartenant à la catégorie générale qui précède.

Ces services possèdent donc le même objet et, répondant aux mêmes besoins, s’adressent pareillement à une clientèle désirant se restaurer, que ce soit dans des établissements dédiés ou à domicile en consommant des repas élaborés par des professionnels de la restauration.

Ils sont également susceptibles d’être rendus par des prestataires spécialisés dans les métiers de bouche, les restaurateurs et traiteurs étant amenés à livrer leurs propres produits à domicile.

Il s’agit ainsi de services similaires, le public étant fondé à leur attribuer une origine commune.

A cet égard, ne saurait être retenu l’argument de la déposante tenant à l’appartenance des services précités à des classes différentes (classe 43 pour les premiers, classe 39 pour les seconds), dès lors que la Classification internationale des produits et services n’a qu’une valeur administrative sans portée juridique.

En outre, dans le cadre de la procédure d’opposition, la comparaison des produits et services s’effectue au regard des produits et services tels que libellés dans les marques en présence, indépendamment des classes auxquelles ils sont rattachés.

Les services d’« hébergement temporaire ; services hôteliers ; réservation de logements temporaires ; mise à disposition de terrains de camping » de la demande d’enregistrement présentent le même objet que le service de « gérance administrative d'hôtels » de la marque antérieure, à savoir de permettre la mise à la disposition d’hébergements temporaires pour des tiers et d’accueillir, pour une durée déterminée, des personnes en quête d’un logement, des voyageurs et des vacanciers.

L’ensemble de ces services est rendu par des professionnels de l’hébergement, ce qui permet d’assurer la faisabilité des prestations précitées.

Ces services présentent également un lien étroit et obligatoire, les premiers étant assurés grâce à la mise en œuvre du second.

Il s’agit ainsi de services complémentaires et, dès lors, similaires, le public étant fondé à leur attribuer la même origine.

En conséquence, les produits et services susvisés de la demande d'enregistrement sont identiques et similaires à ceux invoqués de la marque antérieure.

Sur la comparaison des signes Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

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La demande d’enregistrement porte sur le signe verbal BLABLATHÉ, ci-dessous reproduit :

La marque antérieure porte sur le signe verbal BLABLA, ci-dessous reproduit :

La société opposante soutient que les signes en cause sont similaires.

L'appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment de leurs éléments distinctifs et dominants.

Il convient également de tenir compte du fait que le consommateur moyen des produits ou services en cause n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite qu’il a gardée en mémoire.

Il résulte d’une comparaison globale et objective des signes que le signe contesté, tout comme la marque antérieure invoquée, est constitué d’un seul élément verbal.

Les signes en présence ont en commun la longue séquence verbale BLABLA, constitutive de la marque antérieure et présentée en attaque du signe contesté, ce qui leur confère des ressemblances visuelles, phonétiques et intellectuelles, les deux signes évoquant pareillement un bavardage.

En effet visuellement, les signes possèdent six lettres identiques (B, L, A, B, L et A) et sont marqués par la redondance de la séquence de lettres BLA, présente par deux fois.

A cet égard, il importe peu, contrairement à ce que soutient la déposante, que la marque antérieure soit reproduite « en lettres majuscules » tandis que le signe contesté est « en lettres minuscules », dès lors que cette différence de casse n’a que très peu d’incidence visuelle.

En outre, phonétiquement, les signes se caractérisent par la répétition de la sonorité d’attaque [bla], reproduite par deux fois.

A ces importantes ressemblances visuelles et phonétiques s’ajoute une parenté intellectuelle : en effet le signe contesté, de par son identité phonétique avec le verbe intransitif « blablater », qui relève du registre familier et signifie « Se répandre en bla-bla » (définition extraite du dictionnaire Larousse en ligne), fait écho à la marque antérieure et est porteur de la même évocation de bavardage (grâce à la référence à un verbe à l’infinitif dans le signe contesté, et à un nom commun dans la marque antérieure).

A cet égard, la déposante elle-même reconnaît que « la marque contestée, elle, fait écho au verbe « blablater » ... la marque BLABLA renvoie ... au terme du même nom ».

En outre, sont extérieurs à la présente procédure les arguments de la déposante faisant état de la coexistence de la marque antérieure avec des marques déposées, un slogan publicitaire, ainsi que des enseignes, dénominations ou noms commerciaux.

En effet, outre que la coexistence de ces droits avec la marque antérieure ne présume en rien de l’absence d’un risque de confusion, cette circonstance de fait n’empêche pas la société opposante, seule Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

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juge des actions qu’elle entend engager pour défendre ses marques, de s’opposer au dépôt du signe contesté.

La déposante fait valoir que « la société COMUTO n’a avec sa marque BLABLACAR ou ses dérivés BLABLA aucune renommée ni notoriété dans la restauration ou le textile ».

Toutefois, cette circonstance ne saurait avoir pour effet d’écarter tout risque de confusion entre les signes, la notoriété n’étant qu’un facteur aggravant mais nullement une condition nécessaire à l’existence de ce risque.

Si les signes diffèrent par la présence, en toute fin du signe contesté, de la désinence THÉ, la prise en compte de leurs éléments distinctifs et dominants conduit à tempérer cette différence.

En effet, la séquence BLABLA apparaît distinctive au regard des « vêtements ; chaussures ; chapellerie ; chemises ; vêtements en cuir ; ceintures (habillement) ; fourrures (vêtements) ; gants (habillement) ; foulards ; cravates ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage ; chaussures de ski ; chaussures de sport ; sous-vêtements ; services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ; services de bars ; services de traiteurs ; services hôteliers ; réservation de logements temporaires ; mise à disposition de terrains de camping » de la demande d’enregistrement.

La déposante fait valoir que le nom commun « blabla », issu du langage courant, ne peut faire l’objet d’une appropriation : toutefois, la séquence BLABLA apparaît parfaitement distinctive au regard des produits et services en cause, dès lors qu’il n'est pas établi qu'elle présente avec eux un lien direct et concret, ni n’en désigne une caractéristique précise.

La séquence verbale BLABLA présente en outre un caractère dominant dans le signe contesté, au sein duquel elle est mise en exergue par sa position d’attaque, sa longueur et la redondance des lettres BLA, particulièrement marquante, dont résultent les grandes ressemblances précitées

Enfin s’il est vrai, comme le relève la déposante, que la désinence THÉ du signe contesté apparaît distinctive au regard de la grande majorité des produits et services en cause, il n’en demeure pas moins qu’elle sera perçue, au sein de l’élément verbal BLABLATHÉ, comme formant un jeu de mot autour du verbe « blablater », faisant ainsi référence, tout comme la marque antérieure, à des bavardages.

En conséquence, le signe verbal contesté est similaire à la marque antérieure verbale .

Sur l'appréciation globale du risque de confusion

L'appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et notamment la similitude des marques et celle des produits ou des services désignés ; ainsi, un faible degré de similitude entre les produits et services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement.

De plus, le risque de confusion est d’autant plus élevé que la marque antérieure possède un caractère distinctif important, soit intrinsèquement, soit en raison de sa connaissance par une partie significative du public concerné par les produits en cause.

La société opposante invoque à juste titre, comme facteurs aggravants du risque de confusion, l’identité et la forte proximité des produits et services en cause ainsi que le caractère distinctif intrinsèque élevé de la marque antérieure BLABLA.

Ainsi, en raison de l’identité et de la similarité des produits et services précités et de la similarité des signes, il existe globalement un risque de confusion dans l'esprit du public, renforcé par le caractère distinctif intrinsèquement élevé de la marque antérieure. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

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En conséquence, la demande d’enregistrement contestée doit être partiellement rejetée pour les produits et services précités sur le fondement d’un risque de confusion avec la marque antérieure n° 19 4 528 267.

B. Sur le fondement de l’atteinte à la marque BLABLACAR n° 16 4 264 817 en tant que marque de renommée

Sur le fondement de l’atteinte à la renommée

Le titulaire d’une marque jouissant d’une renommée en France ou, dans le cas d'une marque de l'Union européenne, d'une renommée dans l'Union, peut s’opposer à l’enregistrement d’une marque lorsque la marque postérieure est identique ou similaire à la marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou les services soient identiques, similaires ou non similaires, et lorsque l’usage de cette marque postérieure sans juste motif tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou leur porterait préjudice.

Cette protection élargie accordée à la marque de renommée suppose la réunion des conditions suivantes : premièrement, l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée, deuxièmement, l’identité ou la similitude des marques en conflit et, troisièmement, l’existence d’un risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porterait préjudice ; que ces trois conditions sont cumulatives, l’absence de l’une d’entre elles suffisant à rendre inapplicable ce régime de protection.

Sur la renommée de la marque antérieure La renommée implique un seuil de connaissance qui n'est atteint que lorsque la marque antérieure est connue d'une partie significative du public concerné par les produits ou services qu'elle désigne. Le public au sein duquel la marque antérieure doit avoir acquis une renommée est celui concerné par cette marque, c'est-à-dire selon le produit ou service commercialisé, le grand public ou un public plus spécialisé.

Afin de déterminer le niveau de renommée de la marque, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir.

En l’espèce, la société opposante invoque la renommée de la marque n° 16 4 264 817, portant sur le signe verbal , pour les produits et services suivants : « Logiciels (programmes enregistrés) ; programmes d'ordinateurs (logiciels téléchargeables) ; applications mobiles ; logiciels et applications mobiles permettant la mise en relation de particuliers pour le covoiturage et le partage de véhicules ; appareils de traitement de l'information et ordinateurs ; matériel informatique et logiciels, à savoir logiciels permettant l'accès à des bases de données d'informations dans le domaine des transports ; logiciels de gestion de moyens de transports ; interfaces informatiques ; logiciels et applications informatiques permettant la localisation, la gestion et la réservation de parkings, de places de stationnements ; transports ; transports en automobiles ; organisation de transports et de voyages ; aide à l'organisation de transports et de voyages ; accompagnement de voyageurs ; services de chauffeurs ; courtage de transports ; services de covoiturage ; informations en matière de covoiturage ; services de location ou de partage de véhicules ; réservation de voyages ; réservation et location, y compris en ligne, de places de voyage et dans les transports ; organisation de transports et de voyages, y compris par covoiturage ».

A cet égard, la société opposante fait valoir notamment que « ... la marque BLABLACAR jouit d’une importante renommée en France, notamment dans le domaine des transports, logiciels, nouvelles technologies et économie collaborative ... ». Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

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Afin de démontrer la renommée de la marque antérieure, la société opposante fournit des annexes parmi lesquelles :

- Annexes 2, 3, 9, 10 et 11 : Décisions d’opposition rendues par l’INPI et fondées sur la marque antérieure BLABLACAR ;

- Annexe 4 : Page Wikipédia BLABLACAR ;

- Annexe 5 : Page Facebook BLABLACAR ;

- Annexe 6 : Article en date du 4 mai 2016 du site Internet www.l’echotouristique.com et article « French Tech: les 40 sociétés tech les plus susceptibles d'entrer en Bourse » du site Internet www.lesechos.fr ;

- Annexe 7 : Article en date du 13 juillet 2016 « BlaBlaCar dans les medias » du site Internet www.blablacar.fr ;

- Annexe 8 : Ordonnance de référé du Tribunal de Grande Instance de Paris en date du 25 février 2016.

Il ressort de ces pièces que la marque antérieure a fait l’objet d’un usage intensif et qu’elle est connue du grand public pour désigner des prestations de covoiturage et d’organisation de voyages, mettant en relation des usagers des transports et des conducteurs afin d’organiser des trajets à moindre frais, et des produits et services en ligne permettant d’y accéder, tels qu’un site Internet et une application informatique.

Ainsi, au regard des pièces communiquées, la marque antérieure verbale est renommée en France pour les produits et services suivants invoqués : « logiciels et applications mobiles permettant la mise en relation de particuliers pour le covoiturage et le partage de véhicules ; matériel informatique et logiciels, à savoir logiciels permettant l'accès à des bases de données d'informations dans le domaine des transports ; logiciels de gestion de moyens de transports ; logiciels et applications informatiques permettant la localisation, la gestion et la réservation de parkings, de places de stationnements ; transports ; transports en automobiles ; organisation de transports et de voyages ; aide à l'organisation de transports et de voyages ; accompagnement de voyageurs ; services de chauffeurs ; courtage de transports ; services de covoiturage ; informations en matière de covoiturage ; services de location ou de partage de véhicules ; réservation de voyages ; réservation et location, y compris en ligne, de places de voyage et dans les transports ; organisation de transports et de voyages, y compris par covoiturage ».

La déposante fait valoir que « la marque concernée n’a été déposée qu’en avril 2016 ... ce qui est extrêmement court pour acquérir une prétendue renommée ». Toutefois, au vu des pièces produites par la société opposante, la renommée de la marque invoquée est établie pour les produits et services ci-dessus, et ce malgré sa date de dépôt.

En conséquence, il convient d’examiner l’atteinte portée par le signe contesté à la renommée de la marque antérieure invoquée pour les produits et services précités.

Sur la comparaison des signes

La demande d’enregistrement porte sur le signe verbal BLABLATHÉ, ci-dessous reproduit : Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

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La marque antérieure porte sur le signe verbal BLABLACAR, ci-dessous reproduit :

La société opposante soutient que les signes en cause sont similaires.

L'appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment de leurs éléments distinctifs et dominants.

Il convient également de tenir compte du fait que le consommateur moyen des produits ou services en cause n’a que rarement la possibilité de procéder à une comparaison directe des différentes marques, mais doit se fier à l’image imparfaite qu’il a gardée en mémoire.

Il résulte d’une comparaison globale et objective des signes que le signe contesté, tout comme la marque antérieure invoquée, est constitué d’un seul élément verbal.

Le signe contesté doit être considéré comme similaire à la présente marque antérieure dès lors qu’ils possèdent une structure commune associant en attaque la longue séquence de lettres BLABLA à un terme court de trois lettres formant une seule syllabe, ce qui leur confère de grandes ressemblances visuelles, phonétiques et intellectuelles, les deux signes évoquant pareillement un bavardage.

En effet visuellement, les signes sont de même longueur, possèdent six lettres identiques (B, L, A, B, L et A) et sont marqués par la redondance de la séquence de lettres BLA, présente par deux fois.

A cet égard, il importe peu, contrairement à ce que soutient la déposante, que la marque antérieure soit reproduite « en lettres majuscules » tandis que le signe contesté est « en lettres minuscules », dès lors que cette différence de casse n’a que très peu d’incidence visuelle.

En outre, phonétiquement, ces signes présentent un même rythme en trois temps et se caractérisent par la répétition de la sonorité d’attaque [bla], reproduite par deux fois.

A ces importantes ressemblances visuelles et phonétiques s’ajoute une parenté intellectuelle : en effet le signe contesté, de par son identité phonétique avec le verbe intransitif « blablater », qui relève du registre familier et signifie « Se répandre en bla-bla » (définition extraite du dictionnaire Larousse en ligne), fait écho à la marque antérieure et est porteur de la même évocation de bavardage.

A cet égard, la déposante elle-même reconnaît que « la séquence « blabla » peut être considérée dans la marque opposé comme se fondant dans un ensemble pour former, phonétiquement, le verbe « blablater »».

Si, comme le fait valoir la déposante, les désinences THÉ du signe contesté et CAR de la marque antérieure possèdent des significations distinctes, ce qui n’est pas contestable, il n’en demeure pas moins que le risque de confusion résulte de leur association à la longue séquence d’attaque BLABLA, porteuse d’une même évocation que renforce le jeu de mot formé par le signe contesté.

En outre, sont extérieurs à la présente procédure les arguments de la déposante faisant état de la coexistence de la marque antérieure avec des marques déposées, un slogan publicitaire, ainsi que des enseignes, dénominations ou noms commerciaux. Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

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En effet, outre que la coexistence de ces droits avec la marque antérieure ne présume en rien de l’absence d’un risque de confusion, cette circonstance de fait n’empêche pas la société opposante, seule juge des actions qu’elle entend engager pour défendre ses marques, de s’opposer au dépôt du signe contesté.

Si les signes diffèrent par la substitution, dans le signe contesté, de la désinence THÉ à la désinence CAR, la prise en compte de leurs éléments distinctifs et dominants conduit à tempérer cette différence.

En effet, la séquence BLABLA apparaît distinctive au regard des produits et services en cause, et ce tant au sein du signe contesté que dans la marque antérieure.

A cet égard, la déposante fait valoir que le nom commun « blabla », issu du langage courant, ne peut faire l’objet d’une appropriation : toutefois, la séquence BLABLA apparaît parfaitement distinctive au regard des produits et services en cause, dès lors qu’il n'est pas établi qu'elle présente avec eux un lien direct et concret, ni n’en désigne une caractéristique précise.

La séquence verbale BLABLA présente en outre un caractère dominant, mise en exergue par sa position d’attaque, sa longueur et la redondance des lettres BLA, particulièrement marquante et dont résultent les grandes ressemblances précitées.

En effet, la désinence CAR de la marque antérieure, comprise comme la traduction anglaise du terme « voiture », apparaît faiblement distinctive au regard des produits et services invoqués à l’appui de l’opposition

En outre s’il est vrai, comme le relève la déposante, que la désinence THÉ du signe contesté apparaît distinctive au regard de la grande majorité des produits et services en cause, il n’en demeure pas moins que, par le jeu de mot qu’elle suggère avec le verbe « blablater », elle participe de l’impression d’ensemble proche des deux signes en présence, particulièrement au plan intellectuel.

Le consommateur retiendra ainsi des deux signes en présence une même impression d’ensemble.

Ainsi, le signe verbal contesté doit être considéré comme similaire à la marque antérieure invoquée .

Sur le lien entre les signes dans l’esprit du public

Afin d’établir l’existence d’un risque de préjudice, il convient d’établir que, compte tenu de tous les facteurs pertinents, le public concerné établira un lien entre les signes.

Les critères pertinents sont notamment le degré de similitude entre les signes, la nature des produits et des services (y compris le degré de similitude ou de dissemblance de ces produits et services) ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, (afin de déterminer si celle- ci s’étend au-delà du public visé par cette marque), le degré de caractère distinctif intrinsèque ou acquis par l’usage de la marque antérieure et l’existence d’un risque de confusion s’il en existe un.

Ainsi, l'établissement d'un tel lien entre les signes implique d’examiner également la nature des produits et services en présence et notamment la nature et le degré de proximité des produits ou services concernés.

Les produits et services suivants de la demande d’enregistrement contestée : « vêtements ; chaussures ; chapellerie ; chemises ; vêtements en cuir ; ceintures (habillement) ; fourrures (vêtements) ; gants (habillement) ; foulards ; cravates ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

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chaussures de plage ; chaussures de ski ; chaussures de sport ; sous-vêtements ; services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ; services de bars ; services de traiteurs ; services hôteliers ; réservation de logements temporaires ; mise à disposition de terrains de camping » ont précédemment été considérés comme identiques et similaires.

Les services de la demande d’enregistrement restant à comparer sont donc les suivants : « services de crèches d'enfants ; services de maisons de retraite pour personnes âgées ; services de pensions pour animaux domestiques ».

La marque antérieure a été enregistrée notamment pour les produits et services suivants : « logiciels et applications mobiles permettant la mise en relation de particuliers pour le covoiturage et le partage de véhicules ; matériel informatique et logiciels, à savoir logiciels permettant l'accès à des bases de données d'informations dans le domaine des transports ; logiciels de gestion de moyens de transports ; logiciels et applications informatiques permettant la localisation, la gestion et la réservation de parkings, de places de stationnements ; transports ; transports en automobiles ; organisation de transports et de voyages ; aide à l'organisation de transports et de voyages ; accompagnement de voyageurs ; services de chauffeurs ; courtage de transports ; services de covoiturage ; informations en matière de covoiturage ; services de location ou de partage de véhicules ; réservation de voyages ; réservation et location, y compris en ligne, de places de voyage et dans les transports ; organisation de transports et de voyages, y compris par covoiturage », pour lesquelles la renommée a été établie.

Les « services de crèches d'enfants ; services de maisons de retraite pour personnes âgées ; services de pensions pour animaux domestiques » de la demande d’enregistrement n’ont, à l’évidence, aucune nature, fonction ou destination commune avec les produits et services précités, pour lesquels la marque antérieure est renommée.

Pour démontrer l’existence d’un lien entre les signes dans l’esprit du public, la société opposante invoque la similitude entre les signes, l’intensité de la renommée de la marque antérieure pour les produits et services précités et son caractère distinctif élevé.

En l’espèce, il est vrai que la marque antérieure possède un caractère distinctif intrinsèque, lequel est accru par sa renommée auprès du grand public pour désigner des prestations de covoiturage et d’organisation de voyages et des produits et services en ligne permettant d’y accéder, tels qu’un site Internet et une application informatique, tel que démontré précédemment.

Toutefois, la société opposante n’a pas justifié en quoi il pourrait exister un lien dans l’esprit du public entre les signes au regard des « services de crèches d'enfants ; services de maisons de retraite pour personnes âgées ; services de pensions pour animaux domestiques » de la demande d'enregistrement et des produits et services de la marque antérieure pour lesquels elle est renommée, ces produits et services étant très éloignés les uns des autres.

En effet, l'établissement d'un tel lien exige que les publics concernés par chacun des produits et services visés par les marques en conflit soient les mêmes ou se chevauchent dans une certaine mesure.

La société opposante indique dans son exposé des moyens que « la marque antérieure BLABLACAR jouit d’une importante renommée en France, notamment dans le domaine des transports, logiciels, nouvelles technologies et économie collaborative ». Elle ajoute également que «...les consommateurs français seront susceptibles d’associer la marque antérieure BLABLACAR au signe postérieur ... c’est-à-dire d’établir un lien mental entre les signes en présence, pour tous les produits et services visés par la marque contestée ... ».

Toutefois, la société opposante n’a pas apporté d’argumentation suffisante quant à l’existence d’un tel lien entre les services précités de la demande d’enregistrement et les « logiciels et applications mobiles permettant la mise en relation de particuliers pour le covoiturage et le partage de véhicules ; matériel informatique et logiciels, à savoir logiciels permettant l'accès à des bases de données d'informations dans le domaine des transports ; logiciels de gestion de moyens de transports ; logiciels et applications informatiques permettant la localisation, la gestion et la réservation de parkings, de places de Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

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stationnements ; transports ; transports en automobiles ; organisation de transports et de voyages ; aide à l'organisation de transports et de voyages ; accompagnement de voyageurs ; services de chauffeurs ; courtage de transports ; services de covoiturage ; informations en matière de covoiturage ; services de location ou de partage de véhicules ; réservation de voyages ; réservation et location, y compris en ligne, de places de voyage et dans les transports ; organisation de transports et de voyages, y compris par covoiturage » pour lesquels la renommée de la marque antérieure a été retenue.

A cet égard, la société opposante fait valoir qu’« il est constant que les opérateurs économiques proposant des services de transports ; organisation de transports et de voyages ; aide à l'organisation de transports et de voyages ; accompagnement de voyageurs ; courtage de transports ; réservation de voyages ; organisation de transports et de voyages, y compris par covoiturage proposent aussi des services de garde d’enfants, par exemple via des crèches éphémères, d’aide et de garde des personnes les plus fragiles telles que les personnes âgées ou encore de pension pour animaux, qui sont tous visés par la marque contestée », sans toutefois établir la généralité d’une telle pratique. Ainsi, au regard de ces mêmes services, qui apparaissent très éloignés des produits et services pour lesquels la marque antérieure est renommée, la société opposante ne démontre pas le risque que le signe contesté évoque la marque antérieure dans l’esprit des consommateurs concernés.

En effet, si la renommée de la marque antérieure a bien été démontrée, il appartient à la société opposante d’établir le lien que pourra établir le public entre le signe contesté et la marque antérieure pour les services précités, ce lien n’apparaissant nullement évident du fait de la forte dissemblance des produits et services en cause.

Enfin, ne saurait être retenu l’argument de la société opposante selon lequel elle « ... est titulaire d’une famille de marques BLABLA et dérivés ... en vigueur en France, dont les marques françaises ... servant de base à la présente opposition... exploite notamment la famille de marques BLABLA pour désigner un site Internet et des applications mobiles de transport ... dans le domaine de l’énergie collaborative » et fournissant à cet égard de la copie des marques invoquées, dès lors que cet argument n’établit pas davantage l’existence d’un lien avec les « services de crèches d'enfants ; services de maisons de retraite pour personnes âgées ; services de pensions pour animaux domestiques » de la demande d’enregistrement.

En conséquence, l’examen de l’ensemble des facteurs pertinents ne permet pas d’établir l’existence d’un lien entre les marques par le public concerné par ces produits et services.

L’existence d’un tel lien entre les marques dans l’esprit du public étant une des conditions nécessaires à l’application de la protection des marques de renommée, l’opposition doit être rejetée comme non fondée en ce qui concerne ce motif.


CONCLUSION


En conséquence, en raison du risque de confusion avec la marque antérieure verbale , le signe verbal ne peut pas être adopté comme marque pour désigner des produits et services identiques et similaires, sans porter atteinte aux droits antérieurs de la société opposante sur la marque verbale .

PAR CES MOTIFS Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI

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DECIDE

Article 1 : L'opposition est reconnue partiellement justifiée, en ce qu’elle porte sur les produits et services suivants : « Vêtements ; chaussures ; chapellerie ; chemises ; vêtements en cuir ; ceintures (habillement) ; fourrures (vêtements) ; gants (habillement) ; foulards ; cravates ; bonneterie ; chaussettes ; chaussons ; chaussures de plage ; chaussures de ski ; chaussures de sport ; sous- vêtements ; services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire ; services de bars ; services de traiteurs ; services hôteliers ; réservation de logements temporaires ; mise à disposition de terrains de camping ».

Article 2 : La demande d'enregistrement est partiellement rejetée, pour les produits et services précités.