COUR D'APPEL DE PARIS 4ème Chambre - Section B ARRÊT DU 4 JUILLET 2008
Numéro d'inscription au répertoire général : 08/03617
Décision déférée à la Cour : Décision du 30 Janvier 2008 -Institut National de la Propriété Industrielle de PARIS - RG n° 07/2657olh
DEMANDERESSE AU RECOURS
La Chambre de Commerce de d'Industrie de l'ESSONNE, établissement public administratif, en la personne de son Président ayant son siège [...] 91000 EVRY
représentée par la SCP MENARD - SCELLE-MILLET, avoués à la Cour assistée de Maître Julien B, avocat au barreau de PARIS, L280.
MONSIEUR L DE L'INPI [...],
Représenté par Caroline LE PELTIER, chargée de mission.
APPELÉE EN CAUSE
La société GROUPE EXPRESS ROULARTA anciennement dénommée GROUPE EXPRESS-EXPANSION, société anonyme à directoire, en la personne de ses représentants légaux, ayant son siège social [...]
ayant pour avocat Maître Dariusz S, avocat au Barreau de Paris, RI7.
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 29 mai 2008, en audience publique, devant la cour composée de : Monsieur GIRARDET, président, Madame REGNIEZ, conseiller, Monsieur MARCUS, conseiller,
qui en ont délibéré. Greffier, lors des débats : L. MALTERRE-PAYARD Ministère public :représenté lors des débats par Madame Brigitte G A, substitut général qui a fait connaître son avis.
ARRET: - contradictoire.
- rendu par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du Code de procédure civile. - signé par Monsieur GIRARDET, président et par Madame L. M PAYARD, greffier à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
Vu la décision du 30 janvier 2008 par laquelle le Directeur général de PINPI a accueilli l'opposition n° 07-2657 formée le 31 juil let 2007 par la société anonyme GROUPE EXPRESS-EXPANSION, qui invoquait la marque verbale REUSSIR, renouvelée le 2 février 2008 sous le n° 1 469 576, pour désigner les "journaux ; publicité ; divertissement ; éducation ; édition de livres, revues ; organisation de concours en matière d'éducation ou de divertissement", à rencontre de la demande d'enregistrement n° 07 3 497 230 formée le 24 avril 2007 par la CHAMBRE DE COMMERCE ET D'INDUSTRIE DE L'ESSONNE (ci-après CCI) du signe complexe ci-dessous reproduit :
déposé pour désigner les produits et services : "journaux ; publicité ; organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès ; micro-édition" ;
Vu le recours formé le 29 février 2008 par la CCI ;
Vu les mémoires en date des 28 mars, 15 mai et 23 mai 2008 aux termes desquels la CCI demande à la cour en dernier lieu de surseoir à statuer dans l'attente d'un jugement du tribunal de grande instance de Paris et sur le fond d'annuler la décision du Directeur général de l'INPI ; Vu les mémoires en date des 13, 26 mai et 28 mai 2008 aux termes desquels la société GROUPE EXPRESS ROULARTA, anciennement dénommée GROUPE EXPRESS-EXPANSION, demande à la cour de déclarer irrecevable la demande de sursis à statuer ainsi que le recours, de le dire à tout le moins mal fondé et de le rejeter, de la condamner à lui verser la somme de 3.000 euros en application de l'article
700 du Code de procédure civile ; Vu les observations du Directeur général de l'INPI déposées Ie29 avril 2008 tendant au rejet du recours ;Le ministère public ayant été entendu en ses observations ;
CELA ÉTANT EXPOSÉ
Sur la demande de sursis à statuer
Considérant que
la CCI de l'Essonne qui a saisi le tribunal de grande instance de Paris par acte du 23 mai 2008 d'une demande en nullité et/ou inopposabilité de la marque, prétendant que la société GROUPE EXPRESS-EXPANSION ne justifie pas d'une chaîne régulière de transmission des droits et d'une exploitation de sa marque conformément aux dispositions de l'article
L. 714-5 du Code de la propriété intellectuelle, a conclu au sursis à statuer ;
Considérant qu'il est soutenu que cette demande est irrecevable à défaut d'indiquer le fondement juridique ;
Que toutefois, même si le fondement juridique n'est pas précisé, la demande est clairement exprimée, dès lors qu'il est soutenu que sont repris devant les premiers juges des moyens déjà exposés au soutien du recours formé à rencontre de la décision de l'INPI (qui avaient en outre, déjà été formés au cours de la procédure d'opposition) ; que la demande de sursis à statuer est en conséquence fondée sur les raisons d'une bonne administration de la justice ; qu'il convient, en effet, de relever que selon les dispositions de l'article
L.712-4 du Code de la propriété intellectuelle, qui précise que les délais dans lesquels "il doit être statué sur l'opposition, peuvent être suspendus b) en cas d'engagement d'une action en nullité, en déchéance ou en revendication de propriété" ,mais que la demande de sursis ne peut être faite au regard de ces dispositions dès lors qu'aucune des actions ci- dessus mentionnée n'a été engagée durant la procédure d'opposition ;
Considérant que l'instance actuellement pendante devant le tribunal de grande instance de Paris est sans portée sur le bien fondé du recours formé à rencontre de la décision administrative soumise à l'appréciation de la cour qui, d'une part, statue sur la régularité de la décision et sur son bien fondé au regard des pouvoirs qui ont été conférés à l'Institut mais non pas sur le bien fondé des demandes en nullité portées devant le tribunal ; qu'aucun élément ne conduit la cour à surseoir à statuer en raison d'une bonne administration de la justice ; que la demande de sursis, bien que recevable, sera rejetée ;
Sur la recevabilité de l'opposition
Considérant qu'il est essentiellement fait grief au Directeur général de l'INPI d'avoir dit que l'opposition était recevable alors que, selon la requérante, il n'était pas justifié par la société GROUPE EXPRESS de la régularité de la chaîne des droits, à défaut de produire tous les actes de transmission de droits, le déposant initial étant non pas la société opposante mais une personne physique, Monsieur Claude T ; qu'il est également reproché d'avoir admis que la société GROUPE EXPRESS justifiait d'une exploitation réelle et sérieuse de la marque, alors que les documents produits portaient non pas sur la marque déposée mais sur une marque modifiée ;
Considérant
sur le premier moyen
que les articles
R 712-14 du Code de la propriété intellectuelle et 2 II d) de l'arrêté du 31 janvier 1992 n'exigent pas de l'opposant qu'ilfournisse la preuve des transmissions de propriété antérieurs à celle l'intéressant mais seulement qu'il justifie de sa qualité pour agir, et de l'opposabilité de l'acte correspondant ; que l'opposant a produit dans son acte d'opposition les références de l'inscription au Registre National des marques de l'acte de cession de la marque à son profit, ainsi qu'une copie de cet acte ;
Que les pouvoirs d'appréciation de l'INPI étant limités à la vérification de l'apparence de titularité des droits au jour où l'opposition est formée, c'est ajuste titre que le Directeur général de l'INPI a retenu que l'opposition était recevable, l'origine, l'existence et la portée des droits de la société GROUPE EXPRESS ayant été indiqués ;
Considérant
sur le second moyen
, que selon les dispositions de l'article
R 712-17 du Code de la propriété intellectuelle, le "titulaire de la demande d'enregistrement peut inviter l'opposant à produire des pièces propres à établir que la déchéance de ses droits pour défaut d'exploitation n'est pas encourue. Ces pièces doivent établir l'exploitation de la marque antérieure, au cours des cinq années précédant la demande de preuves d'usage, pour au moins l'un des produits ou services sur lesquels est fondée l'opposition" ; que l'article
R 712-18 du même code dispose que la procédure d'opposition est clôturée lorsque l'opposant n'a fourni dans le délai imparti aucune pièce propre à établir que la déchéance de ses droits n'est pas encourue" ;
Que ces textes ne confèrent au Directeur général de l'INPI que des pouvoirs limités à la vérification de la fourniture de pièces par l'opposant dans le délai imparti et à la vérification que ces pièces sont propres à attester d'un usage de la marque ; qu'il n'a pas reçu pouvoir, hormis le cas d'un défaut de pertinence avéré, de se substituer au tribunal pour se prononcer sur la portée exacte des pièces produites ; qu'il ne peut en outre, sans outrepasser les pouvoirs qui lui sont conférés, apprécier si la forme modifiée sous laquelle est exploitée la marque en altère le caractère distinctif ;
Qu'ayant produit des pièces dans le délai imparti de nature à attester d'une exploitation de la marque, c'est à bon droit que le Directeur général de l'INPI a constaté que la procédure d'opposition pouvait se poursuivre ;
Sur le bien fondé du recours
Considérant que la requérante soutient que, contrairement à ce qu'a retenu le Directeur général de l'INPI, il n'existe aucune similarité entre les services "d'édition de livres, revues" et les services de "micro-édition" ainsi qu'entre les services "d'organisation et conduite de colloques, conférence ou congrès" et les services "d'organisation de concours en matière d'éducation" ; qu'elle expose encore qu'il n'existe aucun risque de confusion entre les signes ;
* sur les services "d'édition de livres, revues" et les services de "micro- édition"
Considérant que la requérante affirme que ces services présentent des natures (compte tenu de la différence quantitative d'impression et de diffusion de titres) différentes et s'adressent à des clientèles distinctes, les personnes désireuses de faire appel à la micro édition n'étant pas les mêmes que celles qui s'adressent aux sociétés d'édition en "masse" ;Mais considérant que comme le fait justement observer le Directeur général de l'INPI, la micro-édition est une technique parmi d'autres de l'édition, service qui comprend l'ensemble des moyens mis en oeuvre pour reproduire et diffuser une oeuvre intellectuelle ou artistique ; que les services de micro-édition appartiennent donc à la catégorie plus générale de l'édition et sont, contrairement à ce qui est soutenu, identiques ; qu'il importe peu que la clientèle de la micro-édition soit plus limitée que celle de l'édition, les deux clientèles étant au moins pour partie commune ;
* sur les services "d'organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès" et les services "d'organisation de concours en matière d'éducation"
Considérant que si le Directeur général de l'INPI fait valoir avec raison que les services d'organisation de concours en matière d'éducation ne recouvrent pas seulement des concours à simple but de divertissement mais aussi des concours permettant l'accès notamment aux universités ou grandes écoles et entrent de ce fait dans une définition commune de réunion de participants sur les thèmes de la connaissance et de la formation, il subsiste que leur objet ne se confond pas, les participants à des colloques, conférences ou congrès ayant pour but l'approfondissement de connaissances et non pas le contrôle de connaissances, soit à des fins d'obtention d'un diplôme, soit à des fins de divertissement ; que l'organisation de ces services ne procède pas d'un même processus de telle sorte que leur seule nature commune "organisationnelle" ne saurait suffire à établir une similitude sauf à considérer comme similaires toutes sortes de services supposant une certaine organisation ; qu'ainsi, ces services ne présentant aucune similarité entre eux, il ne peut exister en ce qui concerne ces services de risque de confusion entre les signes ;
Considérant qu'en ce qui concerne le risque de confusion existant entre les signes pour les services identiques (édition de livres, revues et micro-édition, les journaux et la publicité), la requérante estime que le terme "REUSSIR" présente un faible degré de caractère distinctif, le public pertinent comprenant immédiatement qu'un journal baptisé "REUSSIR" a pour objet la communication d'informations destinées à faciliter la réussite professionnelle et que, dès lors son champ de protection est restreint ; qu'elle observe que ce terme est, selon les recherches d'antériorités effectuées dans les classes 16, 35 et 41, fréquemment déposé (248 marques en vigueur), et que la demande d'enregistrement contestée est une marque complexe combinant de nombreux éléments verbaux (en Essonne, Réussir en Essonne, Premier Magazine Economique du Département) à un élément figuratif non négligeable : le cartouche de couleur rouge sur lequel s'inscrivent les éléments verbaux précités en couleur blanche) ; que de ce fait, le caractère faiblement distinctif du terme REUSSIR conduira logiquement les consommateurs à détourner leur attention sur les autres éléments verbaux et figuratifs, le terme REUSSIR ne pouvant concentrer à lui seul la distinctivité de la marque antérieure ; que d'un point de vue visuel, aucun risque de confusion n'est possible compte tenu de leur différence de longueur et de leur structure globale, d'un point de vue phonétique, les signes présentent un rythme et un temps de prononciation complètement dissemblables et d'un point de vue conceptuel, l'imbrication de ses différents éléments conduira nécessairement le consommateur à percevoir la demande de marque contestée comme un ensembleunitaire, dotée d'une signification propre, l'accent étant mis sur la réussite d'une activité professionnelle ou commerciale en ESSONNE;
Considérant cela exposé que la marque antérieure est constituée du seul mot REUSSIR, distinctif pour désigner les produits et services concernés ; que l'existence de plusieurs marques comportant ce terme ne fait pas pour autant disparaître son caractère distinctif ; que dans le signe contesté, le terme REUSSIR est inscrit en grands caractères ; que visuellement, seul ce terme apparaît très clairement, les autres expressions, (à l'exception du terme EN ESSONNE qui le surmonte pour partie en des caractères de plus petite taille), étant en lettres minuscules et de ce fait peu visibles, de telle sorte que dans l'impression globale qui ressort de cette marque, prédominent les termes REUSSIR et EN ESSONNE;
Considérant que phonétiquement, la marque sera également lue en se référant aux éléments dominants ;
Considérant que la référence au département de TES SONNE ne permet pas de donner une portée intellectuelle au signe qui écarterait tout risque de confusion ;
Qu'au contraire, étant appliqué à des produits et services identiques ou similaires, la référence au département conduit le public à croire que les produits et services en cause ont une origine commune, le département ne faisant que désigner le lieu concerné par les produits et services ;
Qu'il s'ensuit que la reprise du terme REUSSIR, malgré les expressions ajoutées mais peu lisibles et la présentation en couleur qui laissent subsister son caractère dominant, combinée à l'identité ou la similarité des produits et services est de nature à conduire le consommateur d'attention moyenne à risquer de confondre ces signes ou, à tout le moins, à les associer et leur attribuer une origine commune ;
Que par voie de conséquence, le recours formé par la société sera rejeté excepté en ce qui concerne les services d'organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès ;
Considérant que des raisons d'équité commandent d'écarter l'application de l'article
700 du Code de procédure civile ;
PAR CES MOTIFS
:
Dit recevable la demande de sursis à statuer mais mal fondée ;
Annule la décision de l'INPI en ce qu'il a été dit que les services de "organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès" étaient similaires aux services "d'organisation de concours en matière d'éducation" ;
Rejette le recours pour le surplus ;
Dit que la présente décision sera notifiée par les soins du greffe aux parties et au Directeur général de l'Institut National de la Propriété Industrielle.