Chronologie de l'affaire
Tribunal administratif de Nantes 02 février 2017
Cour administrative d'appel de Nantes 19 octobre 2017

Cour administrative d'appel de Nantes, 1ère chambre, 19 octobre 2017, 17NT01069

Mots clés santé · agence · séjour · préfète · ressort · pays · arrêté · médecin · traitement · situation · renvoi · requête · exceptionnelle · motivé · approprié

Synthèse

Juridiction : Cour administrative d'appel de Nantes
Numéro affaire : 17NT01069
Type de recours : Excès de pouvoir
Décision précédente : Tribunal administratif de Nantes, 02 février 2017, N° 1608864
Président : M. BATAILLE
Rapporteur : Mme Fanny MALINGUE
Rapporteur public : M. JOUNO
Avocat(s) : KADDOURI

Chronologie de l'affaire

Tribunal administratif de Nantes 02 février 2017
Cour administrative d'appel de Nantes 19 octobre 2017

Texte

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B...A...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté de la préfète du Maine-et-Loire du 19 septembre 2016 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixation du pays de renvoi.

Par un jugement n° 1608864 du 2 février 2017, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 31 mars 2017 et 22 juin 2017, M. B... A..., représenté par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler cet arrêté ;

3°) d'enjoindre à la préfète du Maine-et-Loire de lui délivrer un titre de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ou, à défaut, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation de séjour et de travail dans l'attente de ce réexamen ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil d'une somme de 1 800 euros au titre des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté du 19 septembre 2016 est insuffisamment motivé en fait ;

- la préfète n'a pas examiné sa demande au regard des dispositions du 7° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, de l'article L. 313-14 du même code et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et n'a pas procédé à un examen sérieux de sa situation personnelle ;

- l'arrêté ne précise pas que l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé lui est favorable et n'est pas motivé spécifiquement au regard de cet avis ;

- l'arrêté a été adopté à la suite d'une procédure irrégulière dans la mesure où l'avis du médecin de l'agence régionale de santé n'a pas été rendu sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé et que ce directeur aurait dû transmettre un avis complémentaire motivé en application de l'alinéa 3 de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 ;

- c'est à tort que le tribunal ne s'est pas interrogé, au regard du contexte et du contenu de sa demande de titre de séjour, sur le point de savoir si sa demande devait être examinée sur le fondement unique du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ou également sur le fondement des dispositions du 7° de l'article L. 313-11 et de l'article L. 313-14 du même code ;

- il remplit les conditions posées par les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors, notamment, que le traitement approprié à son état n'existe pas en Albanie ;

- il n'a plus de contact avec les membres de sa famille restés en Albanie de sorte que l'arrêté méconnaît les dispositions du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la préfète a commis une erreur manifeste d'appréciation compte tenu des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation que comportent les conséquences de sa décision de refus de séjour et de la mesure d'éloignement ;

- la mesure d'éloignement méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors que le centre de ses attaches privées et familiales se situe en France.

Par un mémoire en défense, enregistré le 12 juin 2017, la préfète de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

M. A...a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 6 avril 2017.

La clôture de l'instruction a été reportée au 26 juin 2017 à 16h par ordonnance du 12 juin 2017.

Un mémoire, présenté pour M.A..., a été enregistré le 13 septembre 2017.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée ;

- l'arrêté du 9 novembre 2011 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Malingue a été entendu au cours de l'audience publique.

1. Considérant que M.A..., de nationalité albanaise, relève appel du jugement du 2 février 2017 par lequel le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté de la préfète de Maine-et-Loire du 19 septembre 2016 portant refus de délivrance d'un titre de séjour, obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de renvoi ;

2. Considérant, en premier lieu, que l'arrêté du 19 septembre 2016 mentionne les éléments de fait relatifs à la situation personnelle de M.A..., notamment sa nationalité, ses conditions d'entrée en France, sa situation administrative, la nature de sa demande de titre de séjour et sa situation familiale de manière précise ; que, faisant état de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire du 23 mai 2016, il indique également le motif ayant conduit la préfète du Maine-et-Loire à estimer qu'il ne remplit pas les conditions pour obtenir un titre de séjour pour raisons de santé ; qu'alors même qu'il ne précise pas la teneur de l'avis rendu par le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire, il est ainsi suffisamment motivé en fait ;

3. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays dont il est originaire, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle appréciée par l'autorité administrative après avis du directeur général de l'agence régionale de santé, sans que la condition prévue à l'article L. 311-7 soit exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative, après avis du médecin de l'agence régionale de santé de la région de résidence de l'intéressé, désigné par le directeur général de l'agence (...) " ; qu'aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction applicable au litige : " (...) le préfet délivre la carte de séjour temporaire au vu d'un avis émis par le médecin de l'agence régionale de santé (...) " ; qu'aux termes de l'article 4 de l'arrêté du 9 novembre 2011 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des avis rendus par les agences régionales de santé en application de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vue de la délivrance d'un titre de séjour pour raison de santé : " (...) le médecin de l'agence régionale de santé émet un avis précisant : / - si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / - si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / - s'il existe dans le pays dont il est originaire, un traitement approprié pour sa prise en charge médicale ; / - la durée prévisible du traitement. / (...) Cet avis est transmis au préfet sous couvert du directeur général de l'agence régionale de santé. Celui-ci, s'il estime, sur la base des informations dont il dispose, qu'il y a lieu de prendre en compte des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, transmet au préfet un avis complémentaire motivé. (/) Par ailleurs, dès lors que l'intéressé porterait à la connaissance du préfet des circonstances humanitaires exceptionnelles susceptibles de fonder une décision d'admission au séjour, le préfet saisit pour avis le directeur général de l'agence régionale de santé, qui lui communique son avis motivé dans un délai d'un mois." ;

4. Considérant qu'il ressort du courrier du 23 mai 2016 signé par le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire que son avis a été transmis à la préfète du Maine-et-Loire sous couvert de la directrice générale de l'agence régionale de santé ; que les dispositions citées au point précédent, qui ouvrent la possibilité pour le directeur de l'agence régionale de santé de transmettre un avis complémentaire motivé au préfet, n'obligeaient nullement la directrice générale de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire, qui a nécessairement eu connaissance de l'avis du 23 mai 2016, à transmettre, en l'espèce, un avis complémentaire sur la situation de M.A... ; que, par conséquent, les moyens tirés des vices de procédure en l'absence de transmission de l'avis du médecin de l'agence régionale de santé sous couvert de son directeur et en l'absence d'avis complémentaire motivé du directeur général de l'agence régionale de santé doivent être écartés ;

5. Considérant, en troisième lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...a déposé le 18 décembre 2015 auprès des services de la préfecture du Maine-et-Loire une demande de titre de séjour pour raisons de santé sur le fondement des dispositions du 11° de l'article L.313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par conséquent, c'est à bon droit que la préfète du Maine-et-Loire, qui n'était pas saisie de demandes sur le fondement du 7° de l'article L.313-11 et de l'article L.313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et n'était pas tenue de le faire, n'a pas procédé à l'examen du droit au séjour au regard de ces dispositions ;

6. Considérant, en quatrième lieu, qu'il ressort de l'arrêté du 19 septembre 2016 que la préfète du Maine-et-Loire, qui a procédé à un examen particulier de la situation de M. A...et de son état de santé, a notamment vérifié que sa décision ne méconnaissait pas les dispositions de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, par conséquent, M. A...n'est pas fondé à soutenir que sa situation personnelle n'a pas fait l'objet d'un examen personnel approfondi par l'autorité administrative ;

7. Considérant, en cinquième lieu, que, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ;

8. Considérant que la partie qui justifie d'un avis du médecin de l'agence régionale de santé venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour ; que, dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi ; que la conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires ; qu'en cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile ;

9. Considérant que, par un avis rendu le 23 mai 2016, le médecin de l'agence régionale de santé des Pays de la Loire a estimé que l'état de santé de M. A...nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qu'il n'existait pas de traitement approprié à cet état de santé dans le pays d'origine de l'intéressé ; que la préfète du Maine-et-Loire, qui n'était pas liée par cet avis, a refusé de délivrer le titre de séjour demandé au motif qu'il existe un traitement des pathologies dont souffre M. A... en Albanie, où il était au demeurant soigné avant sa venue en France, et que ce traitement permet de traiter sa pathologie dans des conditions conformes aux recommandations des médecins français ;

10. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier, notamment des certificats médicaux produits, que M. A...souffre de la maladie de Crohn qui nécessite un traitement par des anti-TNF alpha ; que, par les documents " MedCOI " qu'elle a produits en première instance, la préfète justifie que le suivi spécialisé requis par cette pathologie et les immunosuppresseurs qui sont prescrits à M.A..., notamment l'infliximab et l'azathioprine, sont disponibles en Albanie ; que M.A..., qui ne fournit aucun élément sur la disponibilité du traitement approprié à son état de santé, ne remet pas en cause les informations communiquées par la préfète ; que, dans ces conditions, l'autorité administrative a pu légalement refuser de délivrer au requérant un titre de séjour sur le fondement du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

11. Considérant, en dernier lieu, qu'il ressort des pièces du dossier que M. A...est entré en France le 19 août 2013 à l'âge de 45 ans ; qu'il y réside avec ses enfants mineurs et son épouse qui fait également l'objet d'une mesure d'éloignement ; que son état de santé ne rend pas sa présence en France indispensable ; que rien ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstruise en Albanie ; qu'il n'est pas dépourvu de toutes attaches dans son pays d'origine dès lors que ses parents résident en Albanie ; que, dans ces conditions, l'arrêté attaqué n'a pas porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale en méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que, pour les mêmes motifs, la décision contestée n'est pas entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation personnelle ;

12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que M. A...n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande ; que, par suite, sa requête doit être rejetée, y compris, ses conclusions aux fins d'injonction et celles, l'Etat n'étant pas partie perdante, tendant au bénéfice des dispositions des articles 37 de la loi du 10 juillet 1991 et L. 761-1 du code de justice administrative ;

DECIDE :



Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B...A...et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée, pour information, à la préfète de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 12 octobre 2017, à laquelle siégeaient :

- M. Bataille, président de chambre,

- M. Geffray, président-assesseur,

- Mme Malingue, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 19 octobre 2017.

Le rapporteur,

F. MalingueLe président,

F. Bataille

Le greffier,

E. Haubois

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 17NT01069