COMM.
LM
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 12 juillet 2016
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 802 FS-P+B
Pourvoi n° N 15-17.321
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
Statuant sur le pourvoi formé par
la société Crédit immobilier de France développement, société anonyme, dont le siège est [...] , venant aux droits de la société Crédit immobilier de France Rhône-Alpes Auvergne,
contre l'arrêt rendu le 26 février 2015 par la cour d'appel de Lyon (6e chambre), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. L... T...,
2°/ à Mme K... U... épouse T...,
domiciliés [...] ,
défendeurs à la cassation ;
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, composée conformément à l'article
R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 5 juillet 2016, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Schmidt, conseiller référendaire rapporteur, M. Rémery, conseiller doyen, MM. Zanoto, Guérin, Mme Vallansan, MM. Marcus, Remeniéras, Mmes Graff-Daudret, Vaissette, Bélaval, conseillers, M. Lecaroz, Mmes Robert-Nicoud, Jollec, Barbot, conseillers référendaires, Mme Beaudonnet, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Schmidt, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la société Crédit immobilier de France développement, de la SCP Boré et Salve de Bruneton, avocat de M. et Mme T..., l'avis de Mme Beaudonnet, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen
unique :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Lyon, 26 février 2015), que par acte notarié du 29 décembre 2006, M. et Mme T... ont déclaré insaisissable l'immeuble qu'ils avaient acquis grâce à un prêt consenti, aux termes du même acte, par la société Crédit immobilier de France Rhône-Alpes Auvergne (le prêteur) et remboursable à compter du 10 février 2009 ; que M. T... ayant été mis en liquidation judiciaire le 11 janvier 2008, le prêteur a déclaré sa créance, qui a été admise par une ordonnance du 6 janvier 2010 ; que par un arrêt devenu irrévocable du 24 février 2012, la requête du liquidateur aux fins de vendre l'immeuble a été rejetée ; que le 17 février 2014, le prêteur a fait délivrer un commandement aux fins de saisie immobilière à M. et Mme T... ; que ces derniers ont opposé la prescription de la créance en application de l'article
L. 137-2, devenu L. 218-2, du code de la consommation ;
Attendu que le prêteur fait grief à
l'arrêt d'accueillir cette fin de non-recevoir alors, selon le moyen :
1°/ que la déclaration de créance interrompt la prescription et cet effet interruptif se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective ; que pour juger que l'action du prêteur était prescrite, l'arrêt attaqué a retenu que l'ordonnance du 6 janvier 2010 admettant la créance de ce dernier au passif de la liquidation judiciaire de M. T... avait interrompu la prescription et fait courir un nouveau délai biennal, qu'à partir de cette date, treize mois s'étaient écoulés avant la requête du liquidateur du 21 février 2011 tendant à être autorisé à vendre l'immeuble et que ces treize mois s'ajoutaient aux deux ans moins sept jours qui ont couru depuis l'arrêt du 24 février 2012 infirmatif de l'ordonnance du juge-commissaire autorisant la vente de l'immeuble, jusqu'à la signification des commandements de payer le 17 février 2014 ; qu'en jugeant ainsi que l'ordonnance d'admission au passif du 6 janvier 2010 avait fait cesser l'effet interruptif de prescription attaché à la déclaration de créance du prêteur, la cour d'appel a violé l'article
2241 du code civil, ensemble les articles
L. 622-24 et
L. 641-3 du code de commerce ;
2°/ que la déclaration de créance interrompt la prescription et cet effet interruptif se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective, peu important, lorsque la créance est privilégiée, que le créancier n'use pas de son droit d'engager des poursuites individuelles si le liquidateur n'entreprend pas la liquidation des biens grevés dans un délai de trois mois ; que l'arrêt attaqué a retenu, dans le décompte du délai de prescription, les treize mois qui se sont écoulés entre l'ordonnance du 6 janvier 2010 admettant la créance du prêteur au passif de la liquidation judiciaire de M. T... et la requête du liquidateur du 21 février 2011 tendant à être autorisé à vendre l'immeuble, au prétexte que la créance était privilégiée et qu'en application de l'article
L. 643-2 du code de commerce le prêteur pouvait agir à l'encontre des époux T... bien avant la requête du liquidateur du 21 février 2011 ;
qu'en statuant ainsi
, la cour d'appel a violé l'article
2241 du code civil, ensemble les articles
L. 622-24,
L. 641-3 et
L. 643-2 du code de commerce ;
3°/ que le débiteur qui prétend avoir payé sa dette reconnaît le principe même de la créance de celui contre qui il prescrit, et interrompt la prescription ; qu'en jugeant que les conclusions déposées par les époux T... en vue de la mise en état du 4 octobre 2011 ne valaient pas reconnaissance du droit du prêteur parce qu'il y était soutenu que le prêt avait été intégralement remboursé, la cour d'appel a violé l'article
2240 du code civil ;
Mais attendu, d'une part, qu'un créancier inscrit, à qui est inopposable la déclaration d'insaisissabilité d'un immeuble, peut faire procéder à la vente sur saisie de cet immeuble ; que si l'effet interruptif de prescription d'une déclaration de créance s'étend aux poursuites de saisie immobilière qui tendent au même but, soit le recouvrement de la créance, ce créancier, lorsqu'il a déclaré sa créance, ne peut, dès lors qu'il n'est pas dans l'impossibilité d'agir sur l'immeuble, au sens de l'article
2234 du code civil, bénéficier de la prolongation de l'effet interruptif de prescription de sa déclaration jusqu'à la clôture de la procédure collective, cet effet prenant fin à la date de la décision ayant statué sur la demande d'admission ;
Attendu, d'autre part, que ce créancier n'exerce pas son droit de poursuite en application de l'article
L. 643-2 du code de commerce ;
Et attendu, enfin, que c'est dans l'exercice de son pouvoir souverain d'appréciation que la cour d'appel a retenu que les conclusions déposées dans une instance opposant Mme T... à des tiers ne valaient pas reconnaissance du droit de créance du prêteur et n'avaient pu interrompre la prescription ;
D'où il suit que le moyen, inopérant en sa deuxième branche, n'est pas fondé pour le surplus ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Crédit immobilier de France développement aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette sa demande et la condamne à payer à M. et Mme T... la somme globale de 3 000 euros ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille seize.
MOYEN ANNEXE
au présent arrêt
Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la société Crédit immobilier de France développement, venant aux droits de la société Crédit immobilier de France Sud Rhône-Alpes Auvergne
L'arrêt attaqué encourt la censure ;
EN CE QU'il a constaté la prescription des poursuites engagées par le [...] à l'encontre de monsieur T... et madame U... épouse T... en vertu de l'acte notarié de prêt du 29 décembre 2006 et a ordonné la mainlevée de la publication effectuée le 10 avril 2014 des commandements de payer valant saisie immobilière qui leur ont été signifiés le 17 février 2014 ;
AUX MOTIFS QUE « l'article
L. 111-4 du code des procédures civiles d'exécution, issu de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, dispose que l'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant 10 ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long. Il s'en déduit que les autres titres exécutoires de l'article L. 1114 du code des procédures civiles d'exécution, dont les actes notariés revêtus de la formule exécutoire, restent soumis pour leur exécution au délai de prescription de la créance qu'ils constatent, L'article
L. 137-2 du code de la consommation dispose que l'action des professionnels pour les biens ou les services qu'ils fournissent aux consommateurs se prescrit par deux ans. Le point de départ de ce délai de prescription se situe au jour où le titulaire a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer l'action concernée, soit, dans le cas d'une action en paiement au titre d'un crédit immobilier consenti par un professionnel à un consommateur, à la date du premier Incident de paiement non régularisé. En l'espèce la date de la première échéance du prêt consenti le 29 décembre 2006 a été fixé au 10 février 2009. Les époux T... n'avaient donc pas commencé à rembourser ce prêt lorsque la liquidation judiciaire de M. L... T... a été prononcée, mais cette date, soit le 11 janvier 2008, peut être considérée comme le point de départ de la prescription, dès lors que le crédit Immobilier de France soutient lui-même que le jugement de liquidation a provoqué la déchéance du terme et donc l'exigibilité de la dette. Il résulte certes de l'article
2234 du code civil que la prescription ne court pas ou est suspendue contre celui qui est dans l'impossibilité d'agir par suite d'un empêchement résultant de la loi, de la convention ou de la force majeure et le Crédit Immobilier de France Rhône-Alpes Auvergne fait valoir à bon droit que le juge-commissaire du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse a autorisé la vente du bien en cause par le liquidateur selon les formes de la saisie immobilière aux termes d'une ordonnance sur requête en date du 21 avril 2011, que cette ordonnance, qui a les effets d'un commandement de payer, a été publiée le 26 mai 2011 Vol 2011 5 N° 16 au service de ta publicité foncière de Nantua conformément aux dispositions de l'article R. 542-23 du code de commerce et qu'en application de l'article 321-9 du code des procédures civiles d'exécution aucun autre commandement portant sur le même bien ne pouvait être publié tant que l'ordonnance du juge-commissaire n'avait pas fait l'objet d'une radiation. Il résulte en effet des dispositions du 3ème alinéa de l'article
R. 642-23 du code de commerce que les commandements publiés antérieurement cessent de produire effet à compter de la publication de l'ordonnance du juge commissaire, de sorte que le Crédit immobilier de France ne pouvait efficacement faire publier un nouveau commandement à partir de cette date. Mais selon l'article
2230 du code civil la suspension de la prescription en arrête temporairement le cours sans effacer le délai déjà couru, Il en résulte que le délai entre l'ordonnance d'admission de la créance en date du 6 janvier 2010, qui a interrompu la prescription et fait courir un nouveau délai de deux ans, et la requête du liquidateur en vue de la vente du bien adressée au juge commissaire le 21 février 2011, soit plus de 13 mois, s'additionne au délai entre l'arrêt de la cour de Lyon qui a infirmé l'ordonnance du juge commissaire ordonnant la vente du bien par le liquidateur, rendu le 24 février 2012, et la signification des commandements de payer le 17 février 2014, soit deux ans moins sept jours, et que le délai de prescription de deux ans visé par l'article
L. 137-2 du code de la consommation était par conséquent expiré à cette date. Il convient d'ajouter que selon l'alinéa 1 de l'article
L. 643-2 du code de commerce "Les créanciers titulaires d'un privilège spécial, d'un gage, d'un nantissement ou d'une hypothèque et te Trésor public pour ses créances privilégiées peuvent, dès lors qu'ils ont déclaré leurs créances même as ne sont pas encore admis, exercer leur droit de poursuite individuelle si le liquidateur n'a pas entrepris la liquidation des biens grevés dans le délai de trois mois à compter du jugement qui ouvre ou prononce la liquidation judiciaire". Le Crédit immobilier de France Rhône-Alpes Auvergne avait donc la possibilité d'engager des poursuites à rencontre des époux T... bien avant la requête déposée par le liquidateur devant le juge commissaire aux fins de voir ordonner la vente de la maison des époux T.... Enfin les conclusions déposées en vue de la mise en état du 4 octobre 2011 par les époux T... ne valent pas reconnaissance du droit du Crédit Immobilier puisqu'au contraire y est soutenu que le prêt a été intégralement remboursé par Mme T.... Elles ne sont donc pas interruptives de prescription. Celles déposées en vue de la mise en état du 2 avril 2014 n'ont pu davantage interrompre la prescription qui était déjà acquise à cette date. M. L... T... et Mme K... U... épouse T... soutiennent donc à bon droit que les poursuites engagées par le Crédit immobilier de France Rhône-Alpes Auvergne à leur encontre, en vertu de l'acte notarié de prêt du 29 décembre 2006, sont irrecevables comme prescrites. Il convient en conséquence d'ordonner la mainlevée de la publication, effectuée le 10 avril 2014, des commandements de payer valant saisie immobilière qui leur ont été signifiés le 17 février 2014 » ;
ALORS premièrement QUE la déclaration de créance interrompt la prescription et cet effet interruptif se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective ; que pour juger que l'action du [...] était prescrite, l'arrêt attaqué a retenu que l'ordonnance du 6 janvier 2010 admettant la créance de ce dernier au passif de la liquidation judiciaire de monsieur T... avait interrompu la prescription et fait courir un nouveau délai biennal, qu'à partir de cette date treize mois s'étaient écoulés avant la requête du liquidateur du 21 février 2011 tendant à être autorisé à vendre l'immeuble, et que ces treize mois s'ajoutaient aux deux ans moins sept jours qui ont couru depuis l'arrêt du 24 février 2012 infirmatif de l'ordonnance du juge-commissaire autorisant la vente de l'immeuble, jusqu'à la signification des commandements de payer le 17 février 2014 ; qu'en jugeant ainsi que l'ordonnance d'admission au passif du 6 janvier 2010 avait fait cesser l'effet interruptif de prescription attaché à la déclaration de créance du [...], la cour d'appel a violé l'article
2241 du code civil, ensemble les articles
L. 622-24 et
L. 641-3 du code de commerce ;
ALORS deuxièmement QUE la déclaration de créance interrompt la prescription et cet effet interruptif se prolonge jusqu'à la clôture de la procédure collective, peu important, lorsque la créance est privilégiée, que le créancier n'use pas de son droit d'engager des poursuites individuelles si le liquidateur n'entreprend pas la liquidation des biens grevés dans un délai de trois mois ; que l'arrêt attaqué a retenu, dans le décompte du délai de prescription, les treize mois qui se sont écoulés entre l'ordonnance du 6 janvier 2010 admettant la créance du [...] au passif de la liquidation judiciaire de monsieur T... et la requête du liquidateur du 21 février 2011 tendant à être autorisé à vendre l'immeuble, au prétexte que la créance était privilégiée et qu'en application de l'article
L. 643-2 du code de commerce le [...] pouvait agir à l'encontre des époux T... bien avant la requête du liquidateur du 21 février 2011 ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel a violé l'article
2241 du code civil, ensemble L. 622-24,
L. 641-3 et
L. 643-2 du code de commerce ;
ALORS troisièmement QUE le débiteur qui prétend avoir payé sa dette reconnaît le principe même de la créance de celui contre qui il prescrit, et interrompt la prescription ; qu'en jugeant que les conclusions déposées par les époux T... en vue de la mise en état du 4 octobre 2011 ne valaient pas reconnaissance du droit du C... parce qu'il y était soutenu que le prêt avait été intégralement remboursé, la cour d'appel a violé l'article
2240 du code civil.