Cour d'appel de Paris, 4 juin 2019, 2016/25876

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2016/25876
  • Domaine de propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
  • Parties : FRANCE LANCINE SARL / RIMOWA GmbH (Allemagne)
  • Décision précédente :Tribunal de grande instance de Paris, 16 septembre 2016
  • Président : Monsieur David PEYRON
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2019-06-04
Tribunal de grande instance de Paris
2016-09-16

Texte intégral

COUR D'APPEL DE PARIS ARRÊT DU 04 juin 2019 Pôle 5 - Chambre 1 (n°079/2019, 12 pages) Numéro d'inscription au répertoire général : 16/25876 - N° Portalis 35L7-V-B7A-B2JDZ Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 septembre 2016 - Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 15/14771 APPELANTE La société FRANCE LANCINE, SARL, Immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de Paris sous le numéro 421 135 062, Agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège Appartement 1007 [...] 75019 PARIS Représentée par Me Emmanuelle HOFFMAN ATTIAS de la SELARL HOFFMAN, avocat au barreau de PARIS, toque : C0610 INTIMÉE La société RIMOWA GMBH, Société de droit allemand dont la forme est celle d'une Gesellschaft mit beschränkter (société allemande à responsabilité limitée) Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés ès qualités audit siège Mathias-Brüggen-Str 118 50829 COLOGNE ALLEMAGNE Représentée par Me Guillaume MARCHAIS, avocat au barreau de PARIS, toque : L0280 Assistée de Me Philippe M, avocat au barreau de PARIS, toque : L0280 COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 10 avril 2019, en audience publique, devant la Cour composée de : Monsieur David PEYRON, Président de chambre Mme Isabelle DOUILLET, Conseillère M. François THOMAS, Conseiller qui en ont délibéré. Un rapport a été présenté à l'audience dans les conditions prévues à l'article 785 du code de procédure civile. Greffier, lors des débats : Mme K A

ARRÊT

: - Contradictoire - par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. - signé par David PEYRON, Président de chambre et par K A, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. EXPOSÉ DES FAITS La société RIMOWA GmbH (ci-après dénommée "RIMOWA ") se présente comme étant une société de droit allemand spécialisée dans la fabrication et la commercialisation de produits de bagagerie (valises, attachés-cases, vanity-cases...) en aluminium et en polycarbonate, dont le modèle «Business Multiwheel» de la ligne SALSA DELUXE et le modèle «Notebook L>> de la ligne LIMBO. La société FRANCE LANCINE se présente comme ayant pour activité la commercialisation de bagages, de maroquinerie et autres accessoires de mode depuis 1998 et indique commercialiser ses produits sous la marque SNOWBALL. La société RIMOWA déclare avoir constaté sur le site internet www.snowball-bagage, exploité par la société FRANCE LANCINE, la commercialisation de produits sous la marque SNOWBALL qui seraient, selon elle, contrefaisants. Elle a acquis dans une boutique située [...] un modèle de valise SNOWBALL BUISNESS référencé 33042 et un porte-document SNOWBALL PORTEDOC référencé 37115. Elle a fait dresser par huissier de justice, le 9 juillet 2015, un constat sur l'achat d'un exemplaire de chacun des modèles en cause et un constat du contenu du site internet litigieux. La société RIMOWA a ensuite fait pratiquer, le 7 septembre 2015, une saisie-contrefaçon au siège de la société FRANCE LANCINE, en vertu d'une ordonnance du 2 septembre 2015. Par acte du 6 octobre 2015 , la société RIMOWA a assigné la société FRANCE LANCINE devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de ses droits d'auteur et en concurrence déloyale et parasitaire. Par jugement du 16 septembre 2016, le tribunal de grande instance de Paris a : - dit qu'en reproduisant les caractéristiques originales de la valise "Business Multiwheel" de la ligne SALSA DELUXE et du porte documents "Notebook L" de la ligne LIMBO commercialisés par la société RIMOWA, sur ses modèles SNOWBALL de valise 33042 et de porte-documents 37115, et en commercialisant lesdits produits, la société FRANCE LANCINE s'est rendue coupable d'acte de contrefaçon de droit d'auteur dont est titulaire la société RIMOWA; - dit que la société FRANCE LANCINE a en outre commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire au préjudice de la société RIMOWA

; En conséquence

, - fait interdiction à la société FRANCE LANCINE de poursuivre de tels agissements, et ce sous astreinte de 150 euros par infraction constatée à l'expiration du délai d'un mois suivant la signification du présent jugement pendant un délai de six mois ; - dit que le tribunal se réservait la liquidation de l'astreinte ; - condamné la société FRANCE LANCINE à payer à la société RIMOWA la somme de 80.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon commis à son encontre ; - condamné la société FRANCE LANCINE à payer à la société RIMOWA la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis à son encontre ; - autorisé une fois le présent jugement devenu définitif la publication du communiqué suivant dans trois journaux ou revues au choix de la société RIMOWA et aux frais de la société FRANCE LANCINE, sans que le coût de chaque publication n'excède, a la charge de celle-ci, la somme de 2000 euros H.T : " Par décision en date du 16 septembre 2016, le tribunal de grande instance de Paris (chambre des droits d'auteur, des marques et des brevets) a notamment jugé que la société FRANCE LANCINE a porté atteinte aux droits d'auteur de la société RIMOWA en commercialisant ses modèles SNOWBALL de valise 33042 et de porte-documents 371l5 et qu'elle a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à son encontre, et a condamné la société FRANCE LANCINE à l'indemniser en réparation des préjudices subis de ce fait. >> - ordonné en outre la mise en ligne dudit communiqué, sur le site internet accessible à l'adresse wwwsnowball-bagages.fr, aux frais de la société FRANCE LANCINE et sans que le coût n'excède, à la charge de celle-ci, la somme de 1500 euros H.T, sous le titre "COMMUNIQUE JUDICIAIRE", en dehors de toute publicité, en caractères gras de police 12, et accessible dans le mois qui suivra le jour où la présente décision sera devenue définitive et pendant une durée de deux mois, - / soit directement sur la première page-écran de la page d'accueil du site, - / sur une page du site immédiatement accessible par un lien hypertexte depuis une rubrique (ou une icône) intitulée "COMMUNIQUE JUDICIAIRE" et figurant sur la première page-écran de la page d'accueil du site, - condamné la société FRANCE LANCINE à payer à la société RIMOWA la somme de 15000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - débouté les parties du surplus de leurs demandes ; - condamné la société FRANCE LANCINE aux dépens, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile; - ordonné l'exécution provisoire, sauf pour ce qui concerne la mesure de publication. La société FRANCE LANCINE a fait appel de ce jugement, par déclaration du 21 décembre 2016. Par conclusions du 15 septembre 2017, elle demande à la cour de : - Déclarer la société FRANCE LANCINE recevable et bien fondée en son appel et en l'ensemble de ses conclusions, fins et prétentions ; Y faisant droit, - Infirmer la décision déférée en ce qu'elle a considéré la société FRANCE LANCINE responsable d'actes de contrefaçon et l'a condamnée en conséquence à la réparation des préjudices prétendument subis par la société RIMOWA; - Infirmer la décision déférée en ce qu'elle a considéré la société FRANCE LANCINE responsable d'actes de concurrence déloyale et parasitaire et l'a condamnée en conséquence à la réparation des préjudices prétendument subis par la société RIMOWA; - Infirmer la décision déférée en ce qu'elle a condamné la société FRANCE LANCINE à verser à la société RIMOWA la somme de 15 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; Statuant à nouveau, - Constater l'absence d'actes de contrefaçon imputables à la société FRANCE LANCINE; - Constater l'absence d'actes de concurrence déloyale et parasitaire imputables à la société FRANCE LANCINE; En conséquence, - Débouter la société RIMOWA de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ; En tout état de cause, - Condamner la société RIMOWA à verser à la société FRANCE LANCINE la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens. Par conclusions du 15 janvier 2018, la société RIMOWA demande à la cour de : - Déclarer la société RIMOWA recevable et bien fondée en l'ensemble de ses conclusions, fins et prétentions, Y faisant droit, - Réformer le jugement en ce qu'il a débouté l'intimée de sa demande de réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon et notamment des économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels retirées par l'appelante de l'atteinte aux droits ; - Confirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses autres dispositions, à l'exception de la condamnation fondée sur l'article 700 du code de procédure civile qu'il conviendra de réformer en portant son montant à 30.000 euros, Conséquemment, statuant à nouveau, - Condamner la société FRANCE LANCINE à payer à la société RIMOWA la somme globale de 95.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des actes de contrefaçon de droits d'auteur ; - Condamner la société FRANCE LANCINE à payer à la société RIMOWA la somme de 30.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner la société FRANCE LANCINE aux entiers dépens dont distraction faite au profit de la SELARL MARCHAIS Associés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile. L'ordonnance de clôture a été prononcée le 15 janvier 2019. MOTIVATION Sur la présomption de titularité de droit d'auteur La société FRANCE LANCINE soutient que la société RIMOWA ne démontre pas avoir commercialisé les modèles dont elle revendique la titularité des droits d'auteur, les pièces versées étant soit des documents internes, soit des documents exposant des modèles différents. Elle ajoute qu'aucun des documents n'atteste de vente effective des produits litigieux. Elle en déduit que la société RIMOWA ne peut se prévaloir de la présomption de titularité qu'elle invoque. La société RIMOWA indique verser aux débats de nombreuses preuves justifiant d'une exploitation non équivoque et paisible des produits litigieux sous son nom, notamment des catalogues depuis 1982 et des extraits de presse depuis 2013. Elle en déduit être en droit de se prévaloir de la présomption de titularité des droits d'auteur sur les produits litigieux. Sur ce L'article L113-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit que "la qualité d'auteur appartient, sauf preuve contraire, à celui ou à ceux sous le nom de qui l'œuvre a été divulguée". Sont considérées comme des œuvres de l'esprit, selon l'article L112- 2, "les œuvres des arts appliqués". En l'absence de revendication du ou des auteurs, l'exploitation de l'œuvre par une personne morale sous son nom fait présumer, à l'égard des tiers recherchés pour contrefaçon, que cette personne est titulaire sur l'œuvre du droit de propriété incorporelle de l'auteur. La société RIMOWA revendique le bénéfice de cette présomption sur les modèles de valise SALSA DELUXE BUSINESS MULTIWEEL et LIMBO NOTE BOOK L. Elle produit pour justifier de la commercialisation de ces produits : - des captures d'écran portant la date du 17 août 2015 de son site internet, sur lequel sont présentées les différentes lignes de bagages de la société RIMOWA, parmi lesquelles SALSA DELUXE et LIMBO, - un extrait de son catalogue de 1982 dans lequel les modèles LIMBO sont présentés, et de ses catalogues de 1984 à 2015 présentant aussi ces produits, - un extrait de ses catalogues de 2012 à 2015 établissant qu'une gamme complète SALSA DELUXE était présentée, - son catalogue 2015 contenant les produits SALSA DELUXE BUSINESS MULTIWEEL et LIMBO NOTE BOOK L, - un catalogue 2008-2009 présentant aussi notamment les deux produits SALSA DELUXE BUSINESS MULTIWEEL et LIMBO NOTE BOOK L. Ces catalogues suffisent à démontrer, sans qu'il ne soit nécessaire de procéder à l'examen des autres pièces, que la société RIMOWA exploite régulièrement et de manière non équivoque les deux produits en cause sous son nom, et la société FRANCE LANCINE ne peut utilement faire état de l'absence de factures de commercialisation, alors que les parutions de presse versées montrent que les produits figurant dans ses catalogues étaient bien commercialisés. Aussi, et à défaut de toute revendication d'une personne tierce, la société RIMOWA peut bénéficier de la présomption de titularité de droit d'auteur sur ces deux produits. Sur l'originalité des produits revendiqués La société FRANCE LANCINE soutient que l'intimée ne démontre pas le caractère original des œuvres qu'elle revendique, se contentant d'en énumérer les différentes caractéristiques, sans établir le parti pris esthétique qui en résulterait. Selon elle, l'originalité des produits litigieux décrite par l'intimée découle de nécessités techniques et fonctionnelles exclusives de droit d'auteur. La société RIMOWA fait état de l'originalité des deux gammes SALSA DE LUXE et LIMBO, dont font partie les deux produits en cause, originalité révélée par la combinaison des éléments qui la composent, qui témoigne d'une recherche esthétique élevée. Elle conteste le caractère fonctionnel des rainures et produit des études à l'appui de sa position. Elle soutient que les développements de l'appelante sur les marques sont dénués d'intérêt, les critères appliqués étant distincts, de sorte que ces produits doivent bénéficier de la protection au titre du droit d'auteur. Sur ce L'article L112-1 du code de la propriété intellectuelle prévoit "les dispositions du présent code protègent les droits des auteurs sur toutes les œuvres de l'esprit, quels qu'en soient le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination", S'agissant de la valise SALSA DELUXE BUSINESS MULTIWEEL, les éléments originaux revendiqués sont les suivants: - une structure de la coque en polycarbonate, conférant aux produits un aspect visuel plastique et de robustesse (1) - une alternance équidistante horizontale ou verticale de rainures plates (creuse) (2) et de stries bombées (3) qui se prolongent sur les faces latérales des valises et conférant à l'ensemble un aspect proche de la tôle ondulée aluminium anodisée ; - des coins arrondis sans stries (4) conférant à l'ensemble un effet d'encadrement rectiligne ; - un renforcement au niveau de l'ouverture de la valise caractérisé par une ligne plastifiée (5) disposée de part et d'autre de la fermeture éclair. S'agissant de l'attaché-case LIMBO NOTE BOOK L, les éléments originaux revendiqués sont les suivants : - une structure de la coque en polycarbonate, conférant aux produits un aspect visuel plastique et de robustesse (1) ; - une alternance équidistante horizontale ou verticale de rainures plates (creuse) (2) et de stries bombées (3) qui se prolongent sur les faces latérales des attachés cases et conférant à l'ensemble un aspect proche de la tôle ondulée aluminium anodisée ; - des coins arrondis avec des stries (4), ce qui confrère à l'ensemble un effet de stries réparties de manière homogène. Si la société FRANCE LANCINE souligne l'identité de description des deux produits, ce qui révélerait leur absence d'originalité, la cour observe que le renforcement au niveau de l'ouverture est revendiqué pour la valise, et non pour l'attaché-case et que ces produits font partie d'une même ligne de bagages, dont les différents éléments du fait de cette appartenance présentent des éléments communs. Le tribunal a justement relevé que la valise avait un aspect compact et relativement large, et que l'attaché case donnait une image d'un porte document plat disposant de renfort afin d'éviter le contact avec le sol. Le fait que les éléments relevés afin de caractériser l'originalité des produits correspondent à leur description ne saurait les priver d'originalité, si leur combinaison révèle les choix réalisés par l'auteur afin de donner aux produits une physionomie propre, et alors qu'il est nécessaire d'identifier ces caractéristiques pour apprécier si cette combinaison est originale. Le fait que des brevets aient été déposés par la société RIMOWA ou ses dirigeants ne saurait établir le caractère fonctionnel des stries revendiquées au titre du droit d'auteur, ce d'autant que parmi les trois brevets produits par l'appelante, l'un ne se réfère pas aux rainures, l'autre ne mentionne qu'un "profilé de coulée continue striée", et le troisième est un brevet allemand de 1981 dont la revendication 3 prévoit des rainures sur la partie extérieure, mais sans leur reconnaître un effet technique. En l'espèce, il ressort des études techniques produites par la société RIMOWA que la présence de rainures sur les valises ne leur confère pas une rigidité supplémentaire, et n'a donc aucun effet fonctionnel ; ainsi notamment, les tests réalisés par TÜV Rheinland, qui tendaient à déterminer si la structure rainurée influence la stabilité et la durabilité des différents modèles, ont conclu à l'absence d'influence de la structure rainurée. Il convient d'ajouter que si la société FRANCE LANCINE soutient que l'aspect fonctionnel de ces rainures réside dans le fait de permettre un meilleur transport sur les tapis roulants d'aéroport et de leur donner une meilleure stabilité, elle ne produit aucun élément en ce sens. Aussi, elle ne démontre pas que l'alternance "équidistante horizontale ou verticale de rainures plates (creuse) et de stries bombées" revendiquée par la société RIMOWA pour ces deux produits se justifierait par sa fonctionnalité. Il sera en outre relevé que le critère d'originalité, applicable en droit d'auteur, et celui de distinctivité, applicable en droit des marques, étant différents, la société FRANCE LANCINE ne peut tirer utilement profit d'un refus d'enregistrement d'une marque tridimensionnelle qui représenterait la structure rainurée d'une valise RIMOWA. Au vu de ce qui précède, la combinaison des différents éléments revendiqués par la société RIMOWA, au rang desquels les rainures caractéristiques sur le flanc de la valise SALSA DELUXE BUSINESS MULTIWEEL comme de l'attaché-case LIMBO NOTE BOOK L, révèle des choix créatifs afin de donner un aspect esthétique particulier à chacun des deux produits, et leur confère une originalité justifiant qu'ils bénéficient de la protection au titre du droit d'auteur. Le jugement sera donc confirmé sur ce point. Sur la contrefaçon La société FRANCE LANCINE soutient que les produits argués de contrefaçon ne ressemblent pas aux bagages revendiqués par la société RIMOWA. Elle procède à la comparaison des modèles en cause et souligne un grand nombre de différences, notamment dans leur taille, dans l'agencement des rainures ou dans le choix des poignées, ce qui ne permet pas d'établir, selon elle, qu'ils sont suffisamment ressemblants pour conclure à une contrefaçon. Elle ajoute que les éléments originaux des produits de la société RIMOWA ne se retrouvent pas dans ses modèles. La société RIMOWA observe au contraire que les modèles de la société FRANCE LANCINE reproduisent les caractéristiques originales des siens, s'agissant tant de la valise que du porte- document, de sorte que la contrefaçon est établie. Sur ce Pour apprécier la contrefaçon d'une œuvre protégée par le droit d'auteur, il convient d'examiner si les caractéristiques essentielles de cette œuvre, constituant son originalité, sont reprises dans l'œuvre alléguée de contrefaçon. L'examen comparatif, auquel la cour s'est livrée, révèle que les modèles argués de contrefaçon reprennent les caractéristiques de ceux dont la société RIMOWA est propriétaire. Ainsi, s'agissant du modèle de valise, la cour observe que les deux produits présentent une coque réalisée dans la même matière sombre, leur donnant une même apparence de robustesse ; une même alternance équidistance horizontale ou verticale de rainures plates et de stries bombées, présentes sur les faces avant et arrière des valises et qui se prolongent sur les faces latérales ; des coins arrondis dépourvus de stries ; une même ligne plastifiée de part et d'autre de la fermeture éclair. Les éléments relevés par la société FRANCE LANCINE sur sa valise, qui ne se retrouvent pas sur celle de la société RIMOWA protégée au titre du droit d'auteur, sont des détails (forme rectangulaire plutôt que carrée, quatre roulettes simples plutôt que quatre roulettes doubles, absence de rainures sur la partie haute de sa valise ou différence dans la poignée), qui ne sauraient écarter la reprise par la valise FRANCE LANCINE des caractéristiques constituant l'originalité de la valise RIMOWA. S'agissant du modèle de porte-document, les deux produits présentent la même forme rectangulaire réalisée dans la même matière sombre donnant le même aspect de plastique et de solidité, la même alternance équidistance horizontale ou verticale de rainures plates et de stries bombées, présentes sur les faces avant et arrière des porte-documents et qui se prolongent sur leurs faces latérales. La différence relevées par la société FRANCE LANCINE, comme notamment les poignées fixées sur les faces latérales de son modèle alors que l'attaché-case de la société RIMOWA n'a qu'une poignée discrète fixée sur son épaisseur, ou la présence d'un bourrelet entourant la fermeture de son modèle qui ne se retrouve par sur le modèle RIMOWA, ne saurait permettre d'écarter la reprise des éléments de la création originale de la société RIMOWA, dont l'alternance des rainures plates et des stries bombées est particulièrement révélatrice. Par conséquent, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que la contrefaçon était établie pour les deux produits de la société FRANCE LANCINE. Sur la concurrence déloyale et parasitaire La société FRANCE LANCINE avance que les actes de concurrence déloyale et parasitaire allégués par la société RIMOWA ne constituent pas des faits distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon, et que la reprise d'un effet de gamme ne peut constituer un acte de concurrence déloyale, en raison de la pratique usuelle dans le secteur de la bagagerie visant à décliner la taille des différents modèles d'une même gamme. Elle ajoute que l'intimée ne verse pas d'éléments probants sur les investissements qu'elle a réalisés, ce qui l'empêche de dénoncer un quelconque comportement parasitaire. La société RIMOWA dénonce des actes de concurrence déloyale et parasitaire commis par la société FRANCE LANCINE en développant plusieurs produits contrefaisants, ce qui constitue un effet de gamme. Elle déclare que l'appelante réalise aussi des actes de concurrence déloyale, d'une part en imitant ses produits, créant ainsi un risque de confusion chez le consommateur, d'autre part, en commercialisant des produits ressemblants mais de moins bonne qualité, ce qui conduit à une banalisation et une dévalorisation des produits RIMOWA. Elle ajoute que la société FRANCE LANCINE tire aussi profit de ses investissements publicitaires et financiers. Sur ce La société FRANCE LANCINE est, au vu des catalogues versés, des coupures de presse justifiant de l'exploitation de ses produits en France et des factures constituant ses pièces 33 et 34, recevable à agir au titre de la concurrence déloyale et parasitaire. En l'espèce, la société FRANCE LANCINE a commercialisé deux produits, soit une valise et un attaché-case, reprenant la combinaison des caractéristiques originales de ceux de la société RIMOWA, et les produits étant de même nature, les sociétés en cause étaient en situation de concurrence directe, de sorte qu'il existe - malgré l'indication SNOWBALL figurant sur les produits querellés- un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine des produits, et qu'il est ainsi porté atteinte à l'image de la société RIMOWA et à la réputation de ses produits par la commercialisation de produits présentant une finition de qualité inférieure. Les catalogues versés aux débats et les coupures de presse révélant le placement des produits RIMOWA témoignent des investissements réalisés par cette société pour développer la notoriété de ses produits, et la société FRANCE LANCINE s'est placée dans son sillage en diffusant des produits reprenant leurs caractéristiques, ce qui révèle un comportement parasitaire. En conséquence, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que la concurrence déloyale et parasitaire était établie. Sur la réparation des préjudices La société FRANCE LANCINE soutient que les pièces versées au débat par l'intimée sont dénuées de valeur probante, et ne démontrent ni le prix réel de ses produits, ni les investissements publicitaires qu'elle a réalisés. Elle ajoute que le tribunal, en lui accordant une indemnisation au titre du manque à gagner et une autre au titre des bénéfices indus, a réparé deux fois le même préjudice. Au soutien de ses prétentions, la société RIMOWA avance qu'il convient, pour calculer la réparation de son préjudice du fait de la contrefaçon, de tenir compte de son manque à gagner, des bénéfices réalisés par la société FRANCE LANCINE, des efforts d'investissement publicitaires supportés par la société RIMOWA pour promouvoir ses produits, et de son préjudice moral. Elle sollicite également la condamnation de la société FRANCE LANCINE au paiement de 10.000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale et parasitaire. Sur ce L'article L331-1-3 du code de la propriété intellectuelle prévoit que "Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1° Les conséquences économiques négatives de l'atteinte aux droits, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3° Et les bénéfices réalisés par l'auteur de l'atteinte aux droits, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de l'atteinte aux droits. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si l'auteur de l'atteinte avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée''. En l'espèce, l'analyse des documents adressés à l'huissier par la société FRANCE LANCINE à l'issue de la saisie-contrefaçon montre que cette société a acquis de son fournisseur chinois 130 valises contrefaisantes, au prix unitaire de 20,81 dollars, et 325 attachés-case contrefaisants, au prix unitaire de 5,80 dollars, selon facture du 9 juin 2014. Il ressort de ces pièces et il n'est pas contesté que cette société a vendu, entre les années 2014 et 2015, un total de 120 valises et 309 attachés-case. Le tribunal a retenu que la société FRANCE LANCINE avait réalisé une marge de 10 euros par valise vendue et de 4,66 euros par attaché-case vendu, et en a déduit qu'elle avait fait un bénéfice de 2300 euros, somme sur laquelle s'entendent les parties. S'agissant des gains manqués par la société RIMOWA, si celle-ci fait état d'un prix de vente de sa valise SALSA DELUXE BUSINESS MULTIWEEL de 500 euros et de son attaché-case LIMBO NOTE BOOK L de 365 euros, elle ne peut en déduire qu'elle aurait réalisé un chiffre d'affaires de 172.785 euros (soit 120 valises à 500 euros et 309 attachés-case à 365 euros) et un bénéfice manqué de 69114 euros (soit une marge de 40%), un tel raisonnement reposant sur un report intégral des acquéreurs des produits contrefaisants vers les produits protégés, report qui ne peut être retenu au vu de l'importante différence de prix entre les produits des sociétés FRANCE LANCINE et RIMOWA. Il sera au surplus relevé que la société RIMOWA ne justifie pas du taux de marge sur lequel elle fonde son calcul. Au vu de ce qui précède, le manque à gagner de la société RIMOWA sera évalué à la somme de 15000 euros. Par ailleurs, l'offre à la vente des produits contrefaisants par la société FRANCE LANCINE est de nature à déprécier les produits authentiques de la société RIMOWA, qui subit ainsi un préjudice moral dont il convient de l'indemniser. Prenant en considération ce qui précède, il sera fait une juste appréciation du préjudice subi par la société RIMOWA du fait de la contrefaçon en condamnant la société FRANCE LANCINE à lui payer la somme totale de 25000 euros, et le jugement sera réformé de ce chef. La société RIMOWA ayant justifié de ses efforts pour assurer la promotion de ses produits, il convient de confirmer l'appréciation du tribunal en ce qu'il a condamné la société FRANCE LANCINE au versement à la société RIMOWA, du fait de la concurrence déloyale et parasitaire, de la somme de 10.000 euros. Sur les autres demandes La mesure d'interdiction sera confirmée. Il n'y a pas lieu de prononcer de mesure de publication, au vu de l'ancienneté des faits, alors qu'il n'est pas allégué ni démontré que la société FRANCE LANCINE aurait poursuivi l'offre à la vente de produits contrefaisants après la saisie-contrefaçon réalisée le 7 septembre 2015. Les condamnations de la société FRANCE LANCINE prononcées en première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et sur les dépens seront confirmées. La société FRANCE LANCINE succombant au principal, elle sera condamnée au paiement des dépens d'appel. Elle sera également condamnée au versement de la somme de 10.000 à la société RIMOWA, au titre des frais irrépétibles engagés en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, Confirme le jugement du 16 septembre 2016, sauf en ce qui concerne le montant de la réparation des faits de contrefaçon et la mesure de publication, Réformant sur ces seuls points, Condamne la société FRANCE LANCINE au paiement à la société RIMOWA de la somme de 25 000 euros en réparation des faits de contrefaçon, Dit n'y avoir lieu à publication de la décision, Y ajoutant, Condamne la société FRANCE LANCINE à payer à la société RIMOWA la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne la société FRANCE LANCINE aux entiers dépens dont distraction faite au profit de la SELARL MARCHAIS Associés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.