Vu la procédure suivante
:
Procédure contentieuse antérieure :
La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) EMJ, devenue FIDES, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société par actions simplifiée (SAS) MCK, a demandé au tribunal administratif de Rennes de prononcer, d'une part, la restitution immédiate de la créance de crédit d'impôt recherche d'un montant de 152 377 euros correspondant aux dépenses que sa filiale, la SA L'Industrielle du Ponant, a engagées en 2011 dans le cadre de ses travaux de recherche et développement (requête n°1501707) et, d'autre part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 30 septembre 2008, 2009 et 2010 pour un montant total de 427 966 euros en conséquence de la remise en cause, par l'administration, de l'éligibilité au crédit d'impôt recherche des dépenses engagées à raison des projets de recherche et développement menés par sa filiale au titre des exercices en cause (requête n°1504513). De son côté, la directrice départementale des finances publiques du Finistère, par deux réclamations, enregistrées sous le n° 1703889 et le n° 1703890, a soumis d'office au tribunal, en application des dispositions du troisième alinéa de l'article
R. 199-1 du livre des procédures fiscales, les réclamations présentées par la SAS MCK le 21 décembre 2015 sous la forme, d'une part, de deux déclarations rectificatives tendant au bénéfice, au titre de l'année 2012, d'un crédit d'impôt recherche de 133 058 euros et, au titre de l'année 2013, d'un crédit d'impôt recherche de 157 786 euros et d'un crédit d'impôt innovation de 18 326 euros et, d'autre part, d'une déclaration initiale relative à l'année 2014 au titre d'un crédit d'impôt recherche de 125 599 euros et d'un crédit d'impôt innovation de 41 220 euros.
Par un même jugement du 14 mars 2018, le tribunal administratif de Rennes a radié la requête n° 1703890 des registres du greffe et ses productions versées au dossier n°1703889 (article 1er), donné acte du désistement des conclusions de la requête n° 1501707 relatives aux années 2012 à 2013 (article 2), rejeté le surplus des conclusions de la requête n° 1501707 relatives à l'année 2011 (article 3), rejeté la requête n° 1504513 (article 4), donné acte du désistement des conclusions de la requête n°1703889 tendant à la décharge des sommes de 18 326 euros et de 41 220 euros au titre du crédit d'impôt innovation sollicité au titre des années 2013 et 2014 (article 5) et rejeté le surplus des conclusions de la requête n°1703889 (article 6).
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 14 mai 2018, 26 décembre 2018 et 21 janvier 2019, la SELARL FIDES, représentée par Me B..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté ses conclusions relatives au crédit d'impôt recherche au titre des années 2012 à 2014 ;
2°) de prononcer cette décharge ;
3°) de désigner un expert ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la SAS MECK a fait appel au cabinet F-Iniciativas pour analyser l'éligibilité de ses dossiers de recherche au crédit d'impôt recherche ; cet examen a permis l'éligibilité au crédit d'impôt innovation ;
- les dossiers de 2013 et 2014 n'ont fait l'objet d'aucune expertise de la part du ministère de la recherche ;
- l'expert du ministère de la recherche a seulement conclu à l'insuffisance d'éléments justificatifs qui lui ont été fournis pour le dossier de 2012 ;
- en décembre 2015, la société a retravaillé son dossier de 2012 pour qu'un expert soit désigné et a corrigé des erreurs sur le temps de travail passé par les personnes sur les projets de recherche ;
- les dossiers validés par le cabinet F-Iniciativas décrivent l'état de l'art, les incertitudes scientifiques et techniques à lever et les travaux qui ont été menés pour y parvenir en 2012, 2013 et 2014, en particulier en ce qui concerne le " ventilo-convecteur ultra-robuste " et les " trappes étanches à détection automatique d'inondation " ;
- les dossiers litigieux relèvent bien du crédit d'impôt recherche et non du crédit d'impôt innovation ;
- elle se prévaut du n° 90 de la documentation administrative BOFIP BOI-BIC-RICI-10-10-10-20 ;
- les membres du personnel ont la compétence requise ; une partie de leurs salaires est incluse dans l'assiette du crédit d'impôt recherche.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 22 novembre 2018, 10 janvier 2019 et 22 février 2019, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par la SELARL FIDES ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Gauthier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit
:
1. La société d'exercice libéral à responsabilité limitée (SELARL) EMJ, devenue FIDES, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société par actions simplifiée (SAS) MCK relève appel du jugement du tribunal administratif de Rennes du 14 mars 2018 en tant qu'il a rejeté ses conclusions relatives au crédit d'impôt recherche au profit de sa filiale, la société anonyme (SA) L'Industrielle du Ponant, au titre des exercices clos les 31 décembre 2012, 2013 et 2014.
Sur l'application de la loi fiscale :
2. Aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. / (...) ". Aux termes de l'article 49 septies F de l'annexe III au même code : " Pour l'application des dispositions de l'article 244 quater B du code général des impôts, sont considérées comme opérations de recherche scientifique ou technique : / a. Les activités ayant un caractère de recherche fondamentale, qui pour apporter une contribution théorique ou expérimentale à la résolution des problèmes techniques, concourent à l'analyse des propriétés, des structures, des phénomènes physiques et naturels, en vue d'organiser, au moyen de schémas explicatifs ou de théories interprétatives, les faits dégagés de cette analyse ; / b. Les activités ayant le caractère de recherche appliquée qui visent à discerner les applications possibles des résultats d'une recherche fondamentale ou à trouver des solutions nouvelles permettant à l'entreprise d'atteindre un objectif déterminé choisi à l'avance. / Le résultat d'une recherche appliquée consiste en un modèle probatoire de produit, d'opération ou de méthode ; / c. Les activités ayant le caractère d'opérations de développement expérimental effectuées, au moyen de prototypes ou d'installations pilotes, dans le but de réunir toutes les informations nécessaires pour fournir les éléments techniques des décisions, en vue de la production de nouveaux matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services ou en vue de leur amélioration substantielle. Par amélioration substantielle, on entend les modifications qui ne découlent pas d'une simple utilisation de l'état des techniques existantes et qui présentent un caractère de nouveauté ". Aux termes du II de l'article 244 quater B du code général des impôts : " Les dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt sont / : a) Les dotations aux amortissements des immobilisations, créées ou acquises à l'état neuf et affectées directement à la réalisation d'opérations de recherche scientifique et technique, y compris la réalisation de prototypes ou d'installations pilotes (...) / b) Les dépenses de personnel afférentes aux chercheurs et techniciens de recherche directement et exclusivement affectés à ces opérations (...) ". Aux termes de l'article 49 septies G de l'annexe III au même code : " Le personnel de recherche comprend : (...) / 2. Les techniciens, qui sont les personnels travaillant en étroite collaboration avec les chercheurs, pour assurer le soutien technique indispensable aux travaux de recherche et de développement expérimental. (...). / Dans le cas des entreprises qui ne disposent pas d'un département de recherche, les rémunérations prises en compte sont exclusivement celles versées aux chercheurs et techniciens à l'occasion d'opérations de recherche ". Ne peuvent être prises en compte pour le bénéfice du crédit d'impôt recherche que les dépenses exposées pour le développement ou l'amélioration substantielle de matériaux, dispositifs, produits, procédés, systèmes, services, dont la conception ne pouvait être envisagée, eu égard à l'état des connaissances techniques à l'époque considérée, par un professionnel averti, par simple développement ou adaptation de ces techniques.
3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve au contribuable, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si les opérations réalisées par le contribuable entrent dans le champ d'application du crédit d'impôt recherche eu égard aux conditions dans lesquelles sont effectuées ces opérations, et, notamment, d'examiner si les opérations de développement expérimental en cause présentent un caractère de nouveauté au sens de l'article 49 septies F de l'annexe III au code général des impôts.
4. La SA L'Industrielle du Ponant, filiale de la société par actions simplifiée (SAS) MCK, spécialisée dans la gestion de fonds, est un ensemblier industriel qui conçoit, fabrique et assemble des produits destinés à l'aéronautique, au nucléaire et à la défense, dans le domaine du traitement de l'air et des fluides. Elle a engagé des dépenses de recherche et de développement qui relèvent, selon le liquidateur de la SAS MCK, du dispositif du crédit d'impôt recherche en application des dispositions précitées.
5. La SA L'Industrielle du Ponant a déclaré vingt-trois projets en 2012, puis en réexaminant les dossiers avec un cabinet spécialisé, a réduit leur nombre en 2012, 2013 et 2014. Les projets ont pour objet en particulier, d'une part, les " ventilo-convecteurs ultra-robustes " concernant l'industrie nucléaire et, d'autre part, les " trappes étanches à détection automatique d'inondation ". Le rapport du ministère de la recherche, qui a porté sur les seuls projets de 2012, a relevé que chaque projet est décrit d'une manière trop succincte et que de nombreux projets font d'ores et déjà l'objet de commandes et noté qu'aucune réponse de la société n'a été apportée sur le plan des bases scientifiques indispensables à la résolution d'incertitudes scientifiques et que les précisions sont inexistantes ou faibles sur l'état de l'art, les aléas et incertitudes scientifiques ou techniques ou les verrous technologiques, les démarches expérimentales et les indicateurs recherche et développement. Selon les conclusions de l'auteur de ce rapport, ces projets en 2012 relèvent de l'innovation au sens des dispositions du k du II de l'article 244 quater B du code général des impôts et non de la recherche. La société requérante n'apporte aucun élément probant permettant de remettre en cause l'inéligibilité des projets au crédit d'impôt recherche qui ont été menés entre 2012 et 2014. Pour justifier de l'éligibilité des projets, la requérante ne saurait se prévaloir de la circonstance que ces projets ont été revus par un cabinet spécialisé et de l'éligibilité des projets, à la suite de ce réexamen, au crédit d'impôt innovation qui relève d'un autre dispositif.
6. Aux termes de l'article L. 45 B du livre des procédures fiscales : " La réalité de l'affectation à la recherche des dépenses prises en compte pour la détermination du crédit d'impôt défini à l'article 244 quater B du code général des impôts peut, sans préjudice des pouvoirs de contrôle de l'administration des impôts qui demeure seule compétente pour l'application des procédures de rectification, être vérifiée par les agents du ministère chargé de la recherche et de la technologie. (...) ".
7. Il résulte de ces dispositions que l'administration des impôts peut contrôler les dépenses déclarées au titre du crédit d'impôt recherche sans être tenue de saisir les services du ministère chargé de la recherche et de la technologie. Ainsi, le service n'était pas tenu de solliciter un rapport du ministère de la recherche en ce qui concerne les projets menés en 2013 et 2014.
Sur l'interprétation administrative de la loi fiscale :
8. La garantie prévue par l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales ne peut être invoquée que pour contester l'établissement ou le rehaussement d'une imposition. Le refus de l'administration de faire droit à la demande de la SA L'Industrielle du Ponant tendant au bénéfice du crédit d'impôt recherche ne résulte pas de l'établissement ou du rehaussement d'une imposition par des propositions de rectification qui ne mettent à sa charge aucun impôt supplémentaire. Il suit de là que le requérant ne peut utilement se prévaloir des conditions d'éligibilité au crédit d'impôt recherche prévues par le paragraphe 90 de l'instruction référencée BOI-BIC-RICI-10-10-10-20 du 12 septembre 2012 définissant les notions de développement expérimental, d'état de l'art et d'amélioration substantielle.
9. Il résulte de ce qui a été dit aux points 5 et 8 que le moyen tiré du caractère éligible des dépenses du personnel est inopérant tant au regard de l'application de la loi fiscale que sur le fondement de son interprétation administrative.
10. Il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'ordonner une expertise que la SELARL FIDES n'est pas fondée à soutenir c'est à tort que, par l'article 6 du jugement attaqué, le tribunal administratif de Rennes a rejeté ses conclusions relatives au crédit d'impôt recherche au profit de sa filiale, la SA L'Industrielle du Ponant, au titre des exercices clos les 31 décembre 2012, 2013 et 2014. Par voie de conséquence, ses conclusions relatives aux frais liés au litige doivent être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la SELARL FIDES, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la SAS MCK, est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société d'exercice libéral à responsabilité limitée FIDES et au ministre de l'action et des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 28 mai 2020, à laquelle siégeaient :
- M. Bataille, président de chambre,
- M. A..., président assesseur,
- M. Brasnu, premier conseiller.
Lu en audience publique le 11 juin 2020.
Le rapporteur,
J.-E. A...
Le président,
F. BatailleLe greffier,
M. Guérin
La République mande et ordonne au ministre de l'action et des comptes publics, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 18NT01923