Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 8 décembre 2015, 14-12.238

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2015-12-08
Cour d'appel de Papeete
2013-09-12

Texte intégral

Sur le moyen

unique, pris en sa sixième branche :

Vu

l'article 5 du code de procédure civile de Polynésie française ;

Attendu, selon l'arrêt attaqué

, rendu en matière de référé, que la société Vini, anciennement dénommée Tikiphone, est titulaire de la marque « Vini » n° 08 3 610 730 déposée le 12 novembre 2008 à l'Institut national de la propriété industrielle (l'INPI) pour désigner des produits et services en classes 9, 37, 38 et 42 ; qu'elle a demandé en référé la cessation du trouble manifestement illicite causé par le dépôt à l'INPI, par la société Viti, d'une demande d'enregistrement de la marque « Viti internet sans fil 4G », pour désigner des produits et services en classes 9, 35 et 38, après que sa demande d'enregistrement de la marque « Viti » eut été définitivement rejetée, et par la parution de publicités comportant ce signe, ainsi que par le dépôt, en cours de procédure, d'une demande d'enregistrement de la marque « Viti Business » dans les mêmes classes ; Attendu que pour rejeter les demandes formées par la société Vini, l'arrêt, après avoir rappelé que la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française a rendu celle-ci compétente en matière de droit de la propriété intellectuelle et que, par ailleurs, l'article L. 811-1 du code de la propriété intellectuelle ne prévoit pas que les dispositions de ce code sont applicables à la Polynésie française, retient que se pose ainsi la question de savoir si les marques déposées à l'INPI postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi organique du 27 février 2004 bénéficient d'une protection en Polynésie française et en déduit que la protection de la marque « Vini » déposée le 12 novembre 2008 fait l'objet d'une difficulté sérieuse qui ne peut être tranchée que par le juge du fond ;

Qu'en statuant ainsi

, alors qu'il lui appartenait d'appliquer la loi même si elle requérait son interprétation, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 12 septembre 2013, entre les parties, par la cour d'appel de Papeete ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Papeete, autrement composée ; Condamne la société Viti aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, la condamne à payer à la société Vini la somme de 3 000 euros ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du huit décembre deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour la société Vini Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé l'ordonnance rendue le 18 mars 2013 par le juge des référés du tribunal de première instance de PAPEETE en toutes ses dispositions et ainsi débouté la société VINI de ses demandes ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « l'article 432 du Code de procédure civile de la Polynésie française permet à la juridiction des référés de prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Le trouble manifestement illicite et le dommage imminent dont se prévaut la SAS Tikiphone sont fondés sur l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt rendu le 23 septembre 2011 par la Cour d'appel de Paris. Il convient de souligner, en premier lieu, que l'arrêt produit par l'appelante statue sur la marque « VITI » déposée le 12 janvier 2010 sous le n° 3704142 à l'Institut national de la propriété industrielle et non pas sur la décision du directeur général de l'INPI du 1er octobre 2010 également produite par l'appelante qui concerne la marque « VITIBOX ». Or, il n'est versé aux débats aucune pièce démontrant que, postérieurement à la signification de l'arrêt de la Cour d'appel de Paris intervenue le 26 juillet 2012, la SAS Viti a utilisé à des fins commerciales la marque « VITI » déposée le 12 janvier 2010. Il n'est pas non plus établi qu'elle ait utilisé aux mêmes fins la marque « VITIBOX ». En effet, les pages publicitaires parues sur Internet et dans la presse que la SAS Tikiphone produit intéressent uniquement la marque « VITI INTERNET SANS FIL 4G ». Et la Cour ne dispose d'aucune décision ayant acquis la force jugée refusant l'enregistrement des marques « VITI INTERNET SANS FIL 4G » et « VITI BUSINESS ». En tout état de cause, la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 portant statut d'autonomie de la Polynésie française a rendu celle-ci compétente en matière de droit de la propriété intellectuelle. Par ailleurs, l'article L. 811-1 du Code de la propriété intellectuelle ne prévoit pas que les dispositions dudit code sont applicables à la Polynésie française. Se pose ainsi la question de savoir si les marques déposées à l'INPI postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi organique du 27 février 2004 bénéficient d'une protection en Polynésie française. Dans ces conditions, la protection de la marque « VINI » déposée le 12 novembre 2008 fait l'objet d'une difficulté sérieuse qui ne peut être tranchée que par le juge du fond et la SAS Tikiphone ne rapporte pas la preuve du caractère illicite du trouble allégué par elle. Enfin, la SAS Viti n'établi pas que l'appelante a abusé de son droit d'agir. L'ordonnance attaquée doit donc être confirmée en toutes ses dispositions ». ET AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE « l'article 432 du Code de procédure civile dispose que le Président peut toujours prescrire en référés les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Attendu qu'en l'espèce il résulte du dossier qu'une décision de l'INPI a été rendue le 1er octobre 2010, confirmée par la Cour d'appel de Paris suivant décision du 23 septembre 2011 ; que la demande d'enregistrement de la dénomination VITIBOX a fait l'objet d'une opposition partiellement justifiée et la demande d'enregistrement a été partiellement rejetée ; que la Cour d'appel de Paris a rejeté le recours au motif « qu'il résulte de l'analyse globale ainsi faite que le consommateur pourra se méprendre sur l'origine des produits et services revêtus du signe « VITI » et ceci d'autant plus que doit être prise en compte l'identité ou la similarité partielle des produits et services concernés ; que l'existence d'un risque de confusion entre les deux signes conduits, par conséquent, à rejeter le recours formé à l'encontre de la décision rendue par le directeur général de l'INPI ». Attendu que la requérante produit aux débats une coupure de presse en date du 24 octobre 2012 sur laquelle apparaît une publicité « VITI internet sans fil 4G » et un extrait du site Internet de la Dépêche en date du 18 octobre 2012 pour VITI internet sans fil 4G et le 30 novembre 2012 pour VITI BUSINESS ; que ces dépôts ne semblent pas avoir fait l'objet d'opposition alors même que les deux publicités susvisées concernent « VITI internet sans fil 4G » ; que dans ces conditions il ne peut être fait droit aux demandes de la requérante qui sera déboutée de celles-ci » ; ALORS QUE, D'UNE PART, la requête d'appel de la société TIKIPHONE enregistrée au greffe le 5 avril 2013 faisait valoir que cette dernière subissait « un trouble manifestement illicite caractérisé par la poursuite de l'usage commercial de « VITI » ainsi qu'un dommage imminent, eu égard aux conséquences financières importantes que cela engendrera pour la SAS TIKIPHONE à cause de la confusion des deux marques » (p. 5, § 4) ; qu'en énonçant, pour décider que la société TIKIPHONE n'établissait pas le caractère illicite du trouble allégué par elle, que « le trouble manifestement illicite et le dommage imminent dont se prévaut la SAS Tikiphone sont fondés sur l'autorité de la chose jugée attachée à l'arrêt rendu le 23 septembre 2011 par la Cour d'appel de Paris », la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige et violé l'article 3 du Code de procédure civile de Polynésie française ; ALORS QUE, D'AUTRE PART, le président du tribunal de première instance peut toujours prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; que l'existence de pratiques déloyales dont résulte un risque de confusion sur l'origine des produits commercialisés par deux sociétés concurrentes est de nature à constituer un trouble manifestement illicite ; que la société TIKIPHONE faisait valoir dans sa requête d'appel qu'elle était titulaire de la marque antérieure « VINI » déposée pour désigner des produits et services notamment de télécommunication, que la poursuite de l'usage commercial déloyal du signe « VITI » par la société VITI, notamment au travers des marques « VITI INTERNET SANS FIL 4G » et « VITI BUSINESS », qui constituaient l'imitation de la marque antérieure « VITI » dont la demande d'enregistrement avait été rejetée par décision du directeur général de l'INPI du 1er octobre 2010, décision confirmée par arrêt de la Cour d'appel de Paris du 23 septembre 2011, entrainait un tel risque de confusion avec sa propre marque et ses produits et caractérisait donc l'existence d'un trouble manifestement illicite ; qu'en énonçant que l'arrêt de la Cour d'appel de PARIS du 23 septembre 2011 ne statuait que sur la marque « VITI » et non sur les marques « VITI INTERNET SANS FIL 4G » et « VITI BUSINESS » et qu'elle ne disposait « d'aucune décision ayant acquis la force jugée refusant l'enregistrement des marques « VITI INTERNET SANS FIL 4G » et « VITI BUSINESS », sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si l'usage commercial de ces deux dernières marques par la société VITI n'était pas en lui-même de nature à entraîner un risque de confusion sur l'origine des produits commercialisés par les deux sociétés, et donc un trouble manifestement illicite au détriment de la société exposante titulaire de la marque antérieure « VINI » , la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 432 du Code de procédure civile de Polynésie française ; ALORS QUE, DE TROISIEME PART, l'existence d'un trouble manifestement illicite n'est pas subordonnée à celle d'une décision de justice rendue en faveur du demandeur et passée en force de chose jugée ; qu'en énonçant, pour décider que la société TIKIPHONE n'établissait pas le caractère illicite du trouble allégué par elle, qu'elle ne disposait « d'aucune décision ayant acquis la force jugée refusant l'enregistrement des marques « VITI INTERNET SANS FIL 4G » et « VITI BUSINESS », la Cour d'appel a en tout état de cause statué par un motif inopérant et violé l'article 432 du Code de procédure civile de Polynésie française ; ALORS QUE, DE QUATRIEME PART, la société TIKIPHONE faisait valoir dans sa requête d'appel qu'elle avait fait opposition aux demandes d'enregistrement de la société VITI pour « VITI INTERNET SANS FIL 4G » et « VITI BUSINESS », respectivement en octobre 2012 et janvier 2013, le directeur général de l'INPI ayant fait droit à la première opposition par décision du 16 mai 2013 ; qu'en retenant, par motifs éventuellement adoptés du premier juge, que les demandes d'enregistrement pour les marques « VITI INTERNET SANS FIL 4G » et « VITI BUSINESS » ne semblaient pas avoir fait l'objet d'une opposition de la part de la société TIKIPHONE, sans répondre au moyen déterminant de cette dernière qui apportait la preuve du contraire, la Cour d'appel a violé l'article 361 du Code de procédure civile de Polynésie française, ensemble l'article 455 du Code de procédure civile ; ALORS QUE, DE CINQUIEME PART, le président du tribunal de première instance peut toujours prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite ; qu'il incombe ainsi au juge des référés de se prononcer sur l'existence d'un trouble manifestement illicite même en présence d'une contestation sérieuse ; qu'en retenant en l'espèce, pour débouter la société TIKIPHONE de sa demande en référé, que « la protection de la marque « VINI » déposée le 12 novembre 2008 fait l'objet d'une difficulté sérieuse qui ne peut être tranchée que par le juge du fond », la Cour d'appel a méconnu l'étendue de ses pouvoirs et violé l'article 432 du Code de procédure civile de Polynésie française ; ALORS QU'EN OUTRE, subsidiairement, la contestation sérieuse de nature, le cas échéant, à faire obstacle à l'intervention du juge des référés, ne peut porter sur l'interprétation de la loi ; qu'en énonçant en l'espèce que « se pose (¿) la question de savoir si les marques déposées à l'INPI postérieurement à l'entrée en vigueur de la loi organique du 27 février 2004 bénéficient d'une protection en Polynésie française », cependant qu'il lui appartenait d'appliquer la loi même si elle requérait son interprétation, la Cour d'appel a violé l'article 5 du Code de procédure de Polynésie française ; ALORS QU'ENFIN, subsidiairement encore, la seule existence d'un risque de confusion créé dans l'esprit du public sur l'origine des produits commercialisés par deux sociétés concurrentes suffit à caractériser l'existence d'un trouble manifestement illicite, peu important que le signe utilisé à cette fin fasse l'objet d'une protection légale ; qu'en énonçant en l'espèce, pour débouter la société TIKIPHONE de sa demande en référé, que « la protection de la marque « VINI » déposée le 12 novembre 2008 fait l'objet d'une difficulté sérieuse qui ne peut être tranchée que par le juge du fond », la Cour d'appel a statué par un motif impropre à justifier sa décision et violé l'article 432 du Code de procédure civile de Polynésie française.