Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 20 janvier 2021, 18-25.916

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2021-01-20
Cour d'appel de Dijon
2018-11-06

Texte intégral

COMM. FB COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 20 janvier 2021 Cassation M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 62 F-D Pourvoi n° S 18-25.916 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 20 JANVIER 2021 La société Suez Eau France, société par actions simplifiée, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° S 18-25.916 contre l'arrêt rendu le 6 novembre 2018 par la cour d'appel de Dijon (1re chambre civile), dans le litige l'opposant à la société MP associés, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [...] , en la personne de M. M... P..., venant aux droits de M. H... I..., pris en qualité de liquidateur judiciaire de la société SD3A TP, défenderesse à la cassation. La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Kass-Danno, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Suez Eau France, de la SCP Claire Leduc et Solange Vigand, avocat de la société MP associés, ès qualités, après débats en l'audience publique du 24 novembre 2020 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Kass-Danno, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre, la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Dijon, 6 novembre 2018, rectifié le 5 mars 2019), la société Lyonnaise des eaux France (la société Lyonnaise des eaux), titulaire de conventions de délégations de services de distribution publique d'eau potable et d'assainissement, a, pour la réalisation des travaux lui incombant à ce titre, confié à la société SD3A TP la réalisation de travaux par divers contrats conclus en 2003, 2004 et 2010, comportant une clause d'indexation du prix des prestations qui n'a pas été appliquée aux prestations facturées à compter de l'année 2009. 2. La société Lyonnaise des eaux ayant refusé de s'acquitter de factures émises, le 28 septembre 2012, pour un montant de 714 148,35 euros TTC, au titre de la révision des prix pour les années 2009 à 2012, par la société SD3A TP, en soutenant que cette dernière avait renoncé au bénéfice de l'indexation, elle a été assignée en référé en paiement de cette somme à titre de provision. 3. La société SD3A TP a été mise en redressement puis liquidation judiciaire, les 21 février 2012 et 15 février 2013. La SELARL MP associés a été désignée en qualité de liquidateur. 4. Le 4 février 2014,cette dernière a assigné la société Lyonnaise des eaux, aux droits de laquelle est venue la société Suez Eau France (la société Suez), en paiement de la somme de 714 148,35 euros au titre de l'actualisation du prix des prestations réalisées pour son compte.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

5. La société Suez fait grief à l'arrêt, après sa rectification, de fixer à 262 818,37 euros HT, soit 314 330,77 euros TTC, la créance détenue par la liquidation judiciaire de la société SD3A TP, au titre de la revalorisation du prix de ses prestations, et de la condamner à payer à la SELARL MP associés, en qualité de liquidateur de la société SD3A TP, la somme de 14 330,77 euros TTC, alors « que la cour d'appel est tenue de statuer sur les dernières écritures déposées par les parties, qui seules la saisissent ; qu'en l'espèce, la cour d'appel a statué au visa des conclusions signifiées par la société Suez le 29 mars 2017, alors que celle-ci avait produit et signifié des conclusions récapitulatives datées du 19 juillet 2018, lesquelles complétaient son argumentation, contenaient de nouveaux moyens et répondaient aux précédentes écritures déposées par la société MP associés ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile. » Réponse de la Cour

Vu

l'article 954, alinéa 2, du code de procédure civile : 6. En vertu de ce texte, le juge doit statuer sur les dernières conclusions déposées. 7. Pour fixer à une certaine somme la créance détenue par la liquidation judiciaire de la société SD3A TP sur la société Suez, au titre de la revalorisation du prix de ses prestations et condamner cette dernière à payer une certaine somme à la SELARL MP associés, en qualité de liquidateur de la société SD3A TP, l'arrêt se prononce au visa des conclusions notifiées par la société Suez le 29 mars 2017.

8. En statuant ainsi

, alors qu'il résulte des productions que la société Suez avait signifié et remis au greffe de la cour d'appel, le 19 juillet 2018, via le réseau privé virtuel des avocats, des conclusions comprenant un moyen ne figurant pas dans celles déposées le 29 mars 2017, explicitant en quoi la société SD3A TP avait elle-même eu un intérêt économique à renoncer à la perception d'une somme qui était contractuellement prévue à son bénéfice, et accompagnées d'un bordereau de production faisant état d'une pièce venant compléter celles qui avaient été précédemment produites, la cour d'appel, qui s'est prononcée par des motifs dont il ressort qu'elle n'a pas pris en considération ces dernières conclusions, a violé le texte susvisé. Portée et conséquences de la cassation

Vu

l'article 625 du code de procédure civile : La cassation de l'arrêt rectifié du 6 novembre 2018 entraîne, par voie de conséquence, celle de l'arrêt rectificatif du 5 mars 2019, qui s'y rattache par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS

, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour : CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 6 novembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Dijon ; Constate l'annulation, par voie de conséquence, de l'arrêt rectificatif du 5 mars 2019 ; Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Besançon ; Laisse aux parties la charge de leurs propres dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille vingt et un

MOYENS ANNEXES

au présent arrêt Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Suez Eau France. PREMIER MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué, tel que rectifié par un arrêt du 5 mars 2019, d'AVOIR fixé à 262.818,37 € HT, soit 314.330,77 € TTC, la créance détenue par la liquidation judiciaire de la société SD3A TP sur la société Suez Eau France, venant aux droits de la société Lyonnaise des Eaux France, au titre de la revalorisation du prix de ses prestations, et, après avoir rappelé que la société Lyonnaise des Eaux France avait réglé à la SELARL MP Associés, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SD3A TP, la somme de 300.000 € à titre de provision à valoir sur cette créance en exécution de l'ordonnance de référé du 12 décembre 2012, d'AVOIR condamné la société Suez Eau France, venant aux droits de la société Lyonnaise des Eaux France, à payer à la SELARL MP Associés, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SD3A TP, la somme de 14.330,77 € TTC ; AU VISA des conclusions notifiées le 29 mars 2017 par la société Suez Eau France, venant aux droits de la société Lyonnaise des eaux France ; ET AUX MOTIFS QUE : « L'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, qu'elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, et qu'elles doivent être exécutées de bonne foi. En l'espèce, les contrats signés entre les parties comportent chacun un cahier des clauses administratives particulières stipulant une variation annuelle des prix et définissant la formule applicable au calcul de la revalorisation. La demande en paiement formée par le liquidateur de la société SD3A TP tend à faire produire à cette clause de variation ses effets contractuels pour la période au cours de laquelle il n'avait pas été procédé à son application. Pour s'opposer à cette demande, la société Suez Eau France, venant aux droits de la société Lyonnaise des Eaux France, soutient que les parties avaient conclu un accord commercial aux termes duquel la société SD3A TP avait définitivement renoncé à l'application de la clause contractuelle de variation du prix de ses prestations. Dès lors ainsi que la société Suez Eau France conclut à une modification des clauses contractuelles en cours de convention, il lui incombe d'apporter la preuve de l'accord dont elle se prévaut. A cet égard, force est d'abord de constater que cet accord ne résulte d'aucun avenant écrit apporté au contrat. Il ne résulte pas plus de quelque écrit que ce soit, qu'il s'agisse de lettres ou même de simples courriers électroniques émanant de la société SD3A TP, la question de l'abandon du droit de celle-ci à la revalorisation du coût de ses prestations n'ayant manifestement jamais été évoquée par écrit antérieurement à la demande en paiement formulée par le liquidateur. S'il est constant que la société SD3A TP a, plusieurs années durant, facturé ses prestations sans faire application de la revalorisation, cette seule circonstance ne suffit pas à caractériser de manière dépourvue d'équivoque sa renonciation au bénéfice de la clause contractuelle de révision. C'est vainement que la société Suez Eau France fait valoir que l'existence d'un accord sur la renonciation définitive à la revalorisation des prix serait confirmée par la circonstance qu'elle n'avait aucun motif économique valable pour faire simplement différer dans le temps le paiement de la fraction de prix correspondant à la revalorisation, dès lors qu'il n'est pas explicité en quoi la société SD3A TP aurait elle-même eu un intérêt économique à renoncer à la perception d'une somme qui était contractuellement prévue à son bénéfice, et dont le montant était suffisamment conséquent pour ne pas être considérée comme constituant un avantage financier négligeable. Le fait que la société SD3A TP n'ait pas provisionné en comptabilité les sommes correspondant à la revalorisation des prestations facturées n'est pas plus susceptible de confirmer de manière certaine sa renonciation à la perception des sommes correspondantes, l'absence de comptabilisation étant cohérente avec l'absence de facturation, et étant en tout état de cause dépourvue de caractère non équivoque. Enfin, la société Suez Eau France invoque vainement la circonstance selon laquelle l'exécution des contrats aurait été découpée en plusieurs phases, en soutenant que c'était dans la foulée de la phase n°3 que les parties auraient rediscuté les termes du contrat et décidé de l'abandon de la clause d'indexation, dès lors qu'il n'est pas rapporté le moindre élément de preuve quant à la teneur des modifications qui auraient été apportées aux contrats au terme de la renégociation ainsi alléguée. Force est en définitive de constater qu'aucun des éléments versés aux débats ne permet de démontrer de manière dépourvue de toute ambiguïté que la société SD3A TP a accepté de renoncer définitivement à la perception des sommes correspondant à la revalorisation des prix des prestations qu'elle a effectuées pour le compte de la société Lyonnaise des Eaux France. Le jugement déféré, qui s'est déterminé de manière contraire sur la foi d'éléments impropres à caractériser le caractère certain de la renonciation de l'appelante à son droit, devra être infirmé en toutes ses dispositions. S'agissant des sommes au paiement desquelles peut prétendre la société SD3A TP, il convient de se référer au rapport d'expertise judiciaire établi par M. C... le 28 février 2014. L'expert, après avoir analysé les pièces versées par les parties, a opéré une distinction selon que les sommes facturées étaient ou non dûment corroborées par les Bons de Travail Exécuté (BTE) correspondants, ces documents ayant pour objet de décrire le détail des opérations techniques exécutées sur chaque chantier, avec leur valeur unitaire, telle qu'elle ressort des contrats. Il a ainsi établi en premier lieu un calcul de revalorisation des prestations pour lesquelles la facturation était effectivement corroborée par des BTE cohérents, et a abouti à ce titre à une somme totale de 251 644,63 € HT, qu'il qualifie de certaine. Ce calcul ne fait l'objet d'aucune critique par les parties, de sorte que ce montant devra être mis à la charge de la société Suez Eau France. L'expert a ensuite chiffré à la somme globale de 149 082 € HT la revalorisation des prestations pour lesquelles une difficulté survenue lors de l'analyse des pièces permettait de discuter le bien-fondé. Il a ainsi relevé un certain nombre de prestations au sujet desquelles il n'avait pu être établi de concordance certaine entre BTE et facturation. M. C... a alors distingué selon la nature des contrats concernés, considérant que les BTE relevant des contrats portant sur le remplacement de branchements en plomb étaient facilement identifiables par les montants unitaires appliqués, de sorte que le risque d'erreur les concernant était faible, à la différence de ceux concernant les contrats d'exploitation ou les travaux de branchements neufs, pour lesquels le risque d'erreur était respectivement qualifié d'élevé et de moyen. Etant observé que le calcul de la revalorisation n'est en lui-même pas critiqué par les parties, il y a lieu de ne mettre à la charge de l'intimée que les montants pour lesquels le risque d'erreur de facturation est qualifié de faible par l'expert, soit une somme totale de 11 173,74 € HT. M. C... a ensuite chiffré à 108 578,86 € HT la revalorisation de prestations relatives à la réalisation de branchements neufs, en soulignant toutefois que ces prestations ne figuraient pas au bordereau de prix annexé au contrat d'exploitation, auquel la société SD3A TP soutient qu'elles se rattachent. La société Suez Eau France fait valoir à juste titre que, dès lors que ces prestations ne sont pas visées au contrat d'exploitation, les modalités de révision prévues par celui-ci ne peuvent trouver application les concernant. C'est vainement que, pour solliciter la mise en compte des sommes litigieuses, l'appelant invoque l'existence dans le contrat d'exploitation d'une clause selon laquelle la société SD3A TP pouvait se voir confier sur simple appel téléphonique des travaux imprévus à réaliser en urgence, dans la mesure où la réalisation d'un branchement neuf, qui correspond à une opération classique parfaitement identifiée et circonscrite, ne s'analyse à l'évidence pas en une opération imprévisible et urgente, dont le coût ne pouvait être prévu au rang des opérations entrant dans le cadre de l'exécution du contrat. Faute de stipulation contractuelle relative à la revalorisation des prestations branchement neuf, il n'y a pas lieu de mettre la somme de 108 578,86 € HT à la charge de l'intimée. Enfin, l'expert judiciaire relève que des prestations ont fait l'objet d'une revalorisation alors qu'elles ont été facturées sur une base différente de celle prévue aux bordereaux de prix annexés aux contrats. Cette indexation porte selon M. C... sur une somme totale de 24 555,06 €. Dès lors que la facturation devait s'effectuer conformément aux bordereaux de prix contractuellement prévu, et que c'est donc à ces prix qu'il y avait lieu d'appliquer la révision, la société SD3A TP est mal fondée à solliciter son application à des prix différents qu'elle a déterminés unilatéralement et hors de toute prévision conventionnelle. La somme correspondante ne sera donc pas allouée à l'appelant. La créance détenue par la société SD3A TP sur la société Suez Eau France au titre de la revalorisation du prix de ses prestations s'élève donc à la somme totale de 262 818,37 €. Il est constant que la société Suez Eau France a versé en exécution de l'ordonnance de référé du 12 décembre 2012 une somme provisionnelle de 300 000 € à la SELARL MP Associés, ès qualités, de sorte que cette dernière devra être condamnée à lui restituer la somme trop-versée, soit 37 181,63 €. La société Suez Eau France sera condamnée, outre aux entiers dépens de première instance, comprenant les frais d'expertise, et d'appel, à payer à la SELARL MP Associés, ès qualités, la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile » ; ALORS QUE la Cour d'appel est tenue de statuer sur les dernières écritures déposées par les parties, qui seules la saisissent ; qu'en l'espèce, la Cour d'appel a statué au visa des conclusions signifiées par la société Suez Eau France le 29 mars 2017, alors que celle-ci avait produit et signifié des conclusions récapitulatives datées du 19 juillet 2018, lesquelles complétaient son argumentation, contenaient de nouveaux moyens et répondaient aux précédentes écritures déposées par la société MP Associés ; qu'en statuant comme elle l'a fait, la Cour d'appel a violé les articles 4 et 954 du code de procédure civile. SECOND MOYEN DE CASSATION Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué, tel que rectifié par un arrêt du 5 mars 2019, d'AVOIR fixé à 262.818,37 € HT, soit 314.330,77 € TTC, la créance détenue par la liquidation judiciaire de la société SD3A TP sur la société Suez Eau France, venant aux droits de la société Lyonnaise des Eaux France, au titre de la revalorisation du prix de ses prestations, et, après avoir rappelé que la société Lyonnaise des Eaux France avait réglé à la SELARL MP Associés, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SD3A TP, la somme de 300.000 € à titre de provision à valoir sur cette créance en exécution de l'ordonnance de référé du 12 décembre 2012, d'AVOIR condamné la société Suez Eau France, venant aux droits de la société Lyonnaise des Eaux France, à payer à la SELARL MP Associés, ès qualités de liquidateur judiciaire de la société SD3A TP, la somme de 14.330,77 € TTC ; AUX MOTIFS QUE : « L'article 1134 du code civil, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, qu'elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel ou pour les causes que la loi autorise, et qu'elles doivent être exécutées de bonne foi. En l'espèce, les contrats signés entre les parties comportent chacun un cahier des clauses administratives particulières stipulant une variation annuelle des prix et définissant la formule applicable au calcul de la revalorisation. La demande en paiement formée par le liquidateur de la société SD3A TP tend à faire produire à cette clause de variation ses effets contractuels pour la période au cours de laquelle il n'avait pas été procédé à son application. Pour s'opposer à cette demande, la société Suez Eau France, venant aux droits de la société Lyonnaise des Eaux France, soutient que les parties avaient conclu un accord commercial aux termes duquel la société SD3A TP avait définitivement renoncé à l'application de la clause contractuelle de variation du prix de ses prestations. Dès lors ainsi que la société Suez Eau France conclut à une modification des clauses contractuelles en cours de convention, il lui incombe d'apporter la preuve de l'accord dont elle se prévaut. A cet égard, force est d'abord de constater que cet accord ne résulte d'aucun avenant écrit apporté au contrat. Il ne résulte pas plus de quelque écrit que ce soit, qu'il s'agisse de lettres ou même de simples courriers électroniques émanant de la société SD3A TP, la question de l'abandon du droit de celle-ci à la revalorisation du coût de ses prestations n'ayant manifestement jamais été évoquée par écrit antérieurement à la demande en paiement formulée par le liquidateur. S'il est constant que la société SD3A TP a, plusieurs années durant, facturé ses prestations sans faire application de la revalorisation, cette seule circonstance ne suffit pas à caractériser de manière dépourvue d'équivoque sa renonciation au bénéfice de la clause contractuelle de révision. C'est vainement que la société Suez Eau France fait valoir que l'existence d'un accord sur la renonciation définitive à la revalorisation des prix serait confirmée par la circonstance qu'elle n'avait aucun motif économique valable pour faire simplement différer dans le temps le paiement de la fraction de prix correspondant à la revalorisation, dès lors qu'il n'est pas explicité en quoi la société SD3A TP aurait elle-même eu un intérêt économique à renoncer à la perception d'une somme qui était contractuellement prévue à son bénéfice, et dont le montant était suffisamment conséquent pour ne pas être considérée comme constituant un avantage financier négligeable. Le fait que la société SD3A TP n'ait pas provisionné en comptabilité les sommes correspondant à la revalorisation des prestations facturées n'est pas plus susceptible de confirmer de manière certaine sa renonciation à la perception des sommes correspondantes, l'absence de comptabilisation étant cohérente avec l'absence de facturation, et étant en tout état de cause dépourvue de caractère non équivoque. Enfin, la société Suez Eau France invoque vainement la circonstance selon laquelle l'exécution des contrats aurait été découpée en plusieurs phases, en soutenant que c'était dans la foulée de la phase n°3 que les parties auraient rediscuté les termes du contrat et décidé de l'abandon de la clause d'indexation, dès lors qu'il n'est pas rapporté le moindre élément de preuve quant à la teneur des modifications qui auraient été apportées aux contrats au terme de la renégociation ainsi alléguée. Force est en définitive de constater qu'aucun des éléments versés aux débats ne permet de démontrer de manière dépourvue de toute ambiguïté que la société SD3A TP a accepté de renoncer définitivement à la perception des sommes correspondant à la revalorisation des prix des prestations qu'elle a effectuées pour le compte de la société Lyonnaise des Eaux France. Le jugement déféré, qui s'est déterminé de manière contraire sur la foi d'éléments impropres à caractériser le caractère certain de la renonciation de l'appelante à son droit, devra être infirmé en toutes ses dispositions. S'agissant des sommes au paiement desquelles peut prétendre la société SD3A TP, il convient de se référer au rapport d'expertise judiciaire établi par M. C... le 28 février 2014. L'expert, après avoir analysé les pièces versées par les parties, a opéré une distinction selon que les sommes facturées étaient ou non dûment corroborées par les Bons de Travail Exécuté (BTE) correspondants, ces documents ayant pour objet de décrire le détail des opérations techniques exécutées sur chaque chantier, avec leur valeur unitaire, telle qu'elle ressort des contrats. Il a ainsi établi en premier lieu un calcul de revalorisation des prestations pour lesquelles la facturation était effectivement corroborée par des BTE cohérents, et a abouti à ce titre à une somme totale de 251 644,63 € HT, qu'il qualifie de certaine. Ce calcul ne fait l'objet d'aucune critique par les parties, de sorte que ce montant devra être mis à la charge de la société Suez Eau France. L'expert a ensuite chiffré à la somme globale de 149 082 € HT la revalorisation des prestations pour lesquelles une difficulté survenue lors de l'analyse des pièces permettait de discuter le bien-fondé. Il a ainsi relevé un certain nombre de prestations au sujet desquelles il n'avait pu être établi de concordance certaine entre BTE et facturation. M. C... a alors distingué selon la nature des contrats concernés, considérant que les BTE relevant des contrats portant sur le remplacement de branchements en plomb étaient facilement identifiables par les montants unitaires appliqués, de sorte que le risque d'erreur les concernant était faible, à la différence de ceux concernant les contrats d'exploitation ou les travaux de branchements neufs, pour lesquels le risque d'erreur était respectivement qualifié d'élevé et de moyen. Etant observé que le calcul de la revalorisation n'est en lui-même pas critiqué par les parties, il y a lieu de ne mettre à la charge de l'intimée que les montants pour lesquels le risque d'erreur de facturation est qualifié de faible par l'expert, soit une somme totale de 11 173,74 € HT. M. C... a ensuite chiffré à 108 578,86 € HT la revalorisation de prestations relatives à la réalisation de branchements neufs, en soulignant toutefois que ces prestations ne figuraient pas au bordereau de prix annexé au contrat d'exploitation, auquel la société SD3A TP soutient qu'elles se rattachent. La société Suez Eau France fait valoir à juste titre que, dès lors que ces prestations ne sont pas visées au contrat d'exploitation, les modalités de révision prévues par celui-ci ne peuvent trouver application les concernant. C'est vainement que, pour solliciter la mise en compte des sommes litigieuses, l'appelant invoque l'existence dans le contrat d'exploitation d'une clause selon laquelle la société SD3A TP pouvait se voir confier sur simple appel téléphonique des travaux imprévus à réaliser en urgence, dans la mesure où la réalisation d'un branchement neuf, qui correspond à une opération classique parfaitement identifiée et circonscrite, ne s'analyse à l'évidence pas en une opération imprévisible et urgente, dont le coût ne pouvait être prévu au rang des opérations entrant dans le cadre de l'exécution du contrat. Faute de stipulation contractuelle relative à la revalorisation des prestations branchement neuf, il n'y a pas lieu de mettre la somme de 108 578,86 € HT à la charge de l'intimée. Enfin, l'expert judiciaire relève que des prestations ont fait l'objet d'une revalorisation alors qu'elles ont été facturées sur une base différente de celle prévue aux bordereaux de prix annexés aux contrats. Cette indexation porte selon M. C... sur une somme totale de 24 555,06 €. Dès lors que la facturation devait s'effectuer conformément aux bordereaux de prix contractuellement prévu, et que c'est donc à ces prix qu'il y avait lieu d'appliquer la révision, la société SD3A TP est mal fondée à solliciter son application à des prix différents qu'elle a déterminés unilatéralement et hors de toute prévision conventionnelle. La somme correspondante ne sera donc pas allouée à l'appelant La créance détenue par la société SD3A TP sur la société Suez Eau France au titre de la revalorisation du prix de ses prestations s'élève donc à la somme totale de 262 818,37 €. Il est constant que la société Suez Eau France a versé en exécution de l'ordonnance de référé du 12 décembre 2012 une somme provisionnelle de 300 000 € à la SELARL MP Associés, ès qualités, de sorte que cette dernière devra être condamnée à lui restituer la somme trop-versée, soit 37 181,63 €. La société Suez Eau France sera condamnée, outre aux entiers dépens de première instance, comprenant les frais d'expertise, et d'appel, à payer à la SELARL MP Associés, ès qualités, la somme de 3 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile » ; 1°) ALORS QUE pour condamner la société Suez Eau France à payer à la société SD3A TP une somme correspondant à la différence entre le prix que cette dernière lui avait facturé entre 2009 et 2012 et le prix qui aurait résulté de l'application, au cours de ces quatre années, des formules de prix et d'actualisation annuelle stipulées dans leurs contrats, lesquelles n'avaient pas été mises en oeuvre par les parties, la Cour d'appel a reproché à la société Suez Eau France de ne pas démontrer que la société SD3A TP avait renoncé, sur cette période, à l'application des formules de prix contractuelles ; qu'en statuant ainsi, quand il résultait de ses propres constatations qu'à compter de 2009, et pendant quatre années consécutives, la société SD3A TP avait facturé l'ensemble de ses prestations sans appliquer ces formules et pratiqué à l'égard de la société Suez Eau France, qui s'en était régulièrement acquittée, un prix différent de celui qui aurait résulté de leur application, la Cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et a violé l'article 1103 du code civil (anciennement l'article 1134 du même code) ; 2°) ALORS à tout le moins QU' en reprochant à la société Suez Eau France de ne pas démontrer que la société SD3A TP avait renoncé, entre 2009 et 2012, à l'application des formules de prix et d'actualisation contractuelles, alors qu'il appartenait au liquidateur de démontrer que, comme il le soutenait, les parties s'étaient accordées pour appliquer le prix contractuel aux prestations litigieuses et pour reporter, en un temps désormais exigible, le paiement du « solde » correspondant à la différence, depuis 2009, entre le prix qu'elle avait effectivement facturé à la société Suez Eau France et celui résultant de l'application des formules de prix litigieuses, la Cour d'appel a violé les articles 1353 du code civil (anciennement l'article 1315 du même code) et l'article 9 du code de procédure civile ; 3°) ALORS en tout état de cause QUE la Cour d'appel a constaté qu'à compter de 2009, la société SD3A TP avait subitement cessé de faire application des formules de prix et d'actualisation contractuelles et qu'elle avait procédé ainsi pendant quatre ans, jusqu'à ce qu'elle soit placée en redressement judiciaire et que son administrateur réclame rétrospectivement le paiement d'un « solde de prix » ; que la Cour d'appel a également constaté que la société SD3A TP n'avait inscrit en outre dans sa comptabilité aucune créance correspondant aux sommes qui lui seraient dues à ce titre ; que la Cour d'appel a néanmoins estimé que ces circonstances ne démontraient pas que la société SD3A TP avait renoncé à l'application des formules de prix et de revalorisation contractuelles et que la société Suez Eau France ne démontrait pas que le paiement du « solde » correspondant à l'application de ces clauses n'avait pas simplement été « reporté » ainsi que l'affirmait le liquidateur ; qu'en s'abstenant toutefois de rechercher si cette preuve ne résultait pas en outre de l'absence de production aux débats de la moindre facture indiquant que les sommes facturées l'étaient à titre simplement provisionnel, du fait qu'aucune facture de régularisation n'avait été émise au cours de cette même période, ou encore de l'absence de production aux débats de la moindre pièce évoquant un quelconque « report » de la facturation du « solde de prix » correspondant à l'application des clauses d'actualisation litigieuses, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard au regard des articles 1382 et 1103 du code civil (anciennement les articles 1353 et 1134 du même code) ; 4°) ALORS en outre QUE les registres et documents que les professionnels doivent tenir ou établir ont, contre leur auteur, la même force probante que les écrits sous signature privée ; qu'en relevant que l'absence de comptabilisation, par la société SD3A TP, d'une créance correspondant au « solde de prix » qui lui serait dû au titre des prestations facturées depuis 2009 s'expliquait par le fait que ces sommes n'avaient pas été facturées et que, dans ces conditions, il ne pouvait être déduit de l'absence de comptabilisation de ces sommes une preuve que les parties s'étaient accordées pour ne pas appliquer les formules de prix et d'actualisation contractuelles, sans rechercher, comme elle y était invitée, si le plan comptable général ne comporte pas une ligne 418 dont l'objet connu de tous les professionnels est de comptabiliser les produits restant à facturer, et si, dans ces conditions, le fait que la société SD3A TP n'avait comptabilisé aucune créance correspondant à la différence entre les prix qu'elle avait facturés et ceux qui auraient résulté de l'application des formules contractuelles ne démontrait pas, en sus des autres éléments invoqués, que la société SD3A TP avait elle-même considéré qu'aucune somme ne lui était due à ce titre, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 123-23 du code de commerce et 1382 du code civil, ensemble l'article 1378 du code civil (anciennement les articles 1353 et 1330 du même code) ; 5°) ALORS enfin QU' en se fondant, pour écarter l'accord commercial allégué, sur le fait que la société Suez Eau France n' « explicit[ait] pas en quoi la société SD3A TP aurait eu un intérêt économique à renoncer à la perception d'une somme qui lui était contractuellement due », quand la société Suez Eau France expliquait dans ses dernières conclusions du 19 juillet 2018 que le geste commercial de la société SD3A TP avait trouvé une contrepartie dans l'octroi de nouveaux marchés, portant notamment sur une partie des travaux de dévoiement des réseaux, et dans le chiffre d'affaires correspondant (v. ses dernières conclusions, p.7), la Cour d'appel a dénaturé les dernières conclusions d'appel de la société Suez Eau France et violé le principe selon lequel le juge ne peut dénaturer les conclusions qui lui sont soumises.