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Tribunal administratif de Nantes, 6 février 2024, 2401750

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Nantes
  • Numéro d'affaire :
    2401750
  • Nature : Ordonnance
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Résumé

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête enregistrée le 6 février 2024 à 11h19 sous le numéro 2401750, le " collectif Anjou Mémoire ", représenté par Me Pfligersdorffer, demande au juge des référés, : 1°) sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de l'arrêté BOPSI 2024-104 du préfet de Maine-et-Loire en date du 5 février 2024 " portant interdiction d'une manifestation déclarée sous l'objet "Hommage aux morts" à Angers à 20h00 le 6 février 2024 " ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - il est porté atteinte de manière grave et manifestement illégale à la liberté fondamentale de manifestation dès lors que : * l'édiction de l'arrêté litigieux n'a pas été précédée d'une procédure contradictoire en méconnaissance de l'article L. 122-1 du code des relations entre le public et l'administration, * l'interdiction litigieuse est disproportionnée en l'absence de risque avéré de trouble à l'ordre public et alors qu'il appartient à l'autorité de police de prendre toutes les mesures appropriées pour sécuriser la manifestation. - la manifestation en cause devant se dérouler le 6 février 2024 à partir de 20h, la condition d'urgence est satisfaite. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ; - le code pénal ; - le code des relations entre le public et l'administration ; - le code de justice administrative.

Considérant ce qui suit

: 1. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures ". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée. 2. Il ressort des pièces du dossier qu'une déclaration a été reçue le 26 janvier 2024 à la préfecture de Maine-et-Loire en vue de la tenue d'une manifestation le 6 février 2024 à 20h00 square Jeanne d'Arc à Angers, ayant pour objet " l'hommage aux morts ". Il est précisé dans la requête que le rassemblement projeté a pour objet de rendre un hommage aux morts du 6 février 1934 " date où une manifestation motivée en dénonciation de l'affaire "Stavisky" a provoqué la mort de 25 de ces participants ". La manifestation du 6 février 1934 à Paris et notamment place de la Concorde aux abords de la Chambre des députés est décrite par les historiens comme une " manifestation exaspérée de colère antiparlementaire " (Le Petit Mourre, dictionnaire d'Histoire universelle éditions Bordas 2006) à laquelle ont appelé les dirigeants des ligues et des associations d'anciens combattants. 3. L'article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure soumet à l'obligation de déclaration préalable " tous cortèges, défilés et rassemblements de personnes, et, d'une façon générale, toutes manifestations sur la voie publique ". Il résulte par ailleurs des articles L. 211-4 et R. 211-1 du même code qu'il appartient au représentant de l'Etat dans le département d'interdire par arrêté toute " manifestation projetée de nature à troubler l'ordre public ". 4. Le respect de la liberté de manifestation et de la liberté d'expression, qui ont le caractère de libertés fondamentales au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, doit être concilié avec l'exigence constitutionnelle de sauvegarde de l'ordre public. Il appartient à l'autorité investie du pouvoir de police, lorsqu'elle est saisie de la déclaration préalable prévue à l'article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure ou en présence d'informations relatives à un ou des appels à manifester, d'apprécier le risque de troubles à l'ordre public et, sous le contrôle du juge administratif, de prendre les mesures de nature à prévenir de tels troubles, au nombre desquelles figure, le cas échéant, l'interdiction de la manifestation, si une telle mesure présente un caractère adapté, nécessaire et proportionné aux circonstances, en tenant compte des moyens humains, matériels et juridiques dont elle dispose. Une mesure d'interdiction, qui ne peut être prise qu'en dernier recours, peut être motivée par le risque de troubles matériels à l'ordre public, en particulier de violences contre les personnes et de dégradations des biens, et par la nécessité de prévenir la commission suffisamment certaine et imminente d'infractions pénales susceptibles de mettre en cause la sauvegarde de l'ordre public même en l'absence de troubles matériels. 5. Pour interdire cette manifestation, le préfet de Maine-et-Loire se fonde sur l'existence, d'une part, d'un risque élevé que soient commises des infractions pénales qu'il appartient à l'autorité de police administrative de prévenir, notamment au regard de l'article 431-15 du code pénal qui interdit la reconstitution d'association ou de groupement dissous, dans la mesure où les auteurs de la déclaration et organisateurs de ce rassemblement sont connus pour avoir été membres du groupement de fait " Alvarium " dont la dissolution a été prononcée par décret du 17 novembre 2021, ainsi que du " RED49 ", diffusant une idéologie ultra-nationaliste et coutumiers d'appels à la haine, à la discrimination et à la violence contre les personnes d'origine ou de nationalité étrangères, d'autre part, d'un risque de troubles à l'ordre public, caractérisé, outre par des affrontements violents, dans un contexte de fortes tensions entre groupuscules d'ultra droite et d'ultra gauche dans l'agglomération d'Angers depuis plusieurs semaines - à la suite notamment du décès dans la nuit du 18 au 19 novembre 2023 d'un jeune homme à Romans-sur-Isère (Drôme) et des réactions et des violences que cet évènement a suscitées, y compris très récemment, dans toute la France -, par l'expression de slogans ou de propos de nature à mettre en cause la cohésion nationale ou les principes consacrés par la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen et par la tradition républicaine, alors par ailleurs que les forces de police sont fortement mobilisées par la mise en œuvre des mesures de sécurisation des lieux sensibles et des rassemblements, en application du plan Vigipirate. 6. Le " collectif Anjou Mémoire " - entité indéterminée dont le domicile n'est, contrairement à ce qu'exige l'article R. 411-1 du code de justice administrative, pas indiqué dans la requête, non plus d'ailleurs que les noms et qualités des personnes physiques qui le composent ou sont habilitées à le représenter -, qui ne conteste pas les énonciations de l'arrêté litigieux relatives à l'appartenance des auteurs de la déclaration et organisateurs de ce rassemblement à un groupement de fait dissous et à une organisation apparentée à la mouvance active de l'ultra droite dans le département, se borne à faire état de ce qu'aucune communication publique autour de l'hommage en question n'a été faite, aucune contre-manifestation n'ayant été annoncée, et à faire valoir que le préfet dispose de ressources humaines et matérielles largement suffisantes pour sécuriser à la fois ledit rassemblement, " qui ne doit pas dépasser la quarantaine de participants ", ce qui n'est pas démontré, et, le cas échéant, d'autres événements concomitants. 7. Dans ces conditions, il n'apparaît pas qu'en interdisant la manifestation en cause, sans respecter la procédure contradictoire prévue aux articles L. 121-1 et suivants du code des relations entre le public et l'administration eu égard au bref délai dont il disposait pour prendre les mesures qu'impose la préservation de l'ordre public, le préfet de Maine-et-Loire a porté une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté de manifestation. 8. Il y a lieu, par suite, de rejeter la requête comme manifestement mal fondée en application de l'article L. 522-3, évoqué au point 1, du code de justice administrative, y compris les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

O R D O N N E :

Article 1er : La requête du " collectif Anjou Mémoire " est rejetée. Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée au " collectif Anjou Mémoire ". Copie pour information en sera adressée au préfet de Maine-et-Loire. Fait à Nantes, le 6 février 2024. La vice-présidente, juge des référés, A.-C. WUNDERLICH La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition conforme, La greffière,

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