COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-6
ARRÊT AU FOND
DU 26 JANVIER 2023
N° 2023/42
N° RG 22/03157 (jonction avec le N° RG 22/03993 : par mention au dossier)
N° Portalis DBVB-V-B7G-BI6Y4
[Z] [P]
S.A. MAAF ASSURANCES
C/
[Z] [Z] [P]
S.A. MAAF ASSURANCES SA
Caisse CPAM DU VAR
Organisme CPAM DU VAR
Mutuelle ENTRAIN
Mutuelle ENTRAIN (MCMR)
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
-SELARL LIBERAS FICI & ASSOCIES
-SCP DUHAMEL ASSOCIES
Décision déférée à la Cour :
Le jugement du Tribunal de Grande Instance de DRAGUIGNAN en date du 11 Avril 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 17/04523, a fait l'objet d'un appel devant la Cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, qui a rendu un arrêt le27 Juin 2019 (arrêt rectificatif du 19/12/2019 : N°RG : 19/15151 ; N° minute : 2019/500), enregistré au répertoire général sous le n° 18/07658 (N° minute : 2019/263).
Ce dernier a fait l'objet d'un pourvoi en cassation, pour lequel la Cour de cassation a rendu un arrêt en date du 16 Décembre 2021, portant le N° de pourvoi19-22.051 (arrêt N°1259 F-D.).
APPELANTS
S.A. MAAF ASSURANCES
Prise en la personne de son représentant légal en exercice,
demeurant [Adresse 4]
représentée et assistée par Me Florence ADAGAS-CAOU de la SCP DUHAMEL ASSOCIES, avocat au barreau de DRAGUIGNAN substituée par Me Sophie LEFRANCOIS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN, postulant et plaidant.
INTIMES
Monsieur [Z] [P]
Assuré social sous le numéro [XXXXXXXXXXX01]auprès de la CPAM du Var
Assuré [XXXXXXXXXXX01]
né le [Date naissance 2] 1992 à [Localité 6],
demeurant [Adresse 7]
représenté par Me Isabelle FICI de la SELARL LIBERAS FICI & ASSOCIES, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, postulant et assisté par Me Thierry CABELLO de la SELARL CABELLO ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULON, plaidant.
Caisse CPAM du VAR,
Signification DA en date du 03/05/2022 à personne habilitée.Signification de conclusions en date du 22/02/2022 à personne habilitéee. Signification de conclusions en date du 02/06/2022 à étude.Signification de conclusions en date du 29/08/2022 à étude,
demeurant [Adresse 3]
Défaillante.
MUTUELLE ENTRAIN (MCMR),
Signification en date du 02/05/2022 à personne habiliée.Signification de conclusions en date du 26/08/2022 à personne habilitée. Signification de conclusions en date du 06/08/2022 à personne habilitée,
demeurant [Adresse 8]
Défaillante.
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles
804,
805 et
907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 29 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne ALLARD, Conseillère, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président
Madame Fabienne ALLARD, Conseillère
Monsieur Olivier BRUE, Président
Greffier lors des débats : Madame Charlotte COMBARET.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2023.
ARRÊT
Réputé contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 26 Janvier 2023,
Signé par Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président et Madame Charlotte COMBARET, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé des faits et de la procédure
Le 28 juillet 2011, alors qu'il conduisait une motocyclette, M. [Z] [P] a été victime d'un accident de la circulation impliquant un véhicule scooter conduit par M. [B] [E] et assuré auprès de la société mutuelle assurance des artisans français (société MAAF).
M. [P] a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 25 avril 2014, a désigné le docteur [I] [X] en qualité d'expert.
Plusieurs provisions ont été réglées à M. [P], à valoir sur l'indemnisation de son préjudice.
Le docteur [X] a déposé son rapport d'expertise le 30 mars 2015.
Par actes des 16, 17 et 19 mai 2017, M. [P] a fait assigner la société MAAF devant le tribunal de grande instance de Draguignan afin d'obtenir, au contradictoire de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) du Var et de la mutuelle Entrain, l'indemnisation de son préjudice corporel.
Par jugement du 11 avril 2018, assorti de l'exécution provisoire à hauteur de la moitié des condamnations, cette juridiction a :
- condamné la société MAAF à payer à M. [P] la somme de 751 758,71 € en réparation de son préjudice soit 566 758,71 € déduction faite des provisions versées ;
- fixé la créance de la CPAM à 224 370,72 € ;
- condamné la société MAAF à verser à M. [P] des intérêts au double du taux légal sur la somme de 976 129,43 € entre le 31 août 2015 et le 11 avril 2018 avec capitalisation des intérêts à compter du 16 mai 2017 ;
- condamné la société MAAF à verser au fonds de garantie la somme de 48 806,47 € ;
- condamné la société MAAF à payer à M. [P] la somme de 3 000 € en application de l'article
700 du code de procédure civile ;
- condamné la société MAAF aux dépens distraits au profit de son avocat.
Le tribunal a détaillé ainsi les différents chefs de dommage de la victime directe :
- dépenses de santé actuelles : 84 125,12 € dont 83 899,92 € revenant à la CPAM et 225,20 € revenant à M. [P] ;
- frais divers : 3 748,27 €
- assistance par tierce personne temporaire (14 € de l'heure): 20 124 €
- perte de gains professionnels actuels : 3 911,69 €
- dépenses de santé futures : 910,62 € revenant à la CPAM
- frais de logement adapté : 23 547,5 €
- frais de véhicule adapté : 37 590 €
- perte de gains professionnels futurs : 305 895,08 €
- l'assistance par tierce personne permanente : 153 702,92 €
- déficit fonctionnel temporaire (27 € par jour) : 13 104 €
- souffrances endurées : 15 000 €
- déficit fonctionnel permanent 35 % : 119 000 €
- préjudice d'agrément : 30 000 €
- préjudice esthétique permanent 3,5/7 : 6 000 €
- préjudice sexuel : 20 000 €.
Pour statuer ainsi, il a considéré, sur le droit à indemnisation, qu'aucune faute ne peut être retenue pour limiter le droit à indemnisation de la victime puisque M. [P] circulait dans sa voie de circulation et n'avait pas franchi la ligne blanche continue et qu'à supposer l'excès de vitesse établi, rien ne permet de considérer qu'il a immanquablement causé l'accident et, au regard des lésions et des séquelles, qu'il a majoré le dommage.
S'agissant des préjudices, plus particulièrement de la perte de gains professionnels futurs, il a considéré qu'elle était établie dès lors que M. [P] a été licencié pour inaptitude.
Par acte du 3 mai 2018, dont la régularité et la recevabilité ne sont pas contestées, la société MAAF a interjeté appel de ce jugement en visant les chefs du dispositif relatifs à l'étendue du droit à indemnisation et à l'évaluation du préjudice.
Par arrêt au fond du 27 juin 2019, la cour d'appel a :
- déclaré recevable la demande d'indemnisation de l'incidence professionnelle ;
- confirmé le jugement hormis sur l'étendue du droit à indemnisation, le montant du préjudice corporel, les sommes revenant à la victime et la sanction du doublement du taux de l'intérêt légal ;
Statuant à nouveau,
- dit que la société MAAF doit indemniser M. [P] des conséquences dommageables de l'accident à hauteur de 75 % ;
- fixé le préjudice corporel global de M. [P] à la somme de 1 219 168,21 € indemnisable à concurrence de 914 376,16 € ;
- évalué le préjudice matériel de M. [P] à la somme de 1 031,27 €, indemnisable à hauteur de 7733,45 € ;
- condamné la société MAAF à payer à M. [P] les sommes de :
* 485 743,48 €, provisions de 185 000 € déduites,
* une rente trimestrielle et viagère de 1 170 € à compter du 1er juillet 2019 au titre de l'indemnité de tierce personne, indexée conformément aux dispositions de l'article
L. 434-17 du code de la sécurité sociale, et dont le versement sera suspendu en cas d'hospitalisation d'une durée supérieure à 45 jours prise en charge par un organisme de sécurité sociale ;
* 773,45 € en réparation de son préjudice matériel ;
* les intérêts au taux légal sur la somme de 486 5166,93 € à compter du jugement du 11 avril 2018 et capitalisation dans les conditions fixées par l'article
1343-2 du code civil ;
- débouté M. [P] de sa demande de doublement du taux de l'intérêt légal ;
- débouté M. [P] de sa demande au titre des frais irrépétibles devant la cour ;
- condamné la société MAAF aux dépens.
Par un arrêt postérieur du 19 décembre 2019, la cour a rectifié une erreur matérielle affectant l'arrêt du 27 juin 2019 et dit que dans la dispositif il convenait en réalité de lire 'condamne la société MAAF à payer à M. [Z] [P] 485 743,48 €, provisions de 185 000 € déduites, outre une rente trimestrielle et viagère de 877,50 € à compter du 1er juillet 2019 au titre de l'indemnité de tierce personne indexée conformément aux dispositions de l'article
L. 434-17 du code de la sécurité sociale dont le versement sera suspendu en cas d'hospitalisation d'une durée supérieure à 45 jours prise en charge par un organisme de sécurité sociale, en réparation de son préjudice corporel'.
Pour statuer ainsi, la cour a considéré que, s'il n'est établi par aucune donnée objective que M. [P] n'a pas respecté la vitesse maximale autorisée, les déclarations concordantes de M. [E] et d'un témoin en la personne de M. [U] [G] démontrent qu'il n'a pas adapté sa vitesse aux circonstances de circulation (encombrement de la voie et obstacles prévisibles survenant de voies perpendiculaires) et qu'il ainsi commis une faute de conduite justifiant de réduire son droit à indemnisation de 25 %.
Sur pourvoi formé par M. [P], la Cour de cassation, par arrêt en date du 16 décembre 2021 a cassé et annulé l'arrêt du 27 juin 2019 en toutes ses dispositions, renvoyé les parties dans l'état où elles se trouvaient avec cet arrêt devant la cour d'appel d'Aix en Provence autrement composée, condamné la société MAAF aux dépens et rejeté la demande d'indemnité de l'article
700 du code de procédure civile formée par la société MAAF.
Pour statuer ainsi, elle a considéré, au visa de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, que la cour d'appel, pour dire la société MAAF tenue d'indemniser M. [P] à hauteur de 75 % de ses préjudices corporel et matériel, a retenu une faute consistant à ne pas avoir adapté sa vitesse aux conditions d'encombrement de la voie prioritaire sur laquelle il circulait sans cependant caractériser le lien de causalité entre cette faute et les préjudices dont M. [P] demande l'indemnisation et que ce faisant, elle a violé le texte susvisé.
Par déclaration du 1er mars 2022, la société MAAF a saisi la cour de renvoi afin qu'elle statue sur l'appel interjeté à l'encontre du jugement rendu le 11 avril 2018 par le tribunal de grande instance de Draguignan en ce qu'il a reconnu à M. [P] un droit à indemnisation intégral et en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [P] la somme de 751 758.71 €, soit 566 758.71 € déduction faite des provisions déjà versées, a fixé la créance de la CPAM du Var à la somme de 224 370.72 €, l'a condamnée à verser à M. [P] les intérêts égaux au double du taux légal courant sur la somme de 976 129.43 € entre le 31 août 2015 et le 11 avril 2018 avec capitalisation à compter du 16 mai 2017, outre la somme de 3 000 € au titre des frais irrépétibles, à verser au Fonds de garantie la somme de 48 806,47 €, et également en ce qu'il l'a condamnée aux dépens.
M. [P] a également saisi la cour de renvoi par déclaration remise au greffe le 17 mars 2022.
La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 15 novembre 2022.
Prétentions et moyens des parties
Dans ses dernières conclusions, régulièrement notifiées le 26 avril 2022 , auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, la société MAAF demande à la cour de :
' infirmer le jugement en toutes ses dispositions ;
' débouter M. [P] de l'ensemble de ses demandes ;
Statuant à nouveau,
' juger que M. [P] a commis une faute limitant son droit à indemnisation d'un quart et qu'elle doit en conséquence l'indemniser de 50 % de ses préjudices ;
' fixer la somme revenant à M. [P] après application de la table de capitalisation issue du BCRIV 2021, en tenant compte de la réduction du droit à indemnisation, à la somme totale de 634 139,69 € outre une rente trimestrielle de 780 € à compter du 1er juillet 2019 ;
' évaluer le préjudice matériel à la somme de 1 037,27 €, indemnisable à hauteur de 773,45 € ;
' déduire les provisions versées ainsi que les sommes versées en exécution des décisions des 11 avril 2018, 27 juin et 19 décembre 2019 ;
' prononcer la condamnation en deniers ou quittances ;
' condamner qui il appartiendra aux dépens.
Elle détaille comme suit les postes de préjudice de M. [P] :
- dépenses de santé actuelles : 85 860,60 € soit 64 395,45 € indemnisable, sur lesquels 225,20 € revenant à M. [P],
- frais divers restés à charge : 2 717 € soit 2 037,75 € indemnisable
- perte de gains professionnels, actuels : 24 901,88 € indemnisable dont 3 402,56 € revenant à M. [P] et le surplus à la CPAM ;
- assistance temporaire par tierce personne (14 € de l'heure) : 21 672 € dont 16 254 € indemnisable
- perte de gains professionnels futurs : 377 227,70 € indemnisable dont 365 240,95 € revenant à M. [P] ;
- assistance par tierce personne permanente (14 € de l'heure) : 25 561,82 €, soit 16 731,82 € indemnisable au titre de la période échue, outre pour l'avenir une rente de 780 € par trimestre ;
- incidence professionnelle : 50 000 € dont 37 500 € indemnisable
- frais de véhicule adapté : 46 841,93 € dont 35 131,45 € indemnisable
- frais de logement adapté : 25 104,95 € dont 18 828,71 €indemnisable
- déficit fonctionnel temporaire : 12 050 € dont 9 037,50 € indemnisable
- souffrances endurées : 18 000 € dont 13 500 € indemnisable
- déficit fonctionnel permanent : 119 000 € dont 89 250 € indemnisable
- préjudice esthétique permanent : 6 000 € dont 4 500 € indemnisable
- préjudice d'agrément : 15 000 € dont 11 250 € indemnisable
- préjudice sexuel : 15 000 € dont 11 250 € indemnisable.
Au soutien de son appel et de ses prétentions, elle fait valoir que :
Sur le droit à indemnisation :
- M. [P] qui circulait sur la route nationale 7 à trois voies, remontait à moto une file de véhicule lorsqu'il a heurté le scooter de M. [E] qui traversait la route nationale 7 ;
-M. [E] et un témoin ont déclaré qu'il remontait la file à vive allure et le CESVI France, organisme reconnu, a reconstitué l'accident et estimé la vitesse de M. [P] entre 88 et 105 km/h, alors qu'elle était limitée à 70 km/h ; en tout état de cause, il est ainsi démontré à tout le moins que M. [P] n'a pas adapté sa vitesse aux circonstances puisque, dépassant une file de véhicules et circulant sur une voie encombrée, il devait adapter sa vitesse et en rester maitre ;
- le juge peut fonder sa décision sur un rapport d'expertise officieux qui n'a pas été établi au contradictoire des parties dès lors qu'il a été versé aux débats ;
- la Cour de cassation a admis la réalité de la faute commise par M. [P] ;
- c'est bien à cause d'une vitesse excessive que M. [P] n'a pas été en mesure d'identifier l'obstacle arrivant sur sa gauche, de sorte que la vitesse a eu un impact sur sa visibilité son champs de vision et sa réactivité et, partant, sur son préjudice alors que, s'il avait roulé moins vite, il aurait été en mesure de freiner à temps et d'éviter le choc ;
Sur les préjudices :
- perte de gains professionnels futurs : M. [P] a été déclaré inapte à son emploi qui lui procurait un revenu mensuel net de 1 119,87 € ; en se référant au SMIC mensuel net à partir de 2013, la perte échue s'élève à 119 835,08 € et la perte à échoir sur la base d'une perte de chance de 50 % à 367 152,86 € capitalisée selon un euro de rente viagère, soit au total, 486 987,945 € sur laquelle elle est tenue à hauteur de 365 240,95 € qui reviennent en totalité à M. [P] en application du droit de priorité ;
- incidence professionnelle : elle accepte l'évaluation de ce poste à 50 000 € soit 37 500 € revenant à M. [P] ;
- frais de véhicule adapté : le renouvellement de la dépense pour l'avenir doit être opéré tous les sept ans ;
- frais de logement adapté : le siège selle destiné à faciliter les passages debout-assis, le détecteur de présence et la porte d'entrée avec interphone en sont pas nécessaires au regard des séquelles et les autres aménagements doivent être renouvelés tous les sept ans seulement ;
Sur le doublement du taux de l'intérêt légal : aucune pénalité n'est due puisque son offre du 20 juillet 2015 était complète et suffisante étant observé qu'elle contestait l'étendue du droit à indemnisation et qu'elle était légitime à limiter son offre financière à 50 % des préjudices subis et il en va de même de la pénalité de 5 % au profit du fond de garantie.
Dans ses dernières conclusions d'intimé et d'appel incident, régulièrement notifiées le 9 août 2022, auxquelles il convient de renvoyer pour un exposé plus exhaustif des moyens , M. [P] demande à la cour de :
' déclarer recevable sa demande au titre de l'incidence professionnelle ;
' confirmer le jugement en ce qu'il a dit qu'il n'a commis aucune faute de nature à limiter son
droit à indemnisation ainsi que sur l'évaluation des postes dépenses de santé actuelles, frais divers hors tierce personne, préjudice matériel, déficit fonctionnel temporaire, déficit fonctionnel permanent, préjudice d'agrément, préjudice sexuel, indemnité de l'article
700 du code de procédure civile et dépens ;
' le réformer pour le surplus ;
' condamner la société MAAF à lui payer la somme totale de 1 372 671,52 € en réparation de son entier préjudice ;
' condamner la société MAAF à des intérêts au double du taux légal à compter du 31 août 2015 et jusqu'au 24 juin 2022 sur le montant total de l'offre formulée dans ses conclusions avant imputation des débours de l'organisme social soit 1 060 115,64 € avec capitalisation des intérêts à compter de la date anniversaire de la demande en justice ;
' condamner la société MAAF à lui payer une indemnité de 5 000 € en application de l'article
700 du code de procédure civile au titre des frais exposés devant la cour et aux dépens distraits au profit de son avocat.
Il chiffre ses préjudices de la façon suivante :
- dépenses de santé actuelles : 225,20 €
- frais divers restés à charge : 2717 €
- assistance par tierce personne temporaire (20 € de l'heure) : 30 960 €
- perte de gains professionnels actuels : 3 946,23 €
- perte de gains professionnels futurs : 662 066,93 € après déduction de la rente ARE
- incidence professionnelle : 50 000 €
- assistance permanente de tierce personne (20 € de l'heure) : 332 249,09 €
- frais de véhicule adapté : 48 509,48 €
- frais de logement adapté : 30 952,32 €
- déficit fonctionnel temporaire (30 € par jour) : 13 014 €
- souffrances endurées : 20 000 €
- déficit fonctionnel permanent : 119 000 €
- préjudice esthétique permanent : 8 000 €
- préjudice d'agrément : 30 000 €
- préjudice sexuel : 20 000 €.
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir :
Sur le droit à indemnisation : le conducteur adverse lui a refusé la priorité alors qu'aucune faute n'a été relevé contre lui par les gendarmes et c'est bien le refus de priorité qui est à l'origine de l'accident ; le CESVI France est une émanation du groupe dont la société MAAF fait partie, de sorte qu'au delà de l'absence de contradictoire, ce rapport n'est pas objectif et en tout état de cause, il a été établi au vu des seuls procès verbaux, sans déplacement sur les lieux de l'accident et procède par supputations qu'aucun autre élément n'étaye ;
- avant la collision, il remontait une fil de voiture à une vitesse réglementaire et prudemment, sans dévier de sa voie de circulation et à une vitesse adaptée ; il ne pouvait s'attendre à ce qu'un scooter traverse les trois voies pour venir par la gauche le percuter ; n'ayant aucun moyen de voir ce scooter arriver, même s'il avait roulé plus lentement, il ne pouvait éviter la collision qui est exclusivement due au comportement du conducteur du véhicule impliqué, étant relevé que rien ne démontre que les dommages auraient été différents et moindres s'il avait roulé moins vite ;
Sur les préjudices :
- au titre de la perte de gains professionnels futurs : il est inapte à toute profession et il a d'ailleurs été licencié pour inaptitude ; il n'a aucun autre diplôme ou qualification lui permettant de se reconvertir ; si la médecine du travail l'a déclaré apte à un poste administratif, il n'a jamais pu retrouver d'emploi à ce jour, étant observé que sa main gauche ne peut en tout état de cause être trop sollicitée ; le revenu de référence doit être réactualisé afin de tenir compte de l'érosion monétaire ; la perte échue doit être indemnisée intégralement et la perte à échoir selon une perte de chance de 80 % si on considère que ses chances de retrouver un emploi sont théoriques ; la perte annuelle revalorisée doit être capitalisée selon un indice de rente viager afin de tenir compte de l'incidence sur les droits à la retraite ;
- au titre de l'assistance par tierce personne : il a droit à un capital, la rente étant incompatible avec les projets de vie des grands handicapés et soumise à une indexation dépendante des pouvoirs publics et ne suivant pas l'évolution réelle du coût de la vie ;
- au titre des frais de logement adapté : l'expert a préconisé toutes les aides techniques susceptibles d'offrir une compensation, notamment celles prévues par l'ergothérapeute à l'exception du siège ;
- déficit fonctionnel temporaire : il doit être indemnisé à 30 € par jour afin de tenir compte de l'importance de la privation de toutes les activités d'agrément compte tenu de son jeune âge ;
Sur le doublement du taux de l'intérêt légal : l'expert a déposé son rapport le 30 mars 2015 ; l'assureur lui a proposé seulement 205 088,36 €, somme notoirement insuffisante et en tout état de cause incomplète ; en revanche, l'offre contenue dans les dernières conclusions d'appel, plus conséquente, bien que tardive, est complète et suffisante pour arrêter le cours des intérêts au double du taux, de sorte que ceux-ci courront du 31 août 2015 jusqu'au 24 juin 2022.
La CPAM du Var et, assignée par la société MAAF et M. [P], par actes d'huissier des 29 avril, 9 mai, 2 juin et 29 août 2022, délivrés à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel et des conclusions, n'a pas constitué avocat.
Par courrier adressé au greffe de la cour d'appel le 24 juillet 2018 elle a fait connaître le montant définitif de ses débours pour 165 869,26 € correspondant à :
- des prestations en nature : 83 899,92 €
- des indemnités journalières versées du 29 juillet 2011 au 18 mars 2014 : 29 799,94 €
- les arrérages d'une rente versée du 12 décembre 2013 au 15 juillet 2015 : 5 090,27 €
- le capital représentatif de la rente de : 103 944,21 €.
La mutuelle Entrain, assignée par M. [P] par acte d'huissier du 9 juin 2022, délivré à personne habilitée et contenant dénonce de l'appel et des conclusions, n'a pas constitué avocat.
*****
L'arrêt sera réputé contradictoire conformément aux dispositions de l'article
474 du code de procédure civile.
Motifs de la décision
Sur le droit à indemnisation
En application des articles 4 et 5 de la loi du 5 juillet 1985, d'application autonome, le conducteur victime d'un accident de la circulation est indemnisé des dommages qu'il a subis sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice, laquelle a pour effet de limiter ou d'exclure son indemnisation.
S'il peut être fait référence au comportement d'un autre conducteur pour analyser les circonstances de l'accident, la faute du conducteur qui demande réparation de son préjudice doit être appréciée dans sa seule personne en faisant abstraction du comportement du conducteur de l'autre véhicule impliqué.
Par ailleurs, cette faute doit être en relation avec la réalisation du dommage.
En l'espèce, il résulte des pièces produites aux débats que les circonstances de la collision entre le véhicule conduit par M. [P] et le véhicule conduit par M. [E], assuré auprès de la société MAAF sont les suivantes :
- l'accident a eu lieu sur la route nationale 7 qui comporte deux voies en direction [Localité 5] et une voie en direction de [Localité 6], séparées par une ligne continue si on se réfère à la photographie figurant dans le rapport du CESVI, corroborée par les déclarations du témoin, M. [U] [G] qui précise que M. [P], en doublant les véhicules, n'a pas 'franchi la ligne continue' ;
- les trois voies de circulation étaient encombrées ;
- M. [E], qui venait de la gauche, a traversé perpendiculairement les deux voies allant en direction [Localité 5], puis la voie allant vers [Localité 6], dans l'intention de rejoindre une rue en face ;
- la collision s'est produite sur la voie allant en direction de [Localité 6] dans le sens de circulation de M. [P].
M. [U] [G], témoin, a déclaré qu'il était pratiquement à l'arrêt dans une file de véhicules sur la nationale 7 en direction de [Localité 6] lorsqu'il a été doublé par la gauche par un motard qui remontait « assez vivement la file ». Ce témoin précise avoir pu constater qu'il ne franchissait pas la ligne continue car les véhicules se serraient sur leur droite pour le laisser passer et que le choc s'est produit lorsqu'un cyclomoteur, sorti d'un chemin à gauche, a coupé les deux voies de circulation et a été percuté au moment où il s'engageait sur la troisième voie allant vers [Localité 6].
Dès lors que la faute de M. [P] doit être appréciée en faisant abstraction du comportement de M. [E] il importe peu de déterminer si ce dernier a, ou non, contrevenu aux règles de circulation.
La société MAAF reproche à M. [P] une vitesse excessive par rapport à la vitesse réglementée ou à tout le moins inadaptée aux circonstances de circulation et soutient que cette faute est à l'origine de son dommage en ce que s'il avait adapté sa vitesse, il aurait été en mesure de réagir au surgissement du véhicule de M. [E] et la collision n'aurait pas eu lieu.
De son côté, M. [P] conteste le caractère excessif ou inadapté de sa vitesse et soutient qu'en tout état de cause, la faute qui lui est reprochée n'est pas à l'origine de l'accident dès lors que le surgissement de M. [E] sur sa voie de circulation n'était pas prévisible.
Aucune donnée objective relevée par les gendarmes ne démontre que M. [P] n'a pas respecté la vitesse maximale autorisée sur la portion de la route nationale 7 sur laquelle il circulait, qui était de 70 km/h.
La société MAAF produit aux débats un rapport du CESVI France estimant la vitesse de circulation de M. [P] au moment de la collision entre 88 et 105 km/h.
Ce rapport officieux n'a pas été établi au contradictoire des parties et si le juge a la possibilité de se référer à un rapport officieux, c'est à la condition qu'il soit corroboré par d'autres pièces.
En l'espèce, les déclarations du témoin, M. [G] qui indique que M. [P] remontait la file 'assez vivement' sont insuffisantes pour établir qu'il circulait à une vitesse supérieure à la vitesse réglementaire.
Aucun élément extérieur au rapport du CESVI ne vient donc corroborer les conclusions de celui-ci quant à la vitesse excessive imputée à M. [P], de sorte que ses conclusions sur l'excès de vitesse procèdent de supputations qu'aucun autre élément n'étaye.
L'article
R 413-17 du code de la route dispose que les vitesses maximales autorisées ne s'entendent que dans des conditions optimales de circulation, à savoir bonnes conditions atmosphériques, trafic fluide et véhicule en bon état et qu'elles ne dispensent en aucun cas le conducteur de rester constamment maître de sa vitesse et de régler cette dernière en fonction de l'état de la chaussée, des difficultés de la circulation et des obstacles prévisibles.
Il en résulte que tout conducteur, bien que circulant sur une voie prioritaire, doit adapter sa vitesse aux conditions de circulation afin d'être en mesure de réagir en cas d'obstacle prévisible.
En l'espèce, il résultant des déclarations de M. [G], témoin de la collision, que la voie de circulation allant en direction de [Localité 6] était encombrée par des véhicules qui étaient quasiment à l'arrêt et que M. [P], au guidon de sa motocyclette, remontait 'assez vivement' la file de voitures, profitant du passage que les automobilistes lui laissaient en serrant à droite.
Selon M. [E], les deux voies en direction [Localité 5] étaient également encombrées.
M. [P] aurait dû adapter sa vitesse à l'encombrement des voies par des véhicules pratiquement à l'arrêt, notamment afin d'être en mesure, en cas d'obstacle de réagir.
L'obstacle prévisible est celui que l'on peut prévoir, c'est à dire envisager ou calculer à l'avance, ce qui est le cas d'un véhicule surgissant sur la trajectoire d'un autre véhicule sur une voie ouverte à la circulation.
En ne réglant pas sa vitesse en fonction des conditions de la circulation, plus particulièrement de l'encombrement de la chaussée, M. [P] a commis une faute de conduite de nature à exclure ou limiter son droit à indemnisation.
Cependant, il a été rappelé plus haut que pour exclure ou réduire le droit à indemnisation de la victime conductrice, la faute doit être en relation avec la réalisation du dommage. Hors le cas de causalité ou d'imputabilité présumée, la charge de la preuve du lien de causalité pèse sur le demandeur qui doit démontrer que la faute de la victime est en relation avec la réalisation du dommage.
En l'espèce, il appartient à la société MAAF, assureur du véhicule impliqué, de démontrer que la faute imputée à M. [P] est à l'origine de son dommage.
Or, les circonstances de la collision qui est à l'origine de la chute de M. [P] ont été rappelées plus haut. Il en résulte que le véhicule de M. [E] est survenu brusquement sur la voie de circulation de M. [P], en provenance de la gauche de la chaussée après qu'il a traversé perpendiculairement les deux voies de circulation allant en direction [Localité 5], en s'intercalant entre les véhicules puis franchi la ligne continue.
Le témoin, M. [G] précise que M. [E] a 'soudain' traversé perpendiculairement les deux voies de gauche en direction de la commune [Localité 5], elles-mêmes embouteillées et sans aucune visibilité, avant d'être percuté par M. [P].
M. [E] a lui même déclaré qu'au moment où il a effectué cette manoeuvre périlleuse, 'sa visibilité était cachée par des véhicules'.
Il se déduit de ces déclarations que, si un obstacle est toujours prévisible sur la chaussée et contraint le conducteur à régler sa vitesse afin d'être en mesure de l'anticiper, en l'espèce, compte tenu du caractère très soudain de la présence de M. [E] dans la voie de circulation allant vers [Localité 6], il n'est démontré par aucun élément qu'en roulant moins vite, M. [P] aurait pu éviter la collision et sa chute au sol.
Aucun élément objectif ne démontre que la vitesse à laquelle circulait M. [P] a eu, compte tenu du surgissement soudain de M. [E], une incidence sur son temps de réaction et que, sauf à être lui même à l'arrêt, en circulant à une vitesse inférieure, il aurait pu éviter la collision et le dommage corporel qui est résulté de sa chute au sol.
En considération de ces éléments, son droit à indemnisation ne saurait être limité.
Le jugement doit ainsi être confirmé en ce qu'il a retenu un droit à indemnisation intégral.
Sur le préjudice corporel
L'expert, le docteur [X], indique que M. [P] a souffert de fractures fermées déplacées du poignet droit et du poignet gauche, de fractures ouvertes des troisième, quatrième, cinquième métacarpiens de la main gauche avec rupture des tendons extenseurs du cinquième doigt gauche et plaie articulaire de la métacarpophalangienne, d'une entorse grave du genou gauche et de la cheville gauche avec arrachement osseux antérieur et d'un traumatisme thoracique.
De ces blessures, il conserve comme séquelles :
- léger déficit de flexion-extension sans perte de force fonctionnelle de la main et du poignet droits ;
- au niveau du membre supérieur gauche, une perte de fonctionnalité de la main et du poignet gauche qui servent de contre-appui avec un déficit musculaire majeur sur tous les doigts, une absence d'orientation du pouce, de l'index et de la pince ainsi qu'un très léger déficit de flexion du coude ;
- au niveau du genou gauche, une séquelle d'entorse du ligament croisé postérieur avec limitation des accroupissements et une discrète instabilité latérale ;
- une labilité émotionnelle séquellaire non structurée ;
- des cicatrices très nettement visibles au pli de l'aine.
L'expert conclut à :
- un déficit fonctionnel temporaire total du 28 juillet 2011 au 24 octobre 2011, du 7 au 9 mars 2013 et du 11 au 13 septembre 2013 ;
- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50 % du 25 octobre 2011 au 7 mars 2013, du 10 mars 2013 au 11 septembre 2013 et du 14 septembre 2013 au 12 décembre 2013 ;
- un arrêt de l'activité professionnelle du 28 juillet 2011 au 12 décembre 2013 ;
- une consolidation au 12 décembre 2013
- un préjudice professionnel par inaptitude au poste de travail avec reconversion possible sous réserve de restrictions, tout emploi nécessitant une prise bi-manuelle étant très difficile ;
- des frais de véhicule adapté
- des frais de logement adapté
- des souffrances endurées de 4,5/7
- un déficit fonctionnel permanent de 35 %
- un préjudice esthétique permanent de 3,5/7
- un préjudice d'agrément
- un préjudice sexuel
- un besoin d'assistance de tierce personne de deux heures par jour du 25 octobre 2011 au 7 mars 2013, du 10 mars 2013 au 11 septembre 2013 et du 14 septembre 2013 au 12 décembre 2013 et cinq heures par semaine à titre viager ;
Son rapport constitue une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime, née le [Date naissance 2] 1992, de son activité de carrossier et de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.
M. [P] était âgé de 19 ans au moment de l'accident et de 21 ans au jour de la consolidation. Il est actuellement âgé de 31 ans.
Les parties ne contestent pas l'évaluation par le premier juge des postes suivants :
- dépenses de santé actuelles : 85 860,60 € dont 83 899,92 € revenant à la CPAM, 1 735,48 € revenant à la mutuelle Entrain et 225,20 € revenant à M. [P],
- déficit fonctionnel permanent : 119 000 €.
Par ailleurs, devant la cour, elles s'accordent pour évaluer les frais divers à 2 717 € et l'incidence professionnelle à 50 000 €.
L'évaluation du dommage devant être faite au jour où la cour statue, le barème de capitalisation utilisé sera celui publié à la gazette du palais du 15 septembre 2020, taux 0,3 %, qui apparaît approprié, eu égard aux données démographiques et économiques actuelles.
Préjudices patrimoniaux
temporaires (avant consolidation)
- Perte de gains professionnels actuels 33 746,16 €
Ce poste vise à compenser une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.
Selon certificat de travail du 31 août 2011, M. [P] a été employé de la société Satac [Localité 6] à compter du 1er septembre 2010, d'abord en qualité d'apprenti carrossier, puis en qualité de tôlier ferreur.
La société MAAF ne conteste pas l'évaluation à 1 165 € nets par mois du revenu de référence.
L'expert a retenu un arrêt de l'activité professionnelle du 28 juillet 2011 au 12 décembre 2013, soit 869 jours.
Sa perte de gains s'établit ainsi à la somme de 33 746,16 € (1 165/30 x 369 jours) pour les périodes d'arrêt d'activité retenus par l'expert.
Des indemnités journalières ont été versées du 29 juillet 2011 au 18 mars 2014 par la CPAM pour un montant de 30 525,70 €, ce qui représente sur la période d'arrêt retenue par l'expert 29 799,94 € qui s'imputent sur ce poste de dommage qu'elles ont vocation de réparer, de sorte que la somme revenant personnellement à la victime s'établit à 3 946,22 €.
- Assistance de tierce personne 27 900 €
La nécessité de la présence auprès de M. [P] d'une tierce personne n'est pas contestée dans son principe ni son étendue pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie mais elle reste discutée dans son coût.
L'expert précise, en effet, qu'il a eu besoin d'une aide de deux heures par jour du 25 octobre 2011 au 7 mars 2013 (500 jours), du 10 mars 2013 au 11 septembre 2013 (186 jours) et du 14 septembre 2013 au 12 décembre 2013 (89 jours).
En application du principe de réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées. Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, des tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire moyen de 18 €.
L 'indemnité de tierce personne s'établit à 27 900 €.
Préjudices patrimoniaux
permanents (après consolidation)
- Perte de gains professionnels futurs 587 354,42 €
Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.
Il résulte des pièces produites aux débats que le 3 février 2014, le médecin du travail a émis un avis d'inaptitude de M. [P] à son poste de carrossier, précisant qu'il n'était plus en mesure d'effectuer avec sa main gauche des travaux manuels impliquant des mouvements de préhension répétée de la main. Il a, en conséquence préconisé un reclassement sur un poste à caractère administratif sans sollicitations importantes de la main gauche avec une seconde visite le 18 février 2014.
L'issue de cette seconde visite n'est pas connue.
En revanche, la société MAAF ne conteste pas que le licenciement de M. [P] par son employeur le 31 août 2014 est intervenu pour inaptitude, en raison des blessures causées par l'accident.
L'expert judiciaire retient lui-même une inaptitude au poste de travail.
Le calcul de la perte de gains professionnels futurs impose de distinguer perte échue et perte à échoir. La première correspond à la perte de revenus certaine et se calcule en multipliant la perte annuelle par le nombre d'années écoulées. La seconde se calcule en multipliant la perte annuelle de revenus par l'euro de rente correspondant au sexe et à l'âge de la victime au jour de la liquidation en tenant compte des pertes de retraite éventuelles.
Dans le cadre de l'analyse de la perte de gains professionnels actuels, la société MAAF ne conteste pas l'évaluation à 1 165 € nets par mois du salaire de référence. Elle ne peut donc utilement le contester s'agissant de la perte de gains professionnels futurs puisque cette perte après consolidation est également calculée à partir du salaire antérieur à l'accident.
Dès lors qu'il a été licencié pour inaptitude et que l'expert retient une inaptitude à son poste de travail en lien avec l'accident, M. [P] a droit à l'indemnisation de la totalité des pertes de gains professionnels échues, soit celles subies entre la date de consolidation et le jour de la liquidation.
Par ailleurs, la réparation du préjudice devant être intégrale, la perte de gains doit être actualisée au jour où le juge statue afin de compenser les effets de la dépréciation monétaire. Il convient donc, conformément à la demande, de revaloriser le revenu de référence en s'appuyant sur l'évolution du SMIC entre 2013 et 2022, ce qui donne sur la base d'un salaire de 1 165 € en 2011 :
- 2013 (SMIC à 1 120,43 €) : 1 217,55 €
- 2014 (SMIC à 1 128,70 €) : 1 226,54 €
- 2015 (SMIC à 1 135,99 €) : 1 234,46 €
- 2016 (SMIC à 1 141,61 €) : 1 240,57 €
- 2017 (SMIC à 1 151,50 €) : 1 251,32 €
- 2018 (SMIC à 1 173,60 €) : 1 275,34 €
- 2019 (SMIC à 1 204,19 €) : 1 308,58 €
- 2020 (SMIC à 1 219 €) : 1 324,67 €
- 2021 (SMIC à 1 231 €) : 1 337,71 €
- 2022 (SMIC à 1 269,45 €) : 1 379,50 €.
Entre le 12 décembre 2013 et le 26 janvier 2023, M. [P] aurait dû percevoir :
- 2013 : 811,70 €
- 2014 : 14 718,48 € (1226,64 x 12 mois)
- 2015 : 14 813,52 € (1 234,46 x 12 mois)
- 2016 : 14 886,84 (1 240,57 x 12 mois )
- 2017 : 15 015,84 € (1 251,32 x 12 mois)
- 2018 : 15 304,08 € (1 275,34 x 12 mois)
- 2019 : 15 702,96 € (1 308,58 x 12 mois)
- 2020 : 15 896,04 € (1 324,67 x 12 mois)
- 2021 : 16 052,52 € (1 337,71 x 12 mois)
- 2022 : 16 554 € (1 379,50 x 12 mois)
- 2023 : 1 057,61 € (1 379,50/30 x 23 jours),
et au total, 140 813,59 €.
S'agissant de l'avenir, M. [P] n'est pas inapte à tout emploi. Il est apte à exercer un emploi qui ne nécessite pas une prise manuelle. Son préjudice s'analyse donc en une perte de chance, telle que retenue par le premier juge, que la cour, au regard de son âge, du fait qu'il est titulaire d'un baccalauréat et de l'état actuel du marché de l'emploi, évalue à 60 %.
Compte tenu de son jeune âge lors de l'accident, cette perte doit être capitalisée à titre viager afin de tenir compte de l'incidence de la perte de gains sur ses droits à la retraite, soit un euro de rente de 44,958 pour un homme âgé de 31 ans à la liquidation.
La perte à échoir s'établit donc à 446 540,83 € (1 379,50 x12 x 60 % x 44,958).
Au total, la perte de gains professionnels futurs s'élève à 587 354,42 €.
Sur cette indemnité s'imputent le reliquat d'indemnités journalières versées après consolidation par la CPAM du 19 février 2014 au 18 mars 2014, soit 725,76 € et la rente accident du travail réglée par la CPAM, soit 109 034,48 € et au total 109 760,24 € qu'elles ont vocation à réparer.
Une indemnité de 477 594,18 € revient donc à M. [P] à ce titre.
- Aides techniques 28 899,25 €
Le poste correspond aux frais que doit débourser la victime directe à la suite du dommage pour adapter son environnement à son handicap.
Se référant à l'évaluation réalisée par Mme [L] [O] [S], ergothérapeute, soumise à l'appréciation de l'expert et au contradictoire des parties, M. [P] réclame l'indemnisation de l'acquisition d'un sèche linge, d'un lave vaisselle, de trois mitigeurs automatiques, d'un robot cuiseur, d'une poubelle automatique, de distributeurs automatiques de savon, d'un presse agrumes, d'un aspirateur robot, de barres d'appui, d'un rouleau pâtisserie, d'un couteau fourchette, d'une mandoline, d'un ouvre boîte à couvercles, d'une planche à découper, d'un ouvre boîte et d'une brosse à dos, pour un montant total de 30 952,32 €.
Parmi ces aides techniques, dans un dire adressé à l'expert la société MAAF a contesté l'utilité du sèche linge et du lave vaisselle, de la poubelle à ouverture automatique, du rouleau à pâtisserie et du robot mixeur cuiseur.
L'expert a estimé que le lave vaisselle et le sèche linge étaient indispensables au titre de l'impossibilité de mouvement en torsion ou rotation du poignet et d'adaptation du geste fin, que la poubelle à ouverture automatique constitue une aide même si elle est minime, et que plus généralement les appareillages permettant de pallier l'absence de rotation du poignet sont indispensables, ce qui vaut pour le rouleau à pâtisserie.
Compte tenu de la nature des séquelles, particulièrement de l'impossibilité de réaliser les mouvements de rotation du poignet, le mitigeur automatique, le robot cuiseur, les distributeurs automatiques de savon, le presse agrumes, l'aspirateur robot, le couteau fourchette, la mandoline, l'ouvre boîte à couvercles et l'ouvre boîte, de même que la planche à découper et la brosse à dos sont indispensables pour pallier le handicap puisqu'il s'agit d'équipements qui permettent de pallier l'impossibilité de réaliser des préparations culinaires ou des tâches impliquant une rotation du poignet.
Il convient de les indemniser comme suit, selon les devis produits aux débats, en retenant une fréquence de renouvellement de sept ans pour le sèche linge, le lave vaisselle, les mitigeurs automatiques, les barres d'appui, le couteau fourchette, et la planche à découper, de 10 ans pour le rouleau à pâtisserie, de cinq ans pour le robot cuiseur, la poubelle automatique, les distributeurs de savon, le presse agrumes, l'aspirateur robot, la mandoline et les ouvre boites et de 3 ans pour la brosse à dos, soit :
-sèche linge au coût unitaire de 319 € : 638 € au titre des frais échus (décembre 2013 puis 2020) ; le coût annuel s'élève à 45,57 €, soit après capitalisation selon l'indice de rente viagère correspondant à un homme âgé de 35 ans lors du prochain renouvellement en 2027 (41,639), 1 897,48 € et au total, 2 535,48 € ;
- lave vaisselle au coût unitaire de 299 € : 598 € au titre des frais échus (décembre 2013 puis 2020) ; le coût annuel s'élève à 42,71 €, soit après capitalisation selon l'indice de rente viagère correspondant à un homme âgé de 35 ans lors du prochain renouvellement en 2027 (41,639), 1 778,01 € et au total, 2 376,01 € ;
- trois mitigeurs automatiques au coût de 255 € : 510 € au titre des frais échus (décembre 2013 puis 2020) ; le coût annuel s'élève à 36,42 €, soit après capitalisation selon l'indice de rente viagère correspondant à un homme âgé de 35 ans lors du prochain renouvellement en 2027 (41,639), 1 516,49 € et au total, 2 026,49 € ;
- robot cuiseur au coût unitaire de 1 299 € : 2 598 € au titre des frais échus (décembre 2013 puis 2018) ; le coût annuel s'élève à 259,80 €, soit après capitalisation selon l'indice de rente viagère correspondant à un homme âgé de 32 ans lors du prochain renouvellement en 2023 (44,130), 11 464,97 € et au total, 14 062,97 € ;
- poubelle automatique au coût unitaire de 36,80 € : 73,60 € au titre des frais échus (décembre 2013 puis 2018) ; le coût annuel s'élève à 7,36 €, soit après capitalisation selon l'indice de rente viagère correspondant à un homme âgé de 32 ans lors du prochain renouvellement en 2023 (44,130), 324,79 € et au total, 398,39 € ;
- trois distributeurs automatiques de savon au coût de 65 € : 130 € au titre des frais échus (décembre 2013 puis 2018) ; le coût annuel s'élève à 13 €, soit après capitalisation selon l'indice de rente viagère correspondant à un homme âgé de 32 ans lors du prochain renouvellement en 2023 (44,130), 573,69 € et au total, 703,69 € ;
- presse agrumes au coût unitaire de 34,99 € : 69,98 € au titre des frais échus (décembre 2013 puis 2018) ; le coût annuel s'élève à 6,99 €, soit après capitalisation selon l'indice de rente viagère correspondant à un homme âgé de 32 ans lors du prochain renouvellement en 2023 (44,130), 308,82 € et au total, 378,80 € ;
- aspirateur robot au coût unitaire de 299 € : 598 € au titre des frais échus (décembre 2013 puis 2018) ; le coût annuel s'élève à 59,80 €, soit après capitalisation selon l'indice de rente viagère correspondant à un homme âgé de 32ans lors du prochain renouvellement en 2023 (44,130), 2 638,97 € et au total, 3 236,97 € ;
- barres d'appui au coût unitaire de 17,90 € : 35,80 € au titre des frais échus (décembre 2013 puis 2020) ; le coût annuel s'élève à 2,55 €, soit après capitalisation selon l'indice de rente viagère correspondant à un homme âgé de 35 ans lors du prochain renouvellement en 2027 (41,639), 106,17 € et au total, 141,97 € ;
- rouleau à pâtisserie au coût unitaire de 62 € : 62 € au titre des frais échus (décembre 2013); le coût annuel s'élève à 6,20 €, soit après capitalisation selon l'indice de rente viagère correspondant à un homme âgé de 32 ans lors du prochain renouvellement en 2023 (44,130), 273,60 € et au total, 335,60 € ;
- couteau fourchette au coût unitaire de 28,50 € : 57 € au titre des frais échus (décembre 2013 puis 2020) ; le coût annuel s'élève à 4,07 €, soit après capitalisation selon l'indice de rente viagère correspondant à un homme âgé de 35 ans lors du prochain renouvellement en 2027 (41,639), 169,47 € et au total, 226,47 € ;
- mandoline au coût unitaire de 29,90 € : 59,80 € au titre des frais échus (décembre 2013 puis 2018) ; le coût annuel s'élève à 5,98 €, soit après capitalisation selon l'indice de rente viagère correspondant à un homme âgé de 32 ans lors du prochain renouvellement en 2023 (44,130), 263,89 € et au total, 323,69 € ;
- ouvre boîte (couvercles) au coût unitaire de 29,95 € : 59,90 € au titre des frais échus (décembre 2013 puis 2018) ; le coût annuel s'élève à 5,99 €, soit après capitalisation selon l'indice de rente viagère correspondant à un homme âgé de 32 ans lors du prochain renouvellement en 2023 (44,130), 264,33 € et au total, 324,23 € ;
- planche à découper au coût unitaire de 85 € : 170 € au titre des frais échus (décembre 2013 puis 2020) ; le coût annuel s'élève à 12,14 €, soit après capitalisation selon l'indice de rente viagère correspondant à un homme âgé de 35 ans lors du prochain renouvellement en 2027 (41,639), 505,49 € et au total, 675,49 € ;
- ouvre boîte au coût unitaire de 34,99 € : 69,98 € au titre des frais échus (décembre 2013 puis 2018) ; le coût annuel s'élève à 6,99 €, soit après capitalisation selon l'indice de rente viagère correspondant à un homme âgé de 32 ans lors du prochain renouvellement en 2023 (44,130), 308,82 € et au total, 378,80 € ;
- brosse à dos au coût unitaire de 42 € : 168 € au titre des frais échus (décembre 2013, 2016,2019 et 2022) ; le coût annuel s'élève à 14 €, soit après capitalisation selon l'indice de rente viagère correspondant à un homme âgé de 33 ans lors du prochain renouvellement en 2025 (43,300), 606,20 € et au total, 774,20 €
Au total, les aides techniques s'élèvent à 28 899,25 €.
- Assistance par tierce personne 253 256,30 €
La nécessité de la présence auprès de M. [P] d'une tierce personne n'est pas contestée dans son principe ni son étendue pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, suppléer sa perte d'autonomie mais elle reste discutée dans son coût.
L'expert précise, en effet, qu'elle a besoin d'une aide de cinq heures par semaine à titre viager.
En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées. Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, des tarifs d'aide à domicile en vigueur dans la région, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire moyen de 18 €.
L 'indemnité de tierce personne échue s'élève à 42 852,86 €.
Le coût annuel s'élève à 4 680 (260 heures x18). Il doit être capitalisé selon l'indice de rente viagère pour un homme âgé de 31 ans à la liquidation, soit 44,958. En conséquence, l'indemnité à échoir s'élève à 210 403,44 €.
Au total, l'indemnité d'assistance par tierce personne après consolidation s'élève à 253 256,30 €.
M. [P] est encore jeune à ce jour puisqu'il est âgé de seulement 31 ans. Or, le besoin compensé par l'indemnité d'assistance par tierce personne est pérenne. Une indemnité sous forme de rente est plus protectrice des intérêts de la victime qui doit pouvoir être certaine de bénéficier de fonds jusqu'à son décès.
En conséquence, pour la période à échoir, l'indemnité sera versée sous forme de rente trimestrielle et viagère d'un montant de 1 170 € (210 403,44 €/44,958/4), indexée conformément aux dispositions de l'article 434-17 du code de la sécurité sociale et dont le versement sera suspendu en cas d'hospitalisation de plus de 45 jours.
- Frais de véhicule adapté 46 841,93 €
Ce poste correspond aux frais que doit la victime doit engager à la suite du dommage pour adapter son véhicule à son handicap et bénéficier ainsi d'un moyen de déplacement en adéquation avec celui-ci.
Il est indemnisé selon la nature et l'importance du handicap de la victime, des possibilités d'aménagement du véhicule existant ou de la nécessité de changer de véhicule.
En l'espèce, l'expert a retenu la nécessité d'une boîte automatique avec boule au volant multifonctions.
M. [P] justifie par un devis de la société Handimobil, spécialisée dans l'adaptation des véhicules pour personnes à mobilité réduite, que le coût d'adaptation par installation d'une boîte automatique, s'élève à 2 220 € et que le coût d'une boule au volant à 3 492,05 €.
L'expert et l'ergothérapeute ont également retenu la nécessité de leçons de conduite d'un permis BA pour un coût de 762 €.
Ces surcoûts liés au handicap ne peuvent demeurer sans réparation.
La fréquence de renouvellement des équipements sera fixée à 7 ans.
Par ailleurs, pour être indemnisée, la victime n'a pas à justifier de l'engagement effectif de la dépense, mais seulement de la réalité et du chiffrage du besoin.
Les frais de véhicule adapté sont donc les suivants :
- coût net de la première acquisition et de son renouvellement en 2020 : 11 424,10 €
- coût des cours de conduite : 762 €
- dépense annuelle : 816 €
- capitalisation pour le futur selon l'indice de rente viagère pour un homme âgé de 35 ans lors du prochain renouvellement en 2027, soit 41,639 : 33 977,42 € (816 € X 41,639),
et au total, la somme de 46 163,52 € revenant à M. [P], portée à la somme de 46 841,93 € afin de ne pas méconnaître l'objet du litige.
Préjudices extra-patrimoniaux
temporaires (avant consolidation)
- Déficit fonctionnel temporaire 12 987 €
Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence, le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.
Il doit être réparé sur la base d'environ 810 € par mois, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie soit :
- déficit fonctionnel temporaire total du 28 juillet 2011 au 24 octobre 2011, du 7 au 9 mars 2013 et du 11 au 13 septembre 2013 : 2 511 €
- un déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50 % du 25 octobre 2011 au 7 mars 2013, du 10 mars 2013 au 11 septembre 2013 et du 14 septembre 2013 au 12 décembre 2013 : 10 476 €,
et au total la somme de 12 987 €.
- Souffrances endurées 20 000 €
Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime en raison des hospitalisations, des interventions, des pansements, des soins et du suivi ; évalué à 4,5/7 par l'expert, il justifie l'octroi d'une indemnité de 20 000 €.
Préjudices extra-patrimoniaux
permanents (après consolidation)
- Préjudice esthétique 8 000 €
Ce poste de dommage cherche à réparer les atteintes physiques et plus généralement les éléments de nature à altérer l'apparence physique.
Évalué à 3,5/7 au titre de très multiples cicatrices très visibles au pli de l'aine, de la main droite et de l'avant bras gauche, il doit être indemnisé à hauteur de 8 000 €.
- Préjudice d'agrément 20 000 €
Ce poste de dommage vise exclusivement l'impossibilité ou la difficulté pour la victime à poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir.
En l'espèce, l'expert retient que de nombreuses sports sont désormais quasiment impossibles.
M. [P] souffre de limitations fonctionnelles au niveau de la main et du poignet droit, des doigts de la main gauche et du genou gauche.
Il justifie ne plus pouvoir pratiquer les activités sportives auxquelles il s'adonnait régulièrement avant l'accident, à savoir le vélo tous terrains, la moto, le tennis et le ski, suivant attestations concordantes de Mmes [A] [J], [F] [C], [Y] [V] et de MM. [D] [M], [N] [R] et [W] [K], ce qui justifie, compte tenu du jeune âge de M. [P] lors de l'accident, l'octroi d'une indemnité de 20 000 €.
- Préjudice sexuel 20 000 €
Ce poste comprend divers types de préjudices touchant à la sphère sexuelle et notamment celui lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel.
L'expert tout en insistant sur l'absence de séquelles fonctionnelles dans la sphère sexuelle, retient une 'très nette' incidence sur la vie intime, de manière directe, certaine et définitive.
L'assureur ne conteste pas le principe de ce préjudice sexuel.
La perte de libido étant incontestable, justifie, compte tenu du jeune âge de M. [P] à la consolidation, une indemnité de 20 000 €.
Récapitulatifs des préjudices
Postes de préjudice
Préjudice total
Part victime
Part CPAM
Part mutuelle
Dépenses de santé actuelles
85 860,60 €
225,20 €
83 899,92 €
1 735,48 €
Frais divers
2 717 €
2 717 €
-
-
Perte de gains professionnels actuels
33 746,16 €
3 946,22 €
29 789,94 €
-
Assistance par tierce personne temporaire
27 900 €
27 900 €
-
-
Perte de gains professionnels futurs
587 354,42 €
477 594,18 €
109 760,24 €
-
Incidence professionnelle
50 000 €
50 000 €
-
-
Assistance par tierce personne permanente
42 852,86 € + rente de 1 170 €/trimestre
42 852,86 € + rente de 1 170 €/trimestre
-
-
Aides techniques
28 899,25 €
28 899,25 €
-
-
Frais de véhicule adapté
46 841,93 €
46 841,93 €
-
-
Déficit fonctionnel temporaire
12 987 €
12 987 €
-
-
Souffrances endurées
20 000 €
20 000 €
-
-
Déficit fonctionnel permanent
119 000 €
119 000 €
-
-
Préjudice esthétique permanent
8 000 €
8 000 €
-
-
Préjudice d'agrément
20 000 €
20 000 €
-
-
Préjudice sexuel
20 000 €
20 000 €
-
-
Total
1 106 159,22 € + rente de 1 170 €/trimestre
881 013,64 €
+ rente de 1 170 €/trimestre
223 410,10 €
1 735,48 €
Le préjudice corporel global subi par M. [P] s'établit ainsi à la somme de 1 106 159,22 €, outre une rente trimestrielle de 1 170 €, soit, après imputation des débours de la CPAM (223 410,10 €), et de la mutuelle Entrain (1 735,48 €) une somme de 881 013,64 € à laquelle s'ajoute une rente trimestrielle de 1 170 € lui revenant. En application de l'article
1231-7 du code civil, la somme en capital porte intérêts au taux légal à compter du prononcé du jugement, soit le 11 avril 2018 à hauteur de 566 758,71 € et du prononcé du présent arrêt soit le 26 janvier 2023 pour le surplus des sommes dues.
Sur le préjudice matériel
Les parties ne contestent pas l'évaluation par le premier juge de ce préjudice à la somme de 1 031,27 €.
Sur le doublement du taux de l'intérêt légal
L'article
L.211-9 du code des assurances impose à l'assureur de présenter à la victime qui a subi une atteinte à sa personne, une offre d'indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, dans un délai maximal de huit mois à compter de l'accident, l'offre pouvant avoir un caractère provisionnel si l'assureur n'a pas, dans le délai de trois mois à compter de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. Un nouveau délai de cinq mois, à compter de la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation est ouvert pour l'offre définitive d'indemnisation.
Ce dispositif est assorti d'une sanction, qui réside dans le paiement d'intérêts au double du taux légal, prévue en ces termes par l'article
L. 211-13 du code des assurances : « lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article
L. 211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre où le jugement est devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur ».
M. [P] demande que la sanction prenne effet à compter du 31 août 2015, soit cinq mois après le dépôt du rapport d'expertise qui est intervenu le 30 mars 2015.
Selon le texte précité, le délai le plus favorable à la victime s'applique.
La société MAAF a formulé une offre d'indemnisation le 20 juillet 2015 à hauteur de 567 015,01 €, soit 205 088,36 € après réduction à 50 % du droit à indemnisation au titre des frais divers (990 €, soit 495 €), de l'assistance par tierce personne (21 588 € soit 10 794 €), de la perte de gains professionnels actuels (30 091,21 € soit 15 045,60 € revenant à la CPAM), des frais de véhicule adapté (3 762 € soit 1 881 €), de l'assistance par tierce personne après consolidation (129 351,30 € soit 64 675,65 €), de l'incidence professionnelle (200 000 € soit 100 000 €), des aides techniques (3 112 €), du déficit fonctionnel temporaire (11 120,50 € soit 5 560,25 €), des souffrances endurées (15 000 € soit 7 500 €), du déficit fonctionnel permanent (116 000 €soit 58 000 €), du préjudice esthétique permanent (6 000 € soit 3 000 €), du préjudice d'agrément (15 000 € soit 7 500 €) et du préjudice sexuel (15 000 € soit 7 500 €.
Or, selon l'article
R 211-40 du code des assurances, l'offre d'indemnité doit indiquer, outre les mentions exigées par l'article L. 211-16, l'évaluation de chaque chef de préjudice, les créances de chaque tiers payeur et les sommes qui reviennent au bénéficiaire. Elle est accompagnée de la copie des décomptes produits par les tiers payeurs et précise le cas échéant, les limitations ou exclusions d'indemnisation retenues par l'assureur, ainsi que leurs motifs. En cas d'exclusion d'indemnisation, l'assureur n'est pas tenu, dans sa notification, de fournir les indications et documents prévus au premier alinéa.
Au regard de ce texte, l'assureur a bien respecté son obligation puisqu'il a chiffré les préjudices en précisant la limitation d'indemnisation qu'il entendait retenir.
Le caractère complet de cette offre n'est pas contesté par M. [Z] qui concentre sa critique à cet égard sur l'offre formulée postérieurement par l'assureur dans le cadre de ses conclusions devant le premier juge au motif qu'elle ne contient aucune proposition d'indemnisation du poste incidence professionnelle.
Par ailleurs, dès lors que l'offre porte sur la somme totale de 567 015,01 € qui représente plus du tiers de l'indemnité allouée par le présent arrêt, elle ne peut être considérée comme manifestement insuffisante.
En conséquence, cette offre, présentée dans les délais, complète et suffisante justifie rejet de la demande de doublement du taux de l'intérêt légal.
Le jugement est donc infirmé sur ce point mais également sur la condamnation de l'assureur à régler la pénalité de l'article
L 211-14 du code des assurances au profit du Fonds de garantie.
Sur les demandes annexes
La société MAAF, qui succombe partiellement dans ses prétentions et qui est tenue à indemnisation, supportera la charge des entiers dépens d'appel.
L'équité justifie d'allouer à M. [P] une indemnité de 4 000 € au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.
Par ces motifs
La Cour,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Confirme le jugement, hormis sur le montant de l'indemnisation de la victime et les sommes lui revenant, ainsi que sur les pénalités prévues par les articles
L 211-13 et
L 311-14 du code des assurances ;
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
Condamne la société MAAF à payer à M. [Z] [P], les sommes suivantes :
- 225,20 € au titre des dépenses de santé actuelles,
- 2 717 € au titre des frais divers,
- 3 946,22 € au titre de la perte de gains professionnels actuels,
- 27 900 € au titre de l'assistance par tierce personne temporaire,
- 477 594,18 € au titre de la perte de gains professionnels futurs,
- 50 000 € au titre de l'incidence professionnelle,
- 42 852,86 € en capital, outre une rente viagère d'un montant de 1 170 € par trimestre, indexée conformément aux dispositions de l'article 434-17 du code de la sécurité sociale et dont le versement sera suspendu en cas d'hospitalisation de plus de 45 jours, au titre de l'assistance par tierce personne permanente,
- 28 899,25 € au titre des aides techniques,
- 46 841,93 € au titre des frais de véhicule adapté,
- 12 987 € au titre du déficit fonctionnel temporaire,
- 20 000 € au titre des souffrances endurées,
- 119 000 € au titre du déficit fonctionnel permanent,
- 8 000 € au titre du préjudice esthétique permanent,
- 20 000 € au titre du préjudice d'agrément,
- 20 000 € au titre du préjudice sexuel,
- 1 031,27 € au titre du préjudice matériel,
le tout sauf à déduire les provisions versées et, pour les sommes en capital, avec intérêts au taux légal à compter du 11 avril 2018 à hauteur de 566 758,71 € et du 26 janvier 2023 pour le surplus des sommes dues, et capitalisation des intérêts dans les conditions fixées par l'article
1343-2 du code civil,
- une indemnité de 4 000 € sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile pour les frais exposés en appel ;
Déboute M. [P] de sa demande de doublement du taux de l'intérêt légal ;
Dit n'y avoir lieu de condamner la société MAAF au paiement de la pénalité prévue par l'article
L 211-14 du code des assurances ;
Condamne la société MAAF aux entiers dépens d'appel et accorde aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article
699 du code de procédure civile.
Le greffier Le président