COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-3
ARRÊT AU FOND
DU 12 JANVIER 2023
N° 2023/008
Rôle N° RG 22/02006 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BI25P
S.A. AXA FRANCE IARD
C/
S.A.R.L. LA RIVIERA
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me David CUSINATO
Me Alain GALISSARD
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 09 Décembre 2021 enregistré au répertoire général sous le n° 2021F00216.
APPELANTE
S.A. AXA FRANCE IARD prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [Adresse 3]
représentée par Me David CUSINATO de la SELARL ABEILLE & ASSOCIES, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Laura TAFANI, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Pierre-yves IMPERATORE de la SELARL LEXAVOUE BOULAN CHERFILS IMPERATORE, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
INTIMÉE
S.A.R.L. LA RIVIERA prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié [Adresse 5]
représentée par Me Alain GALISSARD de l'ASSOCIATION GALISSARD A / CHABROL B, avocat au barreau de MARSEILLE substituée par Me Bénédicte CHABROL de l'ASSOCIATION GALISSARD A / CHABROL B, avocat au barreau de MARSEILLE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 04 Novembre 2022 en audience publique. Conformément à l'article
804 du code de procédure civile, Madame Béatrice MARS, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.
La cour était composée de :
Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente
Madame Béatrice MARS, Conseillère
Madame Florence TANGUY, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Mélissa NAIR.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcée par mise à disposition au greffe le 12 Janvier 2023,
Signé par Madame Cathy CESARO-PAUTROT, Présidente et Monsieur Nicolas FAVARD, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
FAITS ET PROCÉDURE
Le 27 février 2018, la SARL La Riviera a souscrit auprès de la SA Axa France Iard un contrat d'assurance multirisque professionnelle ayant pour objet d'assurer l'activité de restaurant traditionnel, exploitée sous l'enseigne « La Riviera » à [Localité 4].
Ce contrat prévoit, dans les conditions générales, une garantie perte d'exploitation et dans ses
conditions particulières, une extension de la garantie relative à la perte d'exploitation à la suite d'une fermeture administrative, assortie d'une clause d'exclusion.
Par arrêté du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du Covid-19, les restaurants et débits de boissons ont eu l'interdiction d'accueillir du public du 15 mars au 15 avril 2020. La période d'interdiction s'est poursuivie par décrets jusqu'au 2 juin 2020, puis à nouveau du 28 septembre 2020 au 4 octobre 2020 et enfin de façon ininterrompue depuis le 28 octobre 2020 jusqu'en juin 2021.
Le 17 février 2021, la SARL La Riviera a déclaré auprès de la SA Axa France Iard un sinistre de perte d'exploitation suite à une fermeture administrative.
Le 18 février 2021, la SA Axa France Iard a refusé de garantir le sinistre en invoquant les dispositions prévues dans la police souscrite.
Par assignation du 8 février 2021, SARL La Riviera a assigné devant le tribunal de commerce de Marseille, la SA Axa France Iard aux fins de la voir condamnée à lui payer la somme de
216 922,61 euros représentant le montant du sinistre avec intérêts de droit à compter du 10 novembre 2020 et capitalisation des intérêts sur le fondement l'article
1154 du code civil ainsi que 20 000 euros à titre de dommages et intérêts et 5000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par jugement du 9 décembre 2021, le tribunal de commerce de Marseille a :
- déclaré valable l'assignation délivrée le 8 février 2021,
Vu l'article
L. 113-1 du code des assurances,
- déclaré réputée non écrite, la clause d'exclusion de garantie dont se prévaut la société Axa France Iard telle que ci-dessous reproduite : sont exclues les pertes d'exploitation lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique,
- condamné la société Axa France Iard SA à payer à la société La Riviera SARL la somme provisionnelle de 86 400 euros à valoir sur sa garantie perte d'exploitation et celle de 3500 euros au titre des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile,
Sur le quantum de la perte d'exploitation de la société La Riviera SARL :
- désigné Monsieur [V] [L] - [Adresse 2], en qualité d'expert, afin de vérifier et finaliser contradictoirement le montant de l'indemnité due à la société La Riviera SARL au titre de sa perte d'exploitation et avec pour mission de :
* se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par la société La Riviera SARL et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années ;
* entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations;
* examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance, sur les 3 périodes de fermeture, étant pour chacune limitée à 3 mois;
* évaluer le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, de la marge brute (chiffre d'affaires - charges variables) incluant les charges salariales et les économies réalisées, en recherchant si du chiffre d'affaires a été généré par des ventes à emporter ou «click and collect '' et en le retranchant alors, en prenant compte les facteurs externes indépendamment des pertes d'exploitation liées à la fermetureadministrative;
- dit que du tout, l'expert, dans les 3 mois à compter de la date du versement de la consignation, devra dresser un rapport qui sera déposé au greffe, en un seul exemplaire;
- dit que le suivi de l'expertise sera confié au juge chargé du contrôle des expertises, au cabinet duquel, les parties et l'expert sont convoqués, le 10 mai 2022 à 9 Heures, au 3eme niveau du tribunal de commerce de Marseille, Bureau du juge chargé du contrôle des expertises, conformément aux dispositions de l'article
153 alinéa 2 du code de procédure civile;
- dit que la présente convocation sera caduque pour le cas où l'expert aurait déposé son rapport avant la date fixée pour le faire;
- dit que faute par l'expert d'avoir informé le juge chargé du contrôle, de l'acceptation de sa désignation dans les quinze jours de la notification qui lui en est faite par le greffe, il sera pourvu d'office à son remplacement par simple ordonnance présidentielle ou du juge chargé du contrôle;
- dit que lors de la première ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations et évaluera d'une manière aussi précise que possible, le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours;
- dit qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître au juge chargé du contrôle, la somme globale qui lui parait nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et débours et sollicitera, le cas échéant, le versement d'une consignation complémentaire;
- dit qu'en cas de difficultés dans l'accomplissement de sa mission, l'expert devra en faire rapport au juge chargé du contrôle, notamment pour le respect des délais et en vue d'une prorogation;
- dit que la société Axa France Iard SA devra consigner au greffe du tribunal decommerce de Marseille, la somme de 2500 euros destinée à garantir le paiement des frais et honoraires de l'expert, dans le délai d'un mois à compter de l'invitation à ce faire qui lui sera adressée par le greffe;
- dit et juge que faute par la société Axa France Iard SA d'effectuer cette consignation dans ledit délai, l'article
271 du code de procédure civile sortira son plein et entier effet avec toutes ses conséquences et notamment la caducité de la désignation de l'expert;
- dit que le greffe informera 1'expert de la consignation intervenue;
Conformément aux dispositions de l'article
696 du code de procédure civile,
- condamné la société Axa France Iard SA aux dépens toutes taxes comprises de la présente instance tels qu'énoncés par l'article
695 du code de procédure civile, étant précisé que les droits, taxes et émoluments perçus par le secrétariat-greffe de la présente juridiction sont liquidés à la somme de 70,55 euros Ttc;
- réservé les dépens à venir,
- dit n'y avoir lieu d'écarter l'exécution provisoire,
Conformément aux dispositions des articles
514 et
515 du code de procédure civile, - dit que le présent jugement est de plein droit exécutoire à titre provisoire,
- rejeté pour le surplus toutes autres demandes, fins et conclusions contraires aux dispositions du présent jugement.
La Sa Axa France Iard a relevé appel de cette décision le 10 février 2022
Vu les dernières conclusions de la SA Axa France Iard, notifiées par voie électronique le 2 mai 2022 au terme desquelles il est demandé à la cour de :
Vu les articles
117,
121 et
562 du code de procédure civile,
Vu les articles 1103,
1170, 1171 et 1188 et suivants et
1231-6 du code civil,
Vu l'article
L. 113-1 du code des assurances,
Vu le jugement dont appel,
- déclarer recevable et bien-fondé l'appel interjeté par la société Axa France Iard et, y faisant droit
À titre principal :
- infirmer le jugement du 9 décembre 2021 du tribunal de commerce de Marseille en ce qu'il a:
* jugé que l'assignation délivrée le 9 février 2021 à l'agent général d'Axa est valable;
* considéré que la clause d'exclusion ne serait ni formelle ni limitée au sens de l'article
L.113-1 du code des assurances et qu'Axa France Iard devra garantir la société La Riviera au titre de la perte d'exploitation de son activité de restauration;
* condamné Axa France Iard à payer à la société La Riviera, la somme provisionnelle de 86 400 euros;
* ordonné une expertise judiciaire et nommé à cette fin Monsieur [V] [L] avec la mission telle que décrite dans le jugement entrepris,
* condamné Axa France Iard à payer à la société La Riviera la somme de 3500 euros au titre des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile;
* condamné Axa France Iard aux entiers dépens.
- infirmer le jugement du tribunal de commerce de Marseille du 9 décembre 2021 en ce qu'il a débouté Axa France Iard de ses demandes tendant à juger de la validité de la clause d'exclusion;
Et statuant à nouveau,
- juger que l'assignation délivrée le 9 février 2021 entre les mains de l'agent général Axa est nulle;
À titre subsidiaire :
- juger que l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie est assortie d'une clause d'exclusion, qui est applicable en l'espèce;
- juger que la clause d'exclusion respecte le caractère formel exigé par l'article
L.113-1 du code des assurances en ce qu'elle est claire et ne laisse pas de place à l'incertitude;
- juger que la clause d'exclusion ne vide pas l'extension de garantie de sa substance et qu'elle ne prive pas l'obligation essentielle d'Axa France Iard de sa substance au sens de l'article
1170 du code civil;
- juger qu'Axa France Iard n'a commis aucune faute susceptible de justifier la mise en 'uvre de sa responsabilité en raison du refus de garantie opposé à son assurée;
En conséquence,
- juger applicable en l'espèce la clause d'exclusion dont est assortie l'extension de garantie relative aux pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative pour cause d'épidémie;
- débouter la société La Riviera de sa demande de condamnation à l'encontre d'Axa France Iard et la condamner à lui restituer les sommes perçues au titre de l'exécution du jugement du Marseille;
- débouter la société La Riviera de sa demande de condamnation à l'égard d'Axa;
- débouter la société La Riviera de toutes prétentions contraires;
- annuler la mesure d'expertise judiciaire ordonnée par le tribunal de commerce de Marseille;
À titre plus subsidiaire :
- juger que le montant de la condamnation prononcée par le tribunal de commerce de Marseille n'est pas justifié;
- réformer le jugement entrepris sur la mission confiée à l'expert judiciaire,
Statuant à nouveau,
- ordonner que l'expert judiciaire aura pour mission de :
* se faire communiquer tous documents et pièces qu'il estimera utile à l'accomplissement de sa mission, notamment l'estimation effectuée par l'assurée et/ou son expert-comptable, accompagnée de ses bilans et comptes d'exploitation sur les trois dernières années ;
* entendre les parties ainsi que tout sachant et évoquer, à l'issue de la première réunion avec les parties le calendrier possible de la suite de ses opérations ;
* examiner les pertes d'exploitation garanties contractuellement par le contrat d'assurance et se rapportant uniquement à l'activité de restauration, en tenant compte de la franchise de 3 jours ouvrés applicable;
* donner son avis sur le montant des pertes d'exploitation consécutives à la baisse du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, de la marge brute (chiffre d'affaires ' charges variables) incluant les charges salariales, les économies réalisées;
* donner son avis sur le montant des aides/subventions d'État perçues par l'assurée;
* donner son avis sur les coefficients de tendance générale de l'évolution de l'activité et des facteurs externes et internes susceptibles d'être pris en compte pour le calcul de la réduction d'activité imputable à la mesure de fermeture, en se fondant notamment sur les recettes encaissées les semaines ayant précédé le 15 mars 2020 et le 29 octobre 2020,
En tout état de cause,
- débouter l'assurée de toutes demandes, fins ou conclusions contraires au présent dispositif;
- condamner la société La Riviera à payer à Axa France Iard la somme de 1000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel, ces derniers distraits au profit de la Selarl Lexavoue Aix en Provence, représentée par Maître Pierre-Yves Imperatore, avocat aux offres de droit.
Vu les dernières conclusions de la SARL La Riviera, notifiées par voie électronique le 31 mars 2022 au terme desquelles il est demandé à la cour de :
Vu les articles
117 et
121 du code de procédure civile,
Vu les articles
1108,
1143,
1169 et
1170 du code civil,
Vu les articles
L. 112-4 et 113-1 du code des assurances,
Vu l'assignation délivrée entre les mains de l'agent général de la société Axa France Iard,
Vu les pièces produites aux débats,
Sur l'appel principal de la compagnie d'assurances Axa France Iard,
- confirmer le jugement dont appel, en ce qu'il a,
* jugé réputée non écrite la clause d'exclusion de garantie dont se prévaut la société Axa France Iard telle que ci-dessous reproduite : sont exclues les pertes d'exploitation lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique
* condamné la société Axa France Iard au paiement à la société LA RIVIERA d'une provision de 86 400 euros à valoir sur sa garantie perte d'exploitation et d'une somme de 3500 euros au titre des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile,
* ordonné une expertise judiciaire confiée à Monsieur [L] pour vérifier et finaliser contradictoirement le montant de l'indemnité due à la société La Riviera,
* surseoir à statuer jusqu'au dépôt du rapport d'expertise sur l'indemnisation définitive du à la société La Riviera SARL sur lequel il sera demandé à la cour d'évoquer la totalité du litige.
Sur l'appel incident de la société La Riviera SARL,
- infirmer le jugement dont appel, en ce qu'il a débouté la société La Riviera de sa demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier et,
Statuant à nouveau :
- condamner la société Axa France Iard au paiement d'une somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice financier résultant des difficultés de trésorerie créées par le refus de garantie
En tout état de cause,
- condamner la société Axa France Iard au paiement d'une somme de 5000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est en date du 28 octobre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'exception de nullité de l'assignation :
En application de l'article
117 du code de procédure civile, constitue une irrégularité de fond, affectant la validité de l'acte, le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale.
La SA Axa France Iard soutient que l'assignation a délivrée par la SARL La Riviera à « la SA Axa AXA prise en la personne de ses agents MM. [I] [W] [Y], demeurant [Adresse 1] » est nulle, faute pour l'agent général d'être habilité à recevoir l'acte de signification au nom et pour le compte d'Axa et à représenter l'assureur en justice ; que le mandat de gérer et indemniser les sinistres confiés par l'assureur à un agent général n'implique pas le pouvoir de représenter l'assureur en justice, alors que le défaut de pouvoir d'une personne figurant au procès comme représentant d'une personne morale constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte, au sens des articles
117 et
119 du code de procédure civile, sans qu'il y ait à justifier d'un grief.
L'assignation en date du 8 février 2021 a été délivrée à « la compagnie Axa France Iard SA au capital de 214 796 030 euros inscrite au registre du commerce et des société de Nanterre sous le numéro 722 057 460 prise en la personne de ses agents MM. [I] [W] [Y] demeurant [Adresse 1] ».
Aucun élément ne permet de constater que les agents généraux avaient le pouvoir de représenter l'appelante.
Cependant, la SA Axa France Iard a constitué avocat devant le tribunal de commerce et son avocat a déposé des conclusions en son nom. Dès lors, l'exception invoquée ne peut être accueillie.
Sur la garantie de la SA Axa France Iard :
Aux termes des conditions particulières Multirisque Professionnelle de la police souscrite le 5 juin 2020 dans le chapitre : Protection Financière figure la Perte d'Exploitation suite à fermeture administrative mentionnant : la garantie est étendue aux pertes d 'exploitation consécutives à la fermeture provisoire totale ou partielle de l'établissement assuré, lorsque les deux conditions suivantes sont réunies :
1. la décision de fermeture a été prise par une autorité administrative compétente, et extérieure à vous-même
2. la décision de fermeture est la conséquence d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication.
En l'espèce, la fermeture du restaurant de la SARL La Riviera a été ordonnée en application de l'arrêté ministériel du 14 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19, pris au visa de l'article
L 3131-1 du code de la santé publique, en raison des menaces sanitaires graves. Cette fermeture a été, de nouveau, ordonnée par divers décrets postérieurs.
Les deux conditions de la garantie sont donc réunies, dès lors que la fermeture du restaurant de la SARL La Riviera a été ordonnée par une autorité administrative en raison d'un risque d'épidémie.
Les conditions particulières prévoient la clause d'exclusion suivante : sont exclues les pertes d'exploitation, lorsque, à la date de la décision de fermeture, au moins un autre établissement, quelle que soit sa nature et son activité, fait l'objet, sur le même territoire départemental que celui de l'établissement assuré, d'une mesure de fermeture administrative, pour une cause identique.
La SARL La Riviera soulève la nullité de cette clause d'exclusion. Elle fait valoir qu'elle ne figure pas en caractère gras et n'est pas formelle et limitée en ce qu'aucune définition de « l'épidémie » ou de « cause identique » n'est fournie ; que l'application de cette clause d'exclusion aboutirait à ne pas garantir l'assuré des pertes d'exploitation subies en raison de la fermeture administrative de son restaurant pour épidémie de coronavirus, et donc, à priver de sa substance l'obligation essentielle de garantie ; que la SA Axa France Iard a été contrainte de notifier un avenant contenant une définition précise de la clause d'exclusion.
La SA Axa France Iard soutient que la clause d'exclusion visée respecte le formalisme de l'article
L112-4 du code des assurances et le caractère formel exigé par l'article
L 113-1 du code des assurances en ce qu'elle est rédigée en termes apparents et est claire et compréhensible par l'assuré, les trois critères d'application de la clause d'exclusion ( critère de nombre, territorial, causal ) ne souffrant d'aucune imprécision et étant compréhensibles par tout un chacun ; que l'absence de définition du terme « épidémie » est sans influence en ce que l'exclusion suppose uniquement que les fermetures aient des causes identiques, quelle que soit cette cause ; que la proposition d'avenant faite par la SA Axa France Iard ne remet pas en cause la clarté de la clause d'exclusion.
Aux termes de l'article
L112-4 du code des assurances, les exclusions de garantie doivent être insérées dans le contrat en caractères très apparents, attirant suffisamment l'attention de l'assuré sur son contenu, sans qu'il soit exigé qu'elle soit portée en gras.
En l'espèce, la clause d'exclusion est très apparente en ce qu'elle figure en majuscule dans un paragraphe intitulé : Perte d'exploitation suite à fermeture administrative et clairement identifiable pour l'assurée qui est en mesure de relever et de comprendre son importance parmi les autres clauses « d'exclusion » dès lors en caractère apparent elle est opposable à l'assurée.
Il résulte de l'article
L 113-1 du code des assurances que seules les clauses d'exclusion de garantie qui privent l'assuré du bénéfice de la garantie en considération de circonstances particulières de réalisation du risque doivent être formelles et limitées. Une clause d'exclusion n'est pas formelle lorsqu'elle ne se réfère pas à des critères précis et nécessite interprétation.
Il apparaît que la clause d'exclusion est claire et non sujette à interprétation. En effet, il est clairement précisé que l'exclusion de garantie s'apprécie par rapport au nombre de fermeture administrative dans le département pour la même cause, soit une « cause identique », la garantie ne pouvant jouer que dans le cas d'une fermeture « individuelle » de l'établissement assuré, à savoir lorsque cet établissement est le seul du département concerné par une décision de fermeture administrative motivée par l'un des cinq cas couverts par la garantie : maladie contagieuse, meurtre, suicide, épidémie ou intoxication.
Ainsi, la circonstance particulière de réalisation du risque privant l'assuré du bénéfice de la garantie n'est pas l'épidémie mais la situation dans laquelle, à la date de la fermeture, un autre établissement faisait l'objet d'une mesure de fermeture administrative pour une cause identique à l'une de celles énumérées par la clause d'extension de garantie, de sorte que l'ambiguïté du terme « épidémie » est sans incidence sur la compréhension, par l'assuré, des cas dans lesquels l'exclusion s'applique.
Au vu de ces éléments, il y a lieu de considérer que la clause d'exclusion n'est pas de nature à créer un doute sur la portée de l'exclusion et il n'y a donc pas lieu à interprétation. La clause d'exclusion présente par conséquent un caractère formel.
En application de l'article
L 113-1 du code des assurances, une clause d'exclusion n'est pas limitée lorsqu'elle vide la garantie de sa substance, en ce qu'après son application, elle ne laisse subsister qu'une garantie dérisoire.
En l'espèce, la garantie couvre le risque de pertes d'exploitation consécutives, non à une épidémie, mais à une fermeture administrative ordonnée à la suite d'une maladie contagieuse, d'un meurtre, d'un suicide, d'une épidémie ou d'une intoxication, de sorte que l'exclusion considérée, qui laisse dans le champ de la garantie les pertes d'exploitation consécutives à une fermeture administrative liée à ces autres causes ou survenue dans d'autres circonstances que celles prévues par la clause d'exclusion, n'a pas pour effet de vider la garantie de sa substance.
Enfin, la proposition d'avenants par la SA Axa France Iard, à l'effet de supprimer la garantie perte d'exploitation suite à une fermeture administrative pour cause d'épidémie ou de maladie infectieuse et de réécrire la garantie perte d'exploitation suite à une fermeture administrative, ne remet pas en cause la validité de la clause d'exclusion litigieuse et ne constitue pas un aveu d'inopposabilité de la clause d'exclusion par l'assureur.
En conséquence, la clause d'exclusion prévue au contrat d'assurance s'applique et les sinistres déclarés par la SARL La Riviera au titre de la perte d'exploitation consécutive à la fermeture administrative du restaurant dans le cadre des mesures ci-dessus rappelées sont exclus de la garantie « Perte financière suite à fermeture administrative ».
Le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions.
Partie succombante, la SARL La Riviera supportera la charge des dépens de première instance et d'appel et conservera à sa charge les frais irrépétibles qu'elle a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.
L'équité commande de débouter la SA Axa France Iard de sa demande d'indemnité de procédure.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement et contradictoirement par mise à disposition de la décision au greffe ;
INFIRME le jugement en date du 9 décembre 2021, sauf dans sa disposition ayant déclaré valable l'assignation délivrée le 8 février 2021 par la SARL La Riviera;
Statuant à nouveau des chefs infirmés :
DÉBOUTE la SARL La Riviera de l'ensemble de ses demandes ;
DÉBOUTE la SA Axa France Iard de sa demande formée au titre de l'article
700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SARL La Riviera aux dépens de première instance et d'appel qui pourront être recouvrés conformément à l'article
699 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE