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Tribunal administratif de Rennes, 6ème Chambre, 24 octobre 2023, 2105263

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Rennes
  • Numéro d'affaire :
    2105263
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Dispositif : Non-lieu
  • Nature : Décision
  • Rapporteur : M. Moulinier
  • Avocat(s) : SELARL VALADOU - JOSSELIN & ASSOCIES
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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête et des mémoires, enregistrés respectivement les 8 octobre 2021, 2 novembre 2022 et 14 février 2023, et un mémoire non communiqué, enregistré le 4 octobre 2023, M. B A doit être regardé comme demandant au tribunal, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'annuler la décision du 23 février 2021 par laquelle le directeur de l'Agence régionale de santé (ARS) de Bretagne a refusé d'accéder à sa demande de rupture conventionnelle ; 2°) d'enjoindre au directeur de l'ARS de Bretagne de lui accorder le bénéfice du dispositif de rupture conventionnelle et de lui verser l'indemnité spécifique afférente d'un montant minimal ; 3°) de demander au directeur de l'ARS de Bretagne de lui transmettre les documents de son dossier relatif à sa demande de rupture conventionnelle ; 4°) de condamner l'ARS de Bretagne à lui verser la somme de 12 000 euros en réparation du préjudice subi. Il soutient que : - la décision de refus de rupture conventionnelle a été prise au terme d'une procédure irrégulière dès lors que le délai pour organiser l'entretien obligatoire, fixé par les dispositions de l'article 2 du décret du 31 décembre 2019, n'a pas été respecté ; - les points principaux à aborder lors de l'entretien obligatoire ne l'ont pas été, en méconnaissance de l'article 4 du décret du 31 décembre 2019, l'empêchant d'appréhender les tenants et les aboutissants de sa demande de rupture conventionnelle ; - l'administration a tenté de ne pas instruire sa demande de rupture conventionnelle en invoquant, à tort, une incomplétude du dispositif réglementaire lors de l'entretien du 15 octobre 2020 ; - la décision attaquée est entachée d'un défaut d'examen ; - l'administration s'est crue, à tort, liée par l'avis de la direction des ressources humaines ministérielle ; - les critères utilisés pour étayer la décision attaquée sont invalides ; - l'administration a estimé que le coût induit était trop élevé alors qu'elle n'avait pas même calculé le montant de l'indemnité minimale ; - la rupture conventionnelle était dans l'intérêt de l'ARS en termes d'efficacité sur le poste et de bénéfice financier ; - l'esprit de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique a été méconnu ; - ses demandes de communication des avis de la direction des ressources humaines du ministère de la santé ont été ignorées alors que ces documents, qui font partie de son dossier personnel, doivent être accessibles au fonctionnaire qui en fait la demande ; - sa situation de retraité depuis le 1er novembre 2021 ne justifie plus l'attribution du bénéfice du dispositif de rupture conventionnelle ni par conséquent l'octroi de l'indemnité spécifique associée ; - le non-respect du délai pour la tenue de l'entretien règlementaire, qui témoigne du mépris qui lui a été opposé et constitue une faute, et l'allongement de l'ensemble de la procédure par l'ARS, ont entraîné des effets délétères sur sa santé et ont eu des conséquences négatives sur ses revenus ; - les carences de l'administration précédemment exposées lui ont causé un préjudice global, notamment moral, qui s'élève à 12 000 euros compte tenu de leurs conséquences sur sa santé et ses revenus et de l'impossibilité de bénéficier du dispositif de rupture conventionnelle du fait de son placement à la retraite. Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 août 2022 et 26 janvier 2023, le directeur de l'Agence régionale de santé de Bretagne, représenté par la SELARL Valadou-Josselin conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 1 500 euros soit mise à la charge de M. A au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il soutient que : - les conclusions indemnitaires de la requête sont irrecevables en l'absence de réclamation préalable ; - à titre subsidiaire, la décision attaquée n'est pas entachée d'illégalité et l'administration n'a pas commis de faute ; - aucun des moyens soulevés par M. A n'est fondé. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 2019-828 du 6 août 2019 ; - le décret n° 2019-1593 du 31 décembre 2019 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de Mme Tourre, - les conclusions de M. Moulinier, rapporteur public, - les observations de M. A, - et les observations Me Allaire, représentant le directeur de l'Agence régionale de santé de Bretagne.

Considérant ce qui suit

: 1. M. A, ingénieur d'études sanitaires, est employé depuis le 1er janvier 1996 à la Direction adjointe Santé-environnement de l'ARS de Bretagne. Par courrier du 5 avril 2020, il a sollicité la conclusion d'une rupture conventionnelle avec le directeur de l'Agence régionale de santé de Bretagne. Un entretien a eu lieu le 15 octobre 2020. Par un courrier du 23 février 2021, le directeur de l'ARS de Bretagne a rejeté la demande de rupture conventionnelle de M. A. L'intéressé a formé, le 19 avril 2021, un recours gracieux contre cette décision par lequel il a également demandé que lui soient communiqués les critères retenus par les services de l'ARS permettant de bénéficier d'une rupture conventionnelle ainsi qu'une copie de l'avis de la direction des ressources humaines ministérielle. Par courrier du 21 mai 2021, le directeur de l'ARS de Bretagne a, de nouveau, rejeté sa demande de rupture conventionnelle. Sur la demande de communication des documents du dossier de M. A relatif à sa demande de rupture conventionnelle : 2. Le directeur de l'Agence régionale de santé de Bretagne a produit, dans le cadre de la présente procédure, les avis de la direction des ressources humaines du ministère des solidarités et de la santé des 10 février et 12 mai 2021 sollicités par M. A. La demande de communication de ces avis est donc devenue sans objet, il n'y a plus lieu d'y statuer. Sur les conclusions à fin d'annulation : 3. Aux termes du I de l'article 72 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique : " L'administration et le fonctionnaire mentionné à l'article 2 de la loi n° 84 16 du 11 janvier 1984 précitée () peuvent convenir en commun des conditions de la cessation définitive des fonctions, qui entraîne radiation des cadres et perte de la qualité de fonctionnaire. La rupture conventionnelle, exclusive des cas mentionnés à l'article 24 de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 précitée, ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties. () Les modalités d'application du présent I, notamment l'organisation de la procédure, sont définies par décret en Conseil d'État () ". 4. En premier lieu, aux termes de l'article 2 du décret du 31 décembre 2019 relatif à la procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique : " La procédure de la rupture conventionnelle peut être engagée à l'initiative du fonctionnaire ou de l'administration, de l'autorité territoriale ou de l'établissement dont il relève. () Lorsque la demande émane du fonctionnaire, celle-ci est adressée, au choix de l'intéressé, au service des ressources humaines ou à l'autorité investie du pouvoir de nomination. / Dans les conditions prévues aux articles 3 et 4, un entretien relatif à cette demande se tient à une date fixée au moins dix jours francs et au plus un mois après la réception de la lettre de demande de rupture conventionnelle. / Cet entretien est conduit par l'autorité hiérarchique ou l'autorité territoriale ou l'autorité investie du pouvoir de nomination dont relève le fonctionnaire ou son représentant. / Il peut être organisé, le cas échéant, d'autres entretiens ". 5. Le délai d'un mois fixé par l'article 2 du décret du 31 décembre 2019 pour organiser l'entretien relatif à une demande de rupture conventionnelle présentée en application du I de l'article 72 de la loi du 6 août 2019, qui court à compter de la date de réception de cette demande, n'est pas prescrit à peine de nullité. Par conséquent, la circonstance que l'entretien prévu par ces dispositions s'est tenu le 15 octobre 2020, alors que M. A a sollicité le 5 avril 2020 la conclusion d'une rupture conventionnelle, n'est pas de nature à vicier la procédure au terme de laquelle a été prise la décision contestée. En tout état de cause, ce délai, qui est lié à l'état d'urgence sanitaire dû à l'épidémie de covid-19 puis à la période de congés d'été, ne témoigne pas d'un mépris à l'encontre de M. A alors qu'il lui a été indiqué par courriel du 23 juillet 2020 qu'un entretien lui serait proposé en septembre 2020. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 2 du décret du 31 décembre 2019 ne peut qu'être écarté. 6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 du décret du 31 décembre 2019 relatif à la procédure de rupture conventionnelle dans la fonction publique : " Le ou les entretiens préalables prévus à l'article 2 portent principalement sur : / 1° Les motifs de la demande et le principe de la rupture conventionnelle ; / 2° La fixation de la date de la cessation définitive des fonctions ; / 3° Le montant envisagé de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle ; / 4° Les conséquences de la cessation définitive des fonctions, notamment le bénéfice de l'assurance chômage, l'obligation de remboursement prévue à l'article 8 et le respect des obligations déontologiques prévues aux articles 25 octies et 26 de la loi du 13 juillet 1983 susvisée et à l'article 432-13 du code pénal ". 7. Il résulte des dispositions précitées du décret du 30 décembre 2019, lesquelles définissent précisément sur ce point les modalités d'application de l'article 72 de la loi du 6 août 2019, que l'autorité administrative ne peut légalement opposer un refus à la demande régulièrement formée par le fonctionnaire qui envisage une rupture conventionnelle sans avoir préalablement organisé l'entretien qu'elles prévoient, cet entretien devant porter sur le principe même d'une telle rupture conventionnelle qui ne peut résulter que d'un accord entre les parties intéressées. En revanche, il ne résulte pas de ces dispositions que le montant de l'indemnité spécifique de rupture conventionnelle, la fixation de la date de la cessation définitive des fonctions et les conséquences de la cessation définitive des fonctions, envisagés en cas de conclusion de la convention, doivent être précisés dès le premier entretien ni que ces éléments devraient être impérativement envisagés dans l'hypothèse d'un refus de l'administration sur le principe même de la rupture conventionnelle. Par suite, le moyen doit être écarté. 8. En troisième lieu, si M. A soutient que l'administration a tenté de ne pas instruire sa demande de rupture conventionnelle en invoquant, à tort, une incomplétude du dispositif réglementaire lors de l'entretien du 15 octobre 2020, il ressort des pièces du dossier que sa demande a été effectivement instruite et a donné lieu à la décision attaquée. Par suite, le moyen invoqué doit être écarté. 9. En quatrième lieu, il ne ressort ni des termes de la décision en litige ni des autres pièces du dossier que directeur de l'Agence régionale de santé de Bretagne ne se serait pas livré à un examen particulier de la situation de M. A préalablement à l'édiction de la décision portant rejet de sa demande de rupture conventionnelle. Par suite, le moyen tiré de ce que l'administration n'a pas procédé à un examen complet de sa situation doit être écarté. 10. En cinquième lieu, la décision attaquée précise que la direction des ressources humaines des ministères sociaux a émis un avis défavorable le 11 février 2021 à la demande de M. A de rupture conventionnelle, que sa demande a également été examinée par la direction adjointe des ressources humaines de l'ARS, qui a conclu que son dossier ne comportait pas d'éléments justifiant le bénéfice du dispositif d'une rupture conventionnelle et qu'au regard de ces éléments, sa demande était rejetée. Ainsi, il n'est pas établi que le directeur de l'ARS de Bretagne se serait estimé lié par l'avis de la direction des ressources humaines des ministères sociaux pour refuser de conclure avec M. A une rupture conventionnelle. 11. En sixième lieu, les dispositions du I de l'article 72 de la loi du 6 août 2019 de transformation de la fonction publique soumettent la rupture conventionnelle à un accord entre l'administration et son agent. Elle ne peut être imposée par l'une ou l'autre des parties. Saisie d'une demande de rupture conventionnelle présentée sur le fondement de ces dispositions, l'administration peut la rejeter dans l'intérêt du service. Il n'appartient au juge de l'excès de pouvoir de censurer l'appréciation ainsi portée par l'autorité administrative qu'en cas d'erreur manifeste. 12. M. A a formé un recours gracieux le 19 avril 2021, contre la décision attaquée et a également demandé que lui soient communiqués les critères retenus par les services de l'ARS permettant de bénéficier d'une rupture conventionnelle. L'administration lui a répondu, par courrier du 21 mai 2021, que sa demande avait été étudiée au regard de sa motivation, de son projet professionnel, des droits à pension, du coût induit pour l'administration et de l'intérêt à conclure pour cette dernière. Si M. A estime que les critères utilisés pour étayer la décision attaquée sont invalides, la décision en litige rejetant la demande de rupture conventionnelle présentée par M. A, qui n'avait pas à être motivée, s'est fondée, ainsi que le prévoit la règlementation, sur l'intérêt du service. 13. En septième lieu, M. A fait valoir que la rupture conventionnelle était dans l'intérêt de l'ARS en termes d'efficacité sur le poste et de bénéfice financier. Il relève que l'administration a estimé que le coût induit était trop élevé alors qu'elle n'avait pas même calculé le montant de l'indemnité minimale. L'intéressé fait par ailleurs état de son mandat d'élu prenant et chronophage, de sa situation de fils unique aidant de son père de 88 ans, de père d'un jeune enfant de 6 ans, de l'emploi du temps lourd de sa conjointe, de sa fatigue chronique et grandissante en fin de carrière, de la baisse de motivation qu'il ressentait pour son poste et de sa faible efficacité professionnelle en raison d'un surmenage latent. Les éléments précités ne sont toutefois pas de nature à lui ouvrir droit au bénéfice des dispositions précitées, la rupture conventionnelle ne constituant pas un droit pour l'agent dès lors qu'elle demeure soumise à un accord entre ce dernier et son administration, sans pouvoir être imposée par l'une ou l'autre des parties. Enfin, M. A n'établit ni même n'allègue que son poste n'aurait plus été utile à son administration. Il résulte ainsi de ces éléments que c'est sans commettre d'erreur manifeste d'appréciation que la demande de rupture conventionnelle de M. A a pu être refusée. Sur les conclusions à fin d'indemnisation : 14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A, qui n'établit pas que l'État aurait commis une illégalité fautive de nature à engager sa responsabilité en adoptant la décision du 30 octobre 2020, n'est pas fondé à demander que celui-ci soit condamné à réparer les conséquences dommageables de cette décision. Au surplus, aucune demande indemnitaire préalable n'a été présentée, ainsi que le fait valoir le directeur de l'ARS de Bretagne en défense. Par suite, les conclusions à fin d'indemnisation de M. A doivent être rejetées. Sur les conclusions à fin d'injonction : 15. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution ". 16. Le présent jugement qui rejette les conclusions à fin d'annulation de la requête n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a lieu, par suite, de rejeter les conclusions à fin d'injonction. Sur les frais liés au litige : 17. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". 18. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. A la somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le directeur de l'Agence régionale de santé de Bretagne et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur la demande de communication des avis des 10 février et 12 mai 2021 de la direction des ressources humaines du ministère des solidarités et de la santé. Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté. Article 3 : M. A versera au directeur de l'Agence régionale de santé de Bretagne la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 4 : Le présent jugement sera notifié à M. B A et au directeur de l'Agence régionale de santé de Bretagne. Délibéré après l'audience du 12 octobre 2023, à laquelle siégeaient : M. Descombes, président, M. Le Roux, premier conseiller, Mme Tourre, première conseillère. Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2023. La rapporteure, Signé L. Tourre Le président, Signé G. Descombes Le greffier, Signé J-M. Riaud La République mande et ordonne au ministre de la Santé et de la Prévention en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.